Le Louvres a la très bonne habitude de donner carte blanche de temps à autre à un talentueux dessinateur de BD. J’avais adoré l’histoire un peu folle racontée par Nicolas de Crécy, j’ai donc sauté sur l’occasion de découvrir le travail d’Yslaire et de Jean-Claude Carrière sur un de mes musées préférés.
1793. La Révolution Française bat son plein, la Terreur s’annonce, le musée du Louvres ouvre ses portes. Dans deux des salles de l’immense château, David peint la Révolution. C’est à lui que Robespierre demande de représenter le concept d’Être Suprême qu’il vient d’inventer et qui sera célébré. Alors que le peintre chercher désespérément un modèle pour cet être suprême, Jules Stern, un jeune homme venant de Khazarie le trouble au point finir par l’obséder.
Bernard Yslaire et Jean-Claude Carrière ont choisi de s’intéresser à une période passionnante de l’histoire du musée du Louvres : le moment de sa naissance, au cœur des troubles et des violences de la Révolutions française. En quelques pages, ils croquent l’atmosphère ensanglantée des rues de Paris, la fièvre populaire, l’espoir immense qui porte la population et les dissensions qui commencent à déchirer les rangs des révolutionnaires et vont amener à la Terreur. Vingt chapitres successifs brossent par petite touche le portrait de la Révolution dans ses interrogations et ses excès. C’est passionnant de voir cela mis en image.
La période est vue avec beaucoup de pertinence, sans aucune pesanteur : on voit se dérouler la tragédie par le petit bout de la lorgnette, en partageant l’intimité de David et de ses proches dont Robespierre. Elle s’entremêle avec l’obsession grandissant de David pour un modèle, un très jeune homme mystérieux, Jules Stern, obsession qui va le mener au pire. Cet aspect de l’histoire est romantique, très romantique, tout en exaltation, en grandes envolées, en sentiments exacerbés. Et c’est ce qui, finalement, m’a déplu. Ce n’est aucunement un reproche quand à la qualité du scénario et du dessin, juste mes goûts qui ne m’ont jamais portés vers le romantisme et, je crois, ne m’y porteront jamais. J’ai trouvé David l’exalté crispant, l’attitude des personnages parfois un peu outrée, les grandes envolées un brin pénibles.
Reste la qualité du dessin, magnifique, plein de détails, oscillant entre croquis et dessin achevé, avec pour seul regret un sentiment de « plat » en ce qui concerne les couleurs. Il y a des planches fascinantes, comme celle qui présente l’ouverture du musée du Louvres, qui montre l’accrochage des toiles, le fourmillement du public…On peut même jouer à reconnaître les toiles !
Et puis la réflexion sous-jacente, fondamentale, sur les rapports de l’art et du pouvoir. Après avoir été le peintre d’une élite, David devient le peintre de la Révolution : pour lui, la peinture doit être porteuse des valeurs de la République. Jusqu’à ce que Révolution et Terreur révèlent leurs failles et qu’il lui faille trouver un nouvel idéal pour assouvir son besoin d’absolu, un nouvel idéal qui se révélera aussi friable que l’ancien. Le suivre faisant face aux aléas de l'histoire est passionnant.
Au final ? Une belle balade dans les couloirs du Louvres et les méandres de la Révolution Française. A ne pas manquer !
Merci à Véronique pour cette belle découverte!
Yslaire, Bernard, Carrière, Jean-Claude, Le ciel au-dessus du Louvres, Futuropolis, Musée du Louvres, 2009, 3.5/5