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Dracula - Bram Stoker

 

Cela ne devait être qu’une mission professionnelle, exotique, certes, puisque l’emmenant dans les Carpates, mais sans rien de particulier. Pourtant, au fur et à mesure qu’il se rapproche du château du comte Dracula, Jonathan Harker est pris d’un étrange sentiment d’angoisse. La faute sans aucun doute aux superstitions locales, à la peur manifeste des autochtones, à l’étrangeté du château du comte et à celle de son hôte qui se révèle petit à petit jusqu’à l’emmener aux portes de l’horreur et de la folie.
Pourtant, Jonathan survit et retrouve sa fiancée, Mina Harker qu’il épouse, sans savoir que dans son entourage, d’étranges événements sont survenus et ont touché son amie intime, Lucy. Gravement atteinte par une mystérieuse maladie, celle-ci décède sans que son fiancé Arthur Goldming, les amis de celui-ci, le docteur Jack Sewald et Quincey Morris, ni le célèbre professeur Van Helsing à qui il avait été fait appel en dernier recours puissent faire quelque chose. Mais Van Helsing sait ce qui a tué Lucy et va emmener Goldaming, Seward, Morris et les Harker sur la piste de quelque chose qui n’est pas censé exister : un vampire.
 
Si Bram Stoker n’a pas inventé le vampire, il n’en reste pas moins celui qui a créé, à partir du riche terreau antérieur (folklore, superstitions, travaux scientifiques et philosophiques, et oui), le mythe moderne du vampire. Et avec Polidori, LeFanu, et quelques autres, le père d’un genre dont le succès ne s’est jamais démenti. Autant dire que pour les amateurs de littérature vampirique, c’est un indispensable ! Vous me direz, il s’avère parfois que les indispensables sont diantrement enquiquinants pour ne pas dire littéralement soporifiques. Certes. Mais Dracula n’est pas seulement un indispensable. C’est aussi un très bon roman d’aventure.
Pour construire son intrigue, Stoker n’a pas utilisé un récit linéaire des événements, mais un ensemble d’échanges épistolaires, d’extraits de journaux intimes qui lui permet de croiser les points de vue de manière fluide et de donner un tableau progressif et complet des événements dont nos héros sont les témoins et les acteurs. Plus que cela d’ailleurs, c’est l’occasion d’une plongée dans leurs pensées intimes qui se révèle assez passionnante. Il faut dire que Stoker a choisit ses personnages : un futur lord ayant vécu moult aventures, un pistolero américain, un psychiatre, une jeune femme à l’intelligence acérée, un clerc de notaire qui cache sous des abords conventionnels un courage sans faille ! Et que dire du professeur Van Helsing et de ses connaissances pour le moins approfondies du monstre qu’ils traquent pour venger la pauvre Lucy.
Il est vrai cependant que le roman est empreint des conventions littéraires et sociales de son époque. Il n’est qu’à voir la place donnée à Mina Harker et la manière dont son intelligence est considérée comme masculine par ces messieurs… Et que Bram Stoker ne s’est pas franchement encombré de petites choses comme la cohérence. J’ai remarqué plusieurs petites bizarreries dans l’enchaînement des événements, et dans le comportement des personnages mais comme rien de tout cela ne nuit au plaisir de la lecture, ce n’est pas fondamental ! D’autant que ces quelques petites incohérences ne sont rien face au travail de titan accompli par l’auteur !
 
Mais revenons au vampire lui-même. Là où Stoker a fait date, c’est en fixant pour les siècles à venir les caractéristiques principales de ce monstre. Quelque part, quand on dit aujourd’hui qu’un roman réinvente le mythe du vampire, c’est au mythe version Stoker qu’on fait référence : le mort-vivant qui se nourrit du sang des vivants,  ne meurt pas, dont le pouvoir cesse au lever du soleil, qui peut se rendre maître de certains éléments, se faire obéir de certains animaux, se rendre immatériel, se grandir ou se rapetisser… Bon, autant mettre un extrait !
 
« Il est prisonnier, plus qu'un homme condamné aux galères, plus qu'un fou enfermé dans un cabanon. Aller là où il a envie lui est interdit. Lui qui n'est pas un être selon la nature, il doit cependant obéir à certaines de ses lois - pourquoi, nous n'en savons rien. Toutes les portes ne lui sont pas ouvertes ; il faut au préalable qu'on l'ait prié d'entrer ; alors seulement il peut venir quand il le désire. Son pouvoir cesse, comme d'ailleurs celui de toutes les puissances malignes, dès les premières lueurs de l'aube. Il jouit d'une certaine liberté, mais en des moments précis. S'il ne se trouve pas à l'endroit où il voudrait être, il ne peut s'y rendre qu'à midi, ou au lever, ou au coucher du soleil (...). Ainsi, tandis que le vampire peut parfois accomplir sa propre volonté, pourvu qu'il respecte les limitations qui lui sont imposées et se confine dans son domaine : son cercueil à lui, son enfer à lui, ou encore dans un endroit non béni (...) ; et encore ne peut-il se déplacer qu'à des moments bien précis. On dit aussi qu'il ne peut franchir des eaux vives qu'à marée haute ou lorsque la mer est étale. Et puis, il y a des choses qui lui ôtent tout pouvoir, comme l'ail, nous le savons assez ; comme ce symbole, ma petite croix d'or, devant laquelle il recule avec respect et s'enfuit. Il y en a encore d'autres (...) : une branche de rosier sauvage, posée sur son cercueil, l'empêche d'en sortir, une balle bénite que l'on tirerait sur son cercueil le tuerait et il deviendrait alors un mort véritable. Quant au pieu que l'on enfonce dans son cœur, nous savons qu'il lui donne également le repos éternel, repos éternel qu'il connaît de même si on lui coupe la tête. Il ne se reflète pas non plus dans les miroirs et son corps ne fait pas d'ombre. »

Une bien étrange créature qui donnerait presque (j'insiste sur le presque) envie par certains côtés de goûter à cette vie éternelle et qui reste terrifiant par d'autres. A travers elle, c'est toute un réflexion sur la mort, l'immortalité et la vie éternelle qui attend le lecteur. La non-vie est un état fascinant, d'autant plus fascinant qu'on ne trouve aucune explication à son origine et qu'elle est une figure de la liberté. Je vous rassure, je ne suis pas devenue folle! Il me semble simplement que malgré les limitations que lui impose sa nature, Dracula est plus libre que les humains, dans le sens où il est capable d'accomplir ce qu'il désire, et par là même, est destiné au mal. Plus de moral, plus de barrières sociales ou religieuse: juste la puissance et la force de l'instinct comme porte ouverte à l'horreur (séduction, meurtre, etc.). Le vampire serait presque une sorte de figure repoussoir ou catharsique. Ceci dit, je m'égare sans doute!

Je m'arrête là! Vous aurez deviné sans peine que j'ai aimé et que je compte bien poursuivre ma découverte de la littérature vampirique, à commencer par ces classiques que je n'ai pas encore lus!

Au prochain épisode, Dracula l'immortel!

 

Caro[line] m'a précédé!

 

Stoker, Bram, Dracula, Pocket, 2002, 4.5/5

Commentaires

  • Je compte bien le relire avant de "m'attaquer" à la suite. Mes souvenirs sont maintenant flous si ce n'est que j'avais beaucoup aimé.

  • Ah, je viens de dévorer Dracula L'Immortel, j'ai hâte de connaître ton opinion.
    PS : la sexytude du vampire n'est plus une question mais une réponse :))

  • Mon chouchou!! :)

  • Je sens que je vais le relire pour pouvoir lire cette fameuse suite !

  • j'aimerais bien le découvrir aussi :))

  • A mon sens le roman de Bram Stoker est d'un autre niveau que la suite de Dacre Stoker et Ian Holt qui, si elle n'est pas non plus catastrophique (loin de là), perd beaucoup en style et en ambiance.

    J'ai chroniqué il y a bien longtemps le roman de Stoker (c'est la première chronique sur mon site) : http://blog.vampirisme.com/vampire/?2-dracula-de-bram-stoker, quant au Dacre Stoker, j'en ai achevé la lecture il y a peu http://blog.vampirisme.com/vampire/?583-stoker-holt-dracula-immortel

    En tout cas je salue votre chronique détaillée et recherché du roman initial.

  • Il est dans ma PAL, il faut que je le lise! Comme toi, j'ai très envie de découvrir cette littérature vampirique :)

  • Tu en parles tellement bien que tu me donnerais envie de le relire, pour lui laisser une seconde chance !

  • Même si je l'ai lu il y a longtemps maintenant et que j'en ai oublié beaucoup, je garde le souvenir d'une atmosphère trés particulière. J'avais beaucoup aimé bien sûr et les différents billets lus à son sujet aussi bien qu'au sujet de la suite imaginée par l'arrière petit neveu de Bram Stoker, me donne envie de le relire.

  • @ Bladelor: je suis contente d'avoir enchaîné les deux! C'est vrai qu'on oublie beaucoup les détails des romans au bout de quelques années!
    @ Emmyne: c'est vrai! Séducteurs en diable n'est-ce pas? La réponse demain!
    @ Béné: je suis très contente d'avoir fini par le lire!
    @ Stéphie: ça vaut le coup de lire les deux à la suite. Ca permet la comparaison!
    @ Vladkergan: voilà qui me donne l'occasion de vous dire que j'apprécie votre blog même si je n'y commente pas!! Une mine d'or sur le sujet! Mon billet sur Dracula l'immortel est prévu pour demain! Et je suis assez d'accord sur certains points avec vous: le style est moins bon, l'ambiance n'est plus guère gothique, mais je dois dire que j'ai passé un bon moment en compagnie de cette version! Il y a de bonnes idées!
    @ Bouh: le vampire est un personnage fascinant et j'avoue bien aimé découvrir les variations et les trouvailles des auteurs qui ont suivi Stoker! Me reste à explorer un peu plus les récits classiques!
    @ Ersébeth: une autre chance pour ce pôvre Dracula incompris?? Si tu fais ça, je te fais des muffins! Avec du chocolat dedans!
    @ Isabelle: c'est le genre de roman difficile à oublier c'est certain! Je connais assez mal les romans gothiques, mais si l'ambiance est similaire, je ne vais pas tarder à craquer!

  • Eh bien, en ce qui me concerne, il va falloir que je découvre le "Dracula" de Bram Stoker parce que la suite m'a donné très envie de lire l'original ... Et ton billet me confirme la qualité de ce roman cultissime ! J'espère que tu aimeras "Dracula, l'Immortel" comme tu as aimé celui-ci ...

  • Je l'ai lu il y a très peu de temps et j'ai énormément aimé. C'est d'ailleurs un de mes coups de coeur 2009.

  • Je l'ai lu il y a quelques mois déjà et j'ai apprécié!! l'ambiance surtout m'avait plu et le côté très sensuel du vampirisme!! par contre commençant vivement à vouloir devenir une érudit question vampire, si Bram n'a pas inventé le mythe du vampire! quels ont été les premiers romans mentionnant ce thème?? tu sais toi?? je connais La morte amoureuse de Théophile Gautier mais y en a t-il eu avant lui?

  • @ Nanne: les deux sont très différents, et je dois dire que l'ambiance victorienne de Dracula m'a un brin plus enthousiasmée! Mais j'ai aimé aussi Dracula l'immortel! J'espère que le chemin inverse te satisfera aussi!
    @ Malorie: un très bon roman!
    @ Lael: c'est amusant comme le vampire est vu comme sensuel. Sang, sexe et mort, un cocktail explosif! Le Carmilla de LeFanu a précédé Dracula, il y a auss un texte de Polidori, un texte de Tolstoï (pas Léon, Alexandre si je me souviens bien) et quelques autres encore!

  • Bientôt fini mais j'ai quand même du mal à comprendre en quoi Dracula est un enfant aux yeux de ses poursuivants. Je ne vois rien d'enfantin en lui. J'ai du louper quelque chose. cette lecture est à tout point de vue fascinante.

  • Je suis en train de le lire et qu'est-ce que je me régale!! Un vrai petit bijou du genre... Je vais de ce pas lire ton billet sur la suite à laquelle je risque d'avoir du mal à résister!

  • @ Laetitia: je pense que c'est parce qu'au fur et à mesure qu'il voyage et affronte ses adversaires, Dracula devient de plus en plus conscient de ses forces et apprend à les utiliser! Ceci dit, je trouve ça un brin arrogant de la part de Van Helsing!
    @ Pimprenelle: c'est un bon travail, mais c'est vrai qu'on n'y retrouve pas la patte Stoker!

  • oui c'est ce que suggère Van Helsing au groupe mais tout de même c'est un peu gros. Le type est sur terre depuis le XVème et il se découvrirait des pouvoirs grâce à cette traque. Mouais... Je vais pas me mettre à chipoter ^_^ mais c'est vrai qu'à cette époque, les mentalités n'étaient pas les mêmes. Il n'y a qu'à voir les répliques que donne Stoker à Van Helsing concernant la fragile Mina et son pauvre cerveau qui ne s'en remettra si ils lui révélaient les moindres détails de la traque.

  • @ Laetitia la liseuse: c'est un des aspects qui m'a agaçée même si j'étais consciente que l'époque le voulait!!

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