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Expiation

 

L’été 1935. Alors que la canicule écrase l’Angleterre, Briony Tallis, 13 ans, vit la fin de son enfance et tente de déchiffrer comme l’écrivain qu’elle sait être, le monde qui l’entoure et les relations étranges qui se nouent entre les adultes. Mais son immaturité va provoquer une tragédie.
 
Expiation est un roman phénoménal, un de ceux dont on sait au bout de quelques pages, voire de quelques lignes qu’il va vous emporter. Superbement écrit, superbement construit, il est tour à tour glaçant, terrifiant, déconcertant, inconfortable. Pourtant tout commence dans une certaine sérénité : un été anglais caniculaire, la campagne anglaise écrasée sous la chaleur, une réunion de famille qui se prépare. Ian McEwan excelle dans la description de cette propriété de famille avec son lac, son petit temple, la maison si laide. Par petites touches, il dresse le décor, le donne même à sentir. Puis, au fur  et à mesure que l’on découvre la famille Tallis et ceux qui les entourent, la tension croît. McEwan est un naturaliste, en tout cas un peintre habile des caractères humains. Emily, Cécilia et Leon Tallis, Briony Tallis les cousins Quincey, Paul Marshall, Robbie Turner et sa mère Grace, tous sont décrits de manière magistrale et surtout, neutre. Quelques touches, quelques traits et c’est un être humain dans toute la complexité de ses réactions qui se dresse devant le lecteur. Aucun jugement chez McEwan, juste les ressorts des caractères et des comportements humains. De là sans doute ce sentiment de malaise qui croît au fil des pages. Le récit est à la fois intense et étrangement détaché, sensuel et glacé.
C’est Briony Tallis qui est au centre des quatre parties du roman. Dans la première, c’est une enfant encore, détestable dans son arrogance et ses certitudes. Si certaine de comprendre les adultes qui l’entourent, si certaine de son talent d’écrivain et de sa découverte d’une maturité nouvelle. Briony a le sentiment d’être devenue adulte en ce jour. Et pourtant… Mc Ewan décortique les mécanismes qui vont la mener au mensonge et au crime qui va la poursuivre sa vie durant : avoir détruit la vie de sa sœur et de Robbie Tyler. Mais peut-on expier un tel crime?

L'art de McEwan se révèle avec brio dans la suite de son récit. Partagé entre le point de vue de Robbie, et celui de Briony devenue élève infirmière, c'est une réflexion sur la culpabilité et le remord, et une description percutante de la guerre. Nous sommes en 1940, l'armée britannique fait retraite vers Dunkerke. Robbie entame une longue marche dans la campagne française, allant d'horreur en horreur, de bombardement en mitraillage. A Londres, Briony entame un apprentissage sévère et presque violent dans l'atmosphère d'attente et d'angoisse engendrée par cette guerre qui s'annonce et qui va faire irruption avec brutalité dans le quotidien hospitalier. Le lecteur se retrouve immergé dans l'apocalypse de la guerre au point de ne presque pas noter les petits détails discordants, les décalages presque imperceptibles qui seront soudainement mis en lumière dans un dénouement estomaquant qui interroge l'art de la fiction.

Expiation est certes l'histoire d'un drame familial, l'histoire d'une passion amoureuse, l'histoire d'une quête de pardon, l'histoire d'une guerre, mais c'est aussi, et surtout, à travers le personnage de Briony, une réflexion magistrale sur la fiction, le pouvoir de l'écrivain et ses limites. C'est vertigineux aussi de suivre Briony dans l'éveil de son talent et de sa vocation d'écrivain. Quand encore enfant elle provoque l'emprisonnement de Robbie, c'est aussi pour avoir voulu écrire le monde qui l'entoure et le plier aux règles romanesques qu'elle ressent comme réelles. Quand elle écrit son journal à Londres, elle fait de son quotidien une matière romanesque. Quand âgée elle vient de terminer son dernier roman, elle révèle comment l'écrivain peut réécrire le monde et des destins, les rendre autres et cela pour aussi longtemps que son récit ne tombera pas dans l'oubli. Sans jamais pouvoir, pourtant, changer ce qui est advenu et qui a été provoqué autant par le caractère fantasque d'une enfant que par une société prompte à condamner et à garder sous une chape de silence ses aspects les moins reluisants. Sous-jaçante au récit, la critique sociale est bel et bien présente: vie familiale, prégnance des hiérarchies sociales, bonnes manières et conventions cachant mal les pulsions et les crimes, ...

C'est donc, vous l'aurez compris, un coup de coeur et la découverte d'une plume absolument magnifique qui excelle dans la description psychologique, dans la manipulation du lecteur.


L'avis de Lilly, de Fashion, EmjyRestling, ...

Ps: ne surtout pas visionner le film avant de lire le roman!! Encore que ce soit le film qui m'ait poussée à acheter le roman!

 

McEwan, Ian, Expiation, Gallimard, Folio, 2005, 5/5
 

Commentaires

  • Ah, j'ai vu le film, que j'ai chroniqué un peu trop durement. Et j'ai Délire d'amour dans ma PAL... il faudra que je le fasse un peu remonter dans la pile!

  • Un livre que j'ai dévoré!

  • D'accord avec tout. Il te reste à lire "Délire d'amour", excellentissime, tout comme Choup d'ailleurs...

  • Le film ne m'avais pas vraiment donné envie de lire le livre... Il faut dire que je l'ai vu dans de mauvaises conditions!
    Mais donc, puisque je suis en ce moment dans une cure de romans anglais, je pourrait bien l'ajouter assez vite!

  • Difficile de résister à ta présentation !

  • C'est un grand roman (pas vu le film, et pas très envie de le voir en fait...). Comme Ys, j'ai adoré aussi "Délire d'amour", impossible de le lâcher.

  • oh! j'ai adoré ce livre aussi, et j'ai été déçue par son adaptation cinématographique. Je l'ai lu en poche, comme celui que tu présentes, et je l'ai acheté pour la couverture... euh... je note délire d'amour;)

  • @ Choupynette: retrospectivement, le film me paraît vraiment léger par rapport au roman! Mais d'un autre côté, c'est ce qui m'a donné envie donc je ne peux pas trop jeter de cailloux! :-)
    @ Keisha: un petit bijou! Mais un peu dur pour le moral quand même!
    @ Ys: il va falloir que je fasse quelque chose pour ce Délire d'amour!
    @ Mo: il vaut le coup!
    @ Marie: c'est le principal qu'il soit difficile de résister! :-)
    @ Rose: +2 pour Délire d'amour!
    @ Sylvie: elle est superbe cette couverture! Tout à fait adaptée au contenu pour une fois, sobre et classe! Je l'aime beaucoup! Et pour en revenir à l'adaptation, ce n'est pas qu'elle soit foncièrement mauvaise, mais j'avais trouvé le film un brin longuet et maintenant je m'aperçois à quel point il ne rendait pas justice au roman!

  • J'ai beaucoup aimé le film et depuis j'ai trrrès envie de lire le livre, de toute façon c'est comme ça que j'aime l'ordre d'abord le film (toujours plus léger) ensuite le livre et ensuite re le film (et parfois ensuite re le livre mais bon c'est quand je fais ma crise compulsive) :-)))

  • @ Yueyin: je ne l'avais pas aimé plus que ça mais bon! Au moins ça m'a valu de lire le roman! Et je suis tout pareil, je préfère voir le film d'abord, sinon je suis toujours atrocement, que dis-je, abyssalement déçue!

  • J'ai adoré ce roman, qui m'a réconcilié avec cet auteur dont "Le jardin de ciment" m'avait traumatisée.

  • Reçu récemment lors du swap Books inside, il ne devrait pas tarder à faire partie de mes lectures. Je ne lis donc ce billet qu'en diagonale...

  • Maintenant, il faut que tu lises "On Chesil Beach", "Le Jardin de Ciment", et "Amsterdam" ;o)

  • Tu me donnes envie de la lire, mais j'ai peur de ne aps supporter la partie sur la guerre.

  • J'ai adoré le film ! Mais du coup, je connais déjà toute l'intrigue. :/

  • Je viens de démarrer ce livre. Au bout d'une quarantaine de pages, j'avoue que pour l'instant ça ne déchaine pas l'enthousiasme. Briony monte sa pièce de théâtre, il fait chaud, on s'ennuie un peu. Mais ton billet me donne envie de poursuivre et de savoir quelle est cette tragédie qui va se produire et ce dénouement inattendu. A la lecture de ton billet quelques idées me viennent, tu as piqué ma curiosité. Je continue donc, en espérant que je ne serai pas déçue. :))

  • Bonjour chiffonnette, c'est à ce jour, le roman de McEwan que je préfère. Le film n'est malheureusement pas à la hauteur. Je l'ai trouvé plus mièvre. L'univers de McEwan est cruel. Bonne fin d'après-midi.

  • @ Manu: j'ai beaucoup entendu parler de ce jardin de ciment! Il a été adapté aussi au cinéma non?
    @ Yohan: j'ai hâte de lire ton avis!
    @ Lilly: noté! Il y en a déjà même un sur ma PAL VO!! :-)
    @ Edelwe: elle est dure, mais pas particulièrement sanglante. C'est plus l'atmosphère lourde à souhait en fait qui est comme un coup de poing!
    @ Leiloona: mais c'est tellement meilleur quand c'est écrit! :-))
    @ Didouchka: j'espère aussi que tu ne seras pas déçue! J'ai eu un peu de mal à démarrer, mais une fois lancée...
    @ Dasola: très cruel! Mais vraiment frappant! Je vais poursuivre avec curiosité la découverte de osn oeuvre!

  • Excellent billet. Je l'ai lu dernièrement et il me hante encore ! Une histoire vraiment puissante.

  • Quel beau billet qui rend parfaitement hommage à ce très beau livre !

  • Oups, j'ai vu le film, qui m'a donnée effectivement envie de lire le livre. Et surtout je lis aujourd'hui ta très belle chronique ;-)

    comment résister?

  • @ Theoma: merci Theoma! J'ai eu du mal à le rédiger comme souvent avec ce genre de roman très fort! Je pense que je ne vais pas oublier Briony de sitôt!
    @ Restling: merci, ça me fait très plaisir! Surtout que, comme je le disais à Theoma, c'est toujorus difficile d'écrire sur un roman aussi superbe!
    @ La Nymphette: il ne te reste plus qu'à céder! Pas le choix! :-)

  • Contrairement à Choupy, j'ai aimé le film. Il faudra que je lise le roman un de ces 4;)

  • @ Anjelica: j'avoue que le film ne m'a pas laissé un souvenir impérissable! Mais bon, il m'a lancé à la découverte de McEwan!

  • D'après Choupynette, c'est que le film est bien moins bon mais comme je n'ai pas lu le roman, je ne peux faire de comparaison.

  • Là-dessus elle a raison! On y retrouve en partie l'ambiance du roman, mais le style de McEwan est beaucoup, beaucoup plus percutant!

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