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La servante écarlate

 

Defred est une servante écarlate. Dans la république théocratique de Giléad, elle est de celles dont la matrice a été déclarée ressource nationale. Une esclave parmi des esclaves. Car en un éclair, les femmes ont perdu tous les droits acquis par leurs mères, à commencer par celui de décider de leur destin.  A travers son journal intime, Defred donne à voir ce monde dans lequel elle vit, où toute entorse à la règle religieuse est punie de mort, mais où, comme dans tout régime tyrannique, les déviances n'en sont que plus réelles.

Si l'utopie donne à voir un monde meilleur, la dystopie, elle, raconte le pire. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Margaret Atwood offre un roman d'une force rare. Par la voix d'une femme, elle raconte la violence faite aux femmes, ou plutôt, elle sythétise toute l'horreur de la condition féminine. Dans la république de Giléad, les femmes sont réduites à leur seule fonction de reproductrices, d'animal à qui la pensée est interdite. Pas d'école, pas de lecture, pas d'écriture, pas de travail, pas de compte bancaire, juste un voile et un vêtement d'une couleur qui définit leurs statut: épouse, martha destinées à servir, servantes écarlates vouées à la reproduction, ... Seule reste la liberté de penser de celles qui ont connu l'avant, le temps de la liberté. Dans de constants aller-retour entre son présent et ses souvenirs, Defred raconte la basculement, les pensées de la femme et de la mère libre qu'elle a été et qui a vu son monde chavirer, et son époux si peu comprendre sa détresse, les hurlements de désespoir et de haine contenus de l'esclave qu'elle est devenue pour échapper à la déportation en zone irradiée. Chacun de ses mots glace un petit peu plus. Car Margaret Atwood n'invente rien. Ce que vit Defred ressemble fort à ce qu'ont vécu et à ce qui vivent encore les femmes dans le monde. Il suffit de se souvenir de la date à laquelle les femmes françaises ont obtenu droit de vote et droit à l'indépendance financière. Il suffit de se souvenir de ce qui se passe dans des pays comme l'Afghanistan... Elle rappelle tout simplement qu'il suffit d'un rien pour que ce que nous croyons acquis ne nous soit enlevé.

Ce sont par ces souvenirs et par sa perception du monde qui l'entoure que les mécanismes d'installation et de fonctionnement d'une tyrannie sont tout doucement décortiqués. La violence est faite aux femmes, par les hommes, mais aussi par leurs semblables. Les Tantes, chargées d'enseigner et de surveiller les Servantes écarlates, monstrueuses de sadisme en sont un exemple. Tout comme cette propagande qui veut faire croire que tout cela n'est fait que pour protéger les femmes, les rendre à la sacralité qui doit être la leur et qui n'est que règles de vertu imposées par des hommes qui ont peur des femmes. Quand aux hommes, pris dans les rets d'un gouvernement qui fait espionner ses espions, ils ne sont guère mieux lotis, réduits à se cacher pour jouer au scrabble ou rencontrer des putains affublées de ces vêtements qui ont été brûlés parce que laissant voir le corps des femmes.

La servante écarlate est un roman exigeant par son thème, pas le style de l'auteur, et par la charge politique, religieuse et symbolique dont il est porteur. C'est un coup de poing et un cri extrêment violent contre un monde capable de réduire l'humain à une machine, à l'animal qu'il est physiologiquement, et finalement, mentalement aussi. Le style d'Atwood ajoute encore à la fascination qu'exerce son oeuvre. On a envie, encore et encore, de suivre les méandes des souvenirs et des rêves de Defred, ses amours, les pas hésitants qu'elle fait pour conserver sa santé mentale et un peu de dignité. J'ai particulièrement aimé l'épilogue, qui ouvre une perspective intéressante sur le récit.

C'est une lecture salutaire, aussi essentielle que celle de 1984 et de ces romans d'anticipations qui en parlant du futur, parlent du monde dans lequel nous vivons. Un roman qui rappelle, que les mauvais genres sont aussi ceux qui parviennent avec le plus de force à ouvrir les yeux.

 

L'article de Sylvie, des critiques sur L'oeil électrique, Noosfère, le biblioblog, ...

Margaret Atwood, La servante écarlate, 5/5

Commentaires

  • Un livre à lire absolument ! Margaret Atwood a bien réussi (comme d'hab)

  • je l'ai lu il y a pff, longtemps, et j'en garde un très bon souvenir

  • @ Keisha: c'est un roman intelligent et essentiel à mon avis! Mais comme je n'ai lu que deux romans d'Atwood, je ne peux pas encore dire comme d'habitude! Ca va venir!
    @ Amanda: je pense que je ne vais pas l'oublier de sitôt, et que le souvenir que je vais en garder sera comme pour toi, bon!

  • Encore un livre que je m'empresse de noter ! :-)

  • C'est un roman dont on m'a souvent parlé, mais que je n'ai pas lu ... Le thème a (presque) toujours été d'actualité, malheureusement, que ce soit en Afghanistan, dans d'autres pays intégristes ou encore en Europe pendant la 2nd Guerre Mondiale, Chiffonnette !! Le sort des femmes sera toujours en suspend, à mon avis.

  • Margaret Atwood écrit toujours des livres dont les résumés m'intéressent et m'attirent. Malheureusement, j'ai beaucoup de mal à accrocher à son écriture et ce qui au début m'attirait devient pénible. Dommage.

  • Quel beau billet ! je le met en lien de suite! vraiment, je le trouve très précis, complet,et je partage totalement ton analyse et ton ressenti:)

  • C'est une lecture qui m'avait marquée aussi mais qui remonte! A lire assurément!

  • Un livre que je me promets de lire depuis longtemps, je recule parce que je sais que çà va me mettre dans tous mes états en pensant à la conditions féminine à travers la planète et à l'indifférence et la complicité des femmes elles-mêmes.

  • Il faut que je le ressorte de ma pile, celui-là! Il doit être enterré en quelque part et aprèsu n tel billet, difficile de résister!

  • @ Florinette: arriverons-nous un jour à avoir pitié de nos LAL? :-))
    @ Nanne: et c'est justement ce que rappelle Margaret Atwood. Que l'horreur peut survenir alors qu'on ne l'attend pas, et que baisser la garde sur les droits des femmes et leur statut dans la société est une erreur. C'est pour cela qu'à mon sens, c'est un roman essentiel.
    @ Manu: effectivement, c'est dommage, mais quand le style d'un auteur ne fonctionne pas, ce n'est généralement pas la peine d'insister!
    @ Sylvie: merci!!
    @ A girl from earth: tout à fait d'accord! A lire!
    @ Aifelle: c'est sûr qu'on n'en sort pas indemne. C'est une lecture difficile et qui reste longtemps en mémoire.
    @ Karine:): j'espère qu'il va te plaire!!

  • Très belle note sur ce roman que je viens de terminer. Sa lecture en est effectivement indispensable!!

  • @ La Nymphette: merci!! C'est pour moi un essentiel, et une belle démonstration que la science-fiction est un genre littéraire qui permet d'aborder des thèmes graves.

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