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Chiff' - Page 69

  • "C'est très joli votre majesté"

     

    Je ne sais pas vous, mais moi, pré-ado, je guettais avec délice et impatience la 395 112e diffusion dans la petite boîte étrange des aventures de Sissi et du beau Franz. Je dis pré-ado parce que maman Chiffon, de guerre lasse, a fini par offrir à sa progéniture le coffret de l'intégrale des aventures de Sissi. En VHS of course. Un truc que les moins de 18 ans ne connaissent pas, tout ça tout ça. Le cadeau du siècle pour Chiffonnette et le début d'un cauchemar pour papa Chiffon. Sissi à demeure. Visible à volonté. Glucose pary quoi. Bref, bref, bref. Tout ça pour dire que durant mes courtes vacances, il s'est passé quelque chose. En fait, plusieurs choses:

    1 - la sortie sur les écrans de cinéma de Victoria, biopic des jeunes années de la reine du même nom, avec costumes et jeune premier;

    2 - l'impossibilité de manquer ce chef d'oeuvre cinématographique;

    3 - la réapparition d'un certain coffret qui comprenait, outre l'intégralité des aventures de Sissi, celles de Victoria dans le splendide Les jeunes années d'une reine;

    4 - le constat horrifié que la cousine, présente sur les lieux du drame n'avait jamais, mais alors jamais vu Sissi. Et encore moins Victoria. La cousine a très vite compris qu'elle n'échapperait pas à Romy Schneider.

    5 - le déroulement de certaine opération littéraire de grande envergure.

    Conséquences?

    1 - une date pour Victoria nouvelle version;

    2 - le visionnage préalable de la version Romy pour pouvoir faire une comparaison scientifique des deux films;

    3 - le visionnage de Sissi pour que la cousine reparte en ayant parfait son bagage kulturel. On ne peut pas laisser certaines choses en l'état.

     

    Sissi donc. Le harlequin cinématographique dans toute sa splendeur. Une série de films absolument et totalement cultes! Souvenez-vous: la ravissante Sissi à cheval, encouragés par son père, le débonnaire et fort moderne duc de Bavière sous l'oeil faussement sévère de la duchesse. Sissi faisant le mur armée de sa canne à pêche, laquelle lui servirait quelques plans plus tard à attraper un bel empereur dans ses filets. Sissi refusant de faire le malheur de sa soeur, la douce Hélène. Sissi descendant le Danube dans le bateau nuptial. Que du bonheur! Et puis la scène des parlementaires hongrois! Et puis celle d'Italie!! De l'émotion à l'état brut!

    Mais revenons à l'analyse. Car ce n'est pas tout ça, mais ce billet se veut, rappelons-le, hautement scientifique. Si, si! Quid de la vision de l'amour dans Sissi? Et dans Les jeunes années d'une reine? Analysons, analysons.

     

    - Le cadre: palais, palais, palais... Forcément, nos demoiselles sont princesses royales et/impériales, c'est au choix. Elles ne vivent donc pas n'importe où. Non mais! Dorures, guéridons, , colonnades, salles de bal sont donc le décor obligé de leurs aventures. Attention toutefois, ces jeunes femmes ne sont pas seulement des poupées de salon! Sissi par exemple, grandit à la campagne dans une immense maison peuplée d'enfants et d'animaux, sous le regard débonnaire d'un duc de Bavière prompt aux bêtises et le regard bienveillant quoique plus sévère d'une duchesse légèrement dépassée par sa progéniture! Néanmoins, lorsqu'elle consent à revenir à la civilisation, même si leurs altesses consentent à dormir dans des auberges de grand standing, le faste et l'apparat sont de rigueur! Quand à Victoria, elle n'hésite pas à aller s'encanailler dans une auberge!

    Ce qui permet au spectateur de bénéficier d'aperçus hautement sociologiques de la vie du peuple! Nous voyons donc défiler quelques paysans, un ou deux aubergistes, des gendarmes, un lot de pêcheurs, des musiciens, des badauds, etc...  Lesquels batifolent gaiment, qui dans des rues proprettes (même un maniaque en ferait des cauchemards), qui dans des auberges superbement populaires (mais toujours proprettes). Vous avez compris le principe.

     

    - Ceci étant dit, venons-en à nos héroïnes. Vous l'aurez compris, elles ne sont pas bégueules, loin s'en faut! Sissi et Victoria sont de fortes têtes. Évidemment, on a un destin ou on ne l'a pas! Pour faire face, il faut pouvoir faire des cabrioles à cheval, se promener dans la forêt seule avec un superbe empereur, organiser une évasion, sauter par les fenêtres, maîtriser un maître de danse, monter des réseaux de contrebande. Pas moins. Pouvoir faire face à une méchante belle-mère ou une mère abusive est un plus sur le CV. Elles restent malgré tout cela douces et naïves, jolies fleurs cueillies en plein vol et par surprise par l'annonce d'un mariage ou l'amûr. Mais bon, comme elles sont fortes têtes, elles vont très bien s'en sortir.

     

    - Ces messieurs maintenant. Franz... Ah le beau Franz. Bon, d'accord, maintenant je préfère Christian. Ou David. Ou Daniel même si vous insistez. Mais à cette époque bénie, Franz et ses cheveux gominés. Son sourire ravageur. Son uniforme. Quel homme! N'hésitant pas à suivre une belle inconnue (qui est sa cousine, autant pour l'aventure), affrontant sa mère pour les beaux yeux de sa dulcinée, avançant à grand pas vers le mariage malgré les obstacles (dans l'ordre donc, une mère abusive et future méchante belle-mère, une quasi-fiancée qui est la soeur de la dulcinée, une dulcinée amoureuse mais loyale à sa soeur, un bal, un repas d'apparat, des roses rouges). Et travailleur avec ça! Tous les jours à 5h à son bureau!

    Et Albert alors! Prêt à la fuite pour éviter le mariage arrangé! Valseur émérite! Même capable d'allumer un feu! Et de faire preuve d'autorité avec les valets! Tant de capacités en un seul homme, moi je dis, tout se perd!

     

     - Vous en conviendrez, ils étaient fait pour s'entendre. Reste tout de même qu'il va falloir un peu de temps et quelques rebondissements pour que les épousailles se tiennent dans un grand envol de cloches (une télécommande réactive est à prévoir. Ou alors un rdv chez votre ORL en prévision si vous ne pouvez pas baisser rapidement le son) et de dentelles. Ah oui, et de tapis rouges. Je ne sais pas pourquoi, mais les tapis sont toujours rouges. Bizarre.

    Enfin. Du temps donc. Parce que si elles ne sont pas contrariées, les amours ne sont pas des amours. La raison d'état s'oppose à Franz et Sissi: comment diable peut-il envisager d'épouser cette sauvageonne?! Quand à Victoria, la voilà le jouet des ambitions matrimoniales contradictoires de son entourage! Et contrainte d'épouser un prince alors qu'elle vient de tomber amoureuse de ce charmant étudiant dans la pittoresque auberge! Quelle pitié et quel tragique destin!! Heureusement, la bonne fée des princesses royales s'est penchée sur leur berceau! Et comme l'amour vainc toujours, ce sont leurs princes charmants qu'elles épousent dans une grande envolée de cloche (j'avais déjà parlé de l'envolée de cloches non?)!

     

    Vous le remarquerez donc, nous sommes dans des schémas bien connus: des héroïnes valeureuses, des héros forts et virils, des amours contrariées et un beau mariage à la fin! Les héros sont récompensés de leurs souffrances morales et tout est bien qui finit bien. Harlequin ou presque. Au cinéma. En technicolor en plus! Et disponible en VHS et DVD.

    S'il faut achever de vous convaincre, je vous livre cette réplique absolument mythique:

    " - Victoria: Baronne, je suis amoureuse!

    - La baronne: c'est très joli votre majesté."

    Totalement glucose. J'en ris encore.

    *

    *

    *

    *

     Ceci étant dit, soyons un brin plus sérieux (nan, ce n'est pas un gros mot). La saga des Sissi a été un des plus grands succès du cinéma. A sa sortie dans les années 50, Sissi  va provoquer le délire et dégager plus de recettes qu'Autant en emporte le vent en Allemagne et en Autriche. Les records d'audience sont battus partout en Europe. C'est le lancement de la carrière d'une actrice sublime.

    Laquelle déclarera plus tard: "Je hais cette image de Sissi". Sans doute à cause de cette déferlante, mais peut-être aussi à cause de l'image idéalisée de l'impératrice que donne le réalisateur, Marischka. Tous les drames, toute la complexité de la personnalité de cette femme hors du commun ont été gommés pour donner d'elle l'image lisse et rassurante d'une jeune fille qui fait face à un destin royal. Idem pour Victoria d'ailleurs. De quoi faire rêver la population féminine de l'époque: des destins de femmes courageuses, des décors superbes (on ne peut pas dire qu'on ait lésiné sur les moyens, c'est le mobilier des Habsbourg qui a été utilisé pour les décors!), des histoires d'amours qui se terminent bien, ... Et de l'humour de surcroît. Certes, parfois involontaire. Et parfois du à un fossé générationnel certain. Mais les personnages secondaires sont bien campés, les situations abordées avec un certain sens du décalage. Rien de révolutionnaire, mais de quoi au moins sourire. Si on n'est pas mort avant d'un excès d'eau de rose.

     

    Ce coup-ci, je vous laisse vraiment. Avec pour la route, deux extraits. Parce que c'est tellement, mais alors tellement bon.

    Pour Sissi, un montage de fan en musique, s'il vous plaît! Et si vous voulez regarder le film, il est sous Youtube en petits bouts!

     

    Et pour Victoria, en allemand non sous-titré svp!

     

    Et au fait, pas mal du tout le Victoria version 2009! Si l'envie vous en prend...

  • Farenheit 451

     **

    Murtag est pompier. Un pilier de la société. Un de ceux qui brûlent les livres, ces fléaux de l'humanité. Il accompli fièrement sa tâche, jusqu'au jour où une rencontre fait voler en éclat sa belle sérénité et le pousse à ouvrir un de ces objets interdits...

    Farenheit 451, la température à laquelle le papier prend feu. Un titre lapidaire, un peu mystérieux qui dit pourtant tout de ce roman percutant et essentiel. C'est peu de dire qu'on ressort de la lecture de Farenheit 451 terrifié et lessivé.  Ray Bradbury emmène son lecteur très loin dans une réflexion sur la censure, la culture de masse, la perte de valeurs et de sens.

    Il imagine une société totalitaire. Son objectif, le bonheur pour tous, le respect de l'individu et de ses particularités. Une façade, un discours qui cachent un monde devenu vide et absurde. Difficile de ne pas faire le lien avec les régimes communistes par exemple: le travail collectif, l'utilité sociale érigée au rang de valeur centrale *, au point que peu importe le travail, pourvu qu'il s'agisse de travail. Balayer une rue quand les ordures ne peuvent être enlevées, creuser des trous qui ne serviront à rien...

    Dans le monde de Bradbury, ce n'est pas par le travail que le vide est caché, mais par l'image, l'information. L'image comme moyen de couper court à toute réflexion et de rendre supportable un individualisme qui a mené à un isolement extrême des individus. Isolement rarement physique, mais moral et sentimental qui est proprement terrifiant. Le salon de Montag dans lequel se réfugie toute la journée sa femme prend des allures de prison librement consentie. Des murs écrans qui diffusent toute la journée information et émissions, et qui créent une famille. Des êtres virtuels qui discutent, commentent, donnant à cette femme l'illusion d'être entourée et qui comblent pour un temps le vide qui l'habite, sans pouvoir masquer totalement le malaise et le mal de vivre. Le bonheur censé être apporté par ce système social est factice. On vide les êtres humains de leurs émotions, de leurs sentiments, de la préoccupation de l'autre. Le malaise, profond, est masqué par le flot permanent d'informations, flot qui empêche de penser, de réagir, de ressentir. Le monde de Montag est un monde de morts-vivants.

    Bien avant l'heure (1953), Bradbury parle des dangers d'une société de l'information et de l'image, des dangers du virtuel et des dépendances qu'il induit, offrant un texte qui reste d'une actualité frappante.

    Mais il ne s'arrête pas là. Il trace par petites touches le portrait d'un monde devenu glacial: il y a les murs écrans, et puis ce limier qui traque sans aucune merci les déviants et donne leur mise à mort en spectacle à une foule avide d'images sensationnelles. Il y a cette jeunesse qui fait des courses dans des engins ultra-rapide, quitte à mourir, quitte à tuer, parce qu'il faut bien se sentir exister quand il n'y a plus rien pour donner du sens.

     

    Dans ce monde, les livres qui brûlent. Ce n'est pas tant le fait qu'il brûlent qui importe, que la raison pour laquelle ils brûlent et la manière dont ils brûlent.

    Ils brûlent parce qu'ils sont considérés comme un fléau, comme un danger pour la paix et la tranquillité d'esprit de l'humanité. Rien de bien original, toutes les dictatures et les régimes totalitaires ont procédé à des autodafés.

    Ils brûlent sans que personne ou presque ne s'insurge parce que, petit à petit, les gens ont délaissé les livres pour trouver leur plaisir dans les images, dans des divertissements autres et plus faciles. Ils brûlent dans l'indifférence. Et c'est sans doute le plus terrible. 

    " Il ne me reste plus qu'à rappeler la prédiciton que Beatty, mon capitaine des pompiers faisait en 1953 au milieu de mon roman. Elle avait trait au fait qu'il n'est pas nécessaire re recourir aux allumettes ou au feu pour en finir avec les livres. Car à quoi bon les brûler si le monde commence à se remplir d'illétrées et d'ignorants? Si le monde se basketballise et se footballise en grand spectacle télévisé, plus besoin d'hommes comme Beatty pour enflammer le pétrôle et faire la chasse aux lecteurs."

     Brûler, mais aussi dénigrer, oublier,... Le passage le plus saisissant du roman est celui où le capitaine des pompiers explique à Montag pourquoi il faut brûler les livres, pourquoi il est normal de douter, pourquoi il faut qu'il revienne dans le droit chemin. Glaçant de logique dévoyée. Le message de Bradbury est clair: les livres sont importants. Ils le sont non pas pour leurs couvertures et leur pages, mais pour ce qu'ils contiennent: l'imagination humaine en action. Comme tout ce qui relève de l'art, ils sont le moyen de ne pas suivre les mots d'ordres, d'échapper au conditionnement, d'apprendre à être et à penser. C'est ce que savent ceux qui résistent. Clarisse par exemple, qui danse dans les feuilles mortes et qui va provoquer chez Montag la première étincelle de la révolte, son oncle, cette vieille femme qui préfère brûler avec ses livres, ... Et les "couvres-livres", ces hommes et femmes réfugiés hors des villes, qui apprennent par coeur les livres détruits pour les préserver et transmettent oralement leur contenu.

    La trajectoire de Montag dans ce monde celle d'un homme qui passe du statut d'enfant qui accepte à celui d'adulte qui agit, réflechit et prend ses responsabilités. Qui vit et accepte ce que vivre implique: la souffrance, les regrets et le bonheur.

    "Vis comme si tu devais mourir dans dix secondes. Regarde donc le monde. Il est plus extraordinaire que tout les rêves fabriqués ou achetés en usine. ne demande pas de garanties, ne demande pas la sécurité, cet animal-là n'a jamais existé."

    Bref, Farenheit 451 est sans conteste un roman fondamental, un incontournable. Ne passez pas à côté!

    *note: je sais que je simplifie beaucoup, mais je ne vais pas me lancer dans un exposé sur la théorie communiste, la possession commune des moyens de production, le collectivisme et le concept de société sans classe. Ou alors j'ouvre un blog d'histoire des idées politiques.

    ** Cette photo a été trouvée sur le blog de Dominique Autié.

    Bradbury, Ray, Farenheit 451, Denoël, 1999, 5/5

  • De l'impact du kilt sur les relations hommes-femmes au Moyen-Age

    Ayant décidé dans un grand élan d'abnégation et d'esprit scientifique de me livrer (presque) systématiquement à un comparatif entre deux romans sentimentaux de catégorie similaire, je me suis jetée sur la production de J'ai lu pour elle dans la collection Aventures et Passions. La collection a changé de maquette entre 2000 et 2008 à mon grand regret: les couvertures sont radicalement différentes. Rouges vif certes (un rouge vernis à ongle de l'été, un rouge foncé comme la passion), mais l'une illustrée et l'autre pas. Encore que, dans le second cas, un bandeau permet de retrouver ses marques. Non mais c'est vrai, c'est important la ligne graphique quand même!! Comment diable sommes-nous censés faire s'il n'y même plus un homme viril et torse nu pour nous indiquer que nous sommes sur la bonne voie!

     Pour preuve:

     

    Là au moins, on sait où on met les pieds: une épée, un torse viril et dénudé, des cheveux au vent, et quelque chose qui ressemble à un kilt (or, le héros ne porte pas de kilt, je songe à une lettre de protestation pour tromperie sur la marchandise). Toute ressemblance avec un quelconque logo est purement imaginaire, si, si, je vous jure. 

    Pour la petite histoire, la réédition présente une couverture beaucoup moins alléchante. Jugez plutôt

     

    Franchement, je ne sais pas vous, mais moi je suis trèèèèès déçue. M'enfin, et l'homme viril et torse nu alors!                            

    Quand au deuxième objet du délit:

    Voilà tout ce à quoi nous avons droit! L'ancienne couverture (et oui, ces petites choses sont rééditées) était tout de même beaucoup plus glamour et sexy!!

    Bref! Après ce cri de protestation, venons-en à l'essentiel: le contenu. Vous voulez un résumé des histoires? Oui? Vous l'aurez voulu.

    En proie à la passion: "Tristan de Thorpe écume de rage : son père lui a enjoint de concrétiser dans les plus brefs délais son mariage avec l'aînée des filles du baron Crispin, qui est revenu fort riche de Terre Sainte. Certes les mariages arrangés sont le lot de la noblesse, et ces fiançailles ont reçu la bénédiction du roi Richard Cœur de Lion, bien des années auparavant. Mais Tristan a gardé de l'unique fois où il a rencontré sa future épouse un souvenir cuisant. Elle n'avait que six ans, l'époque, mais c'était déjà une véritable furie ! En se rendant à contrecœur à Dunburgh, le fief de. Crispin, Tristan peut constater que la petite peste d'autre fois s'est transformée en une véritable mégère. Vêtue de hardes masculines, elle ne se plaît que dans la compagnie d'animaux sauvages et semble aussi peu satisfaite de ci mariage qu'il l'est lui-même. Dommage qu'on ne lui ait pas promis l'autre fille de Crispin, qui est, elle, une véritable beauté ! "

    Un ravisseur sans scrupule: "Le baron Haynesworth ne se soucie pas de l'avis de ses filles lorsqu'il s'agit de les marier. Il songe avant tout à conforter ses alliances en Écosse. C'est ainsi que Brenna est promise au riche MacNare, un homme qu'elle n'a jamais vu. Pas question de discuter : elle est expédiée sous bonne escorte dans les Highlands ! Mais rien ne se passe comme prévu. En traversant une forêt, Brenna voit surgir cinq géants vêtus de kilts. Faisant fi des protestations de la jeune femme, leur chef la jette sur son étalon noir et s'enfuit au galop. Connor MacAlistair est ravi de son exploit : il s'est vengé de MacNare et la jeune femme qui se débat entre ses bras est ravissante. Connor a prévu de l'épouser sur-le-champ, et rien ne saurait l'empêcher de faire valoir immédiatement ses droits conjugaux. "

    Vous l'aurez noté, au centre de ces deux romans se déroulant au Moyen-Âge, le mariage. Certes, ce n'est pas une surprise, mais la chose est d'importance pour la suite de l'analyse. D'autant que les quelques résumés d'autres romans de la collection que j'ai pu consulter ici ou là lui accordent (au mariage), la même place centrale dans l'intrigue.

    Le mariage au Moyen-Age donc.

    A en croire les deux échantillons étudiés, plusieurs cas de figure se présentent à nous: mariage forcé, mariage arrangé. Plutôt glaçant vous me l'accorderez sans peine. Mais c'est sans compter avec la personnalité de nos héros.

    Certes, ces messieurs sont grands, forts, virils, beaux, taciturnes et lourdement armés. Il cachent néanmoins sous leur pourpoint, leur armure ou toute autre pièce vestimentaire adéquate un petit coeur tout mou et prêt à s'amouracher d'un joli minois. Parmi les qualificatifs relevés au cours de la lecture: jambes puissantes, corps musclé, épaules larges, torse sculptural à la peau dorée, menton volontaire, nez droit et aristocratique,... De quoi oublier George, Colin, David et les autres.

    Quand à ces dames, ce sont des fortes personnalités: des petites filles rétives et indépendantes (l'une chasse avec joie le cochon dans la porcherie du château, l'autre élève des faucons), attirées par les jeux de garçons qui deviennent par la force des choses des jeunes femmes bien éduquées même si elles le cachent parfois très bien. D'un grand courage, fortes têtes, elles rejettent la tutelle des hommes. Ah, et elles sont ravissantes: peau sans défaut, yeux limpides, lèvres roses à l'arc sensuel, des fées, des déesses, n'en jetez pas plus, je suis déjà jalouse!

    Prenez les deux, mélangez bien, et vous obtiendrez le cocktail nécessaire pour une bonne vieille histoire d'amour/haine se terminant dans la joie et la bonne humeur à proximité d'un lit ou dans un lit, le héros ayant été blessé pour la défense de sa belle, laquelle belle joue aux infirmières et au malade.

    Car ces dames, à force de caractère, de courage et de jugeote, finissent bien évidemment par faire la conquête de leur époux, et ces messieurs, à force de faire preuve de sensibilité et de douceur soigneusement dissimulée finissent, cela tombe sous le sens, par faire la conquête de leur épouse. D'accord, leur sensualité permet de passer outre bien des fossés et de dépasser les disputes monumentales qui précèdent l'amour sans nuage. Il faut dire que les provocations fusent d'un côté comme de l'autre. Et que je t'interdis de faire ceci ou cela, et que je te tiens tête, et que je creuse des trous dans la cour, et que je refais la déco sans rien te dire, etc, etc, etc, etc... De quoi retourner des châteaux qui n'en demandaient pas tant.

    De la conquête donc. Par la grâce et les miracles de l'amour, ces jeunes gens qui entrent dans les liens du mariage pas franchement de gaité de coeur finissent par trouver le bonheur. Clothilde et Tristan parce que finalement, leurs parents savaient mieux qu'eux ce qui étiat bon pour eux (et leur fortune, leurs terres, le royaume et tout le bataclan), Brenna et Connor en dépassant le fait que le second a enlevé la première et ne lui a guère laissé le choix. Vous me direz, il l'a sauvée d'un mariage avec un fou sanguinaire. Et il porte un kilt.

    Là, c'est sûr, on est loin de George Duby.

    J'arrête de jouer à l'historienne ronchon? Bon, d'accord. Revenons-en à nos fondamentaux. Je parlais de kilt non? Oui, le kilt. Et son influence dans les rapports hommes-femmes.

    A ce stade des opérations, un petit retour en arrière s'impose. Souvenez-vous de la série Le chardon et le Tartan. Du fougueux et chaud comme la braise Jamie. Et de son kilt. Vous y êtes? Et bien il semble clairement établi grâce à Un ravisseur sans scrupule que l'écossais a du potentiel. Difficile à dire si c'est grâce au whisky, au temps pluvieux, ou au kilt. En tout cas, Connor a lui aussi du tempérament et du potentiel. Et un kilt. J'envisage une installation rapide en Écosse, mais avec toute cette modernité, les usages pourraient bien s'être perdus. La frustration, la déception, tout ça...

    Enfin, une chose est certaine, Brenna ne s'ennuie pas! Et la lectrice non plus. Il y a de la galipette dans l'histoire. Et bien plus affriolante que dans En proie à la passion. Or, Tristan ne porte pas de kilt lui. Et il est anglais. En même temps, Colin, Ralph, Henry, Christian, Dainel et les autres sont anglais aussi. Mais David est écossais. Et John et Sean aussi. Vous suivez? Dieu que l'analyse est chose difficile! Reste un certain nombre de baisers passionnés et d'étreintes fougueuses.

     

    Et la vérité historique alors? Et bien ma foi... J'ai déjà dit ce que je pensais des aspects relevant de l'histoire des moeurs (heureusement que je ne suis pas une véritable historienne tient, j'aurais risqué l'infarctus). L'histoire événementielle et les arrières-plans politiques? Pas si mal rendus que ça. Le roi Jean correspond peu ou prou à ce qu'on en sait, de l'enlêvement d'Isabelle d'Angoulême à ses démélés avec ses barons. Quand à ses multiples aventures extra-conjugales, elles correspondent à ce que disent de lui les chroniques. Les déchirements des clans de highlanders sont relativement bien rendus aussi et le rejet de l'Angleterre correspond...

     

    Bilan? Des deux, Un ravisseur sans scrupule est une bonne cuvée, largement au-dessus de ce que j'ai pu lire jusqu'à présent. Pas mal écrit, drôle, bien ficelé avec des personnages sympathiques, il se laisse lire avec plaisir. Et même relire puisque pour les besoins de la cause, c'est ce que j'ai fait. En proie à la passion est moins bon sans être désagréable à lire.

    Seul gros bémol pour moi... Une vision de la femme qui me gêne aux entournures. Mais je reviendrai sur cela dans un prochain billet! Parce que oui, il va y en avoir un autre... Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais m'arrêter en si bon chemin non? D'autant que je viens de découvrir que Un ravisseur sans scrupule est un tome 2...

    * Pour une meilleure compréhension, il s'agit évidemment de George Clooney, Colin Firth, David Tennant, Ralph Fiennes, Henry Cavill, Daniel Craig, Christian Bale, John Barrowman, Sean Connery (jeune of course et pas trop vieux également).

    Lindsey, Johanna, En proie à la passion, J'ai lu, coll. Aventures et passions, 2000

    Grimwood, Julie, Un ravisseur sans scrupule, J'ai lu, coll. Aventures et passions, 1997

  • Ravel

    Ravel, compositeur de génie et génie complexe. Jean Echenoz revient sur les 10 dernières années de sa vie et sa lente déchéance.


    Critiques dithyrambiques, citation dans le roman de Laurence Cossé Au bon roman comme un de ces bons romans essentiels, il n’en a pas fallu plus pour que je me décide à aller regarder de plus près ce court roman racontant un compositeur dont le Boléro a écorché les doigts de la violoniste que j’ai été dans une autre vie.
    J’avoue, arrivée là une certaine perplexité. De la légèreté et de l’humour évoqués par Pierre Assouline je n’ai rien perçu. De l’ironie par moment, oui, mais pas d’humour. Un malaise même en suivant Ravel dans ses œuvres.
    J’ai plutôt été frappée par le style fluide et sobre, par le détachement, presque l’indifférence de la plume allant de paire avec la personnalité de Ravel.
    Un drôle de bonhomme celui-ci : un génie certes, mais un homme en décalage, perpétuellement indifférent à l’autre, égoïste forcené, ennuyé par la vie quotidienne et ceux qui y transitent, pas franchement drôle sauf quand il fait la fête et grand angoissé. On voit le monde à travers son regard et on lit le monde à travers son regard. En soit, c’est révélateur d’un tour de force. D’autant que cela permet de suivre presque « de l’intérieur » les sommets d’une gloire génératrice de doute, puis les premières atteintes de la maladie, le monde qui se désagrège petit à petit jusqu’à ne plus recéler qu’angoisse et douleur tout en n’en révélant pas plus que nécessaire de l’intimité de l’homme.
     
    Mais difficile du coup de s’attacher à ce Ravel, et d’entrer pleinement dans la narration. Je suis restée en surface, sans m’ennuyer, mais un peu désarçonnée par cet étrange objet littéraire qui loi d’être un panégyrique et une biographie, nous parle tout simplement d’un homme qui va mourir.
     
    Une expérience intéressante.
     

    Les billets, de Pierre AssoulineSébastien Fritsch, Caro[line]Mimienco,...

    Jean Echenoz, Ravel, Ed. de Minuit, 2006, 3.5/5 
     

  • Le dernier amour

    « Imaginez. Il ne vous reste que deux jours à vivre. Qu'est-ce qui est préférable ? Finir tranquille dans l'ennui qu'aura été toute votre vie ? Ou bien, si vous êtes musicien, comprendre enfin pourquoi votre musique vient d'être huée et, dès le lendemain, rencontrer celle qui devrait être votre dernier amour ? »
     
    Rien de plus, rien de moins. Un superbe premier chapitre sur un concert, retranscrivant merveilleusement l’ambiance d’un concert classique ouvre le récit. Dès lors, le ton est donné : une écriture sobre, mais évocatrice, syncopée et musicale suit les derniers instants d’un homme qui sait qu’il va mourir. C’est un récit déconcertant au premier abord, tranquillement séducteur, pudique surtout et sensuel. Avec une grande économie de moyens, Christian Gailly raconte une agonie, et la vie qui résiste malgré tout. On ressent la fatigue de cet homme, son chagrin et sa volonté de vivre encore un peu, son bonheur de sentir et ressentir. On ressent aussi la souffrance de l’épouse, mise à l’écart, acceptant par amour la volonté de l’autre de mourir seul, l'envie d'aider de l'inconnue et l'incompréhension de son époux. En quelques heures et en quelques rencontres, c'est tout un univers qui naît.
     
    C’est juste beau.

    Christian Gailly, Le dernier amour, Ed. de Minuit, 2004, 4/5