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parce que le harlequin

  • "C'est très joli votre majesté"

     

    Je ne sais pas vous, mais moi, pré-ado, je guettais avec délice et impatience la 395 112e diffusion dans la petite boîte étrange des aventures de Sissi et du beau Franz. Je dis pré-ado parce que maman Chiffon, de guerre lasse, a fini par offrir à sa progéniture le coffret de l'intégrale des aventures de Sissi. En VHS of course. Un truc que les moins de 18 ans ne connaissent pas, tout ça tout ça. Le cadeau du siècle pour Chiffonnette et le début d'un cauchemar pour papa Chiffon. Sissi à demeure. Visible à volonté. Glucose pary quoi. Bref, bref, bref. Tout ça pour dire que durant mes courtes vacances, il s'est passé quelque chose. En fait, plusieurs choses:

    1 - la sortie sur les écrans de cinéma de Victoria, biopic des jeunes années de la reine du même nom, avec costumes et jeune premier;

    2 - l'impossibilité de manquer ce chef d'oeuvre cinématographique;

    3 - la réapparition d'un certain coffret qui comprenait, outre l'intégralité des aventures de Sissi, celles de Victoria dans le splendide Les jeunes années d'une reine;

    4 - le constat horrifié que la cousine, présente sur les lieux du drame n'avait jamais, mais alors jamais vu Sissi. Et encore moins Victoria. La cousine a très vite compris qu'elle n'échapperait pas à Romy Schneider.

    5 - le déroulement de certaine opération littéraire de grande envergure.

    Conséquences?

    1 - une date pour Victoria nouvelle version;

    2 - le visionnage préalable de la version Romy pour pouvoir faire une comparaison scientifique des deux films;

    3 - le visionnage de Sissi pour que la cousine reparte en ayant parfait son bagage kulturel. On ne peut pas laisser certaines choses en l'état.

     

    Sissi donc. Le harlequin cinématographique dans toute sa splendeur. Une série de films absolument et totalement cultes! Souvenez-vous: la ravissante Sissi à cheval, encouragés par son père, le débonnaire et fort moderne duc de Bavière sous l'oeil faussement sévère de la duchesse. Sissi faisant le mur armée de sa canne à pêche, laquelle lui servirait quelques plans plus tard à attraper un bel empereur dans ses filets. Sissi refusant de faire le malheur de sa soeur, la douce Hélène. Sissi descendant le Danube dans le bateau nuptial. Que du bonheur! Et puis la scène des parlementaires hongrois! Et puis celle d'Italie!! De l'émotion à l'état brut!

    Mais revenons à l'analyse. Car ce n'est pas tout ça, mais ce billet se veut, rappelons-le, hautement scientifique. Si, si! Quid de la vision de l'amour dans Sissi? Et dans Les jeunes années d'une reine? Analysons, analysons.

     

    - Le cadre: palais, palais, palais... Forcément, nos demoiselles sont princesses royales et/impériales, c'est au choix. Elles ne vivent donc pas n'importe où. Non mais! Dorures, guéridons, , colonnades, salles de bal sont donc le décor obligé de leurs aventures. Attention toutefois, ces jeunes femmes ne sont pas seulement des poupées de salon! Sissi par exemple, grandit à la campagne dans une immense maison peuplée d'enfants et d'animaux, sous le regard débonnaire d'un duc de Bavière prompt aux bêtises et le regard bienveillant quoique plus sévère d'une duchesse légèrement dépassée par sa progéniture! Néanmoins, lorsqu'elle consent à revenir à la civilisation, même si leurs altesses consentent à dormir dans des auberges de grand standing, le faste et l'apparat sont de rigueur! Quand à Victoria, elle n'hésite pas à aller s'encanailler dans une auberge!

    Ce qui permet au spectateur de bénéficier d'aperçus hautement sociologiques de la vie du peuple! Nous voyons donc défiler quelques paysans, un ou deux aubergistes, des gendarmes, un lot de pêcheurs, des musiciens, des badauds, etc...  Lesquels batifolent gaiment, qui dans des rues proprettes (même un maniaque en ferait des cauchemards), qui dans des auberges superbement populaires (mais toujours proprettes). Vous avez compris le principe.

     

    - Ceci étant dit, venons-en à nos héroïnes. Vous l'aurez compris, elles ne sont pas bégueules, loin s'en faut! Sissi et Victoria sont de fortes têtes. Évidemment, on a un destin ou on ne l'a pas! Pour faire face, il faut pouvoir faire des cabrioles à cheval, se promener dans la forêt seule avec un superbe empereur, organiser une évasion, sauter par les fenêtres, maîtriser un maître de danse, monter des réseaux de contrebande. Pas moins. Pouvoir faire face à une méchante belle-mère ou une mère abusive est un plus sur le CV. Elles restent malgré tout cela douces et naïves, jolies fleurs cueillies en plein vol et par surprise par l'annonce d'un mariage ou l'amûr. Mais bon, comme elles sont fortes têtes, elles vont très bien s'en sortir.

     

    - Ces messieurs maintenant. Franz... Ah le beau Franz. Bon, d'accord, maintenant je préfère Christian. Ou David. Ou Daniel même si vous insistez. Mais à cette époque bénie, Franz et ses cheveux gominés. Son sourire ravageur. Son uniforme. Quel homme! N'hésitant pas à suivre une belle inconnue (qui est sa cousine, autant pour l'aventure), affrontant sa mère pour les beaux yeux de sa dulcinée, avançant à grand pas vers le mariage malgré les obstacles (dans l'ordre donc, une mère abusive et future méchante belle-mère, une quasi-fiancée qui est la soeur de la dulcinée, une dulcinée amoureuse mais loyale à sa soeur, un bal, un repas d'apparat, des roses rouges). Et travailleur avec ça! Tous les jours à 5h à son bureau!

    Et Albert alors! Prêt à la fuite pour éviter le mariage arrangé! Valseur émérite! Même capable d'allumer un feu! Et de faire preuve d'autorité avec les valets! Tant de capacités en un seul homme, moi je dis, tout se perd!

     

     - Vous en conviendrez, ils étaient fait pour s'entendre. Reste tout de même qu'il va falloir un peu de temps et quelques rebondissements pour que les épousailles se tiennent dans un grand envol de cloches (une télécommande réactive est à prévoir. Ou alors un rdv chez votre ORL en prévision si vous ne pouvez pas baisser rapidement le son) et de dentelles. Ah oui, et de tapis rouges. Je ne sais pas pourquoi, mais les tapis sont toujours rouges. Bizarre.

    Enfin. Du temps donc. Parce que si elles ne sont pas contrariées, les amours ne sont pas des amours. La raison d'état s'oppose à Franz et Sissi: comment diable peut-il envisager d'épouser cette sauvageonne?! Quand à Victoria, la voilà le jouet des ambitions matrimoniales contradictoires de son entourage! Et contrainte d'épouser un prince alors qu'elle vient de tomber amoureuse de ce charmant étudiant dans la pittoresque auberge! Quelle pitié et quel tragique destin!! Heureusement, la bonne fée des princesses royales s'est penchée sur leur berceau! Et comme l'amour vainc toujours, ce sont leurs princes charmants qu'elles épousent dans une grande envolée de cloche (j'avais déjà parlé de l'envolée de cloches non?)!

     

    Vous le remarquerez donc, nous sommes dans des schémas bien connus: des héroïnes valeureuses, des héros forts et virils, des amours contrariées et un beau mariage à la fin! Les héros sont récompensés de leurs souffrances morales et tout est bien qui finit bien. Harlequin ou presque. Au cinéma. En technicolor en plus! Et disponible en VHS et DVD.

    S'il faut achever de vous convaincre, je vous livre cette réplique absolument mythique:

    " - Victoria: Baronne, je suis amoureuse!

    - La baronne: c'est très joli votre majesté."

    Totalement glucose. J'en ris encore.

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     Ceci étant dit, soyons un brin plus sérieux (nan, ce n'est pas un gros mot). La saga des Sissi a été un des plus grands succès du cinéma. A sa sortie dans les années 50, Sissi  va provoquer le délire et dégager plus de recettes qu'Autant en emporte le vent en Allemagne et en Autriche. Les records d'audience sont battus partout en Europe. C'est le lancement de la carrière d'une actrice sublime.

    Laquelle déclarera plus tard: "Je hais cette image de Sissi". Sans doute à cause de cette déferlante, mais peut-être aussi à cause de l'image idéalisée de l'impératrice que donne le réalisateur, Marischka. Tous les drames, toute la complexité de la personnalité de cette femme hors du commun ont été gommés pour donner d'elle l'image lisse et rassurante d'une jeune fille qui fait face à un destin royal. Idem pour Victoria d'ailleurs. De quoi faire rêver la population féminine de l'époque: des destins de femmes courageuses, des décors superbes (on ne peut pas dire qu'on ait lésiné sur les moyens, c'est le mobilier des Habsbourg qui a été utilisé pour les décors!), des histoires d'amours qui se terminent bien, ... Et de l'humour de surcroît. Certes, parfois involontaire. Et parfois du à un fossé générationnel certain. Mais les personnages secondaires sont bien campés, les situations abordées avec un certain sens du décalage. Rien de révolutionnaire, mais de quoi au moins sourire. Si on n'est pas mort avant d'un excès d'eau de rose.

     

    Ce coup-ci, je vous laisse vraiment. Avec pour la route, deux extraits. Parce que c'est tellement, mais alors tellement bon.

    Pour Sissi, un montage de fan en musique, s'il vous plaît! Et si vous voulez regarder le film, il est sous Youtube en petits bouts!

     

    Et pour Victoria, en allemand non sous-titré svp!

     

    Et au fait, pas mal du tout le Victoria version 2009! Si l'envie vous en prend...