Pour ce premier billet Harlequinade, je tenais à présenter un roman qui a fait l'année dernière le bonheur d'une partie de la blogosphère en une étude comparative de haut niveau avec un de ses petits frères. Ce sera donc Brûlantes Retrouvailles vs Le premier amant en avec pour fil conducteur le milieu de l'élevage américain et la galipette. Parce que nous le valons bien. Et parce que Stéphanie a proposé que nous parlions ensemble de ce chef d'oeuvre intergalactique. Pour voir ce qu'elle en dit, il faut filer par là!
Le pitch tout d'abord, car autant savoir bien chers aventuriers, où nous mettons les pieds: mais serez-vous capables de déterminer qui est qui? Ceux qui savent sont priés de se taire et savent fort bien que je sais qu'ils savent que je sais qu'ils savent. Oui, tout à fait.
"Elle est jolie, Becky, et pas prude du tout. Mais parce qu'elle travaille comme un homme et avec des hommes, les garçons ont fini par la considérer comme un des leurs et oublier qu'elle est une fille... Résultat, ils sont toujours d'accord pour lui filer un coup de main mais ne pense jamais à elle comme copine de disco. Alors, elle se voit déjà vieillir en célibataire désséchée. Et si elle se tournait vers Woody pour redevenir une femme et dire adieu à sa virginité? A trente-quatre ans il est au top de son charme, il est expérimenté, et le connaître depuis l'enfance la met en confiance pour lui demander... Quelques leçons de séduction? Et même quelques leçons de sexe? Après tout ce serait un bon début non?"
"En revoyant Jake Reynolds, l'homme qui l'a trahie dix ans plus tôt, Nora MacLeod se jure d'être forte, fidèle à sa réputation de femme froide. Le désirer de nouveau serait humiliant, et l'aimer, dangereux. Jake est le seul qui ait réussi à la faire fondre, avant de la plaquer sans ménagement. Mais Jake, plus beau et plus séduisant que jamais, semble bien déterminé à la reconquérir. Et puis il a changé. Le jeune homme d'autrefois, un peu " chien fou ", inconséquent, égoïste, a mûri. Aujourd'hui, c'est le plus attentionné des soupirants et il a l'air sincère. Combien de temps résistera-t-elle ? Combien de temps faudra-t-il pour que la passion et l'amour l'emportent sur l'orgueil et la peur de souffrir ? "
Alors? Non? Toujours rien?
La réponse alors?
D'accord, la réponse: la quat' de couv n°1 appartient au Harlequin, la n°2 au J'ai Lu.
Bref.
Allons-y donc.
Nous avons d'un côté une courageuse jeune femme qui tient seule son ranch. Nous avons de l'autre une courageuse jeune femme tentant seule son ranch à la force du poignet qu'elle a musclé. Toute ressemblance n'est que le fruit du hasard, leurs soupirants n'étant certes pas du mmême gabarit. Pour l'une un flic ténébreux revenant au pays, pour l'autre, un propriétaire terrien milliardaire et aventureux. Nos deux héros ont cependant en commun leur amour du risque et leurs difficultés à faire la conquête de leur belle. Comme quoi, être grand, fort et viril ne vous met pas à l'abri d'atroces déconvenues. Et ce ne sont pas les dollars qui vont arranger la situation!
Un billet à venir confirmera que tout roman harlequin ou affilié qui se respecte fonctionne sur les mêmes schémas et avec peu ou prou les mêmes personnages: le docteur, le séducteur impénitent, et last but not least puisque c'est après tout le fond de commerce (soyons clairs, le destin du méchant séducteur ne nous importe que peu pourvu qu'il finisse mangé par les piranhas), les jeunes femmes courageuses tenant seules un ranch sans rien perdre de leur féminité (ou presque).
Nous voilà déjà avec une certaine typologie des personnages:
- les jeunes femmes sont: jolies mais ne le savent pas forcément; atrocement mal à l'aise avec les toilettes et préfèrent de loin jean et chemises à carreau sauf quand il s'agit de mener une entreprise de séduction à la manière d'une entreprise de BTP; décidées, voire tétues; parfaitement aptes à faire tourner en bourrique leurs prétendants; d'une sensualité certaine encore que parfois inconsciente.
Nous avons dans ces deux romans une remarquable étude des relations homme-femme à la fin du 20e siècle. Ces dames sont fortes (certes), mais sensibles et romantiques (sous la couche de poussière se cachent des trésors de douceur féminine). Elles n'aspirent qu'à se débarasser d'un encombrant célibat qu'elles assument néanmoins (vous noterez qu'on ne peut être que célibataire et désséchée). Bien que maladroites dans les jeux de la séduction, leur naturel leur gagne les coeurs les plus endurcis. Dans un des cas qui nous intéressent, la maîtrise de matières plus sensuelles est un plus indéniable.
- Pour ces messieurs, il suffit d'être grand, fort, beau, viril, taciturne et courageux. Et d'une inénarrable maladresse dans les relations à la gentes féminine. Des trésors de sensibilités et d'amour débordant se cachent sous leur rudesse naturelle et leur incapacité à saisir toutes les subtilités de l'âme féminine. Pas moins. Heureusement ceci dit parce que si en plus d'être grands, forts, virils, taciturnes et courageux, ils étaient efficaces, on se demande s'il y aurait une intrigue! Parce que c'est pas pour dire, mais c'est quand même là que le bât blesse!J'irai jusuq'à dire que chercher une intrigue dans le harlequin, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin mais on va me taxer d'être mauvaise comme une vache qui s'est levée du mauvais sabot!
Ahhhhhh, l'intrigue!! Non, je ne parle pas de l'histoire d'amour et des brûlantes galipettes. Je parle de l'intrigue. Car nous sommes bien d'accord, pour qu'un beau flic ténébreux ait sa place dans l'histoire, il faut bien qu'il y ait une enquête. Et pour que la réputation d'aventurier du sublime propriétaire terrien ne repose pas sur du vent, il faut de l'aventure. Nous avons donc dans Brûlantes retrouvailles de dramatiques vols de bétails, et dans Le premier amant, une princesse européenne sauvée de son horrible cousin par le Club de l'éleveur texan. Non, je n'invente rien. C'est follement palpitant. Ce qui l'est encore plus est sans conteste qu'aucun des deux romans ne donne la solution aux énigmes qu'il pose. Nous ne saurons jamais qui a volé le bétail (argh), pas plus que nous ne saurons si le vil prince Ivan surprit à traîner en la bonne ville de Royal aux trousses de sa royale cousine parviendra à ses abjectes fins (lui faire la peau, l'épouser, lui piquer sa couronne, rayer la mention inutile). Ah oui, et nous aurons toujours un des membres de ce très select club en goguette quelque part en Europe avec les deux neveux orphelins (on soupçonne le vil prince Ivan de s'être débarassé des parents, c'est dur d'être un méchant séduisant et vil) de la ravissante princesse dont, sans nul doute, le prince Ivan s'est débarrassé.
Heureusement, il y a de la galipette pour oublier un peu l'horrible frustration de la lectrice qui escomptait avoir des réponse à ses pressantes interrogations existentielles sur la royauté en Europe et le vol du bétail (avec ou sans bandana, telle est la question). Attention cependant, la collection Passion intense d'avère en la matière beaucoup plus prolifique que la Rouge passion, du moins à première vue. Il va falloir que je me procure au moins un autre titre de chacune de ces collections pour en être certaine. On a l'esprit scientifique ou on ne l'a pas.
Galipette donc. Effectivement, Brûlante retrouvailles démarre sur les chapeaux de roue avec une scène introductive à cheval qui est restée un modèle du genre pour toutes celles qui ont eut le courage de se lancer dans cette instructive lecture. Quand au reste, mamma mia! Il faut croire que l'élevage et l'enquête policière sont des activités guère épuisante vue l'énergie qui reste à nos protagonistes pour s'envoyer gaiement en l'air! Il y en a d'ailleurs pour tous les goûts, la passionnée Nora n'étant pas sectaire: du sauna au 4x4 en passant par le hall d'entrée et les murs (parfois la galipette s'apparente à de la GRS, le sport se cache définitivement dans les endroits les moins attendus)! Bon, il faut dire que notre héroïne n'est pas une oie blanche, ce qui aide. A côté, la pauvre Becky est une pucelle effarouchée. Ce qu'elle va rester pendant environ 178 p. avant de se retrouver dans l'écurie pour des activités de loisir. Il n'y aura qu'une galipette supplémentaire avant la fin de leurs aventures et un mariage en grande pompe. Pauvre âme.
Enfin... Nous en apprenons quand même beaucoup sur les moeurs texanes et presque texanes:
- il y a des méchants qui jouent au course;
- il y a des crétins qui perdent leur maison pour acheter des étalons;
- il y a des compétitions de rodéo;
- il faut réparer les barrières;
- il faut chasser les coyotes;
- il faut se méfier des voleurs de bétail;
- des fois il y a des saunas dans les ranchs;
- il n'y a pas que de riches rancheros, il y a aussi des rancheros (rancheras?) pauvres et méritants;
- on danse de la country là-bas.
Sociologiquement inestimable, n'est-ce pas?
Ceci dit, amis aventuriers, j'admettrai avoir passé un intense moment de poilade avec Brûlantes retrouvailles et avoir quasi guéri ma crève pré-vacances avec Le premier amant. Je vais faire un billet sur les vertus thérapeutiques du harlequin je crois.
McCray, Cheyenne, Brûlantes retrouvailles, J'ai Lu, coll. Passion intense, 2008, 186 p.
Moreland, Peggy, Le premier amant, Harlequin, coll. Rouge passion, 2004,