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Chiff' - Page 68

  • Ne désespére pas Gilbert

     

    Gilbert, la quarantaine venue, vit toujours avec son père. Mais quand ce dernier vient à mourir, comment combler le vide? Adopter un animal? C'est le début des ennuis...

    Et un régal pour le lecteur. Une ritournelle grinçante et ironique qui distille d'illustration en illustration une angoisse sourde et un rire jaune. C'est certain, ce n'est pas avec Gilbert qu'on va rire. Encore que... Avec la mort de son père, Gilbert découvre un grisante liberté! C'est la fin de la petite vie étriquée, morne et réglée comme du papier à musique qu'il menait jusqu'à présent! Il va pouvoir manger ce qu'il veut! Ce coucher à l'heure qu'il veut! Aller aux toilettes en laissant la porte ouverte! A lui la belle vie, le calme et la sérénité! Et la solitude qui petit à petit vient le ronger. La solution? Adopter un animal: un chat d'abord, mais pas de chance, Minou meurt; un chien ensuite, mais pas de chance, Chien aboie trop; puis un cochon, puis un lapin, puis un furet... Décidemment, les animaux ne sont pas très satisfaisants! Et pourquoi pas une épouse alors? Après tout, Gilbert vient bien de découvrir qu'il n'a rien du tout contre imaginer la jolie vendeuse de l'animalerie toute nue... C'est ainsi qu'Epouse entre dans sa vie pour mener avec lui, une nouvelle petite vie morne, étriquée, et réglée comme du papier à musique. Et puis Epouse meurt, en donnant le jour à un garçon qu'il va élever dans un cocon. Jusqu'au jour où il meurt et où tout recommence... Terrifiant non? Cette vie grisâtre, ou rien ne réussit vraiment, où on se protège avant toute chose d'un monde extérieur perçu comme menaçant. L'éducation de son fils par Gilbert donne lieu à une litanie d'interdictions, de mises en gardes, de méfiance et de conseils qui sont autant de petites prisons. Le texte, court et percutant, est accompagné d'illustrations magistrales: en noir et blanc, fourmillantes de détails, elles révèlent, accentuent l'impression d'étouffement qui saisit à la lecture, et ajoutent une nouvelle dimension au texte. On ne les quitte que pour aller faire un tour au cimetière. Et quand une éclaircie survient, que la mer, la ville, le jardin font leur apparition, c'est pour que le drame survienne, et que l'on retourne au cimetière et dans cette maison dont seuls les tableaux changent.

    Ne désespère pas Gilbert est une fable politiquement incorrecte sur la reproduction des schémas familiaux, l'isolement et l'inadaptation au monde, la construction de l'identité. Gro Dahle raconte l'histoire d'une vie sinistre, ratée, subie par un homme comme les autres, sans réelle lueur d'espoir au bout du chemin... Si ce n'est qu'on ne sait pas ce que fera de sa propre vie le fils de Gilbert. Après tout, on est aussi ce qu'on choisit d'être!

    Un petit chef-d'oeuvre à lire et relire!

    Dahle, Gro, Ne desespère pas Gilbert, Ed. Etre, 2008, 5/5

     

  • GI Joe, l'amour au bout du canon laser

    Ce billet est dédié à Fashion qui saura pourquoi. Attention, il contient des spoilers!

     

    Quant on cherche bien, les petits coeurs roses de la romance et de l'amûr se cachent dans les endroits les plus inattendus. Ne vous étonnez donc pas si je m'en vais vous démontrer par A+B que GI Joe et les romans Harlequins présentent des similitudes certaines.

    Yep, that's my mission!

    Commençons donc par étudier de plus près nos héroïnes. Car les femmes sont à l'honneur dans GI Joe mesdames. Souffle du temps qui passe ou nouvelle cible commerciale, allez savoir, le fait est là.

    Rappelons-nous de quelques uns des caractéristiques des héroïnes de nos objets d'étude:

    - ce sont des femmes fortes sous des apparences fragiles. Ana est une femme forte sous des apparences fragiles: elle tatane les gentils à coups de bottes, tire comme une super pro qu'elle est avec des canons laser, des revolvers, des couteaux et un paquet d'autres trucs du genre, saute dans des jets en vol.

    Shana "Scarlett" O'Hara, outre le fait qu'elle a un prénom tout à fait adapté à un roman harlequin cache elle aussi sous des dehors frêles de sérieuses compétences en combat rapproché: la demoiselle fait après tout partie de l'équipe Alpha des GI Joe et manipule fort bien l'arbalète. Ah oui, elle est championne de moto-cross aussi (il y en a bien qui sont championnes de rodéo hein?).

     

    Elles sont accompagnées d'une foule d'autres dames qu'on apeerçoit deci delà à l'entrainement et qui dament le pion à leurs collègues masculin avec brio. Et elles gèrent parfaitement bien les tâches administratives. Et elles lisent. Différence avec les héroïnes de harlequin? Elles sont beaucoup plus coriaces! Pas elles qui vont avoir les bras qui faiblissent au bout de deux minutes quand elles tiennent un fusil. Elissa peut aller se rhabiller!

    - ce sont des femmes fragiles sous des apparences fortes: un petit coeur sensible bat sous tout cet entraînement, ne l'oublions pas. Shana, qui rejette l'amour (être émotive, beurk) au profit de la science finit à l'insu de son plein gré par céder aux charmes discutables et aux techniques de drague vaseuses de Wallace 'Ripcord' Weems le super-pilote. Lequel s'avère capable de faire vibrer sa corde sensible et de la faire rire. D'accord, pas toujours, mais des fois. Quand à Ana, ahhh, Ana! Elle aime un homme, puis un autre, en manipule un entre-temps, mais s'avère finalement elle-même manipulée. Vous suivez? Heureusement, il y a une épaule virile (et peut-être tatouée, en tout musclée) qui lui permet de retrouver ses souvenirs à temps et sur laquelle se reposer.

    - ce sont des femmes glamours et sexy, même si elles ne le savent pas toujours forcément (en tout cas, au début): Shana garde ses beaux cheveux auburns détachés pendant la bataille, ce qui lui permet de faire des effets de mèches des plus esthétiques en cas de chute ou de coups de pied retourné. Et elle porte très bien le blouson en cuir et le jean moulant quand elle fait des acrobaties à moto. Et le petit top échancré lui va à ravir pendant les entraînements. Nous pouvons donc la ranger dans la catégorie des belles femmes qui s'ignorent (et qui n'aiment apparemment pas les fanfreluches. A confirmer dans GI Joe 2).

    Ana, elle, est l'héroïne sexy en diable et consciente de son pouvoir de séduction: lunettes à la fois pratiques et tellement attractive dans le genre secrétaire, combinaison en latex avec un joli décolleté, et si mes yeux ne m'ont pas trompés, de petits ajouts qui doivent plus à la coquetterie qu'à la praticité de la chose. Et qu'est-ce qu'elle court bien en talons! On se croirait dans Sex in the City!

    Voilà pour ces dames. Au tour de ces messieurs maintenant. Deux cas de figure se déclinent en plusieurs modèles.

    Premièrement, nous avons le gentil:

    - le gentil maladroit: Wallace 'Ripcord' Weems , ou l'art de se ridiculiser devant une jolie femme, exubérant, un peu ridicule, mais très musclé. Son principal atout est d'être capable de piloter sans formation un jet volant à mach 6. Un homme, un vrai même s'il est gentil et maladroit. Je vous laisse faire des liens avec d'autres héros bien connus.

    - le gentil qui traine un douloureux passé: un coeur brisé, un tragique événement suffisent à transformer notre Conrad 'Duke' Hauser en costaud viril mais triste avec lunettes noires, etc., etc. Mais heureusement, les costauds virils et tristes finissent toujours par être récompensés quand ils sont gentils. Conrad l'étant, il va pouvoir se battre avec toute sa fougue et ses muscles (qu'il a costaud, mais je crois que je l'ai déjà dit) pour les beaux yeux de sa belle, laquelle a finit par perdre ses lunettes. Ca ne vous rappelle rien?

    Il est évident que quelques cicatrices ajoutent à la sexytude du gentil tout brisé par son tragique passé.

    - le gentil viril, costaud et mutique: un tragique passé aussi, une vengeance, une tendance à être taciturne. Il faut dire que la combinaison en latex intégrale n'aide pas. Drague principalement à l'aide de ses sabres. Mon prochain objectif est de trouver un harlequin avec des samouraïs dedans.

    - le gentil pas viril mais très très intelligent: accroché à sa console et ses ordinateurs, il finit par sauver à peu de chose près le monde. Celui-là par contre, je n'ai pas encore pu trouver le modèle.

    Secondo, le méchant:

    - le méchant sensuel, fourbe et sexy (toute ressemblance avec Passion sans escale est purement fortuite): ahhhhhh, Christopher. Il portait bien le cuir dans Dr Who, il porte bien la cravate dans GI Joe. Je me demande ce qu'aurait donné Doctod Who si Christopher Eccleston avant porté un costume et David Tennant une veste en cuir. Mais je m'égare. CE nous campe donc le héros sensuel, fourbe et sexy avec conviction et vraisemblance. Avec un accent écossais qui rappelle certains héros à fort potentiel de nos lectures préférées.

    - le méchant tout cramé pas beau: lui, il n' aucune chance, mais il est là. D'ailleurs, il est tout frustré et devient très, très, mais alors très méchant.

    Avec tout ça, il y a de quoi monter un scénario harlequin tout à fait crédible. Avec un peu plus d'explosions que d'habitude certes. D'ailleurs, il y a un scénarion harlequin dans GI Joe (félicitation aux scénaristes d'ailleurs, ils sont incapables de lire un plan de Paris, mais par contre, ils sont très performants en histoire d'amour avec des coeurs et des drames à l'intérieur)!

    Ana aime Duke, mais un drame tout à fait dramatique les sépare. Quelques années plus tard ils se retrouvent. La dame n'est pas décidée à pardonner à son ancien cher et tendre. Mais le coeur de l'ancien cher et tendre n'a jamais cessé de battre pour elle. Et même si elle lui en colle une, son petit coeur à elle aussi n'a jamais cessé de battre pour lui même si elle ne le sait pas encore parce qu'elle a perdu la mémoire (ça, on l'apprendra plus tard, en même temps qu'on comprendra qu'en fait ce n'est pas de safaute si elle est si méchante). Ce qui nous vaut quelques flash-back des temps heureux où ils riaient ensemble, mangeaient des glaces ensemble dans les parcs, glandaient au soleil ensemble, discu... Ok, faisaient plein de choses ensemble dans l'amour et la concorde. Mais voilà, un rival est là maintenant: la jalousie ronge notre ancien cher et tendre. Et notre nouveau cher et tendre. Ils vont donc se battre pour les yeux de leur belle avec des dialogues que c'est du bonheur en barre ("Le monde est en train d'exploser autour de nous et nous sommes jaloux à cause d'une femme", dit nouveau cher et tendre à ancien cher et tendre après avoir roulé un palot à la belle pour rendre ancien cher et tendre pas content du tout ce qu'il est puisqu'il lui colle une beigne malgré les menottes) et quelques coups de tête bien placés. Après moults péripéties (des vraies ,avec des explosions dedans, des sous-marins, des canons lasers, des banquises qui explosent, des sabres et tout), ancien cher et tendre qui a prouvé sa valeur, sauve la belle et le monde avec et tout est bien qui finit bien.

    Vous voyez? GI JOe en fait, c'est un film de fille. Avec des explosions et des vrais morceaux de Harlequin dedans. C'est pour ça que j'y suis allée d'ailleurs. Parce que mon petit coeur sensible frétille d'aise quand l'amour vainc à la fin.

     Je vous laisse avec un petit trailer pour la route!

     

     

  • Passion sans escale

     

    Pirates. Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit quand on vous dit pirates? Johnny Depp dans le costume fabuleux de Jack Sparrow? Barbe-rouge et son fils Éric dans la maritimes et piratesques aventures de Barbe-Rouge (longue vie à Triple-Pattes)? Un fameux trois mats? Quelques corsaires glamours et honorables? Les boucaniers sur l'île de la Tortue? Anne Bonny et ses aventures? Drake, le corsaire devenu lord? Rackham le rouge? Le capitaine Crochet et sa sainte panique des tics-tacs? Long John Silver et sa patte en bois?

    Si je vous dit pirate de l'espace? Albator, oui, tout juste!

    Bien, tout le monde connaît ses classiques et que celui qui n'a pas adoré Long John Silver et Jack Sparrow se dénonce immédiatement!

    Il va pourtant falloir que je vous déçoive à ce stade des opérations. Ce n'est pas de la piraterie historique dont il va être question, de l'époque "romantique"' des corsaires et des navires ornés du sinistre drapeau à la tête de mort. C'est de piraterie moderne, il est bien entendu que je ne parle pas de la piraterie autour de la Corne d'Afrique. Je parle de la piraterie harlequinesque.

    C'est en effet pleine d'allant et d'espoir que j'ai ouvert le prometteur Passion sans escale que j'avais acheté sur la foi de sa superbe quatrième de couverture: "Entrainée par son amie Marsha dans une croisière de rêve (tout frais payés mais en compagnie d'un groupe du troisième âge), Elissa se retrouve bientôt plongée au coeur d'une incroyable aventure. Incroyable mais dangereusement vraie, comprend-elle un peu tard (Elissa n'a pas conscience du danger) lorsqu'elle se voit brutalement confrontée à une effrayante affaire de contrebande. Pourtant, le plus angoissant pour elle n'est pas la mort (elle a bien de la chance): c'est le sentiment irrésistible qui la pousse vers Rod Vance, le séduisant commissaire de bord (pouvait-il seulement être un laideron?), un homme ambigu aux facettes multiples (ça reste à prouver), dont elle découvre bientôt avec stupeur qu'il a une autre identité (fichtre). Que cache-t-il? Est-il complice des trafiquants? Veut-il au contraire, démasquer les coupables et enquêter discrétement à bord (à votre avis?)? Elissa n'en sait rien. La seule chose qu'elle sait, c'est que derrière le personnage courtois et flegmatique du beau commissaire, se cache un homme aussi dangereux que passionné (sinon il n'y aurait pas d'histoire, imaginez qu'il soit pacifiste et lymphatique, hein?), un amant merveilleux dont les caresses et les déclarations enflammées lui inspirent un amour grandissant en même temps, hélas, qu'une horrible méfiance."

    Vous m'en direz tant...

    Premièrement, que les choses soient claires, les méchants sont effectivement des contrebandiers. Mais étant donné qu'ils arraisonnent et s'approprient un luxueux bateau de croisière, j'estime qu'il s'agit de pirates. Et comme j'ai toujours raison, j'ai raison. Là, c'est dit.

    La piraterie moderne vue par Harlequin donc. Est-elle seulement soluble dans la passion amoureuse? Le suspense est intense.

    Mais qui sont donc nos pirates, ou supposés comme tels. Dès le prime abord, nous savons qu'il s'agira d'hommes. Il semble que la flibuste soit soumise à la possession d'un minimum d'un chromosome Y. Mais attention, pas n'importe quels hommes. Nous avons le choix entre deux candidats flibustiers:

    - le beau, grand, fort, viril et taciturne commissaire de bord: vous aurez donc compris que c'est un homme dangereux, passionné, aux multiples facettes, mais étrangement maladroit. En deux coups de cuillère à pot, il fait naître le soupçon dans l'esprit de la ravissante Elissa. Pas moins. Ah oui, et Victor dont il n'est étrangement pas question dans la quatrième de couverture (Victor est le rival, parce que sans rival il n'y aurait pas d'histoire) s'en méfie comme de la peste. Pour un homme mystérieux et irrésistible, c'est tout de même dommage. Rod ne fera donc pas carrière dans les services secrets. Enfin, pour ce que nous en savons, il pourrait aussi bien être le méchant pirate de l'histoire. Ou alors le gentil pirate passionné.  Et quand il est amoureux, il n'est vraiment, mais alors vraiment pas du tout discret. Même Amélia l'adorable vieille dame indigne lui donne des leçons de savoir-séduire. Une honte. Il faut dire que cet homme beau, grand... Bref, cet homme là pour des raisons évidentes de camouflage porte de lunettes et les cheveux coupés à ras. On insiste beaucoup sur les lunettes et les cheveux coupés à ras. Qui ne lui vont pas. Bref, c'est louche tout ça non? S'il le voulait, il pourrait être tellement séduisant. D'ailleurs ses lèvres sont sensuelles. Il pourrait donc bien  êtr ele méchant. A moins que le méchant n'ait pas les lèvres sensuelles? Une chose est certaine, il est fou amoureux d'Elissa, et près à tous les coups pour la conquérir. Dans le respect de la bienséance tout de même.

    - le beau, grand, fort, viril mais pas taciturne Victor: riche passager, il n'est pas blanc bleu mais s'emploie à apparaître comme tel. Rival en amour de Rod (seigneur, mais qui m'a fichu un prénom pareil et encore ce n'est pas fini), Elissa est sa proie. Ni plus ni moins. Il est donc Le Fourbe. Et peut-être Le Pirate. Mais peut-être pas. En tout cas, il est malin, séducteur, calculateur, il aime l'argent et il est sensuel. En tout cas, il ne respecte pas les règles puisqu'il ne compte certainement pas épouser Elissa.

    Comparons maintenant les caractéristiques de nos deux candidats à celles du pirate et du corsaire:

    - le pirate: fourbe, courageux, violent, aimant le massacre et le rhum. Et les coffres au trésor. Et les cartes au trésor. Et les femmes. Ah oui, il obéit aux lois de la flibuste.

    - le corsaire: au service du roi, il pille et poursuit pour la bonne cause. Selon les écoles, il est fourbe, courageux et violent, ou loyal, courageux et violent. En tout cas, il obéit aux lois de la guerre.

    Vous conviendrez que nous avons des caractéristiques proches avec une légère orientation corsaire pour le commissaire de bord et une légère orientation flibuste pour Victor.

    J'en oublierais de vous parler d'un autre personnage masculin!! Le capitaine: beau, grand, fort, viril et taciturne, il va venir faire quelques apparitions pour faire face aux méchants pirates, supporter avec vaillance une blessure par balle et régler ses comptes avec son passé amoureux, torturé bien évidemment. Attendrions-nous autre chose d'un capitaine de bateau de croisière beau, grand, fort, viril et taciturne? On pourrait le rapprocher de Jack Aubrey, sauf que Jack Aubrey commande un navire de guerre et qu'il n'est pas amoureux d'une passagère (bon, je préfère le second du capitaine Aubrey, Thomas Pulling joué par James d'Arcy et ses grands yeux verts, mais tous les goûts sont dans la nature. On peu préfèrer James Aubrey. Ou même Adam Bartholomew.).

    Mais avec tout ça, la piraterie est-elle soluble dans la passion? Attention, il va y avoir des spoilers!!

    Comme vous ne vous en doutiez pas du tout, mais alors pas du tout, le commissaire de bord est le gentil, Victor est le méchant. Le capitaine, lui, est le capitaine. Point.

    Or donc, commissaire et méchant s'opposent en un duel sans merci pour les beaux yeux (et pas que) d'Elissa. Que leurs intentions soient honorables ou pas, la passion règne dans leur coeur. Seulement voilà, autant notre commissaire/corsaire (cf. supra) va s'assagir pour sa belle, autant Victor/Le Fourbe/Le Pirate (cf. supra) va s'enfoncer dans le stupre, le lucre et la violence. On pourrait donc en conclure que la piraterie n'est pas soluble dans la passion au contraire de la course (le corsaire était équipé d'une lettre de course). Point de salut pour le pirate! Cela ne va pas les empêcher de se battre comme des chiffonniers dans quelques scèhnes d'anthologie. Seule consolation, le reste de la troupe de pirate est bête, méchant et veule. Ce qui permet au commissaire de leur tataner la figure avec un seul doigt. Ca c'est un homme, un vrai.

    Remarquez, on peut se demander ce qu'il serait advenu si Elissa avait décidé de suivre Victor sur la voie de la contrebande, de la piraterie et des trafics en tout genre? C'eut été intéressant. Elissa en robe rouge fendue à la tête d'un gang de pirates armés de fusils automatiques... Mais non. Elissa reste désespérement harlequinesque: jolie, peu confiante en elle, amoureuse folle et obnubilée par les mouvements de son petit coeur palpitant, mais courageuse et capable de faire joujou avec un fusil. Bon d'accord, au bout de quatre seconde elle ne parvient plus à le tenir puisqu'elle est frêle et fragile, mais ça ne l'empêche pas de cavaler derrière l'élu de son coeur, histoire de vérifier qu'il va rester entier! Au fait, je vous ai dit que l'élu est milliardaire et presque mauvais garçon? Et qu'elle, évidemment n'est qu'assistante dans une agence de voyage... On aurait comme un sentiment de déjà vu...

    Bref, comme le propos touchait à la piraterie, je ne reviendrait pas sur les intrigues amoureuses secondaires, ni sur le rôle de la vieille dame indigne comme compteur Geiger de l'amour, ni sur les beautés de Bali et l'utilité des mauvaises routes pour les nuits passionnées, ni sur l'omelette norvégienne et ses dangers, ni sur les bienfaits des croisières sur la paix sociale, ni sur la propension étrange des héroïnes harlequin à quitter l'amour de leur vie sans lui rêveler qu'elle sont enceintes, ni sur la présence de passages secrets et de pièces cachées sur un bâteau de croisière . Si vous voulez en savoir plus, Passion sans escale est disponible au prêt. A condition de revenir. On ne laisse pas un collector comme ça. Surtout quand la croisière s'amuse.

     

    Leslie, Lynn, Passion sans escale, Harlequin, 1999, un roman avec de faux bouts de pirates dedans.

  • Au pays des mangas avec mon fils

     

    Ou comment un père qui s'intéresse comme ça à la nouvelle marotte de son fils de 12 ans fini par tomber dans le monde du manga et de l'anime. Au point d'emmener fiston dans un grand voyage au pays du soleil levant à la rencontre de mangakas et de créateurs d'animes. Première découverte, Peter Carey est un grand écrivain australien vivant aux Etats-Unis, lauréat du Booker Prize. Deuxième découverte, même un grand écrivain australien vivant au Etats-unis et lauréat du Booker Prize peut se retrouver complétement perdu et à la merci d'un galopin de 12 ans parfaitement à l'aise, merci, en milieu étranger. Or, on a beau dire, comme milieu étranger, le Japon se pose un peu. Démonstration:

    - les donuts ne sont pas pareils;

    - on mange du poisson au petit-déjeuner;

    - les mots ne veulent jamais dire ce qu'on croient qu'ils disent;

    - les adresses postales sont un vrai casse-tête;

    - le métro est un labyrinthe.

    J'ai l'air de me moquer comme ça, mais Au pays des mangas avec mon fils est un régal, léger, certes, mais un régal. Peter Carey remonte aux sources de son voyage pour nous expliquer comment il s'est retrouvé dans cette galère: s'intéressant aux passions de son fils de 12 ans, Charley, il en est venu à s'immerger lui aussi avec passion dans l'univers du manga, de l'anime, et plus largement, de la culture japonaise. Père et fils s'influencent à qui mieux mieux jusqu'au jour où le père propose au fils de partir à la découverte de ce Japon qui les fascine à divers titres. Autant dire que s'il aime le manga, il espère bien quand même faire découvrir le "vrai Japon" à son fiston.

    Sauf qu'une chose est certaine, Charley refuse d'avoir quoi que ce soit à faire avec le "vrai Japon". Les temples, les musées et tout le reste, très peu pour lui. Branché en permanence à son portable, à l'aise comme un poisson dans l'eau dans le Sega World, c'est un autre "vrai Japon "dans lequel il se trouve bien. Au grand étonnement d'un père qui va découvrir son fils en même temps qu'un aspect du Japon qu'il n'appréhendait pas.

    Un des aspects les plus intéressants du récit est ce retour à la source. On y voit nos deux héros échafauder des théories sur le Japon, sur les mangas qu'ils lisent et les animes qu'ils regardent. Ils s'interrogent, réflechissent, lisent, se passionnent, discutent, bref, fantasment comme beaucoup de gens ce pays qu'ils ne connaissent que peu. Peter Carey nous parle de ce regard qu'ils portent, l'un comme l'autre sur le Japon, et il raconte au fil des chapitres, comment ce fantasme s'est vu confronter à la réalité de la vie quotidienne japonaise et d'une culture qui ne s'ouvre pas si facilement et s'échappe quand on croit, enfin, y avoir compris quelque chose. Cette confrontation donne lieu à quelques scènes drôlatiques et à une foule de petites aventures où Charley va se révèler sous l'oeil éberlué de son père. Charley, le modèle de l'adolescent monté en graine, mutique, pas franchement intéressé par ce qu'aiment ses parents, mais à l'aise comme un poisson dans l'eau dans un monde qui reste hermétique à son père: celui d'un Japon feru de nouvelles technologies où les visualistes s'habillent comme leurs personnages préférés.

    Peter Carey le regarde évoluer avec un oeil plein de tendresse et d'humour, livrant en filigrane de son récit l'histoire de sa relation avec son fils et la manière dont ils s'enrichissent mutuellement. Ce qu'aime Charley n'est pas toujours ce qu'aime son père et inversement, mais ils se retrouvent parfois sur certaines oeuvres pour mieux se quitter sur d'autres.

    C'est l'occasion pour l'auteur de parler, beaucoup, du manga et de l'anime japonais. Sans sombrer dans une liste ennuyeuse d'oeuvres qu'il considérerait comme majeures, il s'appuie sur quelques oeuvres qu'il apprécie particulièrement, ou que son fils aime particulièrement pour nous emmener à la découverte de cet aspect de la culture japonaise. Comme il aime Blood the last vampire, il embarque Charley et le lecteur à la rencontre d'un maître forgeron de sabres japonais. Comme Gundam Wings est une part considérable de leur vie à tous les deux, il nous fait assister à leur rencontre avec Tomino, le créateur de cett oeuvre. Avant de croiser, dans un moment magique, la route d'Hayao Miyazaki. L'occasion de découvrir comment naissent des mangas ou des animes au succès considérable, de confronter la vision occidentale de ces mangas à la vision japonaise, d'étudier la place du traumatisme de la Seconde guerre mondiale et des bombardements atomiques dans le manga et l'anime. C'est fourmillant d'informations, de petites découvertes et d'anecdotes. Ce serait franchement passionnant si c'était un brin plus approfondis. En l'état, c'est une lecture sympathique qui m'a donné envie de découvrir l'oeuvre de Carey et Gundam Wings. Ah oui, et de revoir pour la centième fois Totoro! Ce qui n'est déjà pas si mal!

    Pour la route, une citation attribuée à Miyazaki: "il a dit qu'à son avis, l'imagination est ul'une des plus importantes facultés humaines, donc le but de ses activités est de développer l'imagination des enfants qui représentent les génénrations à venir. L'imagination est capable de crééer un monde entièrement différent selon l'usage qu'on en fait. Elle peut donner naissance à la vertu, ou bien aux armes de destruction qui menacent la terre entière. Il a dit, au passage, que les risques potentiels lui faisaient peur."

    On en parle sur Anime-Kun.

     

    Peter Carey, Au pays des mangas avec mon fils, Hoebecke, 3.5/5 

  • Cristal qui songe

     

    Pour Horty, 8 ans, le monde bascule définitivement le jour où il est renvoyé de l'école pour avoir mangé des fourmis. Battu par des parents adoptifs qui ne l'avaient adoptés que pour préserver leur statut social, il prend la fuite après une scène particulièrement brutale avec son seul jouet, un diable à ressort aux étranges yeux de cristal. Il trouve refuge auprès d'un étrange groupe de forains: Zena, la naine, Solum, Gogol... Des freaks dirigés par le féroce Pierre Ganneval, dit le cannibal. Mais Horty est loin d'être hors de danger: les événements mystérieux se multiplient, le secret de son existence est soigneusement maintenu par Zena, qui l'a déguisé en jeune fille naine, d'étranges cristaux gémissent la nuit... Jusqu'au jour où l'affrontement avec Le Cannibal et les fantômes du passé devient inévitable.

    Pour ceux qui en doutaient encore, voilà la preuve par A+B que la science-fiction est le genre littéraire le plus intelligent qui soit. Pas moins. Et on ne proteste pas.

    Théodore Sturgeon donc. A ma grande honte, un immense auteur que je n'avais pas encore lu, un classique des classiques qui m'avait échappé. Erreur réparée à ma grande joie (pfiou, c'est fou les extrêmes par lesquels je passe. Epuisant). Car c'eût été un crime de passer à côté de ce petit bijou à la qualité d'écriture indéniable et au contenu des plus enthousiasmants.

    Dans ce court roman, tout tourne autour de mystérieux cristaux: des êtres vivants, radicalement différents de l'humain, qui créent par leurs rêves, des copies de ce qui les entoure, copies plus ou moins fidèles, plus ou moins déformées, et parfois vivantes. Une altérité fascinante et superbe dont Le Cannibal comprend vite l'utilité pour ses projets de vengeance: cet ancien médecin, fou et sociopathe veut plus que tout nuire à l'humanité, voire la détruire. En apprenant à contrôler les cristaux par la souffrance qu'il leur inflige, il reproduit virus, bactéries, animaux venimeux et freaks qu'il contrôle par le biais du cristal qui leur a donné naissance. Mais pour pouvoir utiliser les cristaux entièrement, il lui faut un être intermédiaire, créé par les cristaux et capable de communiquer réellement avec eux. Cet être il le cherche depuis des années pour en faire son esclave. Charmant personnage.

    En partant de ce principe de création, Théodore Sturgeon invite son lecteur à une réflexion sur l'humain et l'altérité en brouillant les pistes. Au fur et à mesure que les pages défilent, on sait de moins en moins qui est humain, qui est copie. Zena est-elle une création des cristaux ou une humaine à la croissance arrêtée? Solum et Gogol et les autres membres du cirque sont-ils le fruit de mutations, ou des copies ratées d'être vivants? Pierre Gannival est-il vraiment humain? Et que dire d'Horty? On se rend compte petit à petit des étrangetés de l'enfant. Dix années passées dans un crique sans qu'il grandisse, des blessures qui guérissent étrangement, et ce secret qui l'entoure. Ses particularités se dévoilent au gré d'indices et de révélations qui tiennent en haleine. Il faut attendre pour comprendre et prendre la pleine mesure du questionnement de Sturgeon sur l'humanité et le mal. 

    Regardons d'un peu plus près les personnages. Pierre Gannival, homme sans scrupules confit dans l'aigreur et la haine, qui méprise ses semblables et prend plaisir à la souffrance d'autrui.  Armand Bluett, le père adoptif cruel, lâche et peureux, qui s'emploie à détruire systématiquement l'enfant sous sa garde, qui harcèle et trompe, qui corrompt son devoir de juge. Un tortionnaire à la petite semaine. Ils sont le principe de destruction face à Horty, dont on comprend vite qu'il est plus qu'humain, ou en tout cas plus tout à fait humain, face à Zena qui lutte et se sacrifie pour empêcher Gannival de faire le mal, face à Kay qui paie pour sa beauté, face aux freaks maintenus dans une sorte d'esclavage. Mais qu'est-ce que c'est être humain: voir la beauté du monde et la préserver? faire la différence entre le bien et le mal? être capable de se sacrifier par amour? être capable d'accepter celui qui est différent? Ou aller à l'encontre de tout cela par peur ou colère? Aucune réponse n'est apportée par Sturgeon. Aucun de ses personnages n'est ce qu'il semble être. Certaines créatures des cristaux luttent pour le bien, d'autres pour le mal et il en va de même pour les humains. Au final, Sturgeon constate juste quelle souffrance est provoquée par l'indifférence ou le rejet et combien les hommes sont prompts à exploiter leurs semblables.

    Vous me direz qu'il n'y a rien de révolutionnaire. Certes. Mais Sturgeon explore les multiples aspects de cette réflexion sur l'humain avec une histoire passionnante qui ne sombre jamais dans la facilité ou la démonstration et une manière superbe de nous parler des émotions, des sentiments et des ressorts des réactions humaine. On voyage en frissonnant, en rêvant, en s'enthousiasmant ou en s'indignant. Horty, Zena et les autres deviennent des compagnons de route, des personnages de ceux dont on sait qu'on ne les oubliera pas de sitôt.

     En chinant sur le net, j'ai découvert cette citation extraite d'une oeuvre de Sturgeon, La peur est une affaire:

    "Votre malédiction est de vous sentir rejetés. De là naît la colère, et la colère engendre le crime, et le crime engendre la culpabilité; et tous vos coupables rejettent les innocents et détruisent leur innocence."

    A méditer.

     Mes imaginaires en parle, Rose aussi. Nebalparle de Sturgeon et de son oeuvre.

    Sturgeon, Théodore, Cristal qui songe, J'ai lu, 2004, 5/5