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dystopie

  • The hunger games - Suzanne Collins

    Autour du Capitole, douze districts soumis par la terreur. Douze garçons et douze filles entre douze et dix-huit ans sont tirés au sort chaque année pour participer aux Hunger Games : lâchés dans une gigantesque arène, confrontés à une nature hostile, ils doivent s’entretuer jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un seul d’entre eux sous le regard d’une population contrainte à suivre ces jeux.
    Dans le District 12, le district du charbon, Katniss, 16 ans, fais survivre sa mère et sa sœur. Quand cette dernière est tirée au sort pour participer aux Hunger Games, Katniss se porte volontaire à sa place et part avec Peeta affronter l’arène et des concurrents décidés à survivre à tout prix.


    Les abominables citations dithyrambiques sur la quatrième de couverture des romans ont le don de m’agacer royalement la plupart du temps, voire de me faire renoncer à une lecture. Que diable ai-je à faire de l’avis soit disant éclairé de Stephen King et Stephenie Meyer sur tel ou tel roman, je vous le demande. Même s’ils ont raison dans ce cas précis : effectivement, impossible de lâcher ce roman. J’admets qu’il me fallait le lire très vite, mais ce qui aurait pu être une obligation puisque je voulais le lire mais pas forcément à ce moment précis (ahhhhh, la volonté illusoire de laisser le coup de feu se tasser), s’est vite transformé en plaisir.
    The Hunger Games est un roman intelligent, et non content d’être un roman intelligent, il a l’immense avantage d’avoir été écrit par un auteur qui sait ce que suspense et rebondissements signifient. On ne pourra à aucun moment nier que Suzanne Collins maîtrise l’art du page turner, ça non !
    Mais venons-en au vif du sujet. Comme dystopie, Hunger Games ne présente pas de réelle originalité. En le lisant on pense à Battle Royale, on retrouve les thème de centre/ périphéries soumises, de contrôle des masse, avec une trame relativement classique de récit initiatique. Mais tout cela, Suzanne Collins le maîtrise et le place dans le contexte de ces jeux qui ne sont pas sans rappeler les jeux du cirque, certaines des coutumes antiques les plus révoltantes et la télé-réalité qui depuis quelques années sévis sur nos écrans et prend des tous de plus en plus trash. C’est le principe de la télé-réalité poussé à l’extrême et utilisé comme instrument par un pouvoir totalitaire qu’utilise l’auteur.
    Elle prend le temps de décrire brièvement, sans doute un peu trop brièvement l’univers de son roman avant de lâcher Katniss et Peeta dans la fosse. On a du coup une impression de survol des ressorts politiques et sociaux de Panem même si le principal est aisément compréhensible et certaines réactions de la population sont un peu difficiles à saisir. Cela n’empêche aucunement l’auteur d’aborder des questions difficiles sur le libre-arbitre, la dignité, l’identité. On peut même dire qu’effleurer l’aspect scientifique, technique (les armes, les moyens de locomotion) permet d’une certaine manière de mieux s’identifier à cet univers pas si différent du notre. On s’attache aux personnages, à commencer par Katniss, bien moins forte qu’elle n’en a l’air, par Peeta moins naïf qu’au premier abord, et tout ceux qui les entourent. L’histoire sentimentale entre les deux jeunes gens, plus complexe que ce à quoi on pourrait s’attendre ne porte à aucun moment préjudice au rythme du récit, mais au contraire, l’enrichit. On voit petit à petit les rouages bien huilés des jeux se grippés sous l’effet d’une situation inédite et les Juges être pris à leur propre jeu par des adolescents qui sans être plus intelligents que la moyenne, ont des moyens inédits à leur disposition pour s’en sortir : la sympathie du public envers une histoire d’amour qu’ils jouent sans la jouer. La perte de contrôle du Capitole, habitué à manipuler le public est intéressante. Avec cela, les affrontements entre les candidats et les menées des Juges sont haletants sans jamais sombrer dans le sanguinolent ou le voyeurisme.
    Je reprocherais tout juste à l’auteur d’avoir relativement épargné son héroïne et d’avoir laissé quelques ficelles un peu épaisses apparentes à un ou deux endroits. Mais vraiment pour trouver quelque chose à critiquer. D’autant que cette première critique est un peu facile : bien sûr les extrêmes auxquels l’instinct de survie peut pousser ne sont pas explorés comme ils ont pu l’être dans Battle Royale, mais il faut rappeler au passage, que celui-ci est plutôt destiné à un public adulte et que le contexte politique décrit n’est pas le même, et que Suzanne Collins a prévu une trilogie. Difficile de la continuer sans ses personnages principaux (certes, GRR Martin ne s’est jamais encombré de ces considérations, mais nous ne sommes pas dans le même type de littérature : il est plus facile de massacrer ses héros quand on déroule son récit sur 14 tomes)… Il semble que davantage d’explications soient prévues dans le tome 2, historiques, sociales et autres, et une chose est certaine, le premier chapitre offert à la fin de ce tome met l’eau à la bouche

    Très belle réussite, Hunger Games se dévore et laisse présager un second et un troisième tomes tout aussi passionnants. Espérons ne pas être déçus !


    D'autres avis: Chrestomanci, Fashion Emmyne, Karine:), Bladelor, Cuné, La soupe de l'espace,...   

    Et dans la catégorie Anticipation, c'est ma première lecture officielle pour le Défi SF de GeishaNellie!

    defiSF2010

  • Farenheit 451

     **

    Murtag est pompier. Un pilier de la société. Un de ceux qui brûlent les livres, ces fléaux de l'humanité. Il accompli fièrement sa tâche, jusqu'au jour où une rencontre fait voler en éclat sa belle sérénité et le pousse à ouvrir un de ces objets interdits...

    Farenheit 451, la température à laquelle le papier prend feu. Un titre lapidaire, un peu mystérieux qui dit pourtant tout de ce roman percutant et essentiel. C'est peu de dire qu'on ressort de la lecture de Farenheit 451 terrifié et lessivé.  Ray Bradbury emmène son lecteur très loin dans une réflexion sur la censure, la culture de masse, la perte de valeurs et de sens.

    Il imagine une société totalitaire. Son objectif, le bonheur pour tous, le respect de l'individu et de ses particularités. Une façade, un discours qui cachent un monde devenu vide et absurde. Difficile de ne pas faire le lien avec les régimes communistes par exemple: le travail collectif, l'utilité sociale érigée au rang de valeur centrale *, au point que peu importe le travail, pourvu qu'il s'agisse de travail. Balayer une rue quand les ordures ne peuvent être enlevées, creuser des trous qui ne serviront à rien...

    Dans le monde de Bradbury, ce n'est pas par le travail que le vide est caché, mais par l'image, l'information. L'image comme moyen de couper court à toute réflexion et de rendre supportable un individualisme qui a mené à un isolement extrême des individus. Isolement rarement physique, mais moral et sentimental qui est proprement terrifiant. Le salon de Montag dans lequel se réfugie toute la journée sa femme prend des allures de prison librement consentie. Des murs écrans qui diffusent toute la journée information et émissions, et qui créent une famille. Des êtres virtuels qui discutent, commentent, donnant à cette femme l'illusion d'être entourée et qui comblent pour un temps le vide qui l'habite, sans pouvoir masquer totalement le malaise et le mal de vivre. Le bonheur censé être apporté par ce système social est factice. On vide les êtres humains de leurs émotions, de leurs sentiments, de la préoccupation de l'autre. Le malaise, profond, est masqué par le flot permanent d'informations, flot qui empêche de penser, de réagir, de ressentir. Le monde de Montag est un monde de morts-vivants.

    Bien avant l'heure (1953), Bradbury parle des dangers d'une société de l'information et de l'image, des dangers du virtuel et des dépendances qu'il induit, offrant un texte qui reste d'une actualité frappante.

    Mais il ne s'arrête pas là. Il trace par petites touches le portrait d'un monde devenu glacial: il y a les murs écrans, et puis ce limier qui traque sans aucune merci les déviants et donne leur mise à mort en spectacle à une foule avide d'images sensationnelles. Il y a cette jeunesse qui fait des courses dans des engins ultra-rapide, quitte à mourir, quitte à tuer, parce qu'il faut bien se sentir exister quand il n'y a plus rien pour donner du sens.

     

    Dans ce monde, les livres qui brûlent. Ce n'est pas tant le fait qu'il brûlent qui importe, que la raison pour laquelle ils brûlent et la manière dont ils brûlent.

    Ils brûlent parce qu'ils sont considérés comme un fléau, comme un danger pour la paix et la tranquillité d'esprit de l'humanité. Rien de bien original, toutes les dictatures et les régimes totalitaires ont procédé à des autodafés.

    Ils brûlent sans que personne ou presque ne s'insurge parce que, petit à petit, les gens ont délaissé les livres pour trouver leur plaisir dans les images, dans des divertissements autres et plus faciles. Ils brûlent dans l'indifférence. Et c'est sans doute le plus terrible. 

    " Il ne me reste plus qu'à rappeler la prédiciton que Beatty, mon capitaine des pompiers faisait en 1953 au milieu de mon roman. Elle avait trait au fait qu'il n'est pas nécessaire re recourir aux allumettes ou au feu pour en finir avec les livres. Car à quoi bon les brûler si le monde commence à se remplir d'illétrées et d'ignorants? Si le monde se basketballise et se footballise en grand spectacle télévisé, plus besoin d'hommes comme Beatty pour enflammer le pétrôle et faire la chasse aux lecteurs."

     Brûler, mais aussi dénigrer, oublier,... Le passage le plus saisissant du roman est celui où le capitaine des pompiers explique à Montag pourquoi il faut brûler les livres, pourquoi il est normal de douter, pourquoi il faut qu'il revienne dans le droit chemin. Glaçant de logique dévoyée. Le message de Bradbury est clair: les livres sont importants. Ils le sont non pas pour leurs couvertures et leur pages, mais pour ce qu'ils contiennent: l'imagination humaine en action. Comme tout ce qui relève de l'art, ils sont le moyen de ne pas suivre les mots d'ordres, d'échapper au conditionnement, d'apprendre à être et à penser. C'est ce que savent ceux qui résistent. Clarisse par exemple, qui danse dans les feuilles mortes et qui va provoquer chez Montag la première étincelle de la révolte, son oncle, cette vieille femme qui préfère brûler avec ses livres, ... Et les "couvres-livres", ces hommes et femmes réfugiés hors des villes, qui apprennent par coeur les livres détruits pour les préserver et transmettent oralement leur contenu.

    La trajectoire de Montag dans ce monde celle d'un homme qui passe du statut d'enfant qui accepte à celui d'adulte qui agit, réflechit et prend ses responsabilités. Qui vit et accepte ce que vivre implique: la souffrance, les regrets et le bonheur.

    "Vis comme si tu devais mourir dans dix secondes. Regarde donc le monde. Il est plus extraordinaire que tout les rêves fabriqués ou achetés en usine. ne demande pas de garanties, ne demande pas la sécurité, cet animal-là n'a jamais existé."

    Bref, Farenheit 451 est sans conteste un roman fondamental, un incontournable. Ne passez pas à côté!

    *note: je sais que je simplifie beaucoup, mais je ne vais pas me lancer dans un exposé sur la théorie communiste, la possession commune des moyens de production, le collectivisme et le concept de société sans classe. Ou alors j'ouvre un blog d'histoire des idées politiques.

    ** Cette photo a été trouvée sur le blog de Dominique Autié.

    Bradbury, Ray, Farenheit 451, Denoël, 1999, 5/5