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Chiff' - Page 71

  • L'amour par climat froid

     

    Fanny et Polly, deux amies, deux jeunes femmes dont les choix de vie vont être radicalement opposés. Dans l’Angleterre des années 1930, la première, heureuse en ménage, va observer les rebondissements de la vie amoureuse et familiale de la seconde, livrant ainsi une chronique douce-amère et ironique de la vie de l’aristocratie britannique.
     
    Alléchée par de nombreux billets et certaine de retrouver cette littérature british qui fait mes délices, j’ai ouvert pleine de confiance et de joyeuse attente L’amour dans un climat froid. A en croire quatrième de couverture et autres billets, ce roman avait tout pour me plaire : ironie, humour, chronique sociale et amoureuse, personnages attachants, etc. Et pourtant, pourtant, la mayonnaise n’est pas montée. J’ai refermé le roman avec un sentiment d’inachevé et une certaine frustration qui quelques semaines après ma lecture ont pris le pas sur le plaisir somme toute réel que j’ai pris à suivre les aventures de Fanny et Polly.
    Pauvre Fanny d’ailleurs, narratrice singulièrement absente dans toute cette histoire. J’aurais tant aimé en savoir plus sur ses premiers pas d’épouse et mère, sur les émois qui l’on poussée à accepter la demande en mariage de son universitaire et désagréable époux, sur sa découverte du petit monde universitaire anglais. A la place de ses aventures, c’est un récit un peu superficiel de la trajectoire chaotique de Polly qui est offert au lecteur. Là encore, il y aurait eu matière : une jeune aristocrate étouffée par sa mère qui pense trouver dans le mariage sa libération, erreur commune, et qui découvre les affres de la vie conjugale après une guerre sans merci livrée contre sa mère. Je reconnais à Nancy Mitford la pertinence de ses observations, un certain humour, un brin d’amoralité rafraîchissant et la capacité à croquer des personnages hauts en couleur. J’ai adoré Ned, et lady Montdore, la guerre sans merci déclarée entre la mère et la fille. Mais quel regret de voir à quel point le récit reste superficiel et comment l’auteur boucle en deux coups de cuillère à pot son histoire, laissant le lecteur interloqué ! L’amour dans un climat froid m’a laissée relativement froide, mais cela ne m’empêchera pas d’aller jeter un œil ou deux sur La poursuite de l’amour.
     
    Pour la petite histoire, L’amour dans un climat froid était également cité dans Au bon roman de Laurence Cossé.

    Nancy Mitford, L'amour dans un climat froid, 10/18, 2007, 2.5/5
     

  • Des choses fragiles

     

    Que voulez-vous, on ne se refait pas… Bref.
     Recueil de 31 nouvelles et autres récits, Des choses fragiles serait, à en croire l’éditeur, un enchantement littéraire et une confirmation du talent d’un conteur inégalable. Et l’éditeur a presque raison. Un, les différents textes réunis n’ont rien d’inédits, du moins dans les pays anglo-saxons. Deux, enchantement littéraire est peut-être un brin excessif.
    Je dirais donc, pour chipoter un peu que ce n’est pas une confirmation, mais le plaisir immense de trouver sous une même couverture des nouvelles, des poèmes, auparavant éparpillé dont l’auteur prend la peine de raconter, dans sa préface, la genèse et l’histoire. On passe donc allégrement de la fantasy urbaine au fantastique, de l’horreur à la poésie, de l’humour à l’angoisse, sans que jamais la qualité de l’écriture ne se démente. Bien sûr, tous les textes ne sont pas de qualité égale, bien sûr, certains sont plus prenants et passionnants que d’autres. Mais les quelques faiblesses qui apparaissent parfois sont largement compensées par la manière dont l’auteur parle de sa manière d’écrire, de ses doutes, et par l’évidente force des textes. Autrement dit, même quand Gaiman est moyen, il est encore vraiment, mais alors vraiment bon.

    Parmi mes textes préférés, Une étude en vert, variation fascinante sur le thème de Sherlock Holmes et du théâtre, L'heure de la fermeture pour ces peurs enfantines qui font rire et qui pourraient bien recouvrir une vérité dérangeante, Souvenirs et trésors pour son horrible personnage principa, La vérité sur le départ de miss Finch pour son ambiance tellement freaks, L'oiseau-soleil pour son humour ironique, et surtout, Le monarque de la vallée où l'on retrouve Ombre, le héros d'American Gods.

    Mention spéciale à la couverture, absolument superbe!

    Les billets du Cafard Cosmique, Yozone, ElbakinLa liseuse,...

    Neil Gaiman, Des choses fragiles, Au diable vauvert, 2009, 3.5/5
     
     


     

  • Le petites fées de New York

     

    Ou ce qu’il se passe quand deux fées écossaises en kilt vert, ivres mortes, débarquent dans l’appartement d’un horrible misanthrope obèse new-yorkais : un bazar pas possible dans New York impliquant un violon magique, une guerre des gangs féerique, une révolution punk au royaume des fée, une invasion, un herbier, une adaptation de Shakespeare et les New York Dolls.
     
    Au départ, il y a la préface de Neil Gaiman, ce qui semble dire que la chose rectangulaire qu’on tient en main ne doit pas être mauvaise. Ensuite viennent les premières pages et le premier fou rire. Suivi par un nombre certain d’autres fous rire et de gloussements incontrôlables. Comment dire… C’est un roman, un roman foutraque, un roman génialement foutraque et diaboliquement drôle.
    D’une plume alerte et talentueuse, Martin Millard offre une histoire délirante qui voit des communautés de fées diverses et variées s’affronter dans une succession de rebondissements plus absurdes les uns que les autres et se réconcilier dans de spectaculaires beuveries. Il va sans dire que le monsieur ne fait pas dans la dentelle. On frôle parfois la vulgarité, mais sans jamais y tomber et l’aspect totalement jubilatoire des aventures racontées fait de toute manière passer au dessus de quelques petits dérapages. Il faut dire que le tempo est plus allegrissimo qu’andante. Nos fées aiment le rock et le rythme du récit va avec. Impossible de lâcher, on est littéralement embarqué sans aucune envie de descendre en cours de route.
    Et puis qu’est-ce qu’elles sont attachantes ces deux petites fées punk et rock’n roll ! Aussi cinglées l’une que l’autres, à moitié alcooliques et incapables de passer plus de deux minutes sans déclencher une catastrophe susceptible de raser New-York mais le cœur sur la main et l’amitié facile. Très très humaines avec leurs crises de jalousie et leurs grands élans d’amour. En les regardant arpenter les rues de New-York et en suivant les remous qui agitent le monde des fées, on entre sans trop s’en rendre compte dans un portrait sans fard de nos sociétés et de leurs marges. Rien qui puisse faire rire a priori et pourtant, Martin Millar nous parle de l’exclusion et de la pauvreté, de la maladie, de l’exploitation sociale et de la tyrannie aussi sans quitter un instant le registre de l’humour. Dinnie, obèse et détestablement misanthrope, Kerry qui cache son désespoir sous ses vêtements colorés, Magenta la clocharde qui se prend pour Xénophon… Tous à leur manière sont aussi attachants que Heather et Morag. Et si tout est bien qui finit bien ou presque, il est difficile de quitter ces personnages qu’on aurait presque envie de rencontrer en vrai (même Dinnie et pourtant, ce n’était pas gagné) et ces petites fées malicieuses.
     
     
    Un sacré coup de cœur.

    Les billets de la librairie Critic, du Cafard Cosmique, ChimèreAngua...

    Martin Millar, Les petites fées de New-York,  Intervista, 2009, 5/5
     

  • Le vieux qui lisait des romans d'amour

    Le Vieux qui lisait des romans d'amour.jpgVoilà belle lurette que je lorgnais du coin de l'oeil sur ce court roman, classique des classiques lus en classe et à côté duquel j'étais jusqu'alors passée. Heureusement qu'il y a les vacances (celles d'il y a longtemps, certes), pour réparer ce genre d'erreur de parcours!

     

    Il était une fois un village au bord du fleuve, perdu dans la forêt. Il était une fois une bête sauvage rendue folle par la perte de son compagnon et de sa portée. Il était une fois un monde en train de mourir par la faute d'hommes incapables de le comprendre. Il était une fois un vieux qui lisait des romans d'amour.

     

    Court mais intense, Le vieux qui lisait des romans d'amour est un superbe hommage à la forêt amazonienne et un cri de désespoir face à sa mort lente et inexorable. Luis Sepulveda s'attache aux pas d'Antonio José Bolivar, vieux colon qui vit en marge du village, attaché à sa paix et aux romans d'amour que le dentiste itinérant lui ramène de la ville de temps à autre. Un merveilleux personnage cet Antonio, complexe et attachant, le seul capable de comprendre la forêt autour et ses habitants. A travers lui, Sepulveda nous entraîne dans un monde luxuriant, dangereux et fascinant qu'il décrit avec une sorte de sensualité qui donne à ressentir la moiteur, les odeurs et les bruits de la forêt. Mais Le vieux qui lisait des romans d'amour n'est pas que cela: ce qu'il raconte, c'est une chasse, la dernière chasse d'Antonio.

    Une bête rode et tue les hommes, elle se rapproche  du village, rendue folle par un chasseur. Or, Antonio est le seul capable de la trouver et de l'abattre. Au fil des événements, il va se souvenir: son départ des montagnes, poussé par la faim et la pauvreté, son arrivée au village avec sa femme, la mort et le désespoir, la fuite et la vie dans la jungle avec une tribu indienne, le retour à une soi-disant civilisation symbolisée par le village d'El Idilio.

    En fait de lieu idyllique, El Idilio est surtout le cauchemar avancé de l'occident. Chercheurs d'or âpres au gain et capable du pire pour une poignée de pépites, maire obèse et tyrannique que la vanité pousse à éliminer tout ce qu'il perçoit comme une opposition, colons apeurés, chasseurs et scientifiques occidentaux incapables de respecter la forêt et ses habitants. Tout un monde de sang, de larmes et de violence où toutes les valeurs morales sont dissoutes dans la moiteur de l'atmosphère. Un monde dont le vieux s'échappe en lisant ces romans d'amour qu'il déchiffre doucement et qui lui rappellent que l'amour fait mal. Lui, se souvient de cet amour si fort qui le liait à sa femme décédée, et il vit cet amour intense qui le lie à la forêt et aux shuars, cette tribu dans laquelle il a vécu un temps et qui lui a appris à aimer la forêt et à la respecter. Deux amours qui font mal, l'un parce qu'il est mort, l'autre parce qu'il faut regarder et ressentir la mort en train de frapper l'autre.

    Dans ce sens, on peut parler d'un roman écologique et militant, presque d'un roman politique. Mais ce n'est pas tout ce qu'est Le vieux qui lisait des romans d'amour. Le récit vit aussi par ses deux personnages principaux: la forêt d'abord, et le vieux ensuite. Je sais que je lai déjà dit, mais c'est un merveilleux personnage, ce vieil homme têtu et dur au mal, roublard et lucide. Et puis il y a le dentiste aussi qui arrache les dents des colons et leur vend des dentiers, qui ramène au vieux les livres conseillés par une putain de la ville.

    Sepulveda a su en 120 courtes pages mettre en mots et en images tout un monde et les souvenirs d'une vie. C'est un roman touchant, intelligent dont il ne faut pas certainement pas se priver.

     

    Le billet de Lael, Jules, Chrestomanci, Mo,...

    Luis Sepulverda, Le vieux qui lisait des romans d'amour, 1995, 4/5

  • Finnigan et moi

     

    Quand Anwell rencontre Finnigan, l'enfant perdu et solitaire a enfin le sentiment d'avoir trouvé un ami. Mais très vite, les jeux prennent une tournure étrange: car à Anwell rebaptisé Gabriel a été dévolu le bien et à Finnigan le mal. Leur petite ville australienne va vivre des heures difficiles.

    Voilà un roman dont il va être difficile de parler sans trop en dire. Pour ceux qui voudraient garder le mystère, sachez que c'est un roman complexe, sur le rejet, la différence et la folie qui ne permet au lecture d'assembler les pièces du puzzle qu'à la toute fin. Assez magistral dans sa construction et dans son atmosphère, il vaut le détour.

    Allons-y maintenant pour plus de détails. Je sais, c'est affreux, je ne peux pas m'en empêcher! Finnigan et moi est certes un roman sur le rejet, la différence et la folie, mais c'est aussi et surtout un romans sur l'enfermement. Anwell est un enfant solitaire dont la famille vit en marge de la société de leur petite ville isolée. Double solitude donc: celle d'une ville entourée par les montagnes, celle d'une famille repliée sur elle-même et son "statut". Un père avocat très, voire trop conscient de son importance, une mère étouffante, et un drame, celui de la mort du frère aîné attardé. C'est là que se noue l'intrigue et la rupture pour Anwell: quel que soit la manière dont on a expliqué le décès, lui sait qu'il a voulu, désiré la mort de ce frère tant aimé, qu'il l'a provoquée même dans son désir d'enfant d'avoir enfin la même vie de que les autres. Troisième enfermement, dans la culpabilité cette fois, une culpabilité que jamais son père et sa mère ne vont lui permettre d'oublier.

    C'est une étrage famille que celle d'Anwell, le lieu de toutes les névroses, de toutes les violences et de toutes les indifférences. De fil en aiguille, on voit un petit garçon avide d'amour partir chercher un peu d'affection vers un ailleurs qui s'appelle Finnigan: un enfant sauvage, intrépide, toujours accompagné de son chien Surrender et capable du pire. L'un va se révéler manipulateur, égoïste, assassin, mauvais et libre comme l'air, l'autre incapable de résister à l'ascendant de son ami et constamment déchiré entre son profond besoin d'amour et le sentiment que rien ne va plus.

    Là où Sonya Hartnett se révèle machiévélique, c'est qu'elle construit son roman comme le récit que fait Anwell/Gabriel sur le lit où il est en train de mourir à même pas vingt ans d'une mystérieuse maladie. Un flash-back donc, mais raconté à deux voix, celle d'Anwell cédant parfois la place à celle de Finnigan dans une succession de scènes parfois difficiles à remettre dans l'ordre, d'autant que le présent vient parfois faire irruption dans les souvenirs. Ce désordre, soigneusement construit, perd le lecteur tout en l'orientant tout doucement vers le fondement du récit. C'est une belle mécanique bien maîtrisée et mise en valeur par l'atmosphère étouffante et poisseuse que Sonya Hartnett installe: Finnigan est le grain de sable qui va gripper le mécanisme bien huilé d'une vie familiale et d'une ville. Méfiance, rancoeurs, violence qui explose au grand jour, la tension monte progressivement, le suspense aussi. On cherche à comprendre, on se dit qu'on a trouvé avant de changer d'avis et de tomber des nues quand enfin le pot au rose se dévoile. L'ambiance fantastique n'y est, il faut dire, pas pour rien.

    Une lecture dérangeante, intense, qui parle d'amour, de haine et de culpabilité avec talent.

    L'avis de Lily, Sylire, JoelleHilde, ...

    Merci à Anne de m'avoir permis cette découverte!

    Sonya Hartnett, Finnigan et moi, Le serpent à plume, 209, 3.5/5