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Littératures françaises - Page 16

  • Un jour mes princes sont venus

    Livre - Un Jour Mes Princes Sont Venus

     

    Elle essaie les histoires d'amour comme autant de vêtements qui jamais ne lui vont. Elle accumule les échecs, les larmes, les rires et les regrets en cherchant le chemin vers cette blessure qui l'empêche de vivre et d'aimer.

     

    Il y a de ces romans qui sans explication rationnelle touchent leur lecteur, semblent lui parler, ou en tout cas, trouvent un écho en lui. Pour diverses raisons sur lesquelles je ne m'étendrais pas, Un jour mes princes sont venus a été, pour moi, un de ces romans.

    Cette jeune femme dont nous ne connaîtrons pas le nom parle, monologue, porte sur sa vie et ses amours passées un regard d'entomologiste presque. Elle dissèque les raisons qui l'ont menées à cumuler des histoires d'amour sans issues. Elle s'interroge sur son incapacité à s'accorder des relations sans lendemain, à accepter simplement la chaleur du corps de l'autre sans rien attendre d'un avenir commun. Elle remonte le fil jusqu'à ce père mort trop vite, trop tôt, dont elle ne parvient pas à guérir. C'est à la fois infiniment triste, léger, et plen d'espoir. Léger parce que ces histoires qu'elle a cumulé, elle les regarde avec un brin d'ironie, parfois un sourire pour l'aveuglement et la naïveté dont elle a fait preuve. Et parce qu'il est difficile de ne pas se reconnaître un peu en elle et en ses amies. On retrouve un peu de ces discussions sur les hommes que l'on peut avoir avec les copines, un peu de ces magazines de fille.

    Triste parce que les mots qu'elle adresse à son père, elle n'a jamais pu les lui dire de son vivant. Trop de retenue, trop d'incompréhension, et puis la culpabilité d'être devenue femme, d'avoir en quelque sorte trahi. La colère aussi de ne pas avoir pu continuer à s'opposer au père, à l'autorité. Et puis, la légereté cache aussi l'interrogation plus profonde: qu'est-ce qu'il y a chez moi qui ne va pas pour que l'amour ne me vienne pas, pour que je sois incapable de me laisser porter.

    "Ce que je vis est un malheur courant. Les magazines le disent. Les télévisions le clament. Les femmes se le susurrent. Les hommes se le murmurent. Mais moi? Hein? Moi dans tout ça? Que les femmes de ma génération essuient les difficultés de la liberté sans modèle soit. Que les femmes de ma génération s'occupent de leur réalisation professionnelle, etc, soit. Je pourrais très bien me couler dans la problématique commune et me reposer en me disant C'est une affaire de génération. Et voilà!

    Mais je sais que ce serait tricher.

    Des hommes qui me regardent, qui me veulent, il y en a. C'est en moi que quelque chose ne va pas?"

     L'espoir? Il est dans la guérison progressive. Petit à petit, elle trouve sa place. Dans l'amitié et dans l'amour. Elle quitte définitivement l'enfance.

    "Mon éducation et faite. Parfaite.

    Je sais que chacun est libre de sa propre mort.

    Je sais que l'amour ne sauve pas de la mort. L'amour c'est fait pour vivre, c'est tout. Et c'est bien.

    J'ai quitté la paume ouverte où plus rien ne me retient prisonnière.

    Et j'ai été seule.

    Et j'ai été vivante.

    Enfin.

    Merci mes princes.

    Maintenant, un homme peut venir."

     Poésie, épure, sensibilité, Jeanne Benameur offre un roman où s'équilibre douceur, amertume et sérénité. Un très beau moment dont je me souviendrai longtemps.

     

    L'avis de Gawou

     

    Jeanne Benameur, Un jour mes princes sont venus, Denoël, 2001, 142p.  5/5

  • Qui touche à mon corps je le tue

    Trois vies qui s'entrecroisent, douloureuses, prises dans les méandres d'un drame qui les dépasse. Celle de l'exécuteur de l'Etat français, celle de Marie G. qui vit ses dernières heures, celle de Lucie L. qui saigne et attend que l'enfant qu'elle porte se décroche. 


    Qui touche à mon corps je le tue

    Voilà un roman qui m'a donné du fil à retordre et qui m'en donne encore. Le sujet m'attirait pourtant: l'avortement, le prix d'une transgression si commune dans une société qui n'admet pas qu'une femme refuse de donner la vie. Qui touche à mon corps je le tue parle du corps de la femme, de ce qu'il arrive lorsqu'il est identifié, reduit à la seule fonction maternelle. Il parle aussi de la relation de la mère à l'enfant dans ce qu'elle a de plus beau et de plus étouffant.
    Lucie L. est à ce titre un personnage exemplaire: une enfant étouffée par l'amour de sa mère, incapable d'aimer et de donner la vie tant pour elle, ce serait échouer définitivement à exister pour elle-même, pour ce qu'elle est:  une femme. Et pour cela, elle est prête à souffrir, à saigner et à affronter le regard de la société. Ses souvenirs du curetage consécutif à son premier avortement sont à cet égard glaçants. Marie G. est la dernière, celle qui n'existait pas ou si peu, et qui n'a trouvé comme moyen d'être que son métier de faiseuse d'ange. Henri D., le bourreau, est marqué à tout jamais par sa mère décédée au cours de son enfance et ne trouve comme échappatoire à la culpabilité qu'il ressent que d'embrasser la carrière de ses ancêtres. Tous les trois, qu'ils le fassent de manière légale ou illégale sont des bourreaux en ce sens qu'ils amènent la mort. Qu'ils aient raison ou tort de le faire importe peu. Ce que cela fait d'eux l'est.

    Une réflexion passionnante donc, mais rendue trop dure, trop dense par le style de l'auteur. L'absence ou quasi-absence de ponctuation, l'aridité, m'ont rendu la lecture pénible, m'ont empêchée de ressentir la moindre empathie, la moindre tendresse ou la moindre horreur pour les trois personnages malgré leur statut de narrateur. Eux mêmes donnent l'impression d'être totalement en dehors de leur vie. Je ne suis pas amatrice de sentimentalité, mais la froideur qui imprégne l'ensemble du roman me laisse un goût amer.

    Lou est enthousiaste, Clarabel aussi.

    Valentine Goby, Qui touche à mon corps je le tue, Gallimard, 2008, 136 p.
    1,5/5

  • Qui comme Ulysse

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    Je ne suis pas la première, et je ne serai pas la dernière à vous parler du recueil de nouvelles de Georges Flipo. J'ai eu le grand plaisir de trouver dans mon courrier l'Ulysse et ses valises,et de pouvoir me plonger dans des histoires qui m'ont fait voyager de par le monde et dans l'âme humaine par les odeurs, les goûts, les couleurs et l'imagination.

    Le point commun des personnages mis en scène par Georges Flipo? Se découvrir dans le voyage, et parfois se trouver quelque soit le destin qui les attend à l'issue du voyage. Il ne s'agit pas toujours d'un voyage physique: si je devais choisir ma nouvelle préférée parmi les quatorze qui composent le recueil, ce serait sans doute La route de la soie pour la tendresse et le bonheur tranquille qu'elle dégage. Cet homme vieillissant et solitaire qui met en mots et en images les voyages des autres, talentueux faussaire de l'ailleurs m'a littéralement enchantée. Il est la version moderne de ces hommes et ces femmes qui ont voyagé sans quitter leur fauteuil ou leur lit. J'ai aimé ce rappel du fait qu'il n'est pas toujours nécessaire d'aller loin pour découvrir le monde et les hommes.
    Mais il n'y a pas que lui: l'adolescente de L'île Sainte-Absence, l'écrivain aux empanadas, le joueur d'échec ont tout autant de charme. On tourne les pages avec gourmandise et attente, le coeur tenaillé par l'envie de savoir ce qu'il va advenir d'eux, et le regret de voir trop vite arriver la fin du chemin. Et jamais on ne se lasse tant ces histoires sont différentes les unes des autres et tant il y a apprendre d'elles et du cheminement de leurs héros. Comme tout le monde, ils cherchent un sens à leur vie, un retour aux sources, une fuite en dehors d'un quotidien trop terne et lourd à porter. C'est parfois triste, c'est souvent passionnant, de temps en temps drôle,  de loin en loin un brin cynique, c'est la vie tout simplement, croquée avec gourmandise quelque soit la chute de l'histoire!! Mais je me pose une petite question... Y répondrez-vous monsieur Flipo? Pour décrire les gens et ce qu'ils mangent et boivent avec autant de gourmandise, êtes-vous vous même gourmand?

    Un petit bonheur de lecture comme je les aime et que je ne peux que chaudement conseiller!

    Ulysse est déjà passé chez
    Amanda, Cuné, Fashion, Papillon, Laure, Kathel, Cathulu, Le Bibliomane,... Je lui souhaite bon vent pour ses prochaines étapes.


    Georges Flipo, Qui comme Ulysse, Anne Carrière, 2008, 253 p.

  • Mari et femme

     

    « La première chose qui t'étonne lorsque tu ouvres les yeux c'est le plafond de votre chambre. Ça fait des mois que tu dors dans le salon. Tu ne comprends pas. Tu tournes la tête sur le côté, ta femme n'est pas dans le lit. Mais ses longs cheveux blonds s'étalent sous ta joue. Tu ne comprends pas du tout. Tu montes une main pour te gratter la barbe. Ta barbe a disparu. Tu ne respires plus. Tu descends ta main sous le drap. Tu cherches quelque chose entre tes jambes. Tu ne trouves rien. Tu te redresses d'un coup. Tu te tournes vers l'armoire à glace. Tu cries. Ta femme crie à ta place. »

     

    Certes l’idée n’est pas nouvelle : intervertir les corps d’un homme et d’une femme. Mais quand cet homme et cette femme vivent en couple, quand ils sont sur le point de se séparer, que l’un est un écrivain en crise et l’autre une éditrice au sommet de sa gloire, alors, on peut se dire qu’il y a quelque chose de nouveau sous le soleil. Et c’est le cas. Enfin, plus ou moins.

    Mari et femme est un texte court, mais incisif, concis, explosif presque : Régis de Sà Moreira y va à l’économie et parvient ainsi à faire entrer son lecteur dans cette vie de couple qui bascule. Dans la tête de cet homme qui doit se faire à un corps de femme. Jamais le narrateur ne s’embrouille, ne confond ce qu’il est et ce qu’est sa femme. Le décalage entre le corps et l’esprit induit des situations intéressantes, surtout quand chacun va à la découverte de la vie de l’autre.

    Toutefois, malgré toutes les qualités de ce roman, je dois avouer que je suis restée en dehors du texte. Déjà Le libraire ne m’avait pas convaincue. J’ai été plus accrochée avec Mari et Femme, appréciant le changement, mais j’ai trouvé le style un peu plat, et la manière de traiter son sujet, certes excellente, mais pas assez fouillée. On rentre dans la vie de ce couple, certes, mais il y manque un je-ne-sais-quoi, un brin de folie supplémentaire pour que ce soit totalement enthousiasmant.

     

    Cuné et Amanda sont enthousiastes, Lily a aimé, Emeraude un peu moins.

     

    Merci à Anne Vaudoyer pour l’envoi de ce roman !

    Régis de Sà Moreira, Mari et femme, Au Diable Vauvert, 2008, 181 p.

  • Les encombrants

     

    Sept nouvelles pour dire la vieillesse qui s’en vient, qui s’en va. Pour dire la douleur, l’amertume, l’amour, le deuil, la maladie. Sept nouvelles et autant de points de vue, de la soignante aux enfants.

     

    Pas grand-chose à dire de ce petit recueil de nouvelles. J’en attendais beaucoup, appréciant l’auteur, mais si quelques nouvelles sont effectivement touchantes, j’ai trouvé beaucoup de clichés dans ce recueil : la soignante amère et maltraitante, le politique qui exploite la nouvelle centenaire de la ville, la grand-mère abandonnée par sa famille… Des clichés mais aussi de la tendresse et quelques bonnes idées. Raconter l’histoire du point de vue d’une perruche par exemple, utiliser tous les points de vues possibles et imaginables Et ne pas hésiter à aborder un sujet qui reste tabou : celui de la vieillesse et de ces « vieux » que l’on abandonne ou délaisse, faute de mieux ou faute de les aimer assez. Des encombrants auxquels Marie-Sabine Roger donne une certaine épaisseur sans les idéaliser.

     

     

     Marie-Sabine Roger, Les encombrants, Ed. Thierry Magnier, 2007, 86 p.