Dans le cadre de ses activités de photographe, Ariane rencontre Gabriel Barthomieux, célèbre botaniste, explorateur du Sahara. Entre la jeune femme et le vieil homme, c'est le début d'une profonde amitié et de plusieurs voyages au coeur du désert. C'est au cours d'un de ces voyages que Gabriel Barthomieux évoque le destin d'Alexander Laing, découvreur malheureux de Tombouctou et convainct Ariane de faire de cette aventure un roman. Mais malgré la documentation réunie, elle n'arrive pas à écrire cette histoire. Elle ne parviendra que bien des années plus tard à comprendre ce que cachait la fascination de son vieil ami dans cette histoire.
Sans Papillon, je serai passée à côté de ce très beau roman, profond et dépouillé comme le désert qui y est souvent décrit. La voix d'Ariane déroule le fil d'une quête. C'est une jeune femme qui se cherche, oscillant entre la carrière scientifique à laquelle la brillante étudiante qu'elle était semblait promise, son amour de la photographie, et cette vocation d'écrivain qui va éclore sous l'influence de ce vieil homme célèbre dont elle a croisé la route. De souvenirs en souvenirs, d'époques en époque, elle évoque sa compréhension progressive de ce que cache l'histoire d'Alexander Laing. Elle y voit l'explorateur malheureux, le jeune officier trop arrogant pour survivre au désert et à ses habitant, l'homme amoureux... Jusqu'au jour où elle comprend le rôle du désert: celui qui révèle les hommes à eux-mêmes en les renvoyant à leurs faiblesses, à leur âme, à l'amour ou à l'absence d'amour qui les emplit et qu'ils pourront ou pas supporter. Le désert, paysage aride, ascétique, est au centre du récit, mais pas comme un lieu de mort et de vide. C'est le lieu où le désir affleure, monte, et où l'amour s'épanouit dans toute sa plénitude. Le lieu où l'on peut se rencontrer. C'est d'ailleurs un beau titre: la traversée du désert est le voyage physique des explorateurs, d'Ariane elle-même, mais aussi un moment de suspension qui permet de comprendre, une métaphore du vide affectif qui détruit...
La construction complexe du roman fait suivre les méandres du chemin qu'Ariane parcourt vers une certaine connaissance, des êtres et des choses, et surtout, d'elle-même. Avec la conviction, que finalement, c'est l'amour, et le désir qui sont au centre de toute chose. C'est l'amour qui a tué Alexander Laing, incapable de faire face à l'amour qui le consumait, c'est l'amour qui a fait de Gabriel Barthomieux le scientifique de renom, c'est l'amour qui a fiat emprunter à Ariane le chemin du désert. Ce qui est sans doute le plus fascinant, c'est le lent cheminement de la jeune femme vers son ami au travers d'un autre qui est son contraire. Ce n'est qu'en comprenant Laing qu'elle va comprendre la part cachée de Barthomieux, lier le scientifique arrogant et tyrannique au vieil homme qui regardait vivre son entourage d'un oeil tendre.
A travers ce vieil homme, on découvre en filigrane Théodore Monod, dont Isabelle Jarry a été la biographe. C'était un homme merveilleux, dont les écrits laissent apparaître la formidable intelligence et la sensibilité. On a ainsi l'impression de découvrir l'homme derrière le scientifique, et l'écrivain. Cet écrivain sur lequel Ariane l'écrivain écrit, elle même créature d'un autre écrivain. C'est, mine de rien, une réflexion sur l'acte d'écriture, la création et son moteur.
Une très belle lecture, dense, complexe, qui fait résonner longtemps sa petite musique. Il y a bien des choses que je n'arrive pas, là, à formuler. Je relirai sans doute ce roman, pour tenter de mettre en mots ce qui me turlupine!
L'avis de Thom, de Caro[line],...
Isabelle Jarry, La traversée du désert, Stock, 2008, 4/5