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deuil

  • Un jour mes princes sont venus

    Livre - Un Jour Mes Princes Sont Venus

     

    Elle essaie les histoires d'amour comme autant de vêtements qui jamais ne lui vont. Elle accumule les échecs, les larmes, les rires et les regrets en cherchant le chemin vers cette blessure qui l'empêche de vivre et d'aimer.

     

    Il y a de ces romans qui sans explication rationnelle touchent leur lecteur, semblent lui parler, ou en tout cas, trouvent un écho en lui. Pour diverses raisons sur lesquelles je ne m'étendrais pas, Un jour mes princes sont venus a été, pour moi, un de ces romans.

    Cette jeune femme dont nous ne connaîtrons pas le nom parle, monologue, porte sur sa vie et ses amours passées un regard d'entomologiste presque. Elle dissèque les raisons qui l'ont menées à cumuler des histoires d'amour sans issues. Elle s'interroge sur son incapacité à s'accorder des relations sans lendemain, à accepter simplement la chaleur du corps de l'autre sans rien attendre d'un avenir commun. Elle remonte le fil jusqu'à ce père mort trop vite, trop tôt, dont elle ne parvient pas à guérir. C'est à la fois infiniment triste, léger, et plen d'espoir. Léger parce que ces histoires qu'elle a cumulé, elle les regarde avec un brin d'ironie, parfois un sourire pour l'aveuglement et la naïveté dont elle a fait preuve. Et parce qu'il est difficile de ne pas se reconnaître un peu en elle et en ses amies. On retrouve un peu de ces discussions sur les hommes que l'on peut avoir avec les copines, un peu de ces magazines de fille.

    Triste parce que les mots qu'elle adresse à son père, elle n'a jamais pu les lui dire de son vivant. Trop de retenue, trop d'incompréhension, et puis la culpabilité d'être devenue femme, d'avoir en quelque sorte trahi. La colère aussi de ne pas avoir pu continuer à s'opposer au père, à l'autorité. Et puis, la légereté cache aussi l'interrogation plus profonde: qu'est-ce qu'il y a chez moi qui ne va pas pour que l'amour ne me vienne pas, pour que je sois incapable de me laisser porter.

    "Ce que je vis est un malheur courant. Les magazines le disent. Les télévisions le clament. Les femmes se le susurrent. Les hommes se le murmurent. Mais moi? Hein? Moi dans tout ça? Que les femmes de ma génération essuient les difficultés de la liberté sans modèle soit. Que les femmes de ma génération s'occupent de leur réalisation professionnelle, etc, soit. Je pourrais très bien me couler dans la problématique commune et me reposer en me disant C'est une affaire de génération. Et voilà!

    Mais je sais que ce serait tricher.

    Des hommes qui me regardent, qui me veulent, il y en a. C'est en moi que quelque chose ne va pas?"

     L'espoir? Il est dans la guérison progressive. Petit à petit, elle trouve sa place. Dans l'amitié et dans l'amour. Elle quitte définitivement l'enfance.

    "Mon éducation et faite. Parfaite.

    Je sais que chacun est libre de sa propre mort.

    Je sais que l'amour ne sauve pas de la mort. L'amour c'est fait pour vivre, c'est tout. Et c'est bien.

    J'ai quitté la paume ouverte où plus rien ne me retient prisonnière.

    Et j'ai été seule.

    Et j'ai été vivante.

    Enfin.

    Merci mes princes.

    Maintenant, un homme peut venir."

     Poésie, épure, sensibilité, Jeanne Benameur offre un roman où s'équilibre douceur, amertume et sérénité. Un très beau moment dont je me souviendrai longtemps.

     

    L'avis de Gawou

     

    Jeanne Benameur, Un jour mes princes sont venus, Denoël, 2001, 142p.  5/5

  • L'histoire de l'amour

     

    Alma 15 ans qui essaie de sauver sa mère d’un deuil sans fin tout en essayant de composer avec la mort de ce père tant aimé, Léopold le vieil homme qui écrit à ce fils qui ne l’a jamais connu, Bird l’enfant qui se prend pour un Juste, Litvinoff l’écrivain exilé, Bruno l’ami fidèle et les autres. Des enfants, des adolescents, des adultes dans la force de l’âge ou vieillissant qui se croisent, chacun luttant contre ou avec la solitude qui les accompagne, les pertes. Tous unis par un roman L’histoire de l’amour, si peu connu mais qui a changé leurs vies.

     

    Après les notes de lecture enthousiasmées d’Emeraude et de Fashion, pouvais-je seulement résister aux sirènes qui m’appelaient vers L’histoire de l’amour ? Je suis certaine que vous m’absoudrez va ! Vous savez trop bien combien il est difficile de ne pas céder à la tentation !

    D’autant que l’enthousiasme des deux tentatrices n’était que trop justifié.

     

    L’histoire de l’amour est un roman profond, à la fois infiniment désespéré et éclairé par l’espoir et une force de vie intense. C’est aussi un roman sur l’écriture et la force de la littérature. La littérature qui exprime si bien ce que nous sommes incapables de dire et de transmettre : amour, haine, regrets, désespoir. La littérature qui est un moyen de se retrouver, de faire comprendre à ceux qui le peuvent ou le veulent ce qui est et aurait du être. Tous les personnages à leur échelle sont bouleversants. Alma qui essaie de faire face à cette mère perdue dans son deuil et à ce frère qui frôle la folie, qui tente de déchiffrer le message contenu dans ce roman que son père décédé aimait tant qu’il l’avait offert à sa femme et avait prénommé sa première née d’après son héroïne. Léopold surtout, ce vieil exilé qui a tout perdu, amour, enfant, espoir d’une vie « normale » et qui fait tout ce qu’il peut pour ne pas mourir un jour où personne ne l’aurait remarqué, allant jusqu’à poser nu pour être vu.

    Ce n’est pas un roman facile : on se perd un peu, on s’interroge sur l’endroit où nous amène l’auteur en nous égarant dans les plis et replis d’une histoire d’autant plus complexe qu’elle se déroule entre Pologne, Chili, Israël et Etats-Unis. Mais finalement, comme le dit Emeraude, nous ne sommes pas plus perdus que ces personnages qui tentent de trouver tout simplement l’amour et qui se perdent dans les méandres de vies qui ne sont jamais celles qui étaient rêvées. Pour finalement retrouver le sens des choses quand les voix des personnages se rejoignent enfin et que les fils de l’intrigue se nouent.

    Amour, fidélité, souvenir, oubli sont au centre du roman. Les personnages de Nicole Krauss doivent finalement tous composer avec la Shoah, le souvenir douloureux, l’impossible oubli. Quoi qu’ils cherchent, c’est ce qu’il s’est passé pour eux, individus à partir de cette période qui a été le point de départ.

    La musique de ces voix résonne longtemps après que la dernière page de ce roman dense, intelligent, infiniment nostalgique et fort ait été tournée.

     

     

    L'avis de Papillon et celui de Clarabel.


    Nicole Krauss, L’histoire de l’amour, Folio, 2008, 459 p.