Trois vies qui s'entrecroisent, douloureuses, prises dans les méandres d'un drame qui les dépasse. Celle de l'exécuteur de l'Etat français, celle de Marie G. qui vit ses dernières heures, celle de Lucie L. qui saigne et attend que l'enfant qu'elle porte se décroche.
Voilà un roman qui m'a donné du fil à retordre et qui m'en donne encore. Le sujet m'attirait pourtant: l'avortement, le prix d'une transgression si commune dans une société qui n'admet pas qu'une femme refuse de donner la vie. Qui touche à mon corps je le tue parle du corps de la femme, de ce qu'il arrive lorsqu'il est identifié, reduit à la seule fonction maternelle. Il parle aussi de la relation de la mère à l'enfant dans ce qu'elle a de plus beau et de plus étouffant.
Lucie L. est à ce titre un personnage exemplaire: une enfant étouffée par l'amour de sa mère, incapable d'aimer et de donner la vie tant pour elle, ce serait échouer définitivement à exister pour elle-même, pour ce qu'elle est: une femme. Et pour cela, elle est prête à souffrir, à saigner et à affronter le regard de la société. Ses souvenirs du curetage consécutif à son premier avortement sont à cet égard glaçants. Marie G. est la dernière, celle qui n'existait pas ou si peu, et qui n'a trouvé comme moyen d'être que son métier de faiseuse d'ange. Henri D., le bourreau, est marqué à tout jamais par sa mère décédée au cours de son enfance et ne trouve comme échappatoire à la culpabilité qu'il ressent que d'embrasser la carrière de ses ancêtres. Tous les trois, qu'ils le fassent de manière légale ou illégale sont des bourreaux en ce sens qu'ils amènent la mort. Qu'ils aient raison ou tort de le faire importe peu. Ce que cela fait d'eux l'est.
Une réflexion passionnante donc, mais rendue trop dure, trop dense par le style de l'auteur. L'absence ou quasi-absence de ponctuation, l'aridité, m'ont rendu la lecture pénible, m'ont empêchée de ressentir la moindre empathie, la moindre tendresse ou la moindre horreur pour les trois personnages malgré leur statut de narrateur. Eux mêmes donnent l'impression d'être totalement en dehors de leur vie. Je ne suis pas amatrice de sentimentalité, mais la froideur qui imprégne l'ensemble du roman me laisse un goût amer.
Lou est enthousiaste, Clarabel aussi.
Valentine Goby, Qui touche à mon corps je le tue, Gallimard, 2008, 136 p.
1,5/5
avortement
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Qui touche à mon corps je le tue