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Littératures françaises - Page 18

  • L'oeil du tigre

     

    En voyant au cinéma Rocky 3, Lise décide soudainement de changer de vie. Pour commencer, elle va reprendre ses études de médecine, quitter son compagnon et construire une vie amoureuse et familiale. Toujours en s’inspirant des films de Stallone qu’elle ne manque jamais d’aller voir. Quitte à ne pas les voir en entier, ou à ne faire que payer sa place, faute d’avoir le temps d’aller les voir.

    Mais petit à petit, le soutien ne devient-il pas plutôt obsession ?

     

    En quelques pages, Emanuele Bernheim raconte toute une vie à travers la filmographie de Stallone. Et ça fonctionne. En ce qui me concerne, ce n’est sans nul doute pas un roman qui restera dans les annales, mais la lecture en est agréable et plutôt intéressante. Car l’histoire de Lise montre qu’il suffit d’un rien pour qu’une vie bascule, dans quelque sens que ce soit.

    Elle montre aussi que nous avons tous besoin de béquilles pour avancer. Et que nous avons tous les béquilles que nous pouvons ! Le tout servi par un style qui va à l’essentiel.

    Une curiosité qui donnerait presque envie de revoir quelques petits films stalloniens!

    Emanuele Bernheim, Stallone, Gallimard, 2000, 52 p.

     

  • La grosse

     

     

    Céline parle trois langues, lit, vit intensément son amitié avec Anatolis son vieux voisin mourant, avec les deux enfants que parfois elle garde. Céline est garde-barrière. Céline attend désespérément son chevalier, ce soldat perdu qui lui a fait un enfant, une nuit d’amour intense. Mais Céline est grosse, grosse de sa solitude, de sa souffrance, de ses amours perdues. Trop grosse et différente pour ceux qui l’entourent et que dérangent sa trop grande liberté.

     

    Avec ce roman touchant, Françoise Lefèvre donne à connaître à ses lecteurs à la fois l’infinie noirceur du monde et l’infini bonté qui peu habiter les être.

    Le destin de cette femme fait l’effet d’un coup dans le ventre. Parce qu’elle est différente, parce qu’elle n’a pas les manières qu’il faut pour se fondre dans la communauté, elle est regardée de travers, détestée, harcelée parfois. Les bonnes gens critiquent son poids, sa manière de vivre, son isolement, ses amitiés. Critiquent le fait qu’elle se contente de ce qu’elle a, de vivre pleinement ce que les jours et la nature lui apportent. De savoir trouver le bonheur dans les petites choses de la vie. Un oiseau qui chante, une ruche, une odeur, le rire d’un enfant…

    « Pensez donc… Quand on n’a pas d’argent, on n’achète pas de lard pour les oiseaux…Non mais !... Et regardez-moi cet air !...Cette robe d’un autre siècle…Ces cheveux longs jusqu’au bas des fesses… Une femme ne sort pas comme ça…En cheveux ! »

    Pourtant, il n’y a pas de quoi la critiquer Céline. Elle essaie de survivre à la perte de son  amour, aux souvenirs de la guerre, à la mort de son enfant. Mais sa souffrance ne suffit pas. On frappe les hommes à terre… Alors les femmes… Et il est tellement facile de piétiner ce qui fait le bonheur des autres, de leur refuser le peu d’amour dont ils ont besoin et qu’ils demandent.

    Pages après pages, les derniers moments de bonheur s’égrènent. La noirceur gagne. La mauvaiseté prend le pas sur l’amour. Bien sûr, il y a quelques raccourcis, quelques facilités, quelques clichés. Mais il est impossible de s’arracher à cette femme.

    C’est une histoire triste que celle de Céline. Une histoire qui se termine mal. Une histoire racontée avec des phrases courtes, dures, poétiques. Une histoire qui trotte longtemps dans la tête la dernière page tournée.

     

     « Cette joie grave de reine déchue qui se souvient d’un royaume, à moins que ce ne soit d’un amour. A moins qu’après avoir tout perdu, elle ne reste là, au bord de la route avec sa capacité d’aimer encore et toujours. Sans attendre de retour. Aimer jusqu’à l’égrènement des secondes. La pluie fine sur les pavés du jardin. La lumière. Cet engrangement de lumière dans la mémoire qui fait naître la mélancolie. Même cette mélancolie devient source de joie et fait croiser les mains sur la poitrine comme s’il y avait là encore un enfant. Un enfant. Un amour. Le corps astral de l’amour qui vous accompagne, vous enveloppe et danse parfois autour de vous de cette danse invisible pour les autres. Alors oui, même cette mélancolie peut se transformer en joie puisqu’elle est comme une gerbe de foudre et cela s’appelle l’absence. Et l’on sait que l’absence grossit dans la poitrine, fait le cœur énorme et qu’on la porte en plus de son propre poids. Elle est partout, remplit tout. On aime autrement. On aime la chose infiniment petite. On pardonne au ciel trop grand. » 

     Les avis d'AnneFlorinettePraline, Flo.
     

    Françoise Lefèvre, La grosse, Babel, 2000, 108 p.

  • Ombre et lumière

    romecouv.jpgMeaume le graveur est né en 1617, a été apprenti à Paris, Toulouse, Bruges, a aimé à la folie, a été défiguré à l'eau-forte, s'est réfugié en Italie. Une vie bien remplie pour un artiste hors du commun.

    Ce court roman a été Grand prix de l'Académie française en 2000. Il retrace en courts chapitres, sans unité de temps, de lieu, le parcours d'un eau-fortier, un graveur. Par petites touches, en commentant les amours, les choix de son personnage comme ses œuvres, Pascal Quignard essaie de peindre son portrait tout en ombres, les ombres portées par l'amour perdu, la trahison de la femme tant aimée.

    Pour tout dire, j'ai trouvé et le style et le propos de ce roman lassants.

    Passant du coq à l'âne, commentant des œuvres dont on ne peut avoir que le commencement d'une idée, sombrant parfois dans des digressions philosophiques sur le sens de la vie et de l'amour, Pascal Quignard, loin d'atteindre au cœur de la personnalité et de la vie de Meaume perd son lecteur.

    La langue difficile d'accès, souvent confuse et lourde, accentue l'impression de pesanteur. On ne sait jamais si l'on est dans l'interprétation, ou dans la description.

    Pourtant, l'histoire de cet homme aurait pu être passionnante, la description du monde des graveurs et des techniques de gravure fascinante. Pourtant, ce personnage d'artiste habité par son art, tentant de dévoiler le monde aux yeux des vivants aurait pu être profond. Mais il n'y a rien. Pas de souffle romanesque, pas de vie. Juste un ennui profond. Même dans des scènes de sexe et de violence au contenu pourtant fort.

    Bref, une lecture difficile dont je ne suis venue à bout que parce qu'elle était inscrite sur la liste de mon challenge 2008. Et un premier contact avec Pascal Quignard qui ne me donne guère envie de me pencher sur le restant de son travail !

    L'avis de Katell grâce à qui vous trouverez d'autres avis!! Suivez les petits cailloux!

     


    Pascal Quignard, Terrasse à Rome, Folio, 2005, 128 p.

  • Rêve d'amour

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    « Je m’appelle Alice Grangé. J’ai trente ans. Je cherche ma mère. »
     
    J’ai lu au gré de mes promenades dans la blogoboule des avis élogieux sur Laurence Tardieu et sur son dernier opus, Rêve d’amour. Je vais devoir, à mon grand regret, être bien moins dithyrambique.
     
    Le thème abordé, ou plutôt les thèmes abordés sont des plus intéressant. Comment une enfant a grandi dans le silence, le secret tenu sur la vie et la mort de sa mère trop tôt disparue. Comment ce vide, ce manque initial a conditionné son existence toute entière. Ou plutôt sa non existence. Car ce que Laurence Tardieu montre à travers le personnage d’Alice, c’est à quel point le secret, le manque rongent, détruisent tout sur leur passage. A quel point il faut être fort, bien plus fort que ne le sont les hommes et les femmes à l’ordinaire pour surmonter ce manque. Et ce que peut apporter l’art, la création à ceux qui sont perdus.
    J’ai eu du mal à démarrer, je me suis laissée emportée sur la fin, au point de m’endormir sur cette impression de flottement que l’on peut avoir parfois à la fin d’un roman. Mais au réveil le lendemain… Et à relecture de certains passages… Le bilan est bien plus mitigé.
    De fait, à quelques instants de grâce près, je me suis un tantinet ennuyée. J’ai aimé certaines phrases sur l’acte d’écriture, la musique, la vie comme elle vient. Parce qu’elle sonnaient juste.
    Mais le reste du temps, les phrases hachées, décousues, interrogatives m’ont menée à la lassitude. Ce qui me ramène d’ailleurs à quelques débats assez animés sur la prose de Juliette Dupont-Monod dont je m’étais faite avec plus ou moins de bonheur et de conviction le défendeur. Autant celle-ci m’avaient touchée malgré, ou à cause de son style « froid » (© au Golb), de ses personnages, autant Laurence Tardieu m’a laissée froide. Allez comprendre ! C’est une langue certes incisive, au plus près du cheminement mental de l’héroïne, de ses moments de panique comme de sérénité,  mais qui oscille entre soutenu et parlé en un balancement que j’ai trouvé pénible.
    Je ne dirais rien sur le chemin de deuil qui est celui d’Alice. Il lui est propre. Il est propre à l’auteur. Mais ce que Laurence Tardieu dit sur la perte des parents, l’importance de la mémoire familiale et du lien est à retenir.
     
    Les avis bien plus enthousiastes de Sylvie, LaureEmeraude, AmandaClarabelFashion
     

    Laurence Tardieu, Rêve d’amour, Stock, 2008, 158 p.

  • Et tourne la roue

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    Paris, 1980. Le narrateur accompagne sa belle-fille Paule dans son combat contre le cancer. Jour après jour il prend les transports en commun, il roule le long du boulevard périphérique, de plus en plus envahit par les souvenirs de son ami Stéphane, résistant mort dans des circonstances troubles pendant la guerre, assassiné par le colonel Shadow… Ce colonel qu’il a rencontré après la fin des hostilités.
     
    « Comme dit l’Ange,”quand on tient le beau pour beau, cela implique l’existence du laid. “ »
     
    Henry Bauchau est un maître. Sa plume, fluide, fine, sensible touche au cœur. Son narrateur est un peu lui-même. Battu et malmené par les vents de la vie, travaillant avec ceux que rien ni personne n’a épargné.
    La question qu’il se pose, la question que se posent d’autres et qui est le fil conducteur de ce récit, est la suivante : « Comment supporter cette vie partagée entre le doute et l’espérance, comment ne pas la supporter ? »
    Cette question est personnifiée par sa belle-fille Paule, cette femme de cadre international, angoissée par l’idée de ne pas être à la hauteur de ses rôles d’épouse, de mère, de femme active, et surtout, par le fait de n’avoir rien, ni dieu, ni culture à quoi se raccrocher dans l’épreuve. Le doute, c’est la maladie, la douleur au quotidien, la lutte contre la panique. L’espérance c’est la guérison tant et tant attendue qui se dérobe. Et pourtant, comment ne pas se battre pour vivre ?
    Voir cette jeune femme en lutte, amène le narrateur à réfléchir à la mort, à ce qu’elle représente dans le monde contemporain. Cette mort qui advient dans des lieux froids, impersonnels, qui se cache et s’efface. Cette mort à laquelle on ne peut se préparer puisqu’elle est niée, repoussée. Et que peu de choses permettent de supporter puisque la spiritualité s’est effacée au profit de l’action sans combler tout à fait le vide. Sans expliquer l’absurdité des choses.
    « Ni Dieu, ni maître ! […] Oui, c’est bien joli, mais il faut avoir la force. » A plus forte raison dans un monde où le bonheur devient une obligation. « C’est bien d’être heureux, c’set bien de jouir. Mais il n’y a pas de devoir de jouir, pas de devoir d’être heureux. »
    Voir Paule en souffrance, répondre à ses questions sur la guerre vécue amène son beau-père à se souvenir. Se souvenir de ce deuil, de son amitié avec Stéphane. Elle a été profonde, trouble cette amitié, très proche de l’amour. Stéphane l’a initié à l’alpinisme, l’a conduit sur les chemins du dépassement et de la sérénité. Cet homme a accepté de la vie ce qu’elle pouvait lui apporter : l’absence d’amour comme le bonheur. Il a transformé ses manques en force, en légèreté, en courage. Il a persisté à espérer.
    Il est une des deux faces de la médaille de la vie. L’autre est son assassin, Shadow. Un homme qui n’a pas non plus été aimé, qui a subi beaucoup. Et qui a accepté la totalité de la noirceur du monde en lui, qui s’est voué à l’iniquité, à la souffrance. Totalement libre de tous liens avec ses semblables, il est devenu un animal dangereux, pervers. Le pire étant sans doute qu’il ne fait qu’exploiter les peurs, les failles, les vices de ceux qu’il veut abattre.
    Stéphane, Shadow, deux adversaires, deux siamois, bien plus liés qu’il n’y paraît et incapables de survivre à leur rencontre.
    Au final, ce que nous apprennent ces deux hommes qui meurent l’un de l’autre, c’est que le monde ne va pas sans la légèreté et la pesanteur. Sans l’ombre et la lumière. Sans le bonheur et la souffrance.
    Et que la vie ne va pas sans la mort, même si on espère l’oublier en tournant indéfiniment autour d’un boulevard périphérique qui sans que ceux qui l’empruntent en aient conscience, relie les morts et les vivants. Qui ne représente pas moins que le chemin long et tortueux qui mène de l’enfance colorée et heureuse à la vieillesse.
     
    « Je revois Paule mourante, à sa droite la mère pleure, à sa gauche Mykha agenouillé la tient dans ses bras. Au pied du lit, la présence de Stéphane, à la tête, l’ombre immense de Shadow. Ils se font face, les yeux clos, comme les grands gisants des abbayes d’autrefois. Ils protègent Paule de leurs yeux fermés, ayant vu ce que je n’ai pas su voir, ils mes forcent à comprendre qu’elle était, qu’elle et un être mystérieusement éveillé à sa condition mortelle.
     
    C’est une œuvre qui mériterait bien plus, plus d’éloges, plus d’analyse, et moins d’incohérence. Je n’ai pas les mots pour exprimer à quel point elle m’a touchée. L’humanisme de cet auteur, la profondeur de ses phrases en font un des grands de ces temps. Et un auteur qui permet de mieux regarder et de mieux voir le monde qui nous entoure sans leçons, sans lourdeurs.
     
     
     
     
    L'avis de Bellesahi.
                                                                                        


    Henry Bauchau, Le boulevard périphérique, Actes Sud, 2008, 254 p.