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nouvelles

  • Fovéa

    Je ne vais pas revenir sur le fait que j'aime Léa Silhol, je le crie à tous vents blogosphériques depuis l'ouverture de ce blog voilà 2 ans. J'aime ses romans, j'aime ses nouvleles, j'aime sa plume et son univers finement ciselé et voilà que je recommence...

    Je n'étonnerai donc personne en révélant que j'ai aimé Fovéa. J'ai aimé Fovéa mais j'ai aimé Fovéa malgré. C'est en effet un étrange objet que ce recueil mêlant photographies, illustrations, nouvelles et poèmes dont certains sont fantastiques, d'autres ancrés dans le réel.

    Si l'organisation du recueil semble anarchique de prime abord, sa structure se dégage assez vite. Après plusieurs textes introductifs, les textes s'organisent en tryptiques avec comme fil conducteur, en tout cas pour moi, le sentiment amoureux et ses déclinaisons: amitié, amour naissant, amour mourant, admiration, foi. Le tout au prisme de la perception. Le regard est important dans Fovéa: ce que l'on perçoit, les déformations visuelles, les miroirs, les reflets, les vitres. C'est sombre, parfois glauque, souvent déstabilisant. Et donc assez passionnant si on accepte de se laisser aller.

    Les textes longs, inédits ou remaniés sont superbes. On y retrouve Lucifer opiomane et les suites de sa rencontre avec le poète, et surtout, surtout, Jebraël et ses compères que j'avais tant aimé. Ces nouvelles publiées initialement dans la première version de La Tisseuse (chez Nestiveqnen) étaient devenues introuvables. C'est un bonheur de les retrouver. Et puis les énigmes, les textes à lire dans un miroir, les photographies, les illustrations font de ce recueil une expérience de lecture différente de ce à quoi on peut ête habitué et oblige à sortir des réflexes et habitudes de lecture. Peu à peu leur sens se dessine, se complète, change.

     J'avoue avoir été parfois un brin crispée, mais rien qui ait gâché mon plaisir bien au contraire! C'est un recueil sur lequel je reviendrai, certaine d'y appréhender de nouvelles dimensions, d'y comprendre d'autres éléments de l'univers de Léa Silhol.

     Le labo Error Type. L'avis de Lucie Chenu.

  • Serpentine

     

    Une boutique de tatouage, une aire d'autoroute qui se transforme en refuge, un restaurant dont la patronne se nomme Circé, une maison dont l'esprit familier pleure... Dix histoires où le quotidien s'ouvre sur des failles, portes ouvertes vers l'étrange.

     Réédité dans la collection L'ombre de Bragelonne, ce premier recueil de nouvelles de Mélanie Fazi est un petit bijou. Déjà, le fait que Léa Silhol ait travaillé sur ce recueil dans sa précédente édition m'avait fait hausser un sourcil. Le fait que Michel Pagel ne tarisse pas d'éloge dans la préface, m'avait mis la puce à l'oreille. Et puis, j'ai lu les premières lignes de la première nouvelle, et le charme a opèré. Mélanie Fazi raconte des histoires. Avec une plume toute de douceur, elle introduit dans la vie de ses personnages la petite faille qui va les faire basculer dans un monde plus onirique, plus magique et bien plus sombre que celui qu'ils connaissent.

    A chaque fois pourtant, les lieux sont, sinon connus, au moins familiers. Qui ne s'est pas arrêté sur une aire d'autoroute? Qui n'est jamais passé devant la boutique d'un tatoueur? Et que dire de la ligne 5 du métro parisien avec le nom de ses stations égrené au fil des pages? Autant de lieux sur lesquels elle force son lecteur à avoir un regard nouveau. On peut dire que, d'une certaine manière, elle réenchante le monde. Et elle le rend bien plus effrayant.

    Mélanie Fazi puise ses histoires à bien des sources: Mémoires des herbes aromatiques, par exemple, est, ni plus ni moins la suite des aventures d'Ulysse et Ciré. On sent venir la chute de la nouvelle, bien sûr, mais il est tellement jubilatoire de voir ces immortels se venger les uns des autres avec une absence de scrupule totale, que ce n'est pas bien grave. Petit théâtre de rame fait penser au conte Le joueur de flûte de Hamelin. Et il y a toutes ces figures contemporaines: la rock star, l'adolescente, le serial killer dont les névroses se dévoilent petit à petit et qui sont si humains dans leurs failles. Mais attention, il n'y a pas que de la noirceur dans ce recueil! Le faiseur de pluie qui voit deux enfants délivrer l'esprit familier de la maison de leur grand-mère décédée est une petite merveille de tendresse et de poésie. Et Elegie un cri d'amour poignant. De toute manière, il est difficile de dire ce qui est le plus noir, de cet univers fantastique dont l'auteur trace les contours, ou de la réalité, souvent bien plus atroce qu'on sait présente, comme dans Petit théâtre de rame.

    Finalement, dans chaque nouvelle, c'est une petite part d'humanité qui se dévoile à travers la voix d'un narrateur toujours différent. Mélanie Fazi possède le talent incontestable de faire entendre chacune de ces voix avec une force peu commune, et de créer autour de ces voix, en quelques mots, une atmosphère difficile à oublier.

    L'avis de Nebal, Yozone, Fashion, ActuSF,  

    Une interviewsur Yozone, le blog de l'auteur

    L'auteur a obtenu le Grand prix de l'imaginaire 2005 dans la catégorie nouvelles pour ce recueil.

    Mélanie Fazi, Serpentine, Bragelonne, 2008, 317 p.

  • Dans la nuit Mozambique

    Devant participer à une rencontre-dédicace-lecture de Laurent Gaudé par un froid samedi soir d'hiver, j'ai ouvert par le jeu du hasard des étagères de bibliothèque publique son recueil de nouvelles, Dans la nuit Mozambique. Autant le dire, je bénis et le libraire et le hasard qui m'ont fait rouvrir les oeuvres d'un romancier que j'avais abandonné après son Eldorado, ce qui m'aurait fait passer à côté d'une petite pépite.

    Quatre nouvelles donc:

    - Sang négrier, ou le destin étrange d'un négrier qui erre dans les rues de Saint-Malo, rendu fou par la malédiction lancé il y a bien longtemps par un esclave échappé de son navire.

    - Gramercy Park Holet, ou les souvenirs d'un vieil homme qui revivent dans le hall d'un hôtel new-yorkais, souvenirs d'un amour mort, de la bohème et d'une vie si intense qu'il a falllu en effacer la trace pour pouvoir continuer à vivre.

    - Le colonel Barbaque, ou la trajectoire sanglante d'un poilu parti à la dérive sur le continent africain faute de parvenir à revenir à la vie.

    - Dans la nuit Mozambique, ou l'amitié qui lit quatre hommes à travers les histoires partagées.

    Quand Laurent Gaudé ne parle pas de l'Italie, il parle de l'Afrique. Un continent dont il parvient à faire vivre les odeurs, les couleurs, la vitalité insolente qui l'habite, la violence. L'Afrique comme un retour aux sources de la vie et  à son pendant, la mort. La mort accueillie et ardemment attendue, la mort crainte et rejetée, la mort subie d'un être cher, la mort inexplicable et subite qui parfois frappe. La mort qui n'est que la traduction ultime de la violence intrinsèque de l'être humain. Le mystère auquel chacun est confronté un jour et auquel chacun répond à sa manière, par la froide raison, par la magie, par la révolte ou l'acceptation.

    Finalement, la question qui se pose est celle de savoir ce qu'il reste après que la mort soit passée. Une question à laquelle la dernière des nouvelles répond de belle manière: "Le souvenir de toutes ces conversations était là, sur ces papiers salis. Une forme de sérénité l'envahit. Oui. C'était bien. Ils avaient été cela. Quatre hommes qui parlaient, quatre hommes qui se retrouvaient parfois, avec amitié, pour se raconter des histoires. Quatre hommes qui laissaient sur les nappes de petites traces de vie. Et rien de plus."

    Rien de plus que le souvenir, qui fait de nous ce que nous sommes. Bourreaux ou survivants, dépositaire de la violence de toute manière. Rendus fous, ou plus lucides par la mémoire de ce qui fut.

    Car c'est de violence dont il est aussi question: on croise au détour des pages une chasse à l'homme dans laquelle tous les plus bas instincts se donnent libre court, les tranchées de la Première guerre mondiale, une lutte sans espoir contre le colonialisme, un couple déchiré par l'amour et la folie, un meurtre...  La violence jusque dans l'amour et l'amitié.

     Des thèmes universels donc, servis par une plume dont le moindre des talents n'est pas de faire vivre personnages et décors avec une rare intensité. Dans la nuit Mozambique fut pour moi une lecture intense dont la petite musique me trottera encore longtemps en tête.

    Le Bibliomane nous offre un très bel article.

    Laurent Gaudé, Dans la nuit Mozambique, Actes Sud, 2007, 146 p.

     

  • Qui comme Ulysse

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    Je ne suis pas la première, et je ne serai pas la dernière à vous parler du recueil de nouvelles de Georges Flipo. J'ai eu le grand plaisir de trouver dans mon courrier l'Ulysse et ses valises,et de pouvoir me plonger dans des histoires qui m'ont fait voyager de par le monde et dans l'âme humaine par les odeurs, les goûts, les couleurs et l'imagination.

    Le point commun des personnages mis en scène par Georges Flipo? Se découvrir dans le voyage, et parfois se trouver quelque soit le destin qui les attend à l'issue du voyage. Il ne s'agit pas toujours d'un voyage physique: si je devais choisir ma nouvelle préférée parmi les quatorze qui composent le recueil, ce serait sans doute La route de la soie pour la tendresse et le bonheur tranquille qu'elle dégage. Cet homme vieillissant et solitaire qui met en mots et en images les voyages des autres, talentueux faussaire de l'ailleurs m'a littéralement enchantée. Il est la version moderne de ces hommes et ces femmes qui ont voyagé sans quitter leur fauteuil ou leur lit. J'ai aimé ce rappel du fait qu'il n'est pas toujours nécessaire d'aller loin pour découvrir le monde et les hommes.
    Mais il n'y a pas que lui: l'adolescente de L'île Sainte-Absence, l'écrivain aux empanadas, le joueur d'échec ont tout autant de charme. On tourne les pages avec gourmandise et attente, le coeur tenaillé par l'envie de savoir ce qu'il va advenir d'eux, et le regret de voir trop vite arriver la fin du chemin. Et jamais on ne se lasse tant ces histoires sont différentes les unes des autres et tant il y a apprendre d'elles et du cheminement de leurs héros. Comme tout le monde, ils cherchent un sens à leur vie, un retour aux sources, une fuite en dehors d'un quotidien trop terne et lourd à porter. C'est parfois triste, c'est souvent passionnant, de temps en temps drôle,  de loin en loin un brin cynique, c'est la vie tout simplement, croquée avec gourmandise quelque soit la chute de l'histoire!! Mais je me pose une petite question... Y répondrez-vous monsieur Flipo? Pour décrire les gens et ce qu'ils mangent et boivent avec autant de gourmandise, êtes-vous vous même gourmand?

    Un petit bonheur de lecture comme je les aime et que je ne peux que chaudement conseiller!

    Ulysse est déjà passé chez
    Amanda, Cuné, Fashion, Papillon, Laure, Kathel, Cathulu, Le Bibliomane,... Je lui souhaite bon vent pour ses prochaines étapes.


    Georges Flipo, Qui comme Ulysse, Anne Carrière, 2008, 253 p.

  • Les encombrants

     

    Sept nouvelles pour dire la vieillesse qui s’en vient, qui s’en va. Pour dire la douleur, l’amertume, l’amour, le deuil, la maladie. Sept nouvelles et autant de points de vue, de la soignante aux enfants.

     

    Pas grand-chose à dire de ce petit recueil de nouvelles. J’en attendais beaucoup, appréciant l’auteur, mais si quelques nouvelles sont effectivement touchantes, j’ai trouvé beaucoup de clichés dans ce recueil : la soignante amère et maltraitante, le politique qui exploite la nouvelle centenaire de la ville, la grand-mère abandonnée par sa famille… Des clichés mais aussi de la tendresse et quelques bonnes idées. Raconter l’histoire du point de vue d’une perruche par exemple, utiliser tous les points de vues possibles et imaginables Et ne pas hésiter à aborder un sujet qui reste tabou : celui de la vieillesse et de ces « vieux » que l’on abandonne ou délaisse, faute de mieux ou faute de les aimer assez. Des encombrants auxquels Marie-Sabine Roger donne une certaine épaisseur sans les idéaliser.

     

     

     Marie-Sabine Roger, Les encombrants, Ed. Thierry Magnier, 2007, 86 p.