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écologie

  • Le vieux qui lisait des romans d'amour

    Le Vieux qui lisait des romans d'amour.jpgVoilà belle lurette que je lorgnais du coin de l'oeil sur ce court roman, classique des classiques lus en classe et à côté duquel j'étais jusqu'alors passée. Heureusement qu'il y a les vacances (celles d'il y a longtemps, certes), pour réparer ce genre d'erreur de parcours!

     

    Il était une fois un village au bord du fleuve, perdu dans la forêt. Il était une fois une bête sauvage rendue folle par la perte de son compagnon et de sa portée. Il était une fois un monde en train de mourir par la faute d'hommes incapables de le comprendre. Il était une fois un vieux qui lisait des romans d'amour.

     

    Court mais intense, Le vieux qui lisait des romans d'amour est un superbe hommage à la forêt amazonienne et un cri de désespoir face à sa mort lente et inexorable. Luis Sepulveda s'attache aux pas d'Antonio José Bolivar, vieux colon qui vit en marge du village, attaché à sa paix et aux romans d'amour que le dentiste itinérant lui ramène de la ville de temps à autre. Un merveilleux personnage cet Antonio, complexe et attachant, le seul capable de comprendre la forêt autour et ses habitants. A travers lui, Sepulveda nous entraîne dans un monde luxuriant, dangereux et fascinant qu'il décrit avec une sorte de sensualité qui donne à ressentir la moiteur, les odeurs et les bruits de la forêt. Mais Le vieux qui lisait des romans d'amour n'est pas que cela: ce qu'il raconte, c'est une chasse, la dernière chasse d'Antonio.

    Une bête rode et tue les hommes, elle se rapproche  du village, rendue folle par un chasseur. Or, Antonio est le seul capable de la trouver et de l'abattre. Au fil des événements, il va se souvenir: son départ des montagnes, poussé par la faim et la pauvreté, son arrivée au village avec sa femme, la mort et le désespoir, la fuite et la vie dans la jungle avec une tribu indienne, le retour à une soi-disant civilisation symbolisée par le village d'El Idilio.

    En fait de lieu idyllique, El Idilio est surtout le cauchemar avancé de l'occident. Chercheurs d'or âpres au gain et capable du pire pour une poignée de pépites, maire obèse et tyrannique que la vanité pousse à éliminer tout ce qu'il perçoit comme une opposition, colons apeurés, chasseurs et scientifiques occidentaux incapables de respecter la forêt et ses habitants. Tout un monde de sang, de larmes et de violence où toutes les valeurs morales sont dissoutes dans la moiteur de l'atmosphère. Un monde dont le vieux s'échappe en lisant ces romans d'amour qu'il déchiffre doucement et qui lui rappellent que l'amour fait mal. Lui, se souvient de cet amour si fort qui le liait à sa femme décédée, et il vit cet amour intense qui le lie à la forêt et aux shuars, cette tribu dans laquelle il a vécu un temps et qui lui a appris à aimer la forêt et à la respecter. Deux amours qui font mal, l'un parce qu'il est mort, l'autre parce qu'il faut regarder et ressentir la mort en train de frapper l'autre.

    Dans ce sens, on peut parler d'un roman écologique et militant, presque d'un roman politique. Mais ce n'est pas tout ce qu'est Le vieux qui lisait des romans d'amour. Le récit vit aussi par ses deux personnages principaux: la forêt d'abord, et le vieux ensuite. Je sais que je lai déjà dit, mais c'est un merveilleux personnage, ce vieil homme têtu et dur au mal, roublard et lucide. Et puis il y a le dentiste aussi qui arrache les dents des colons et leur vend des dentiers, qui ramène au vieux les livres conseillés par une putain de la ville.

    Sepulveda a su en 120 courtes pages mettre en mots et en images tout un monde et les souvenirs d'une vie. C'est un roman touchant, intelligent dont il ne faut pas certainement pas se priver.

     

    Le billet de Lael, Jules, Chrestomanci, Mo,...

    Luis Sepulverda, Le vieux qui lisait des romans d'amour, 1995, 4/5

  • La vieille anglaise et le continent

     

    Après de longues années passées en recherches, en combats pour l'écologie, Ann Kelvin pensait pouvoir mourir, sinon en paix, au moins dans la tranquillité. C'est sans compter un de ses anciens étudiants et amant qui lui propose une nouvelle vie. Pas une humaine, mais celle d'un cachalot. Avec pour mission, presque désespérée, de sauver cette espèce en voie de disparition de la voracité humaine. Mais c'est sans compter avec la soif d'immortalité des hommes...

    Il est vrai que l'écologie est un sujet à la mode qui inspire avec plus ou moins de bonheur les écrivains, qu'ils sévissent dans le genre des thrillers ou de la science-fiction. Dans cette déferlante, Jeanne A-Debats tire son épingle du jeu de belle manière. En mêlant l'humain et l'animal, elle crée une intrigue complexe: on bascule du transfert d'esprits humains aux manipulations génétiques en passant par la lutte pour la préservation des espèces animales, et alors que ces enjeux pourraient paraître bien éloignés les uns des autres, le tout forme au final un ensemble cohérent et harmonieux. On sent chez l'auteur un amour contagieux des cétacés et la mer, ce qui donne lieu à de beaux moments. Ann, dans son corps de cachalot découvre un monde avec ses règles, ses jeux, ses luttes et ses amours. Avec elle, le lecteur part à la découverte de l'océan, et de ce mystérieux continent cétacé. Le transfert de son esprit dans ce corps si différent de celui qui était le sien est un moyen pour elle de vivre encore, mais surtout, d'aller au bout des convictions qui animaient la grande biologiste qu'elle était, même en sachant qu'elle n'a aucune chance de gagner son combat.

    C'est un autre aspect appréciable de cette novella d'ailleurs. Les personnages luttent, mais comme tous ceux qui mènent des combats perdus d'avance, ils le font aussi en se battant contre leur lassitude, leurs doutes, leur colère. Pas d'angélisme: Ann est une affreuse vieille dame acariâtre, son ancien étudiant n'est pas beaucoup plus sympathique. L'une a versé dans l'extrêmisme, l'autre s'interroge un peu tard sur les conséquences de ses recherches. Ce sont le bout de chemin qu'ils vont faire ensemble qui est au centre de la novella, et pas les aspects scientifiques qui trop souvent plombent ce type de récit en cassant le rythme de l'intrigue. D'ailleurs, l'alternance des trames et des points de vue donne de la vie au texte et la plume fort agréable de Jeanne A-Debats permettent d'entrer complétement dans l'histoire qu'elle conte. La concision du format ne l'empêche pas de donner de l'épaisseur aux décors comme aux personnages et de faire rêver par quelques jolies trouvailles.

    Bref, une belle découverte, et un auteur à suivre!

     

    Pour la petite histoire, Jeanne A-Debat a obtenu le Grand prix de l'imaginaire 2008 et le prix Julia Verlanger pour La vieille anglaise et le continent.

    On en parle sur  Yozone, ActuSF, Noosfère

    Les avis de Nébal, Lucile, Brize, Chimère, ... 

     

    Jeanne A-Debats, La vieille anglaise et le continent, Griffe d'encre, 2008