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le manga ça vous gagne

  • Au pays des mangas avec mon fils

     

    Ou comment un père qui s'intéresse comme ça à la nouvelle marotte de son fils de 12 ans fini par tomber dans le monde du manga et de l'anime. Au point d'emmener fiston dans un grand voyage au pays du soleil levant à la rencontre de mangakas et de créateurs d'animes. Première découverte, Peter Carey est un grand écrivain australien vivant aux Etats-Unis, lauréat du Booker Prize. Deuxième découverte, même un grand écrivain australien vivant au Etats-unis et lauréat du Booker Prize peut se retrouver complétement perdu et à la merci d'un galopin de 12 ans parfaitement à l'aise, merci, en milieu étranger. Or, on a beau dire, comme milieu étranger, le Japon se pose un peu. Démonstration:

    - les donuts ne sont pas pareils;

    - on mange du poisson au petit-déjeuner;

    - les mots ne veulent jamais dire ce qu'on croient qu'ils disent;

    - les adresses postales sont un vrai casse-tête;

    - le métro est un labyrinthe.

    J'ai l'air de me moquer comme ça, mais Au pays des mangas avec mon fils est un régal, léger, certes, mais un régal. Peter Carey remonte aux sources de son voyage pour nous expliquer comment il s'est retrouvé dans cette galère: s'intéressant aux passions de son fils de 12 ans, Charley, il en est venu à s'immerger lui aussi avec passion dans l'univers du manga, de l'anime, et plus largement, de la culture japonaise. Père et fils s'influencent à qui mieux mieux jusqu'au jour où le père propose au fils de partir à la découverte de ce Japon qui les fascine à divers titres. Autant dire que s'il aime le manga, il espère bien quand même faire découvrir le "vrai Japon" à son fiston.

    Sauf qu'une chose est certaine, Charley refuse d'avoir quoi que ce soit à faire avec le "vrai Japon". Les temples, les musées et tout le reste, très peu pour lui. Branché en permanence à son portable, à l'aise comme un poisson dans l'eau dans le Sega World, c'est un autre "vrai Japon "dans lequel il se trouve bien. Au grand étonnement d'un père qui va découvrir son fils en même temps qu'un aspect du Japon qu'il n'appréhendait pas.

    Un des aspects les plus intéressants du récit est ce retour à la source. On y voit nos deux héros échafauder des théories sur le Japon, sur les mangas qu'ils lisent et les animes qu'ils regardent. Ils s'interrogent, réflechissent, lisent, se passionnent, discutent, bref, fantasment comme beaucoup de gens ce pays qu'ils ne connaissent que peu. Peter Carey nous parle de ce regard qu'ils portent, l'un comme l'autre sur le Japon, et il raconte au fil des chapitres, comment ce fantasme s'est vu confronter à la réalité de la vie quotidienne japonaise et d'une culture qui ne s'ouvre pas si facilement et s'échappe quand on croit, enfin, y avoir compris quelque chose. Cette confrontation donne lieu à quelques scènes drôlatiques et à une foule de petites aventures où Charley va se révèler sous l'oeil éberlué de son père. Charley, le modèle de l'adolescent monté en graine, mutique, pas franchement intéressé par ce qu'aiment ses parents, mais à l'aise comme un poisson dans l'eau dans un monde qui reste hermétique à son père: celui d'un Japon feru de nouvelles technologies où les visualistes s'habillent comme leurs personnages préférés.

    Peter Carey le regarde évoluer avec un oeil plein de tendresse et d'humour, livrant en filigrane de son récit l'histoire de sa relation avec son fils et la manière dont ils s'enrichissent mutuellement. Ce qu'aime Charley n'est pas toujours ce qu'aime son père et inversement, mais ils se retrouvent parfois sur certaines oeuvres pour mieux se quitter sur d'autres.

    C'est l'occasion pour l'auteur de parler, beaucoup, du manga et de l'anime japonais. Sans sombrer dans une liste ennuyeuse d'oeuvres qu'il considérerait comme majeures, il s'appuie sur quelques oeuvres qu'il apprécie particulièrement, ou que son fils aime particulièrement pour nous emmener à la découverte de cet aspect de la culture japonaise. Comme il aime Blood the last vampire, il embarque Charley et le lecteur à la rencontre d'un maître forgeron de sabres japonais. Comme Gundam Wings est une part considérable de leur vie à tous les deux, il nous fait assister à leur rencontre avec Tomino, le créateur de cett oeuvre. Avant de croiser, dans un moment magique, la route d'Hayao Miyazaki. L'occasion de découvrir comment naissent des mangas ou des animes au succès considérable, de confronter la vision occidentale de ces mangas à la vision japonaise, d'étudier la place du traumatisme de la Seconde guerre mondiale et des bombardements atomiques dans le manga et l'anime. C'est fourmillant d'informations, de petites découvertes et d'anecdotes. Ce serait franchement passionnant si c'était un brin plus approfondis. En l'état, c'est une lecture sympathique qui m'a donné envie de découvrir l'oeuvre de Carey et Gundam Wings. Ah oui, et de revoir pour la centième fois Totoro! Ce qui n'est déjà pas si mal!

    Pour la route, une citation attribuée à Miyazaki: "il a dit qu'à son avis, l'imagination est ul'une des plus importantes facultés humaines, donc le but de ses activités est de développer l'imagination des enfants qui représentent les génénrations à venir. L'imagination est capable de crééer un monde entièrement différent selon l'usage qu'on en fait. Elle peut donner naissance à la vertu, ou bien aux armes de destruction qui menacent la terre entière. Il a dit, au passage, que les risques potentiels lui faisaient peur."

    On en parle sur Anime-Kun.

     

    Peter Carey, Au pays des mangas avec mon fils, Hoebecke, 3.5/5