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Chiff' - Page 21

  • Les insurrections singulières - Jeanne Benameur

    63030052_p.jpgAntoine est au seuil de la quarantaine. Ouvrier atypique, pas vraiment à sa place dans cet univers qu'il s'est choisit, décalé parmi les intellectuels que fréquente son frère devenu professeur, militant syndical fort en gueule mais jamais dans la ligne, il bascule. Rupture amoureuse, dévastations provoquées par la mondialisation, le vide qui se creuse sous ses pas va le forcer à trouver, enfin, un sens à sa vie.

    L'art de Jeanne Benameur c'est de donner. Donner vie, donner corps, donner parole,... Comme cette parole ouvrière qu'elle a recueillie, café de parole après café de parole, mots de colère, mots de désarroi, mots de désespoirs, d'hommes et de femmes dont le travail avait soudainement perdu toute valeur, dont le savoir-faire n'était rien face à l'argent et au profit. Cette parole, ces mots, elle les a continués, s'est documentée, puis a laissé, comme elle le dit joliment, "l'imagination faire sa part".

    L'imagination la mène sur les pas d'Antoine, un homme qui erre entre deux mondes et qui, faute de se trouver, n'habite pas vraiment sa vie. A travers lui, Jeanne Benameur montre le chemin parfois long, parfois difficile qui mène à une vie libre, une vie à laquelle on donne un sens qui dépasse les gesticulations avec lesquelles, parfois, on remplit ce vide tellement effrayant.

    "Les autres, tant que toi, tu n'es pas vraiment dans ta vie, les autres, eh bien tu crois que tu fais des choses pour eux mais c'est tripette mon gars... tu te cours après à travers eux et tu te rattrapes jamais... alors crois-moi, s'arrêter, traverser le temps mort, ça vaut le coup..."

    Le déclic pour lui, va être la rencontre de Marcel, le chantre du temps mort, un vieux bouquiniste un peu philosophe sur les bords, un authentique amoureux des livres et des hommes. C'est lui qui par petites touches, mots à mots, pages à pages, va l'inviter à prendre sa vie en main, à se réfléchir et à accepter ce qu'il est et ce dont il a besoin pour être, à prendre le risque qui va lui permettre de reprendre sa vie en main.

    "C'est peut-être la seule chose qui fait de nos vies des choses singulières dans le fond, le choix du risque qu'on vit... Chacun le sien. Une chose est sûre. Sans risque, on ne vit pas."

    Ce qui est le lot du plus grand nombre, de ceux qui étouffent dans leur vie parce qu'il faut survivre, faire vivre ceux qui vous entourent, quitte à tout accepter, comme le font certains des compagnons de travail d'Antoine  qui voient une partie de ce qui faisait leur valeur écrasé par le rouleau compresseur de la mondialisation.Pas de manichéisme cependant, de dénonciation gratuite de la course au profit. Ce qui est montré,  c'est l'effacement de l'humain, incarné dans ce carnet tenu pendant des années par le père d'Antoine, carnet d'ouvrier qui a perdu toute valeur.

    "Un carnet fait par un ouvrier pour un ouvrier. Un homme pour un homme. La valeur du travail de vivre qui passe de main en main. AUjourd'hui c'est une relique. Aujourd'hui on veut juste savoir ce qui est utile pour fabriquer des choses. Pas la vie. C'est ringard, c'est perte de temps, c'est pas efficace, de noter les jours de rien. Juste pour qu'un autre, un jour, le sache."

    On en parle pourtant de ces esclaves qu'on oublie pour mieux acheter à bas prix des breloques. Ils sont là, comme leur version occidentale, ou brésilienne, apparemment mieux lotie, illusion qui s'efface quand on regarde en face le désespoir des hommes, le renoncement à soi et à sa dignité.

    " A l'usine, l'idée de travailler moins, c'est le malheur, c'est la peur de la misère. C'est ancré profond. Finir par tout accepter pour juste pouvoir travailler. C'est ça que je trouve fou. Travailler. Dans n'importe quelles conditions. Elle est là la misère. Pas dans le porte-feuille à plat à la moitié du mois seulement."

    A travers Antoine, à travers ses collègues de travail, à travers les ouvriers brésiliens qu'il va rencontrer au bout du monde, Jeanne Benameur redonne un corps et une voix à des hommes et des femmes rendus abstraits par la mondialisation. Elle montre aussi la complexité de ce phénomène. Car après tout, ce qui fait le malheur des uns est la manne des autres, une manne au visage de Janus, mais une manne cependant. Là, c'est au Brésil que profite le crime. Mais s'il est facile de détester les autres, ceux du bout du monde qui volent le travail, il devient plus difficile de les condamner quand on les côtoie, quand on apprend à les connaître. C'est ce qu'Antoine va découvrir en même temps que la possibilité de naître à soi et d'affronter ses ambivalences.

    Tout cela, Jeanne Benameur le raconte avec passion, avec sa plume fluide, vraie, son regard humaniste, respectueux, qui parvient à mêler avec harmonie le parcours individuel et les grands bouleversements mondiaux. Une fois de plus une belle réussite, un roman qui ne vous lâche pas avant la dernière page, un bonheur de lecture.

    Je termine avec ce qui est, sans doute, un de mes passages préférés:

     'Mais ce qui la faisait vraiment sienne c'est qu'elle était envahie de livres. De sa chambre au grenier. Même dans la cuisine où on passait le plus clair de notre temps, des piles de livres voisinaient avec les épices sur le buffet, sur les chaises, partout. Les livres, chez lui, c'était une présence tranquille, pas comme chez Karima où les étagères bien rangées me narguaient. Chez Marcel, on aurait dit que les livres attendaient avec nonchalance qu'on les ouvre. Ils étaient là, disponibles, sans exigence. En même temps, par leur présence, ils me disaient que j'avais encore des millier de choses à découvrir. Ça ne me bousculait pas. Ça me convenait. L'impression que rien n'était fini, que quelque chose pouvait s'allumer et brûler haut et fort. En moi. C''était dans les livres, dans les pages. Ça m'attendait."

     A lire.

     Bellesahi, Manu, Noukette, Lencreuse,...

    Le jeudi c'est citation.gif

    La liste des participants est !

  • Les larmes de l'assassin - Thierry Murat

    les-larmes-de-l-assassin.jpgPablo vit avec ses parents en un endroit où personne n'arrive par hasard. Là, à l'extrême sud du Chili, ils ne voient guère que quelques scientifiques,  parfois un poète. Jusqu'au jour où frappe à leur porte Angel, l'assassin en fuite. Et l'assassin assassine, épargnant, sans trop savoir pourquoi l'enfant.

    Les larmes de l'assassin a été mon premier roman d'Anne-Laure Bondoux, une baffe, un de ces textes qui vous prennent au tripes et vous laissent épuisés au bout du chemin, mais littéralement transporté. Dur, violent, profondément humain. C'est vous dire si en voyant arriver cette adaptation en bande-dessinée de ce bijou, j'étais mi-enthousiaste, mi-méfiante.

    Or, c'est un magnifique album qu'offre Thierry Murat, à la fois fidèle à l'oeuvre d'Anne-Laure Bondoux, à son atmosphère, et empreint de sa patte grâce à un trait charbonneux, des jeux d'ombres, des noirs, ocres, bleus profonds, gris, marrons qui font sourdre la solitude des grands espaces de la Patagonie, la violence, l'amour improbable qui naît entre l'enfant et l'assassin, la tension provoquée par l'arivée du poète.

    Planche_bd_1183_LARMES DE L'ASSASSIN (LES).jpg575715394.jpg1022828_3349777.jpg

    Impossible de chercher la petite bête, l'infidélité au roman tant son dessin et son choix de texte s'avère parfait, équilibré, poétique et rend justice à cette histoire de mort, d'amour et de trahison.

    Une très belle réussite donc, élue BD RTL du mois de février, et un coup de coeur pour moi.

    Fashion, Noukette en parlent.

     

    Pour ceux qui voudraient lire le roman, il est disponible chez Bayard.

     

     

    Murat, Thierry, Les larmes de l'assassin, librement adapté du roman d'Anne-Laure Bondoux, Futuropolis, 2011, 125p., 5/5

     

  • Bento Box Party

    Pre-scriptum: il se dit dans les milieux bien informés qu'il y a un concours dans ce billet. Voir en bas si vous n'avez pas la patience de suivre mes élucubrations.

    C'est ballot, mais alors vraiment ballot, je n'ai pas été taguée comme mes chatoyantes et resplendissantes copines que j'aime. Surmontant mon atroce déception, me voilà, fermement décidée à vous apprendre une chose que vous ne savez pas sur moi. Sous vos yeux ébahis, voilà la révélation, celle qui va illuminer votre journée, mettre des reflets dans votre chevelure, des paillettes sur vos ballerines, du Pimm's dans votre carafe, le Doctor dans votre lit salon, du baume dans les épinards!

    Ou pas.

    Mais keskelle raconte, êtes-vous, bien-aimés lecteurs en train de vous demander en vous grattant le sommet du crâne avec grâce. Ce que je raconte, bien-aimés lecteurs, c'est que j'ai un vice vaguement caché, presque aussi pénible que celui qui frappe votre mignonne automobile rose qui brille par un pépiant jour de printemps: j'aime manger. C'est abominafreux, j'aime manger. Et j'aime cuisiner. Jusque là, les esprits médisants vont dire que "mouarf, tu parles d'une révélation". Bande de mauvaises langues va (privés de muffins tagadas toc!)! Parce que la voilà la révélation: j'aime aussi les boîte à bento. Là, j'en entends au fond de la salle chuchoter un "kwaaaaaa? Mais keskecé??????" qui me désole. M'enfin, les boîtes à bento, ces petites choses toutes mignonnes pour emmener avec vous votre casse-dalle du midi!

    Démonstration en image...

    boite-bento.jpg

    cop. http://www.idee-kdo.com

    Pour celles qui préfèrent, il y a aussi la version Hello Kitty rose à pois blancs. Je ne vise évidemment personne.

    Ça y est? Tout le monde a une idée claire de la chose? Le principe maintenant? Et bien vous prenez tout plein de choses meilleures à manger que le sandwich S***** ou assimilé que vous allez forcément mâchouiller avec un air douloureux à moins de tendances sado-masochistes sur lesquelles je ne porte aucun jugement (mais quand même, un sandwich S***** ou assimilé, c'est une incarnation du Mal, un désespoir sous cellophane, une atteinte aux droits élémentaires des papilles)(j'exagère si je veux d'abord)(même s'il y a de très bons machins triangulaires avec des trucs dedans emballés dans du cellophane). Vous les mettez dans les petites cases. Vous mettez la boiboîte dans son sac. Et vous partez en sautillant telle Sakura ou les Cat's Eyes, ou Goldorak, ou Candy. Non, pas Candy, elle, elle sautille, mais sans bento , juste avec des couettes.

    Vous voulez voir comme c'est amusant? Ma boîte à bento à moi est fraîchement déballée du carton dans lequel elle a migré, donc allez plutôt voir par-là, ou par-là, ou par-là.


    Bon d'accord c'est un tupperware japonais (pardon, une boîte hermétique). Mais je ne sais pas vous, moi je n'ai jamais vu un tupperware (pardon, une boîte hermétique) Hello Kitty. Ni un avec des lapins. Ni un avec des tiroirs et des baguettes. C'est quand même beaucoup plus satisfaisant et rigolo.

    Et comme Marabout est sympa comme tout et que pour fêter son nouveau site tout beau et étincelant avec plein de bonnes idées dedans, elle a décidé de faire passer le bonheur autour d'elle, et bien vous avez le droit de gagner par-ici dix exemplaire du My bento box de Marabout histoire de découvrir, de peaufiner votre technique, ou de découvrir des livres et des coffrets de cuisine sympas!

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    Ce qu'il faut faire? Mais non ne fuyez pas! Je ne vais pas vous demander de cuisiner cette fois!

    Il va falloir me raconter ce que votre héro(ïne)s préféré trimballe dans sa boîte à , voire me préciser à quoi ressemble sa boîte à bento préférée. Attention, entrée, plat et dessert hein, c'est que ça se nourrit un(e) héro(ïne)s!

    A vos marques, donc! Vous avez jusqu'au 5 juin minuit pour vous exprimer dans les commentaires. Cinq exemplaires seront tirés au sort parmi les participants, et cinq attribués aux boîtes à bento qui m'auront le plus fait rire

     

  • My man, Jeeves, - P.G. Wodehouse

    my-man-jeeves-p-g-wodehouse-hardcover-cover-art.jpgBertram Wooster est riche, bien né, et imbécile. Il l'admet d'ailleurs lui-même. Heureusement, un dieu veille sur les imbéciles, ou, parfois; un ange gardien. Et dans ce cas précis, l'ange gardien s'appelle Jeeves: valet stylé, diaboliquement intelligent, et prêt à faire face à toutes les situations. Même les plus improbables.

    C'est tout simplement délicieux. Grinçant et donc totalement hilarant avec ses intrigues complétement absurdes et ses personnages tous plus excentriques les uns que les autres. Dans les huit nouvelles qui constituent ce recueil, on plonge dans l'univers oisif et futile de la gentry à travers les aventures d'un jeune dandy, Bertram Wooster qui parvient à se fourrer dans les situations les plus improbables, toujours guidé par sa bonne volonté et son envie de rendre service à ses amis: le voilà qui devient kidnappeur, entremetteur, voleur, comploteur, certes pour les meilleures raisons du monde et qui parvient à tirer son épingle des imbroglios qu'il crée lui-même sans trop savoir lui-même comment. Là où j'ai été un peu déçue, c'est de ne pas trouver Jeeves dans toutes les nouvelles tant la relation entre le maître et le valet est drôle, le second menant le premier par le bout du nez et le premier reconnaissant les mérites du second en se soumettant à ses diktats en matière de mode.  Mais que Jeeves soit présent ou pas, P.G. Wodehouse croque avec brio et talent la bonne société anglaise comme nord-américaine et n'épargne personne, des jeunes gens qui vivent en parasites aux oncles et tantes fortunés qui tyrannisent leurs héritiers, des jeunes femmes capricieuses en amour aux artistes sans talents.

    Indiscutablement à découvrir! Je vais filer en quête de l'adaptation télévisée des aventures de Bertie et Jeeves, Hugh Laurie et Stephen Fry constituant, en ce qui me concerne une sacrément bonne raison d'y jeter un oeil, en plus de celle de retrouver ces deux hurluberlus!

    Lu en VO dans une drôle d'édition Bed Book. Je ne m'y attendais pas!

    Wodehouse, P.G., A Bed Book, 120p., 2005, 4/5

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