Trente ans de vie commune et c'est le couperet qui tombe, la maladie insidieuse, terrible, qui s'empare de la mémoire de Daniel. Peut-on faire le deuil de quelqu'un qui est en vie? Cécile, sa femme, raconte.
Ce texte, j'ai eu la tentation de l'éviter. Trop dur, sujet trop à la mode, pas envie. Seulement il y a eu Cathulu, et surtout, surtout, Christian Sauvage, dont les mots ont sus me convaincre. Et il avait raison Christian Sauvage, point de dramatisation, de lamentations, on rit, on s'émeut, on pleure parfois, et on suit avec une boule au ventre le parcours de Cécile et de Daniel, de la révolte à la sérénité. Alzheimer mon amour est un témoignage, oui, celui d'une femme qui raconte avec beaucoup de pudeur et de finesse sa révolte, les extrêmes auxquelles elle est prête pour éloigner le spectre de la mort,les questions qui rongent, la difficulté de faire face, de supporter dans tous les sens du terme l'autre qui s'en va petit à petit, l'épuisement et la violence du monde: froideur médicale, regards qui se dérobent.. Mais aussi chaleur, amour, amitiés et la sérénité qui advient, illuminée dans la dernière partie par les poèmes de Daniel, absolument superbes.
Alzheimer mon amour est aussi un beau texte littéraire, porté par une plume alerte, sensible, qui n'oublie pas de redonner une voix et une existence aux autres, aux malades qu'on voudrait effacer, oublier tant ce qu'ils représentent fait peur, aux soignants qui affrontent jours après jours une maladie qui touche au plus intime. Un roman vrai comme le dit si bien Christian Sauvage. Sans fard, il fait toucher du doigt une réalité qu'on voudrait le plus souvent ignorer, rappelle aussi qu'une conscience qui s'efface n'emporte pas avec elle tout ce qui fait un être humain, et interroge, d'une certaine manière sur ce que le traitement réservé à ceux qui "ne peuvent plus" révèle sur le monde dans lequel nous vivons. Car comme le dit Daniel, "On peut vivre."
A lire et méditer.
"J'écris ces mots aujour'dhui avec une sorte de honte mêlée à un sentiment d'invraisemblance tant il paraît aburde qu'une chose aussi simple ait pu m'émerveiller. Et pourtant je le répète encore et encore, pour qu'une chose aussi simple ne soit jamais oubliée par quiconque rencontrera un être dont la conscience est en perdition. Que l'on n'oublie plus jamais de lui parler normalement, comme à un être humain à part entière, sans décider à sa place des mots qu'il pourra comprendre, sans le priver des yeux qui le regardent, d'une voix qui lui parle. A lui. A elle."
L'avis de Keisha, Brize,...
Alzheimer mon amour est entré en résonance chez moi d'assez curieuse manière me direz vous puisque ce n'est pas la même situation, avec cette histoire... Dans ce qu'elle dit de la manière dont on considère celui qui est différent...
Huguenin, Cécile, Alzheimer mon amour, Ed. Héloïse d'Ormesson, 2011, 124p. 4/5