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Littératures anglo-saxonnes - Page 10

  • Cranford - Elizabeth Gaskell

    couv'-Gaskell copie.jpgCranford, petite ville du Nord de l'Angleterre, ses veuves et ses demoiselles, son château, et les mille et une petites histoires qui émaillent le quotidien, entorses aux convenances, amours contrariées ou deuils.

    Dieu que j'aime les romancières anglaises du 19e siècle. Le plus souvent on a l'impression de déguster un thé accompagné de patisseries. C'est à chaque roman un univers bruissant discrètement de scandales et de bonheurs et de malheurs plus ou moins grands qui se déploie, beaucoup plus complexe que ce les apparences pourraient laisser supposer, et bien loin de pouvoir être assimilés à des chroniques à l'eau de rose désuètes auxquelles ils sont souvent réduits. Cranford ne fait pas exception. Le petit monde de Cranford, on le découvre par les yeux de Mary Smith, jeune femme qui vient souvent rendre visite à ses connaissances du lieu, surtout les demoiselles Jenkyns, Doroty et miss Matty, sa soeur cadette. L'une est aussi sêche et rigide que l'autre est tendre et compatissante, mais chacune à sa manière est attentive à son entourage. Autour d'elle veuves et demoiselles se pressent. Car Cranford a une particularité: elle est peuplée presque uniquement de femmes vieillissantes. Mary va raconter au fil des saisons ses visites, et les événements qui vont les émailler: deuils, scandales, ruines, chamailleries, intrigues amoureuses hautes en couleur, lutte contre cette pauvreté qui ne dit pas son nom... Car ces dames, si elles sont de bonne famille et fermement attachées aux convenances, sont pauvres et s'emploient à le dissimuler sous le vernis du bon goût et de d'une économie domestique qui ne peut être qu'élégante.

    De petites histoires en petites histoires, Elizabeth Gaskell déploie un talent d'observation de la nature humaine étonnant, tout en conservant, toujours, une tendresse et un humour qui rendent ses personnages vivants et attachants.  Elle sait à la perfection rendre ces petits riens du quotidien, ces ridicules qui en disent tellement sur l'humain et sur la manière dont une société fait face au changement. Car Cranford doit faire face au progrès: les choses y changent. Il y a le chemin de fer, les oeuvres de M. Dickens, de nouvelles manières et une mode parfois surprenante... Face à toutes ces nouveautés, les standards moraux et les convenances vacillent, ce qui semblait immuable commence à disparaître. C'est un beau portriat d'un monde en train de mourir tout doucement, parfois ironique, souvent débordant d'humour. Il y a des scènes absoluments hilarantes: la vache habillée d'un pyama en flanelle, l'épisode du chat et de la botte. On sourit beaucoup, on rit parfois, mais on pleure aussi tant on s'est attaché aux personnages et à leurs petites manies et défauts.

    Et puis, rien que le regard de ces dames sur la gent masculine vaut le détour! Ces gentlemen en prennent pour leur grade face à ces amazones à qui rien de fait peur, sauf, peut-être, un manquement aux convenances! Après tout, elles vivent depuis des années dans homme à la maison et ce n'est pas pour autant qu'elles ont été malheureuses! J'ai adoré notamment la réplique d'une de ces dames disant qu'elle sait parfaitement à quoi s'attendre avec les hommes, son père en ayant été un! Savoureux!

    Dommage que les fils du récit soient un peu léger et qu'aucune véritable intrigue ne vienne donner plus de profondeur à ce qui aurait pu être un bijou. Sans fil conducteur, les rebondissements semblent parfois un peu exagérés, ou rapidement amenés et délaissés.

    cranford_396x222.jpgBref, j'ai aimé! Et comme j'ai aimé, je ne pouvais pas ne pas me jeter sans aucune autre forme de procès sur l'adaptation par la BBC du roman. Ceci dit, la lecture in english du dos du DVD a commencé par me laisser perplexe: il y avait là des personnages dont je n'avais pas le souvenir et j'en suis un moment venue à me demander si j'avais lu le bon roman! Mais foin de ce mystère, les scénaristes ont tout simplement utilisé des éléments de trois romans de Gaskell pour tourner ce petit bijou de série historico-littéraire, à savoir Cranford, mais aussi My lady Ludlow er Mr Harrison's confessions. Ce dernier se trouve dans mon édition Wordsworth de Cranford and other stories, ce dont je suis ravie!

    Mais revenons à nos moutons, c'est un bijou. Oui, un petit bijou et je pèse mes mots! Cranford est totalement fidèle à l'esprit du roman éponyme. On y retrouve ces personnages hauts en couleur et on en rencontre d'autres, et notamment ce séduisant jeune médecin qui va agiter les esprits et les langues de cette attachante petite bande de commères. dr_harrison.jpg

    Le tout est fluide, extrêmement bien construit et servi par des acteurs qui sont tous parfaits et même plus. Judy Bench est une miss Matty extraordinaire de tendresse et de douceur, Eileen Atkins fait une Doroty plus vraie que nature, Imelda Staunton donne vie à miss Pole comme on n'osait l'espérer, bref, c'est un vrai bonheur.

    cranford_1546365c.jpgEncore plus que le roman, l'adaptation met en valeur ce qui est un des thèmes centraux de l'oeuvre de Gaskell, la mutation d'un monde traditionnel et rural en un monde industriel. A Cranford, apparaissent soudain de nouvelles techniques médicales amenées par le docteur Harrison, le chemin de fer qui se construit envers et contre l'opposition de la population, les vieilles structures sociales sont mises à mal par l'ouverture entre autre, aux classes populaires de l'éducation. Ces changements sont le filigrane de la série et le moteur de bien des rebondissements. IL faut dire qu'ils s'entremêlent avec des intrigues amoureuses qui sont souvent très drôles et dont sera victime le pauvre jeune Docteur!

     

    C'est donc une adaptation superbe, indispensable pour tous les amoureux de Gaskell, de la littérature anglaise et des dramas!

     

    Isil, Rose, Rory... parlent du roman!

    Emjy, Cuné, Isil parlent de la série!

    Merci à Babelio et aux Editions de l'Herne pour cette découverte!

    Merci à Stéphanie pour le prêt de la série!

    Et avec tout ça, j'entre dans la réalisation de quelques challenges:

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  • Les grands-mères - Doris Lessing

    lessing.jpgDeux amies d'enfance, leurs fils et cette période trouble où la jeunesse brûle de tous ses feux. Cédant à leurs désirs, chacune entame une liaison avec le fils de l'autre.

    J'avais entendu dire le plus grand bien de ce court texte de Lessing et c'est avec l'envie de découvrir ce texte fort et sulfureux de ce prix Nobel de littérature que j'avais ajouté à ma PAL Les grands-mères. Autant le dire immédiatement, c'est une déception, une grosse. Pas forcément sur le fond, que je trouve très intéressant, mais plus sur la forme. D'emblée, le style de l'auteur m'a agaçée. Froid, détaché, répétitif pour ne pas dire redondant par moment. J'irai même jusqu'à dire plat. Peut-être, sans doute, est-ce voulu, à moins que la traduction ne soit mauvaise. Mais du coup, difficile de s'investir dans cette histoire d'amour scandaleuse. Car scandaleuse elle l'est: chacune de ces mère devient la maîtresse du fils de l'autre, entrant dans une relation quasi incestueuse tant leurs relations ont été celles de parents proches. Il est beaucoup question dans le récit de la passion qui brûle, du parcours singulier de ces femmes superbes et intelligentes, du moment où il l'arrivée d'épouses brise les relations qu'elles entretiennent avec leurs enfants. C'est il est vrai une belle variation autour du thème du montré et du caché. Il y a la façade lisse et heureuse qu'elles et leurs familles offrent au monde, avec les fêtes, les sorties à la plage, la réussite scolaire, les malheurs surmontés avec courage. Il y a ce que les mauvaises langues soulignent: les hommes partis ou morts, cette relation amicale entre les deux femmes si intense qu'elle en devient louche... Et puis il y a l'inimaginable, tellement à l'encontre des tabous de la société que personne ne le perçoit, il y a les névroses des enfants et des mères, celles des pères qui toutes ensemble font une toile sombre, dure et amère.

    A côté de toute cela, Doris Lessing explore la féminité et la manière dont elle se confronte à la vieillesse qui arrive, à des désirs qui ne sont pas moins forts et qui se heurtent à la nécessité de la sécurité et des conventions sociales. Il est intéressant de constater que par sa manière de le traiter, elle enlève tout côté sulfureux à son histoire, ne laissant que deux femmes et deux jeunes gens face à des désirs et des amours qu'ils ne peuvent contrôler. A aucun moment on n'a l'impression de quelque chose contre nature, ou "sale". Elle raconte une histoire d'amour, tragique et peu banale, mais une histoire d'amour. Celle des mères, et celle des épouses bafouée.

    Dommage que Doris Lessing se sente obligée d'appuyer son propos. Les larmoiements de la serveuse aux premières ages du récit par exemple, la chute qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. On a un goût d'inachevé et de baclé à la dernière phrase.

    Sylvie a aimé, Stéphanie aussi. Pour le rest, BoB!

    Lessing, Doris, Les grands-mères, J'ai Lu, 2003, 2/5

  • Expiation

     

    L’été 1935. Alors que la canicule écrase l’Angleterre, Briony Tallis, 13 ans, vit la fin de son enfance et tente de déchiffrer comme l’écrivain qu’elle sait être, le monde qui l’entoure et les relations étranges qui se nouent entre les adultes. Mais son immaturité va provoquer une tragédie.
     
    Expiation est un roman phénoménal, un de ceux dont on sait au bout de quelques pages, voire de quelques lignes qu’il va vous emporter. Superbement écrit, superbement construit, il est tour à tour glaçant, terrifiant, déconcertant, inconfortable. Pourtant tout commence dans une certaine sérénité : un été anglais caniculaire, la campagne anglaise écrasée sous la chaleur, une réunion de famille qui se prépare. Ian McEwan excelle dans la description de cette propriété de famille avec son lac, son petit temple, la maison si laide. Par petites touches, il dresse le décor, le donne même à sentir. Puis, au fur  et à mesure que l’on découvre la famille Tallis et ceux qui les entourent, la tension croît. McEwan est un naturaliste, en tout cas un peintre habile des caractères humains. Emily, Cécilia et Leon Tallis, Briony Tallis les cousins Quincey, Paul Marshall, Robbie Turner et sa mère Grace, tous sont décrits de manière magistrale et surtout, neutre. Quelques touches, quelques traits et c’est un être humain dans toute la complexité de ses réactions qui se dresse devant le lecteur. Aucun jugement chez McEwan, juste les ressorts des caractères et des comportements humains. De là sans doute ce sentiment de malaise qui croît au fil des pages. Le récit est à la fois intense et étrangement détaché, sensuel et glacé.
    C’est Briony Tallis qui est au centre des quatre parties du roman. Dans la première, c’est une enfant encore, détestable dans son arrogance et ses certitudes. Si certaine de comprendre les adultes qui l’entourent, si certaine de son talent d’écrivain et de sa découverte d’une maturité nouvelle. Briony a le sentiment d’être devenue adulte en ce jour. Et pourtant… Mc Ewan décortique les mécanismes qui vont la mener au mensonge et au crime qui va la poursuivre sa vie durant : avoir détruit la vie de sa sœur et de Robbie Tyler. Mais peut-on expier un tel crime?

    L'art de McEwan se révèle avec brio dans la suite de son récit. Partagé entre le point de vue de Robbie, et celui de Briony devenue élève infirmière, c'est une réflexion sur la culpabilité et le remord, et une description percutante de la guerre. Nous sommes en 1940, l'armée britannique fait retraite vers Dunkerke. Robbie entame une longue marche dans la campagne française, allant d'horreur en horreur, de bombardement en mitraillage. A Londres, Briony entame un apprentissage sévère et presque violent dans l'atmosphère d'attente et d'angoisse engendrée par cette guerre qui s'annonce et qui va faire irruption avec brutalité dans le quotidien hospitalier. Le lecteur se retrouve immergé dans l'apocalypse de la guerre au point de ne presque pas noter les petits détails discordants, les décalages presque imperceptibles qui seront soudainement mis en lumière dans un dénouement estomaquant qui interroge l'art de la fiction.

    Expiation est certes l'histoire d'un drame familial, l'histoire d'une passion amoureuse, l'histoire d'une quête de pardon, l'histoire d'une guerre, mais c'est aussi, et surtout, à travers le personnage de Briony, une réflexion magistrale sur la fiction, le pouvoir de l'écrivain et ses limites. C'est vertigineux aussi de suivre Briony dans l'éveil de son talent et de sa vocation d'écrivain. Quand encore enfant elle provoque l'emprisonnement de Robbie, c'est aussi pour avoir voulu écrire le monde qui l'entoure et le plier aux règles romanesques qu'elle ressent comme réelles. Quand elle écrit son journal à Londres, elle fait de son quotidien une matière romanesque. Quand âgée elle vient de terminer son dernier roman, elle révèle comment l'écrivain peut réécrire le monde et des destins, les rendre autres et cela pour aussi longtemps que son récit ne tombera pas dans l'oubli. Sans jamais pouvoir, pourtant, changer ce qui est advenu et qui a été provoqué autant par le caractère fantasque d'une enfant que par une société prompte à condamner et à garder sous une chape de silence ses aspects les moins reluisants. Sous-jaçante au récit, la critique sociale est bel et bien présente: vie familiale, prégnance des hiérarchies sociales, bonnes manières et conventions cachant mal les pulsions et les crimes, ...

    C'est donc, vous l'aurez compris, un coup de coeur et la découverte d'une plume absolument magnifique qui excelle dans la description psychologique, dans la manipulation du lecteur.


    L'avis de Lilly, de Fashion, EmjyRestling, ...

    Ps: ne surtout pas visionner le film avant de lire le roman!! Encore que ce soit le film qui m'ait poussée à acheter le roman!

     

    McEwan, Ian, Expiation, Gallimard, Folio, 2005, 5/5
     

  • Drôle de temps pour un mariage

     

    Dolly se marie. Elle est non seulement morte de peur mais doit en plus subir une famille des plus excentriques et un prétendant, Joseph,  qui n’a jamais osé se déclarer. Par cette froide journée de mars, la maisonnée va vivre de drôles de moments.
     
    Une journée, une courte journée pour un roman. Le parti pris de l’auteur, Julia Strachey donne un cachet supplémentaire à la petite histoire qu’elle raconte avec une ironie follement anglaise. Il faut dire que la matière est riche avec cette bourgeoisie de l’entre-deux-guerres dont tous les traits sont soulignés. Il y a l’insupportable veuve excentrique et tête en l’air, les jeunes filles faussement rebelles et indépendantes, les jeunes gens bons teints, les vieilles dames indignes, les domestiques, les conventions à respecter et sous le vernis, les piques, les mesquineries, les secrets soigneusement dissimulés. Tout ce qui fait ces délicieux romans anglais. Comme d’habitude, sous l’humour, perce la souffrance, le manque affectif, et le côté obscur de cette société si policée et avide de respectabilité. C’est après tout le récit d’un amour manqué entre Dolly et Joseph, et de leur incapacité à prendre la décision qui aurait pu changer leur vie. On les voit partir l’une vers un mariage qui s’annonce en demi-teintes sinon malheureux, et l’autre vers ses chères études à défaut d’avoir conquis son graal.  Bien que je l’ai trouvé un peu rapide, j’ai pris un grand plaisir à cette lecture et aux gags qui se succèdent sans temps mort, à l’amertume qui affleure laissant le lecteur un peu essoufflé mais enchanté de cette virée dans la campagne anglaise.
     
    L’avis de Manu, de Cathulu, Plaisirsacultiver,…

    Strachey, Julia, Drôle de temps pour un mariage, La petite Vermillon, 2009, 3.5/5

  • Au pays des mangas avec mon fils

     

    Ou comment un père qui s'intéresse comme ça à la nouvelle marotte de son fils de 12 ans fini par tomber dans le monde du manga et de l'anime. Au point d'emmener fiston dans un grand voyage au pays du soleil levant à la rencontre de mangakas et de créateurs d'animes. Première découverte, Peter Carey est un grand écrivain australien vivant aux Etats-Unis, lauréat du Booker Prize. Deuxième découverte, même un grand écrivain australien vivant au Etats-unis et lauréat du Booker Prize peut se retrouver complétement perdu et à la merci d'un galopin de 12 ans parfaitement à l'aise, merci, en milieu étranger. Or, on a beau dire, comme milieu étranger, le Japon se pose un peu. Démonstration:

    - les donuts ne sont pas pareils;

    - on mange du poisson au petit-déjeuner;

    - les mots ne veulent jamais dire ce qu'on croient qu'ils disent;

    - les adresses postales sont un vrai casse-tête;

    - le métro est un labyrinthe.

    J'ai l'air de me moquer comme ça, mais Au pays des mangas avec mon fils est un régal, léger, certes, mais un régal. Peter Carey remonte aux sources de son voyage pour nous expliquer comment il s'est retrouvé dans cette galère: s'intéressant aux passions de son fils de 12 ans, Charley, il en est venu à s'immerger lui aussi avec passion dans l'univers du manga, de l'anime, et plus largement, de la culture japonaise. Père et fils s'influencent à qui mieux mieux jusqu'au jour où le père propose au fils de partir à la découverte de ce Japon qui les fascine à divers titres. Autant dire que s'il aime le manga, il espère bien quand même faire découvrir le "vrai Japon" à son fiston.

    Sauf qu'une chose est certaine, Charley refuse d'avoir quoi que ce soit à faire avec le "vrai Japon". Les temples, les musées et tout le reste, très peu pour lui. Branché en permanence à son portable, à l'aise comme un poisson dans l'eau dans le Sega World, c'est un autre "vrai Japon "dans lequel il se trouve bien. Au grand étonnement d'un père qui va découvrir son fils en même temps qu'un aspect du Japon qu'il n'appréhendait pas.

    Un des aspects les plus intéressants du récit est ce retour à la source. On y voit nos deux héros échafauder des théories sur le Japon, sur les mangas qu'ils lisent et les animes qu'ils regardent. Ils s'interrogent, réflechissent, lisent, se passionnent, discutent, bref, fantasment comme beaucoup de gens ce pays qu'ils ne connaissent que peu. Peter Carey nous parle de ce regard qu'ils portent, l'un comme l'autre sur le Japon, et il raconte au fil des chapitres, comment ce fantasme s'est vu confronter à la réalité de la vie quotidienne japonaise et d'une culture qui ne s'ouvre pas si facilement et s'échappe quand on croit, enfin, y avoir compris quelque chose. Cette confrontation donne lieu à quelques scènes drôlatiques et à une foule de petites aventures où Charley va se révèler sous l'oeil éberlué de son père. Charley, le modèle de l'adolescent monté en graine, mutique, pas franchement intéressé par ce qu'aiment ses parents, mais à l'aise comme un poisson dans l'eau dans un monde qui reste hermétique à son père: celui d'un Japon feru de nouvelles technologies où les visualistes s'habillent comme leurs personnages préférés.

    Peter Carey le regarde évoluer avec un oeil plein de tendresse et d'humour, livrant en filigrane de son récit l'histoire de sa relation avec son fils et la manière dont ils s'enrichissent mutuellement. Ce qu'aime Charley n'est pas toujours ce qu'aime son père et inversement, mais ils se retrouvent parfois sur certaines oeuvres pour mieux se quitter sur d'autres.

    C'est l'occasion pour l'auteur de parler, beaucoup, du manga et de l'anime japonais. Sans sombrer dans une liste ennuyeuse d'oeuvres qu'il considérerait comme majeures, il s'appuie sur quelques oeuvres qu'il apprécie particulièrement, ou que son fils aime particulièrement pour nous emmener à la découverte de cet aspect de la culture japonaise. Comme il aime Blood the last vampire, il embarque Charley et le lecteur à la rencontre d'un maître forgeron de sabres japonais. Comme Gundam Wings est une part considérable de leur vie à tous les deux, il nous fait assister à leur rencontre avec Tomino, le créateur de cett oeuvre. Avant de croiser, dans un moment magique, la route d'Hayao Miyazaki. L'occasion de découvrir comment naissent des mangas ou des animes au succès considérable, de confronter la vision occidentale de ces mangas à la vision japonaise, d'étudier la place du traumatisme de la Seconde guerre mondiale et des bombardements atomiques dans le manga et l'anime. C'est fourmillant d'informations, de petites découvertes et d'anecdotes. Ce serait franchement passionnant si c'était un brin plus approfondis. En l'état, c'est une lecture sympathique qui m'a donné envie de découvrir l'oeuvre de Carey et Gundam Wings. Ah oui, et de revoir pour la centième fois Totoro! Ce qui n'est déjà pas si mal!

    Pour la route, une citation attribuée à Miyazaki: "il a dit qu'à son avis, l'imagination est ul'une des plus importantes facultés humaines, donc le but de ses activités est de développer l'imagination des enfants qui représentent les génénrations à venir. L'imagination est capable de crééer un monde entièrement différent selon l'usage qu'on en fait. Elle peut donner naissance à la vertu, ou bien aux armes de destruction qui menacent la terre entière. Il a dit, au passage, que les risques potentiels lui faisaient peur."

    On en parle sur Anime-Kun.

     

    Peter Carey, Au pays des mangas avec mon fils, Hoebecke, 3.5/5