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Littératures anglo-saxonnes - Page 9

  • L'arbre aux haricots - Barbara Kingsolver

    9782743602291.gifS’il y a une chose que Taylor Greer n’a pas l’intention de faire, c’et bien pondre une portée de petits dans sa petite ville perdue du Kentucky. Le jour où elle se décide à grimper dans sa vieille guimbarde, c’est avec l’idée chevillée au corps de rouler le plus loin possible vers l’ouest et de ne surtout pas se laisser arrêter. C’est sans compter avec le destin qui lui arrive droit dans les bras sous la forme d’une petite indienne mutique et abandonnée… Heureusement qu’il y a le hasard qui fait bien les choses, la générosité qu’on trouve où on ne l’attendait pas, et les arbres à haricot pour que le bonheur fleurisse.

     

    Il en va de Barbara Kingsolver comme de Paul Auster dans ma vie de lectrice : un de ces auteurs dont on entend parler en long, en travers et en enthousiasme par des gens tellement différents qu’on se dit qu’il ne va vraiment, mais alors vraiment plus être possible de continuer sans avoir, au moins, tenté une incursion dans leur univers. Le problème de ce genre de tentative, c’est qu’on se retrouve bien souvent avec toute une œuvre à lire… Barbara Kingsolver a écrit si je ne m’abuse 8 romans qui sont traduits et un tout beau tout neuf qui a fait sautiller Fashion. Il me reste donc 8 grands moments de bonheur.

    Parce que c’est bien ce qui m’est tombé sur le coin de la figure : le bonheur. Bonheur de découvrir  l’univers de cette romancière qui décrit à merveille le désert américain, bonheur de faire un bout de chemin avec Tayor, Turtle et les autres, bonheur de lire une histoire débordante d’humanité et de tendresse, d’humour et de larmes. C’est un petit bijou qui commence comme un road trip sur les routes américaines, avant de se transformer en un superbe apprentissage de la maternité, en un apprentissage de l’amitié, de l’amour aussi. Barbara Kingsolver dresse une galerie de portraits savoureux : des gens ordinaires, chacun avec son petit grain de folie, ses espoirs, ses déceptions, qui décident un beau jour de s’accorder le bonheur de se découvrir et de vivre ensemble, d’affronter le pire en se serrant les coudes. C’est la grande force de ce récit d’ailleurs, de raconter le pire avec un humour et une volonté de voir le meilleur : immigration clandestine, politique étasunienne en Amérique centrale et du Sud, pédophilie, chômage, l’arrière-plan pourrait glacer le sang et donner lieu à une histoire sordide. Mais non. A la place, on a ce rayon de soleil qui donne envie de croquer la vie à pleine dent.

    Kingsolver, Barbara, L'arbre aux haricots, Rivages, 1997, 340 p., 5/5

     

  • La nuit de l'oracle - Paul Auster

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    Sydney Orr, jeune écrivain new-yorkais, se remet doucement d’une grave maladie avec l’aide de sa femme Grace. Au cours d’une de ses promenades, il entre dans une petite papeterie où il achète un carnet portugais bleu qui va lui redonner l’inspiration et le goût de l’écriture. Mais si ce carnet est un miracle, il est aussi un piège dans lequel se brouillent tous ses repères, à commencer par ceux qui lui séparent la fiction de la réalité.

    Il y a des manques dans une vie de lectrice qu’on se sent un brin obligé de combler. Non pas par obligation, mais que voulez-vous, quand tout autour de vous tout le monde pousse des cris d’émerveillement, force est de supposer qu’on manque quelque chose et que ce n’est définitivement pas possible de continuer ainsi. En espérant être soi-même séduit. Le pari est gagné avec La nuit de l’oracle. C’est un roman vertigineux, époustouflant, une réflexion presque schizophrénique sur la fiction et le pouvoir de la création littéraire. Paul Auster explore à travers Sydney le processus d’écriture et le travail de l’écrivain, mais aussi le pouvoir des mots qui modèle la réalité, voire la crée. Petit à petit, de pages de carnet noircies en petits événements de la vie quotidienne, on voit la fiction et la réalité s’interpénétrer, se nourrir mutuellement jusqu’à l’hallucination et la folie. On vogue au gré des fils qui s’entrecroisent et se nourrissent les uns les autres, au gré des notes de bas de page qui sont presque un roman dans le roman, au gré de l’histoire qui est dans l’histoire qui est dans l’histoire. L’enchâssement des différentes dimensions du récit est parfait : la grande force de ce récit est qu’il ne perd jamais le lecteur malgré sa complexité, sa densité, et que les personnages fascinent par leur profondeur, la vérité qui se dégage de leur être, de leurs actes. Et plus fort que tout, on rentre dans la psyché de l’écrivain, on mesure l’impact de l’environnement de l’écrivain sur son travail et l’influence que l’œuvre a sur lui en retour, le rôle de l’inconscient qui dirige aussi la plume.

    D'autres avis chez Amanda, Stephanie et BOB!

    Auster, Paul, La nuit de l'oracle, Actes Sud, Babel, 2005, 236 p., 4/5


     

  • La pluie avant qu'elle tombe - Jonathan Coe

    la_pluie_avant_qu_elle_tombe.jpgRosamond a été retrouvée morte chez elle. La vieille dame a laissé derrière elle 20 photographies et 4 cassettes enregistrées, à charge pour sa nièce Gill de les transmettre à une mystérieuse Imogen, une jeune femme aveugle briévement croisée à l'occasion de fêtes familiales longtemps auparavant et introuvable. Gill écoute alors avec ses filles les bandes, et découvre une page d'histoire de sa famille qu'elle ignorait.

     

    J'ai, je dois le dire en préambule, découvert Jonathan Coe avec le massacre en règle de Testament à l'anglaise, roman où il lâche la bride à l'ironie la plus amère, une drôlerie affirmée et un sens de l'absurde qui peut s'avérer réjouissant. Autant dire que cette lecture ne me préparait en rien à celle de La pluie avant qu'elle tombe, texte d'une grande tendresse et d'une immense tristesse qui voit se dérouler à travers des photographies et la voix d'une vieille femme l'histoire de plusieurs générations de femmes.

    Jonathan Coe prend le temps dans ce roman d'installer les paysages du Shrophire, de laisser se poser la voix de Rosamond et celle de Gill aussi, qui va faire vivre l'histoire racontée par sa tante en l'écoutant avec ses filles, en la transmettant à ses filles.

    Ce que raconte Rosamond, est à la fois banal et unique, c'est l'histoire d'une filiation tragique, celle de Beatrix que n'a pas aimé sa mère Ivy, qui a donné naissance à Théa, qu'elle n'a pas aimé, qui a donné naissance à Imogen qu'elle n'a pas aimé. De fil en aiguille, il brode le portrait de femmes détruites les unes après les autres par la reproduction inévitable du drame psychologique qui a saccagé leur enfance, leur confiance en elles-mêmes et en la vie. shropshire-hills-01~s600x600.jpg

    Cela pourrait paraître banal, déjà écrit et lu un millier de fois. Certes. Mais Jonathan Coe déroule sa petite musique en se liant à une contrainte qu'il parvient à utiliser et transcender: celle de partir de photographies que Rosamond décrit pour Imogen l'aveugle, et à partir desquelles elle raconte son histoire, et partant, celle de sa cousine adorée, Beatrix, et celle des descendantes de Beatrix, tout autant aimées, et perdues. Il se mêle alors à l'image menteuse la voix de celle qui se souvient et qui ramène à la vie des souvenirs, des sensations, des odeurs. Car elles sont menteuses ces images qui semblent montrer une vie heureuse et insouciante à qui les regarde sans connaitre ceux qui posent ou on été fixés sur la pellicule par surprise. Elles sont précieuses mais ne montrent rien d'autre qu'une apparence de bonheur que détruit Rosamond  par ses souvenirs vivants, encore que menteurs eux aussi. On chemine entre photographies, souvenirs, et le temps présent qui se rappelle parfois au souvenir de Gill et de ses filles, qui a leur manière, vivent ce qu'ont vécu Beatrix et les siens. Pourtant, si le malheur a été bien présent dans la vie de Rosamond et dans celle de ces femmes dont elle raconte la vie, il y a eu aussi le bonheur, le grand amour qu'elle a vécu avec Rebecca, le temps trop court passé à élever Théa, la musique et les livres, le Shropshire et sa beauté. L'aventure pour Beatrix, l'amour aussi malgré l'égoïsme. Des éclaircies pour Théa et sa fille Imogen. Rosamond raconte un monde en changement, depuis le Blitz jusqu'à aujourd'hui, ses espoirs déçus, les promesses tenues pour le meilleur ou pour le pire et celles qui ont été oubliées, les regrets qui ne peuvent être évités. Jonathan Coe excelle à faire sentir par un mot, une expression les sentiments, les sensations de ses personnages, l'ambiance dans laquelle ils baignent, la tristesse et l'angoisse, les moments de bonheur parfait, trop brefs sans jamais sombrer dans le pathos et le mauvais goût. C'est poignant, doux et amer, presque magique de suivre ce récit, alors qu'on a l'impression d'entendre tout près de soi la voix de Rosamond.

    Dommage que la fin du roman ne soit pas à la hauteur de l'émerveillement ressenti au fil des pages. On quitte La pluie avant qu'elle tombe avec un petit goût d'inachevé et de factice qui ne rend pas justice à l'acuité psychologique avec laquelle l'auteur a exploré ces vies de femmes sur plusieurs générations. Je l'ai malgré tout refermé le coeur lourd du destin de cette lignée de femme que j'aurai bien du mal à oublier.

    Je vous laisse avec les chants d'Auvergne de Canteloube qui scandent le récit et qui resteront liés pour moi à cette belle lecture.

     

     

    L'avis de Cachou, et celui, merveilleux, d'Ofelia.

    Coe, Jonathan, La pluie avant qu'elle tombe, Gallimard, 2009, 248 p. 4/5

  • Le bon larron - Hannah Tinti

    10404-medium.jpgRen est manchot et orphelin. Autant dire que ses chances d’être adopté par un fermier du coin sont proches du néant et que son avenir est obscurci par le sort qui attend ceux qui sont engagés de gré ou de force dans l’armée et ce , quelques soient leurs tares physiques ou mentales. Mais un jour, l’improbable se produit : Benjamin Nab qui se prétend son frère, vient le chercher. Mais dit-il la vérité, ce frère dont les activités interlopes vont plonger Ren dans un univers de voleurs, d’escrocs et de marginaux ?

    Amanda en avait parlé avec une telle passion au cours du deuxième Gang des LIT que je n’avais pas pu la laisser repartir avec son exemplaire du roman. Heureusement d’ailleurs que je l’ai gardé au chaud, c’eut été fort dommage de passer à côté de cette petite merveille ! C’est brillant, foisonnant, drôle et effrayant à la fois, avec un petit côté outré assumé qui rend la lecture très plaisante. Entre pilleurs de tombes, nains, manchots, arnaqueurs, ressuscités et voleurs en tout genre, on se retrouve dans une histoire de freaks à la mode far-west qui ne fait pas l’impasse sur les réalités sordides de la pauvreté et de la marginalité.

    L’histoire de Ren est un beau récit initiatique, qui voit un enfant passer à l’âge adulte en trouvant des réponses à ses rêves : trouver une famille, savoir d’où il vient, et en apprenant à assumer une réalité qui est forcément bien loin de ses fantasmes. Au lieu d’une mère présente et aimante, il trouve un frère pas toujours tendre, au lieu d’une histoire familiale marquée par la nécessité de son abandon, il tombe sur une histoire atroce et sanglante comme ces temps troublés en voyaient souvent. Mais quels qu’aient été ses rêves, la réalité est aussi celle de l’espoir retrouvé et de l’amour réel que lui porte son nouvel entourage, de la cruauté de la vie et de la malfaisance, accompagnée de la plus belle des solidarités et de compassion.

    Hannah Tinti fait preuve d’une réelle finesse psychologique sous des dehors clownesques : ses personnages sont ambigus, comme Benjamin le menteur qui se cache derrière des récits forgés de toute pièce pour ne pas affronter la réalité, comme Thomas, brisé par une histoire d’amour, comme Mme Sands la logeuse sourde avec son cœur grand comme l’Amérique… Il y a de la durêté dans cette galerie d’hommes, de femmes et d’enfants qui défilent, tous éclopés. Du Dickens, et ce n'est pas moi qui le dit! Il y a aussi de la magie. Hanna Tinti enveloppe les rebondissements multiples de son récit dans une ambiance un peu fantastique, teintée d’une sorcellerie qui se révèle être finalement aussi factice que les tours de magie des foires mais aura rempli son rôle en embarquant le lecteur dans un voyage où il aura tourné en bourrique plus d’une fois avec un plaisir avoué et revendiqué.

    Un voyage donc, enthousiasmant, épuisant, dont on sort avec le sourire et l’envie de retrouver un jour Ren et son petit monde dans de nouvelles aventures.

    L'avis d'Amanda que je remercie pour le prêt, Fashion, Cuné...

     

    Tinti, Hannah, Le bon larron, Gallimard, 2009, 373 p. 4/5

  • Le secret de lady Audley - Mary Elizabeth Braddon

    Veuf respectable et bien nanti d’une cinquantaine d’année, sir Michael Audley tombe fou amoureux de miss Lucy Graham, préceptrice des enfants du médecin du village. Mais ce qui pourrait être un conte de fée va tourner au cauchemar. George Talboy, ami proche du neveu de sir Audley disparaît mystérieusement dans les jardins du vieux manoir alors que les deux jeunes gens étaient en vacances et logés à l’auberge du village. Cela a-t-il un lien avec le fait que lady Audley s’employait à éviter toute rencontre avec ce veuf désespéré par le décès de sa femme survenu quelques jours seulement avant son retour d’Australie ? Les zones d’ombres s’étendent autour de la jeune et jolie lady…



    Paru en feuilleton au cours de l’année 1862, cette œuvre de Mary Elizabeth Braddon, grande amie du sieur Dickens himself a sans nul doute déchaîné les passions de ses lecteurs. Crime mystérieux, angoisse, suspense, disparitions, retournements de situation, chantage, tous les ingrédients d’un bon thriller à la sauce 19e y sont, et même plus ! Tous les atouts et les défauts du feuilleton aussi d’ailleurs. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, ce classique de la littérature est d’une lecture très agréable. Mais dieu que l‘intrigue est cousue de fils blancs et émaillée d’ellipses et de rebondissements improbables ! Autant dire qu’on a deviné presque depuis le début quels sont les affreux secrets des protagonistes de l’histoire. Mais comme ce n'est pas dans le suspense que réside le charme de ce roman, ce n'est pas bien grave. Il reste l'ambiance délicieusement victorienne, les manoirs et leurs passages secrets, la campagne anglaise, ses ports et les us et coutumes d'un monde qui prend pour le lecteur d'aujourd'hui, des teintes agréablement passées.

    Je m’arrête un instant sur les aléas de la traduction. Il se trouve que j’ai lu se roman en anglais, avec certes quelques petites difficulté mais en appréciant la saveur de la langue anglaise et les grandes envolées lyriques des personnages. C’est assez amusant, cette propension qu’ont les personnages à se lancer dans de grands monologues sur les hésitations, leurs remords, leur devoir et tout le tintouin. Et encore plus amusant de constater qu’une grande partie de ces monologues sont purement et simplement coupés dans la version française ! il faut dire que certains sont indigestes et n’apportent pas grand-chose à l’intrigue. Le style de la traduction est ceci dit remarquablement lourd.

    Là, je risque spoiler quelque peu. Avis donc aux réfractaires, mais je ne vois guère comment analyser autrement la condition féminine telle qu'elle est vue dans ce qui était, avant tout, un divertissement moral.

    Il est vrai que Braddon ne pouvait guère adhérer aux mauvaises actions de lady Audley et de quelques autres des dames et demoiselles qui apparaissent dans son récit, mais je n'ai pas pu m'empêcher de m'attacher plus à l'ancienne miss Graham qu'aux autres personnages. Ses actes sont dictés par la volonté d'échapper à la pauvreté, et on se dit que Robert Audley et sa petite vie confortable ont beau jeu de lui reprocher ses actes. Elle est à mon sens beaucoup plus admirable qu'Alicia Audley par exemple, qui rejette sa jeune belle-mère parce que celle-ci lui prend sa place dans le coeur de son père. Lady Audley va au bout du chemin: mauvaise épouse, mauvaise mère, intrigante, meurtrière, elle incarne le diable. Ceci étant dit, aucune des figures féminines du roman n'est lisse: Alicia chasse et affirme sa personnalité, Clara Talboys que Robert Audley voit comme un ange est assoiffée de vengeance encore que freinée par sa condition de femme de bonne famille, Phoebe se marie par obligation mais n'hésite pas à recourir à tous les moyens pour parvenir à ses fins, quand à Lucy Audley, j'en ai déjà parlé. De quoi faire tenir aux personnages masculins quelques propos misogynes sur la nature de ces dames mais voilà qui correspond au moins à l'anticonformisme de la dame, actrice, pionnière du roman à suspense vivant en ménage avec un homme marié et père. La morale est sauve à la fin, c'est inévitable mais presque dommage! Seul regret, les envolées moralistes et philosophico-religieuses alourdissent sans conteste l'intrigue malgé un humour dont on perçoit des traces. Du moins aux yeux de la lectrice du 21e siècle que je suis.

    Je cesse de spoiler.


    Bref, c'est une romancière que je suis heureuse d'avoir découvert, mais Le secret de lady Audley n'est sans doute pas son oeuvre maîtresse et ne présente à mon avis comme intérêt aujourd'hui que son côté pittoresque de feuilleton et quelques uns de ses personnages. Je ne m'arrêterai pas en si bon chemin!

     

    Le tout a été lu dans le cadre de pas moins de 2 challenges:


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    Keisha en parle!

    Braddon, Mary Eizabeth, Lady Audley's secret, Wordworth, 1997, 400 p., 3/5