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Littératures anglo-saxonnes - Page 8

  • Les monstres de Templeton - Lauren Groff

    9782264049841FS.gifAlors que Willie Upton rentre dans sa bonne ville natale de Templeton pour panser ses plaies après une déception amoureuse en forme de cataclysme, le cadavre d’une étrange créature émerge à la surface du lac déclenchant une tempête médiatique. Mais ce n’est rien face aux bouleversements familiaux que va vivre Willie en quelques jours : sa mère Vi, ancienne hippie, se décide à lui révéler qu’elle n’est pas le fruit d’amours libres dans le San Francisco des années 1970, mais l’enfant d’un homme de la ville dont elle refuse de donner le nom… Plutôt que de se morfondre sur son sort et la crevette qui a pris racine en elle, Wilile se décide de percer le secret de ses origines paternelles.

     

    Il y a des romans comme ça, dont vous savez dès la première page que vous allez les dévorer. J’ai rencontré Willie au détour d’une première page, un drôle de monstre un peu plus loin et j’étais embarquée dans une histoire un peu folle que je n’ai pas pu lâcher avant la dernière page. Lauren Groff ne révolutionne pas la littérature, mais elle offre un roman remarquable, à la fois drôle et émouvant, passionnant et superbement construit. A la vie de Willie lancée dans ses recherches répondent les extraits de journaux intimes, les correspondances, les testaments, les romans, les journaux qu’elle découvre et qui dessinent par petits bouts l’histoire de sa famille et celle de sa ville puisque par sa mère et par ce père qu’elle ne connaît pas, Willie Upton est apparentée au fondateur de Templeton, Marmaduke Temple. Du coup, c’est non seulement une saga familiale avec ses fous, ses trahisons, ses drames et ses bonheurs qui se dévoile, mais aussi l’histoire d’une ville américaine des premiers pionniers à aujourd’hui. A la fois quête et enquête, la recherche de Willie met au jour les secrets cachés par des gens bien sous tout rapport, les relents fétides d’une réussite perçue comme fondatrice du rêve américain, les noirceurs d’une aristocratie nouvelle. On va d’arbre généalogique modifié en arbre généalogique complété au gré des découvertes de Willie, le tout agrémenté de portraits qui donnent corps aux voix qui se sont fait entendre et un petit air de réalisme au récit.

    C’est passionnant et servi par des personnages hauts en couleur, fascinants, plus complexes qu’ils n’apparaissent au premier abord, tous pourvus d'une petite bizarrerrie qui les rends proches. La bibliothécaire poussiéreuse et ses brownies, les joyeux joggueurs et leurs commérages, la jeunesse de Vi et ses amours religieuses... Dans la petite ville de Templeton, on a une sorte de creuset de toute la complexité des relations humaines, et ce à travers le temps. J'ai particulièrement apprécié la correspondance vénéneuse entre deux dames bien sous tout rapport que découvre Willie, les secrets soigneusement dissimulés pour éviter l'opprobre qu'elle découvre souvent par hasard. Ou que d'autres avant elle avaient soulevé au prix de leur carrière et d'une levée de bouclier. On ne touche pas impunément aux icônes du rêve américain... C’est souvent drôle malgré le tragique qui empreint le destin de la plupart des personnages.

    Et puis il y a cette petite touche de fantastique : le monstre du lac, le fantôme qui hante la maison de Upton… Des manifestations qui sont le symbole des secrets profondément enfouis qui modèlent les familles. A travers Willie qui cherche à découvrir son père, Lauren Groff parle de la filiation, des dissimulations, des mythes qui se construisent sur ce qui a été caché et n’attend que le hasard pour être révélé, du fait que les monstres ne sont pas toujours ce, ou ceux que l'on perçoit au premier abord comme tel.

    Roman à tiroirs, roman historique, roman humoristique, roman tragique, Les monstres de Templeton est un petit bijou qui me fait attendre avec impatience le nouvel opus de l’auteur dont c’était le premier roman.

    C'est Chimère qui m'a donné envie, mais Cuné en parle aussi, tout comme Cathulu, Manu,...


    ps: le trouve la couverture 10/18 absolument superbe!

    Groff, Lauren, Les monstres de Templeton, 10/18, 2010, 5/5




  • L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet - Reil Larsen

    9782841114092-259x300.jpg"C'est aussi bien que Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" qu'il disait le monsieur. Et bien vous savez quoi? Il avait raison. Et tort aussi. Mais ceci est une autre question.

    Tecumseh Sansonnet Spivet a douze ans, ce qui ne l'empêche pas de cartographier comme il respire le monde qui l'entoure et de travailler avec les magazines scientifiques et les musées les plus réputés entre deux grilles-pains brulés par son entomologiste de mère, un western chéri par son cow-boy de père et une Crise de Colère de sa soeur Grace. Las, le voilà qui reçoit le prestigieux prix Baird. Comme diable va-t-il se rendre au Smithsonian depuis son Montana natal alors qu'il a toujours gardé secrète ses activités?

    Extravagant. C'est le premier qualificatif qui vient à l'esprit quand on voit l'objet: beau papier, illustrations somptueuses, annotations dans la marge et flèches qui partent dans tous les sens. Deuxième réaction: "mais qu'est-ce que c'est que ce truc. Un livre, certes, mais que diable l'auteur raconte-t-il pour inonder son récit de toutes ces merveilles?" Conséquence? Deux jours de bonheur à compter de la seconde où l'on a attaqué la première ligne.Parce que T.S. est attachant, parce que sa famille est délicieusement cinglée, parce que ce voyage en train à travers tous les Etats-Unis est une merveilleuse idée. L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est un très très beau récit initiatique, drôle, doucement étrange, fantaisiste comme peut l'être un jeune adolescent de 12 ans parti à l'aventure. T.S. va raconter son odyssée, de ses prémisses à son arrivée dans un univers qui est bien loin de ses fantasmes mais qui cache encore d'autres merveilles. Entre-temps, il aura voyagé clandestinement dans un motor-home prénommé Valero perché sur un train de marchandises, rencontré les hobos des temps modernes, se sera retrouvé coincé dans un trou de ver, et aura laissé son esprit vagabonder de souvenirs en souvenirs, égrenant au fil des pages un sentiment de culpabilité et des peurs qui sonnent juste et touchent au coeur, découvrant que sa mère n'est pas la scientifique étrange qu'il pensait et que son histoire familiale recèle quelques épisodes savoureux.

    Alors que le récit semble partir dans tous les sens au sens propre du terme en plus du figuré, Reil Larsen tient ferme le cap de son histoire, entraînant son lecteur d'idées en idées, de découvertes en découvertes et de réflexions en réflexions sur la science, la place du merveilleux dans le monde. Par la grâce infinie de ses notes, de ses croquis et de ses flèches, il fait plonger dans l'activité permanente et parfois un peu confuse qui agite un cerveau certes génial, mais encore mené par des réflexes enfantins sans jamais donner l'impression d'une construction artificielle. On lit un carnet de T.S., tout simplement. J'ai adoré découvrir le trident de la réussite, le décryptage des expressions faciales des adulte pour ne citer que cela. Quand on referme le livre, on a envie d'aller apprendre à utiliser un théodolite et quelques méthodes d'observation pour parvenir à expliquer le monde sans pour autant perdre de vue fantaisie et plaisir. Tout est parfait: les détails se répondent, la seconde de couverture est une merveille, c'est limpide et fourmillant d'idées, quand à la couverture en forme de cabinet des curiosités, elle préfigure le contenu de belle manière.

    Drôle, touchant, cet OVNI a un effet presque hypnotique qui fait passer sur les défauts qu'il doit, sans aucun doute avoir, mais que pour ma part, je n'ai pas franchement perçu, embarquée que j'étais dans le voyage en compagnie de T.S. et déçue de devoir le quitter si vite, au seuil d'une vie qu'on imagine pleine de cartes et de merveilleuses découvertes. Mais j'aurais eu le bonheur de le voir se découvrir et apprendre quelques précieuses petites choses sur l'amour, la filiation et le sentiment d'être à sa place, quelque part dans le monde.

     

    T.S. a son site qui est aussi merveilleux que le roman: http://www.tsspivet.com/.

    Cuné m'a précédée, tout comme Yvain qui me donnerait envie de le lire si ce n'était pas déjà fait!

     

  • Push - Sapphire

    9782020352901FS.gifPrecious Jones, 16 ans, illettrée, enceinte pour la seconde fois des œuvres de son père, brimée par sa mère, une vie d’ors et déjà brisée. Mais c’est sans compter avec l’espoir et les rencontres qui parfois permettent de changer les choses.


    Bien, vous qui ouvrez ce livre, laissez derrière vous tout espoir. Du moins au départ. Parce que Push est une grande claque, sans aucun doute plus violente que celle que vous pourrez prendre en allant voir le Precious de Lee Daniels qui en est tiré.

    Sapphire, l’auteur, est une auteur et poète de Harlem qui n’a pas hésité à écrire son récit dans la langue parlée par son héroïne : un anglais malmené, contourné, détourné magnifiquement rendu par le traducteur dont il faut au passage saluer le travail. Precious raconte avec ses mots, avec ses expressions l’horreur de sa vie quotidienne, des abus sexuels perpétrés par son père comme sa mère, les coups, la violence des insultes, les moqueries qu’elle essuie parce qu’elle est grosse, l’incompréhension et l’indifférence, la rage et la douleur, la volonté de s’en sortir malgré l’angoisse et l’envie, parfois, d’arrêter de respirer. On sort lessivé de cette expérience de lecture qui torture la langue et qui noue le ventre. Precious n’épargne rien de sa vie mais sans jamais tomber dans le pathos, le misérabilisme ou la dénonciation teintée de voyeurisme des dégâts causés par la pauvreté et l’ignorance. Elle raconte tout sans édulcorer, de sa descentes aux enfers à sa lente remontée vers une vie meilleure.

    Parce qu’il y a toujours l’espoir rendu possible par les rencontres de hasard, par la chance qui s’offre, parfois, de commencer, ou recommencer à vivre. Cette chance, Precious la rencontre avec une école parallèle qui va lui permettre d’apprendre à lire et à écrire, à s’ouvrir au monde et à la possibilité de changer sa vie et celle de ses enfants malgré le sort qui s’acharne. Là, elle va petit à petit s'accepter, accepter son histoire et se donner un avenir, se choisir une famille, et découvrir qu'elle n'est pas si seule qu'elle le croyait. Elle va apprendre à exprimer ce qu'elle pense et sent à travers son journal et surtout, la poésie et des textes qui la touchent et lui parlent: Alice Walker, Langston Hughes... Ce que l'on devine à travers son récit, le journal de sa classe de la vie de ses camarades de classe dresse un tableau terrifiant et bouleversant de la condition féminine dans les ghettos, des lacunes et contradictions de l'aide sociale, de l'indifférence de ceux qui vivent en dehors de l'univers de ces pauvres. De quoi réflechir sur les chances que vous donne la vie.

    C’est un roman incroyable, authentique, dur, mais aussi attachant. Un de ces textes essentiels qui racontent une vie, et touchent ce faisant à l'universel. Incontournable à mon avis.

    Un avis chez Innsmouth


    precious-17892-842514032.jpgQue dire du film... A sa manière, il est aussi un choc. J'en suis sortie l'estomac noué et sans voix. Sans condescendance, avec justesse, Lee Daneils a adapté le roman de Sapphire, lui rendant un hommage juste et parvenant à traduire ce qui fait la force du texte sans aucun voyeurisme. Bien sûr, certains choix, comme de se focaliser sur les rêves de Precious aux pires moments peuvent par moment sembler un peu artificiels, mais ils évitent de sombrer dans le sordide et de rendre le film totalemement insupportable. Ceci dit, le réalisateur épargne ainsi au spectateur ce que la romancière n'épargne pas à son lecteur. La crûdité de certaines scènes dans le roman est rare. Quand au jeu des acteurs, il est impeccable pour la plupart d'entre eux. Precious est superbe, sa mère glaçante. Dommage que la critique du système social qui transparaît dans le texte soit édulcoré dans le film: il n'est jamais question du rôle de l'école et de ses failles, et le personnage de l'assistante sociale est un peu trop idyllique même si cela a aussi le mérite de montrer que le rôle des travailleurs sociaux est loin d'être facile. Bref, un film qui présente quelques défauts, mais qui a le mérite de remettre sur le devant de la scène l'histoire de Precious même s'il ne peut pas rivaliser avec lui en terme de force.


     

    Sapphire, Push, Seuil, 1998, 202 p., 4/5



  • Agnès Grey - Anne Brontë

    9782253132387FS.gifAgnès est fille de pasteur d'un village du nord de l'Angleterre. Ses parents ayant subi un revers de fortune, elle décide de subvenir à ses besoins en occupant un des rares emplois accessibles à une jeune femme de bonne famille: gouvernante. Mais il y a loin des rêves à la réalité.

    Anne Brontë, la seule des soeurs dont je n'avais jamais abordé l'oeuvre, non pas que je ne connaissais pas son existence, mais rien ne m'avait attiré vers elle à l'époque où je me plongeais avec bonheur dans Jane Eyre et entre-temps, ma foi, je l'avais purement et simplement oubliée. C'était donc une totale découverte.

    Que dire, que dire... J'aurais adoré adorer, j'aurais adoré être fascinée, je me suis un peu ennuyée. Il faut dire qu'Anne Brontë est pour le coup une sorte d'OVNI dans ce que je connais des plumes féminines anglaises du 19e siècle. Elle n'a pas la passion de ses soeurs, pas une once de l'humour de Jane Austen, ni la profondeur de George Elliot. Je m'arrête là dans les références, c'est juste pour souligner à quel point je me suis trouvée surprise devant cette chronique sociale à la fois acérée et un peu fade. Comme Charlotte, Anne a choisit de raconter son histoire en donnant à entendre la voix de son héroïne. Agnès raconte sa décision de partir, sa première expérience douloureuse, la seconde tout aussi désastreuse, les changements brutaux que connaît son existence jusqu'à une fin certes heureuse, mais dans les même tonalités fanées que ce qui précède. Pourtant, le fond est intéressant: au lieu de romancer son expérience de gouvernante, Anne choisit de la raconter à travers Agnès de manière très réaliste, âpre, parfois même acide. Mais le tout est narré avec une froideur, une retenue qui ne permet à aucun moment de s'attacher aux personnages et aux situations. Agnès la première d'ailleurs, falotte au possible, retombant dans les mêmes situations, se soumettant à la loi des riches. Du coup, ses mésaventures répétées sont un peu lassantes, tout comme ses réflexions morales et religieuses, bien plus présentes que dans les oeuvres de ses soeurs.

    Agnès Grey est un roman intéressant, plus froid que le passionné Jane Eyre ou Les hauts de Hurlevent, mais il a aussi moins parlé à mon coeur de lectrice, et plus à sa tête. Et ce n'est pas la naissance et le récit discret de l'idylle d'Agnès et de Mr Weston qui éveille le moindre intérêt ou attachement.

    Au final un roman qui me laisse un petit goût d'inachevé. Je tenterai ma chance avec The Tenant of Wildfell Hall.

     

     

     

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  • Jane Eyre - Charlotte Brontë

    9782253132387FS.gifOrpheline, Jane Eyre est élevée par sa tante, Mrs Reed, liée par une promesse faite à son époux mourant. L'enfant, maltraitée par ses cousins, considérée comme inférieure, menteuse et étrange ne trouve pas sa place dans la famille et est envoyée à l'école de Lowood. Malgré les conditions de vie désastreuses de l'établissement, elle survit pour devenir enseignante, puis gouvernante dans la maison de Mr Rochester. Dès lors, son destin est tracé.

    Comme beaucoup de lectrices, j'ai découvert les romans des soeurs Brontë et par conséquent Jane Eyre à l'adolescence. Je me souviens avoir dévoré les aventures de Jane et de Mr Rochester, d'avoir frémi d'horreur, mais je me dois également d'admettre qu'une bonne dizaine d'années plus tard, j'en avais presque tout oublié. What a shame isn't it? L'heure était donc venue de me replonger dans l'oeuvre des soeurs, et la chance aidant, j'ai mis la main sur un livre réunissant trois romans, un de chacune des soeurs. Vous devinerez donc aisément ce qui vous attend dans les semaines à venir!

    Mais revenons-en à Jane Eyre. C'est à mon humble avis, un roman extrêmement difficile à résumer. La preuve en est ma plate et indigeste synthèse ci-dessus. Difficile à résumer pour plusieurs raisons: l'intrigue est très simple et faussement simple. Je m'explique: quand on lit n'importe quel résumé du roman, on se dit qu'on est devant une énième histoire de gouvernante méritante épousant à la fin son prince charmant malgré diverses péripéties se passant de préférence dans un manoir sombre et humide. Certes. Mais quand on tourne la dernière page, on se rend compte que c'est infiniment plus que cela, et que c'est grâce aux personnages et à la modernité indéniable que Charlotte Brontë insuffle à une intrigue finalement assez peu originale.

    Regardons-là de plus près: Jane Eyre donc, modeste petite gouvernante, orpheline, fille de pasteur et éduquée dans une école de charité trouve une place chez le riche et noble Mr Rochester. Lequel tombe amoureux de la gouvernante et lui offre le mariage. Las, la première femme de Mr Rochester, folle, vit toujours. Jane Eyre s'enfuit, est recueillie par le plus pur des hasard chez ses cousins, retrouve Mr Rochester veuf et aveugle et l'épouse. Deux coups de cuillère à pot et l'affaire est entendue. Sauf que c'est la voix de Jane que Charlotte Brontë donne à lire, et qu'à cette voix à travers elle donne à entendre une nature passionnée et impulsive.Sauf qu'on se retrouve perdu dans une lande superbe et hostile et dans les couloirs d'une demeure pour le moins angoissante.

    J'ai aimé de nouveau Jane Eyre, sans doute pas pour le même raisons que je l'avais aimée autrefois. Je l'ai aimée pour la manière dont elle survit à l'adversité qui la frappe, pour son caractère détestable, obstiné, insolent qu'elle tente de faire taire et cache soigneusement. Je l'ai aimée pour son besoin d'action et de mouvement, pour ses doutes et la manière dont elle se préserve au mieux d'un amour qui met en danger son avenir et sa dignité.

    Et que dire de Mr Rochester! L'homme qu'on devrait détester et qu'on ne peut pas s'empêcher d'aimer. Le ténébreux Mr Rochester et ses sombres secrets! En voilà un autre qui n'est pas ce qu'il devrait être: au lieu d'un noble soucieux de son rang, on se retrouve avec un homme au caractère tout aussi détestable, qui n'hésite pas à raconter à son oie blanche de gouvernante la vie dépravée qu'il a mené et qui tente sans aucun srcupule de l'épouser alors qu'il est déjà marié! Quand à Saint-John, le  rival de Mr Rochester, on devrait l'aimer, et on le déteste pour sa rigueur morale (mais le pauvre n'est pas aidé par son prénom il faut dire), pour son insensibilité et son sens des convenances! Et Jane d'être déchire entre son amour pour l'homme qui a trompé sa confiance et celui qu'elle devrait aimer! Moderne je vous dit!

    Bien sûr, Jane Eyre reste un roman très moral: on a droit à de (parfois) longues  et (parfois) lassantes digressions morales et religieuses, à des citations bibliques en veux-tu en voilà. Bien sûr, Jane est recompensée à la fin pour sa droiture, Edward Rochester punit pour ses pêchés et tout est bien qui finit bien, mais entre temps, qu'est-ce qu'il ne s'est pas passé dans les murs de ce manoir bien évidemment obscur, humide, et hanté par une folle! Des tentatives de meurtre, des incendies criminels, des diseuses de bonne aventure, des complots, des demandes en mariage, des tentatives de subornation,on ne s'ennuie pas! Et il n'y a pas de place pour les sentiments tièdes! Oh que non! Passion amoureuse, haine, jalousie dévorante, désir de possession, foi fanatique, la liste pourrait être encore longue! J'admets que certaines tirades m'ont tiré un sourire plutôt qu'une larme, et que, au passage, on sent que Charlotte Brontë était fille de pasteur. Je me bornerais à souligner que malgré cette origine, elle affirme aussi face à un christianisme rigoureux et austère, une foi qui ne refuse pas l'amour, le pardon et les joies terrestres et raconte avec ferveur et talent une superbe histoire d'amour qu'elle mêle de réflexions sociales loin d'être inintéressantes.

    Bref, vous l'aurez compris, j'ai redécouvert avec bonheur ce roman qui va regagner la place qu'il mérite sur mes étagères. La prochaine fois, je n'attendrai pas dix ans avant de me dire que c'est sympa de relire les classiques une fois devenu grand. Ou vieux, c'est selon le point de vue! Remarquez que la BBC se chargera sans doute de procéder aux piqûres de rappel nécessaire puisqu'elle réadapte régulièrement en série les grands classiques de la littérature anglaise, adaptations que je ne saurais trop chaudement recommandé tant elles sont en général de petits bijoux.

    janeeyre2.jpgLe Jane Eyre version 2006 ne fait d'ailleurs pas exception! Et pas seulement parce que l'acteur choisi pour le rôle de Rochester (Toby Stephens) est Rochester. Enfin, disons que c'est ce qui a commencé à vraiment me convaincre! Brun, ténébreux, un charme fou sous des traits taillés à la serpe, le cheveu qui ondule, l'oeil qui frise, en deux minutes, je ne voyais plus Rochester autrement! Certes il a fallu attendre un moment son apparition, mais comme Ruth Wilson incarne également à merveille Jane Eyre et que les décors sont somptueux, faire preuve de patience n'a pas été trop difficile!

    C'est une adaptation fidèle, qui gomme les petites longueurs du roman, les envolées religieuses et romantiques, et malheureusement, lui fait aussi perdre un peu en profondeur. Certains des aspects les plus choquants (pour le lecteur du 19e siècle, je dois dire que j'en ai lu d'autres) de l'intrigue sont modifiés, comme le fait que Mr Rochester propose bien à Jane de vivre avec lui comme mari et femme et non comme frère et soeur. Dommage parce que cela explique au passage la fuite de Jane. Mais pour le reste, tout est impeccable et fait frémir de plaisir l'addict aux dramas historico-littéraires que je suis!

    Ne boudez donc pas votre plaisir, lisez ou relisez Jane Eyre avant de vous offrir quelques heures de bonheur avec Toby Stephens et son air renfrogné!

     

     

     

    Et voilà un billet challenge:

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