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Littératures anglo-saxonnes - Page 14

  • Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

    Que dire, que dire qui n'ai pas déjà été dit par une partie de la blogosphère...

    Reprenons donc du début. 1946, Londres, Juliet, la petite trentaine, célibataire s'interroge sur ce que va bien pouvoir raconter son prochain roman, court le pays pour la promotion de celui qui est déjà en librairie, se dispute avec son éditeur et cherche à découvrir qui peut bien être le mystérieux admirateur qui l'inonde de bouquets. Une petite vie somme toute tranquille qui va changer radicalement lorsqu'elle va recevoir une lettre d'un habitant de Guernesey, membre du mystérieux cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patate. Commence alors une correspondance assidue avec les membres du cercle qui va la mener sur des chemins dont elle ne soupçonnait pas l'existence.

    Mary Ann Shaffer est une sorcière. En quelques lettres, elle attrape le lecteur et l'attache sans porte de sortie aucune à l'histoire dont elle tisse la trame avec humour et tendresse. On rit, on verse quelques larmes, on s'enthousiasme, bref, on vit au rythme des lettres échangées. On y entend parler de la guerre et de ses horreurs, des difficultés de l'après entre ravitaillement et deuil, du bonheur de vivre encore et de profiter des petites choses de la vie, de l'amitié qui peut lier des êtres qui n'ont rien en commun, et de la force de la littérature face au pire.

    "J'aurais aimé connaître ces mots le jour où j'ai regardé les avions allemands atterrir les uns après les autres, et leurs navires déverser des soldats jusque dans notre port! Je n'arrêtais pas de me répéter: "Maudits soit-ils, maudits soit-ils." Je crois que penser au "jour radieux décline et nous entrons dans les ténèbres " m'aurait un peu consolé. Je me serais senti mieux préparé pour affronter la situation; au lieu de quoi mon coeur s'est liquéfié."

     Le ton est juste, enlevé, prenant, les personnages attachants. Isola, ses potions, sa perruche et son amour pour les soeurs Brontë, John Booker et sa passion pour le théâtre et Sénèque, Dawsey qui lit Charles Lamb dans sa grange, Amélia, Eben et son petit-fils, Sidney l'éditeur,.. Elizabeth, la grande absente, si présente encore dans les coeurs et la vie de tous. A tous, la littérature a amené ce qui manquait. Le courage de faire face, le plaisir de partager, un soutien face à la peine. Mary Ann Shaffer et Annie Barrows montrent tout leur amour des lettres et des écrivains (comment ne pas aimer un Oscar Wilde qui invente une vie de chat pour consoler une petite fille) dans leur roman. C'est un bel hommage aux livres et aux pouvoirs de la lecture. Saviez-vos d'ailleurs que les livres ont une vie propre?

    "Peut-être les livres possèdent-ils un instinct de préservation secret qui les guide jusqu'à leur lecteur idéal. Comme il serait délicieux que ce soit le cas."

    On peut en tout cas le supposer quand on voit les fabuleuses rencontres qu'ils permettent.

    Les auteurs n'en oublient pas pour autant de brosser un tableau juste des années de guerre. Années noires, mais surtout grises où le pire et le meilleur des hommes se révèle sans que le fait qu'ils soient dans le camp des gentils ou des méchants ne signifie quoi que ce soit. En filigrane, c'est de l'occupation, de la collaboration, de la résistance, des camps de concentration dont il est question. Et c'est un très beau portrait de femme et d'amour qui se dessine lettres après lettres. Parce que c'est aussi l'histoire d'Elizabeth qui est racontée par petites touches, femme de conviction, de courage et femme amoureuse de l'ennemi.

    J'ai gardé de cette lecture sa chaleur, son humour, son authenticité. C'est un roman doudou à conserver précieusement pour les jours de pluie.

     "Qu'est-ce que tu as bien pu raconter à Isola? Elle s'est arrêtée ici sur le chemin du manoir, où elle allait chercher Orgueil et Préjugés et m'a grondée de ne lui avoir pas parlé d'Elizabeth Bennet et de Mr Darcy. Pourquoi ne pas lui avoir dit qu'il existait des histoires d'amour sans hommes déséquilibrés et sans cimetières? Que lui avions-nous caché d'autre? Je me suis excusée pour cet oubli et je lui ai confirmé qu'Orgueil et Préjugés était l'une des plus belles histoires d'amour jamais écrites - et que le suspense la tiendrait en haleine jusqu'à la fin."

    Retrouvez les avis de Tamara, Fashion, Emjy, Delphine, Karine:), Brize, Caro[line], Stéphanie...

     

  • Northanger abbey

     

    "Personne ayant jamais vu Catherine Morland dans son enfance ne l'eût supposée née pour être une héroïne. Sa situation dans l'existence, le caractère de son père et celui de sa mère, sa propre personne et son tempérament, tout s'opposait également à ce qu'elle en fût une un jour."

    Et pourtant, les voies de l'héroïsme étant impénétrables, Catherine Morland va vivre, le temps de quelques mois, l'aventure de sa vie.

     

    Inutile de rappeler que je suis atteinte d'austenite aigüe et que tout avis de ma part sur l'oeuvre de la grande dame est totalement empreint d'un subjectivisme abyssal et parfaitement assumé. Ce qui ne pose guère de problème, Dame Jane étant depuis fort longtemps entrée au panthéon des belles lettres. Reste que pour moi, Northanger Abbey, s'il n'est pas celui que je préfère, est sans conteste le roman le plus original de son oeuvre. On y trouve un humour peut-être encore plus grinçant qu'à l'habitude, et, en pendant de son regard sur la bonne société anglaise, un réflexion sur l'art du roman à la fois intelligente et follement drôle.

    Résumons-nous: Catherine Morland, 17 printemps, est invitée par les riches voisins de ses parents à passer la saison à Bath. Une occasion inespérée pour elle de faire son entrée dans le monde. Un monde qui va se révéler bien plus dangereux que tout ce qu'elle avait pu imaginer...

    Satire sociale, Northanger Abbey l'est. On y retrouve ces familles de la bonne société, attachées à leur rang et aux convenances plus qu'à l'intelligence et à la bonté, ces mariages négociés comme des traités, les déchirements des amours contrariées, les ruses de jeunes filles sans fortune décidées à faire le mariage le plus avantageux possible au risque d'une chute sans retour... C'est le portrait d'une jeunesse anglaise destinée aux travaux d'aiguille ou à des métiers jugés convenables et qui n'a finalement pas grand chose d'autre à faire que combler son oisiveté de courses, de fêtes et de ragots. Dans ce univers, Catherine Morland, issue d'une famille modeste se détache. Naïve, fraîche, honnête et franche, elle devient une proie, un jouet, mais aussi un défi pour ces hommes et femmes rompus aux relations sociales et fermement décidés à faire fortune s'ils ne sont pas déjà riches. Jane Austen ne se gêne pas pour épingler le jeune arrogant, le gentil fiancé trompé, l'inconstante, la rusée, l'écervelée, le père tyrannique et la mère aveugle avec son talent pour le détail et la réplique. Chaque personnage est un moyen de mettre en lumière les travers de la nature humaine et le fonctionnement d'une société gangrenée par le poids des conventions et l'aspiration à la réussite matérielle.

    Mais ce n'est pas tout. Aux thèmes habituels de son oeuvre, Jane Austen entremêle une parodie de roman gothique, un genre qu'elle devait bien connaître pour parvenir à taper aussi juste! Dès l'incipit (j'utilise des mots savants si je veux d'abord!), elle annonce la couleur: Catherine Morland n'est pas l'héroïne à laquelle peut s'attendre le lecteur. Elle n'est pas orpheline mais appartient à une famille nombreuse, sans être riche, elle n'est pas dans la misère, et ses aventures les plus atroces ont consisté à apprendre à lire, écrire et broder! Chaque rebondissement de l'histoire va être le prétexte à une comparaison savoureuse avec l'univers de Mme Radcliffe par exemple, et à une gentille moquerie de l'imagination débordante que ses lectures ont donné à Catherine. On la suit avec plaisir et sourire dans ses emportements, ses frayeurs, allant jusqu'à rire lorsqu'elle voit ses belles hypothèses romanesques se heurter à une réalité bien plus triviale. Pour moi, elle est une des héroïnes les plus attachantes de Jane Austen. Elle n'a pas le caractère mordant d'Elisabeth Bennet, la douceur et le pragmatisme d'Elinor Dashwood, la passion romanesque de Marianne Dashwood, la sensibilité d'Anne Elliott, l'abnégation de Fanny Price. Elle est un peu un mélange de tout cela, une jeune fille qui passe doucement à l'âge adulte et s'affirme petit à petit, parfois caustique, souvent douce et naïve, quelque fois passionnée. C'est avec plaisir que je l'ai vue se débattre dans les ennuis en la personne de l'exécrable John Thorpe et de sa soeur Isabelle, un modèle du genre, rencontrer M. Tilney, si prompt au trait d'esprit mais gentleman jusqu'au bout des ongles...

    A noter, Northanger Abbey n'est pas que parodie. Jane Austen s'y livre à une défense passionnée du genre romanesque.

    "Des romans, oui, car je refuse d'obéir à cette coutume mesquine et peu politique qu'adoptent si souvent les auteurs et qui consiste à déconsidérer, par une censure des plus méprisantes, le genre d'oeuvre même dont ils sont en train d'accroître le nombre. [...] Bien que nos productions aient offert aux lecteurs un plaisir plus grand, plus sincère que celle d'aucune autre corporation littéraire, en ce monde, aucun genre, jamais, ne fut plus décrié. Quelle qu'en soit la cause, la vanité, l'ignorance ou la mode, nous avons presque autant d'ennemis que de lecteurs, et tandis que le neuf centième abréviateur de l'"histoire d'Angleterre" ou l'homme qui recueille ou publie une douzaine de vers de Milton, de Pope ou de Prior en y joignant un article du Spectateur et un chapitre de Sterne se voient couverts d'éloge par cent plumes, il semble presque correspondre à une volonté générale de décrier le talent, de mésestimer le travail du romancier, de dédaigner des oeuvres qui n'ont pour les recommander que le génie, l'esprit et le bon goût."

    Je crois que tout est dit non?

    Pour le petite histoire, j'ai eu l'occasion de visionner la superbe adaptation de Northanger Abbey avec Felicity Jones et JJ Feild. Fidèle au roman sans jamais perdre en rythme, drôle et juste jusque dans les restitution des délires de l'imagination de Catherine, c'est un bonheur! Sans compter que M. Tilney est redoutablement bien incarné! Emjy y consacre un billet passionnant auquel je serais bien en peine de rajouter quoi que ce soit!

     

     Vous trouverez chez Lilly, Nebelheim, Yue Yin, Morwenna, Allie, Maijo, Emjy... des choses fort intéressantes!

    C'est mon quatrième roman du Fashion's klassik challenge!

     

     

     

     

  • Ailleurs

     

    Olivia quitte un mari violent et l'Australie avec ses deux enfants pour se réfugier dans la demeure familiale en France. Elle y retrouve sa mère impotente, son frère et sa belle-soeur qui viennent de perdre leur enfant à la naissance. Autour du corps de ce bébé se noue un huis-clos étouffant et troublant.

    "Julia Leigh est une magicienne. Sa prose adroite diffuse une impression de contrôle serein tandis que la terre tremble sous nos pieds". C'est ce que l'on peut lire sur la quatrième de couverture, de la plume même de la grande Toni Morrisson. Et l'on ne peut qu'acquiescer. Ailleurs est effectivement un roman brillant qui met en scène l'affrontement de deux mondes: celui de deux enfants plein de vie et celui d'adultes, violent, traître, où les non-dits, les traîtrises et les frustrations créent des tourbillons de ressentiment et de souffrance rentrée. Avec sa plume douce, toute en demi-teintes, très visuelle, Julia Leigh distille à petites gouttes le malaise et se plaît à frôler la rupture. On est toujours en équilibre entre réalisme et étrangeté, dans cet ailleurs qui donne son titre au roman, en dehors du temps et dans un lieu à peine rattaché au monde. Pas ou peu de prénoms, pas ou peu d'ingérences de l'extérieur, juste la souffrance et la folie qui menace jusqu'à ce que l'acceptation de la mort permette de revenir à la vie. Sans doute ce sentiment d'étrangeté vient du regard adopté, qui est souvent celui du fils d'Olivia, un jeune garçon incapable de comprendre et de cerner les actes des adultes qui l'entourent, mais l'art de l'atmosphère que révèle l'auteur en jouant simplement sur les faits est proprement époustouflant.

     Lu dans un moment de fatigue, Ailleurs ne m'a pas transportée, mais je dois reconnaître la qualité et la force de ce roman sombre et profond. A découvrir.

    L'avis de Cathe, celui de Lamousmée, celui de Papillon, de Sylvie.

     

    Julia Leigh, Ailleurs, Christian Bourgeois, 2008, 105 p.

  • Best love Rosie

     

    Rosie rentre à Dublin, décidée, après une vie de voyage et de rencontres à s’occuper de MIn, sa vieille tante qui l’a élevée. Entre livre de développement personnel pour la maturité, découverte de New York, retour aux racines, toutes les deux vont se redécouvrir et réaliser, non sans heurts et difficultés leurs rêves.

     

    Nuala O’Faloain est décédée le 9 mai 2008 après avoir décidé de vivre ses derniers jours  pleinement. Christian Sauvage en parlait avec beaucoup d’émotion. Cette irlandaise de 68 ans avait  publié son premier roman traduit en français chez Sabine Weispieser en 1996 et obtenu, 10 ans plus tard le prix Femina étranger pour L’histoire de Chicago May.

    Publié aprè sa mort, Best love, Rosie est un roman d’une rare intensité. Un de ces livres cocon où l’on se coule avec un rare sentiment de confort et d’empathie avec les personnages. Parce que malgré la différence d’âge que je peux avoir avec Rosie et Min, difficile de ne pas se sentir proche de ces deux femmes comme de deux amies que l’on regarde se débattre avec leurs petits et grands problèmes, tomber pour mieux se relever, rire plutôt que pleurer.

    Best love Rosie est un roman sur l’acceptation. L’acceptation de soi d’abord, de ses besoins profonds et de ce que la vie a fait de nous. Cela, Rosie le trouve en revenant à ses origines, à la maison où avaient grandi sa mère et Min sur le bord de l’océan. Ce qu’elle a fuit de ses vingt à ses cinquante ans, elle l’apprivoise peu à peu. Quand elle ouvre la maison de ses ancêtres, Rosie ouvre aussi une part d’elle-même qu’elle avait jusqu’alors laissée soigneusement dans l’obscurité. Elle accepte son corps vieillissant, l’absence d’enfants, sa relation avec Min. Elle assume consciemment ses choix. Et elle accepte enfin de regarder différemment ceux qui l’entourent, ami et familles, de reconnaître qu’elle ne les connaît pas vraiment. Rien de facile. Accepter qu’on ne connaisse pas ceux que l’on aime et rester malgré cela avec eux est la plus belle des preuves d’amour. L’acceptation du vieillissement aussi, de ce corps qui change et des regards des hommes qui ne sont plus les mêmes. Quand la sensualité n’est plus seulement affaire de corps qui se touchent et qui s’affrontent et qu’il faut se résoudre à perdre la séduction. Rosie vit tout cela avec un humour ravageur, une volonté d’aller de l’avant extraordinaire, une énergie folle et communicative. Ce cap qu’elle passe est celui de la maturité, mais par la manière dont elle l’affronte, elle parle de la vie tout simplement, et de tous les changements qu’il faut affronter.

    Je pourrais ajouter à cela tout le bien que je pense du style de Nuala O’Faolain, de la vie qu’elle insuffle à son récit, mais je n’en ai pas envie. Ce qui importe, c’est le bonheur ressenti  à cette lecture et le souffle d’Irlande qui traverse, l’espace de 500 pages nos vies.

    « J’ai pensé à mes amis et à ce que j’éprouve pour eux. J’ai envie de les soutenir. Pour rien au monde je ne voudrais leur faire de mal. S’il y a quelque chose en eux qui me semble pouvoir être amélioré, je le leur suggère avec délicatesse – du moins je l’espère. Mais, globalement, je les aime comme ils sont et s’ils veulent rester tels, cela me convient.

    Alors je me suis aperçue que je n’avais jamais été aussi indulgente avec moi-même. Toute ma vie, je me suis enjoint de changer, de m’améliorer. Jamais je ne me suis traitée avec amour.

    Et ç’a été comme si, enfin, je comprenais. S’aimer soi-même, ce n’est pas faire preuve de complaisance égoïste. L’amour peut nous ouvrir. Il peut nous adoucir et nous permettre d’échapper aux vieux moules. L’amour est une attention délicate et protectrice. En dirigeant cette attention vers soi-même, on permet aux pousses fragiles d’un nouveau moi de s’épanouir. »

     

    L’avis de Cuné, celui d’Alice, celui de Keisha, de Bellesahi.

  • A mondaine mondaine et demi



    "Si tout manuel d'histoire fait la part belle au rôle politique de Gladstone durant le règne de la reine Victoria, Roy Lewis, lui, a préféré surprendre le grand homme à l'époque où sa croisade acharnée pour la moralisation des prostituées de Londres défrayait la chronique du West End. En ce temps-là, l'honorable Mr Gladstone n'hésitait pas, en effet, à se coleter par de belles harangues avec les souteneurs, qui, eux, à la rhétorique gladstonienne, préféraient le bon vieil uppercut...
    Roy Lewis imagine alors, avec l'humour tout britannique qu'on lui connaît, qu'un débauché célèbre met Gladstone au défit de convaincre Cora Pearl - une des plus grandes demi-mondaines du Second Empire, expulsée de France par les événements de la Commune - de renoncer à sa vie de perdition. Le ministre de Victoria, relevant le gant, est alors introduit à l'hôtel où Cora Pearl le reçoit dans un déshabillé à faireperdre la tête au plus vertueux des saints..."

    Roy Lewis est généralement connu pour Pourquoi j'ai mangé mon père, qui fait hurler de rire ou laisse assez perplexe ses lecteurs. J'avais fait partie de ceux qui avaient hurlé de rire... Pour tout dire, mon professeur d'anthropologie l'avait utilisé comme introduction à son cours! C'est donc intriguée que j'ai remarqué sur les rayonnages de la bibliothèque ce tout petit livre signé de son nom.


    Dans cette nouvelle, il n'invente pas ses personnages.
    Gladstone fut un personnage des plus important, Cora Pearl fut bien la courtisane de haut vol qui tente de séduire le vertueux premier ministre. Quand à savoir s'ils se sont vraiment rencontré et si cette rencontre a eu la teneur que lui donne Roy Lewis, je ne le sais pas, et je ne tiens pas particulièrement à le savoir.

    Avec une grande économie, l'auteur croque le portrait de deux mondes qui s'affrontent à travers deux archétypes. Celui de la morale, et celui du plaisir. Celui d'une société où les femmes doivent être honorables, et celui d'un univers où le pouvoir que donne beauté et intelligence est immense. Le face à face est parfois drôle, mais il est surtout cynique et un peu désespérant. Cora Pearl mène une vie qu'elle est incapable d'abandonner, tant ce qui s'offre à elle si elle embrasse la vertu est empreint de grisaille. La demi-mondaine qu'elle est est exclue de certains cercles, mais fréquente les princes, les ministres et peu donner librement son avis sur la politique et la société. Gladstone lutte de toute ses forces contre ses désirs et son amour des femmes, engoncé dans ses conviction politiques et religieuses. Luxure contre vertu, débauche de plaisirs contre rectitude et retenue, le dialogue se veut explosif. A mon sens, il ne l'est guère. Aucun des trois personnages n'obtient réellement ce qu'il cherche et le contradictions qu'ils cachent, si elles donnent de la profondeur à leur caractère amènent juste un sentiment de lassitude. Il est vrai que j'ai lu ce court texte dans une période un peu difficile, mais mon sentiment est que le désir de l'auteur de montrer comment on se perd soi-même a rendu le récit un brin trop démonstratif et plat.
    Une curiosité qui ne me laissera donc pas beaucoup de traces...


    Roy Lewis, Mr Gladstone et la demi-mondaine, Actes Sud, 1993, 69 p.