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coup de coeur

  • L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet - Reil Larsen

    9782841114092-259x300.jpg"C'est aussi bien que Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" qu'il disait le monsieur. Et bien vous savez quoi? Il avait raison. Et tort aussi. Mais ceci est une autre question.

    Tecumseh Sansonnet Spivet a douze ans, ce qui ne l'empêche pas de cartographier comme il respire le monde qui l'entoure et de travailler avec les magazines scientifiques et les musées les plus réputés entre deux grilles-pains brulés par son entomologiste de mère, un western chéri par son cow-boy de père et une Crise de Colère de sa soeur Grace. Las, le voilà qui reçoit le prestigieux prix Baird. Comme diable va-t-il se rendre au Smithsonian depuis son Montana natal alors qu'il a toujours gardé secrète ses activités?

    Extravagant. C'est le premier qualificatif qui vient à l'esprit quand on voit l'objet: beau papier, illustrations somptueuses, annotations dans la marge et flèches qui partent dans tous les sens. Deuxième réaction: "mais qu'est-ce que c'est que ce truc. Un livre, certes, mais que diable l'auteur raconte-t-il pour inonder son récit de toutes ces merveilles?" Conséquence? Deux jours de bonheur à compter de la seconde où l'on a attaqué la première ligne.Parce que T.S. est attachant, parce que sa famille est délicieusement cinglée, parce que ce voyage en train à travers tous les Etats-Unis est une merveilleuse idée. L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est un très très beau récit initiatique, drôle, doucement étrange, fantaisiste comme peut l'être un jeune adolescent de 12 ans parti à l'aventure. T.S. va raconter son odyssée, de ses prémisses à son arrivée dans un univers qui est bien loin de ses fantasmes mais qui cache encore d'autres merveilles. Entre-temps, il aura voyagé clandestinement dans un motor-home prénommé Valero perché sur un train de marchandises, rencontré les hobos des temps modernes, se sera retrouvé coincé dans un trou de ver, et aura laissé son esprit vagabonder de souvenirs en souvenirs, égrenant au fil des pages un sentiment de culpabilité et des peurs qui sonnent juste et touchent au coeur, découvrant que sa mère n'est pas la scientifique étrange qu'il pensait et que son histoire familiale recèle quelques épisodes savoureux.

    Alors que le récit semble partir dans tous les sens au sens propre du terme en plus du figuré, Reil Larsen tient ferme le cap de son histoire, entraînant son lecteur d'idées en idées, de découvertes en découvertes et de réflexions en réflexions sur la science, la place du merveilleux dans le monde. Par la grâce infinie de ses notes, de ses croquis et de ses flèches, il fait plonger dans l'activité permanente et parfois un peu confuse qui agite un cerveau certes génial, mais encore mené par des réflexes enfantins sans jamais donner l'impression d'une construction artificielle. On lit un carnet de T.S., tout simplement. J'ai adoré découvrir le trident de la réussite, le décryptage des expressions faciales des adulte pour ne citer que cela. Quand on referme le livre, on a envie d'aller apprendre à utiliser un théodolite et quelques méthodes d'observation pour parvenir à expliquer le monde sans pour autant perdre de vue fantaisie et plaisir. Tout est parfait: les détails se répondent, la seconde de couverture est une merveille, c'est limpide et fourmillant d'idées, quand à la couverture en forme de cabinet des curiosités, elle préfigure le contenu de belle manière.

    Drôle, touchant, cet OVNI a un effet presque hypnotique qui fait passer sur les défauts qu'il doit, sans aucun doute avoir, mais que pour ma part, je n'ai pas franchement perçu, embarquée que j'étais dans le voyage en compagnie de T.S. et déçue de devoir le quitter si vite, au seuil d'une vie qu'on imagine pleine de cartes et de merveilleuses découvertes. Mais j'aurais eu le bonheur de le voir se découvrir et apprendre quelques précieuses petites choses sur l'amour, la filiation et le sentiment d'être à sa place, quelque part dans le monde.

     

    T.S. a son site qui est aussi merveilleux que le roman: http://www.tsspivet.com/.

    Cuné m'a précédée, tout comme Yvain qui me donnerait envie de le lire si ce n'était pas déjà fait!

     

  • L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet - Reil Larsen

    9782841114092-259x300.jpg"C'est aussi bien que Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" qu'il disait le monsieur. Et bien vous savez quoi? Il avait raison. Et tort aussi. Mais ceci est une autre question.

    Tecumseh Sansonnet Spivet a douze ans, ce qui ne l'empêche pas de cartographier comme il respire le monde qui l'entoure et de travailler avec les magazines scientifiques et les musées les plus réputés entre deux grilles-pains brulés par son entomologiste de mère, un western chéri par son cow-boy de père et une Crise de Colère de sa soeur Grace. Las, le voilà qui reçoit le prestigieux prix Baird. Comme diable va-t-il se rendre au Smithsonian depuis son Montana natal alors qu'il a toujours gardé secrète ses activités?

    Extravagant. C'est le premier qualificatif qui vient à l'esprit quand on voit l'objet: beau papier, illustrations somptueuses, annotations dans la marge et flèches qui partent dans tous les sens. Deuxième réaction: "mais qu'est-ce que c'est que ce truc. Un livre, certes, mais que diable l'auteur raconte-t-il pour inonder son récit de toutes ces merveilles?" Conséquence? Deux jours de bonheur à compter de la seconde où l'on a attaqué la première ligne.Parce que T.S. est attachant, parce que sa famille est délicieusement cinglée, parce que ce voyage en train à travers tous les Etats-Unis est une merveilleuse idée. L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est un très très beau récit initiatique, drôle, doucement étrange, fantaisiste comme peut l'être un jeune adolescent de 12 ans parti à l'aventure. T.S. va raconter son odyssée, de ses prémisses à son arrivée dans un univers qui est bien loin de ses fantasmes mais qui cache encore d'autres merveilles. Entre-temps, il aura voyagé clandestinement dans un motor-home prénommé Valero perché sur un train de marchandises, rencontré les hobos des temps modernes, se sera retrouvé coincé dans un trou de ver, et aura laissé son esprit vagabonder de souvenirs en souvenirs, égrenant au fil des pages un sentiment de culpabilité et des peurs qui sonnent juste et touchent au coeur, découvrant que sa mère n'est pas la scientifique étrange qu'il pensait et que son histoire familiale recèle quelques épisodes savoureux.

    Alors que le récit semble partir dans tous les sens au sens propre du terme en plus du figuré, Reil Larsen tient ferme le cap de son histoire, entraînant son lecteur d'idées en idées, de découvertes en découvertes et de réflexions en réflexions sur la science, la place du merveilleux dans le monde. Par la grâce infinie de ses notes, de ses croquis et de ses flèches, il fait plonger dans l'activité permanente et parfois un peu confuse qui agite un cerveau certes génial, mais encore mené par des réflexes enfantins sans jamais donner l'impression d'une construction artificielle. On lit un carnet de T.S., tout simplement. J'ai adoré découvrir le trident de la réussite, le décryptage des expressions faciales des adulte pour ne citer que cela. Quand on referme le livre, on a envie d'aller apprendre à utiliser un théodolite et quelques méthodes d'observation pour parvenir à expliquer le monde sans pour autant perdre de vue fantaisie et plaisir. Tout est parfait: les détails se répondent, la seconde de couverture est une merveille, c'est limpide et fourmillant d'idées, quand à la couverture en forme de cabinet des curiosités, elle préfigure le contenu de belle manière.

    Drôle, touchant, cet OVNI a un effet presque hypnotique qui fait passer sur les défauts qu'il doit, sans aucun doute avoir, mais que pour ma part, je n'ai pas franchement perçu, embarquée que j'étais dans le voyage en compagnie de T.S. et déçue de devoir le quitter si vite, au seuil d'une vie qu'on imagine pleine de cartes et de merveilleuses découvertes. Mais j'aurais eu le bonheur de le voir se découvrir et apprendre quelques précieuses petites choses sur l'amour, la filiation et le sentiment d'être à sa place, quelque part dans le monde.

     

    T.S. a son site qui est aussi merveilleux que le roman: http://www.tsspivet.com/.

    Cuné m'a précédée, tout comme Yvain qui me donnerait envie de le lire si ce n'était pas déjà fait!

     

  • Comme de la soie

    Juste histoire de balader un livre plus léger que ma lecture en cours, je me suis lancée dans Soie d'Alessandro Baricco. Et je n'ai pas été déçue du voyage. Car il y a bien voyage dans ce court roman. Dans les années 1860, Hervé Joncourt entreprend une série d'expéditions au Japon dans le but d'en ramener des oeufs de vers à soie sains, la France étant touchée par une épidemie. Ce qu'il vit, plus qu'un dépaysement ou un choc des cultures, est une histoire d'amour et de passion sans parole et sans issue.

    Cette belle histoire, servie par une plume légère et musicale m'a touchée et laissée un instant rêveuse. Un beau moment de lecture, jalonnée de petites phrases qui restent longtemps en tête. On pense presque à un poème, ou à un chant avec les répétition qui scandent le déroulement des chapitres jusqu'à un dénouement qui surprend et serre le coeur. J'ai aimé.

    Et j'ai particulièrement aimé ces mots, tirés d'une des plus belles déclarations d'amour que j'ai pu lire jusqu'à aujourd'hui, empreinte d'une charge émotionnelle et d'un érotisme forts: "Reste ainsi, je veux te regarder, je t'ai tellement regardé,mais tu n'étais pas pour moi et à présent tu es pour moi, ne t'approche pas, je t'en prie, reste comme tu es, nous avons une nuit pour nous seuls, et je veux te regarder, jamais je ne t'ai vu ainsi, ton corps pour moi, ta peau, ferme les yeux, et caresse-toi, je t'en prie [...].."

     

    Alessandro Baricco, Soie, Gallimard Folio, 2001, 142 p.

  • Le dit de Frontier, t.1, Musiques de la frontière

                                                      Comment faire passer l'émotion qui m'a serré le ventre le jour où j'ai lu les premières pages de ce livre pêché au hasard de mes errances dans les rayonnages d'une bibliothèque municipale...La première chose qui m'a frappée c'est la richesse de l'écriture, de la voix de l'écrivain. Une voix qui fait immédiatement et irrémédiablement basculer dans un autre monde où la poésie et la violence se mêlent. Une voix qui ressemble un peu à une toile d'araignée, tant il est difficile de s'en libérer.
    Il est difficile pour moi de donner un résumé de ce recueil de nouvelles qui lui rende justice.
    Je peux donner la présentation de l'éditeur, qui a fait ce qu'il a pu le malheureux : "Début des années 2000... des enfants "différents" apparaissent dans des familles humaines. Doués de physiques et de pouvoirs étonnants, ils sont très vite assimilés aux changelings, les enfants-fées, et soupçonnés d'avoir été laissés en substitut des véritables enfants mortels. Commence alors une cabale sans précédent, aboutissant à l'abandon en masse de ces enfants dans des Centres, prisons et mouroirs gérés d'une poigne de fer. De cette génération perdue, et sous l'égide d'un chef charismatique, Shade, émergera une rébellion qui amènera ces enfants devenus grands à hanter nos cités, à mettre le feu dans les rues. À travers guerres des gangs et courses éperdues, sacrifices et actes de fraternité, suivez les destins de Shade et Ash, Fallen et Jay Hunter et Gift, d'une vie délivrée de ses chaînes vers un havre promis, une cité mythique au bord du monde. La ville-fée de Frontier, où les arbres poussent dans les maisons et la magie régit le quotidien ».
    Le recueil commence par une nouvelle bouleversante, "Runaway Train", qui conte l'histoire d'un amour fraternel fou. Need, jeune humaine décide d'emmener son changeling de frère vers Frontier, la ville de ceux qui ont pris pour eux le nom de fays
    Ce sont les thèmes de l?amour, de l?amour fraternel, de l'amitié, de la confiance qui vont irriguer les 12 nouvelles du recueil. Sans pour autant sombrer le moins du monde dans la mièvrerie, piège dans lequel il est si facile de tomber, dès lors que l'on raconte des histoires où l?amour, la loyauté, vécue et exprimée est présente. Car la violence est bien présente dans l?univers de Léa Silhol : violence physique, violence morale, violence d?un monde qui perçoit ce qui est différent comme menaçant, sauvagerie. En cela, Musique de la Frontière donne une description très réaliste, et très pessimiste de notre monde. D'un monde qui a presque oublié ce que la solidarité et l'amour veulent dire.
    Les personnages même sont un choc. Figure de l'altérité, ils sont aussi une sorte de portrait de ce que l?humanité devrait être. J'avoue être tombée amoureuse d?eux, les uns après les autres.
    La construction même du recueil participe de l'émerveillement. De nouvelles en nouvelles, de personnages en personnages, des liens et une chronologie se créent, et l'univers de Léa Silhol se tisse progressivement sous nos yeux. Ce qui est intéressant, c'est que cet univers ne se limite par au Dit de Frontier. L'ensemble de l'oeuvre de l?auteur est lié. Et elle y fait montre d?une remarquable maîtrise de la littérature féerique et fantastique, d'une connaissance profonde des mythes et du folklore celtes, voire d'Europe. Une filiation qu'elle revendique apparemment puisqu'on peut lire dans un article (Fées et Fantasy, un mariage heureux ?) : « C'est une littérature difficile, qui laisse peu de place à l?improvisation, mais incite à se plonger dans une tradition immémoriale de créateurs de codes, de celle qu'ont suivi des générations de concepteurs de mythes et de contes avant nous ».
     
    Pour finir, une citation de Voix de sèves, la nouvelle la plus longue, et une des plus belles du recueil par la synthèse qu?elle fait de tout ce qui la précède : « Et je comprends maintenant ce que disait Ash lorsqu'il parlait de l'Hozro, de ce qu'il nomme la beauté. Cette harmonie, cet éblouissement, cette paix qui monte vers le ciel avec des voix de sève, la voix des livres nés d?arbres vivants, sans que rien n?ait été retranché ou dépensé pour nous donner cet indispensable « plus », cet incalculable apport à nos vies, toutes les choses qu'ils peuvent nous dire de l'intérieur et de l'extérieur, de nous-même et du monde [...] Je l'ai trouvé ici, mais c'est partout. Si tant est qu'on se donne le mal d'aller au bout de quelque chose, et d'aller au bout de soi-même. Et je souhaite pour toi l'harmonie et l'éblouissement, la grâce et la paix, la Beauté dans laquelle on marche comme si le seul fait d?avancer était un accomplissement en soi. »
     
     
    Léa Silhol, Le Dit de Frontier, Tome 1 : Musiques de la frontière. Montpellier: L'Oxymore: 2004. 314 p. (Moirages). ISBN-10: 2913939473