"1780... Il est beau, romantique, courageux et de haute noblesse: Joachim Valencey d'Adana. Sur sa mythique frégate qui terrorise les Anglais, il combat aux côtés des américains en lutte pour leur indépendance. Depuis l'enfance, il partage un amour hélas platonique avec Victoire, émouvante jeune femme qui habite le château voisin. Bref, il a tout... mais tous sont contre lui!"
Voilà une quatrième de couverture qu'elle fait envie, non? Comment ça elle fait peur? M'enfin! Hé! Attendez!! Partez pas!! Il y a un deuxième tome!!
"Héros de la guerre d'Amérique mais banni par Louis XVI, Joachim Valencey d'Adana et ses amis sont rappelés de leur exil par la Révolution aux abois attaquée sur toutes les frontières. Il sait qu'en France se trouve Victoire, celle dont il partageait l'amour."
Bon, en espérant qu'il me reste encore des lecteurs à ce stade, je me dois de les rassurer. Non, je ne lis pas les romans historiques publiés chez Harlequin. Non je ne suis pas atteinte d'une crise de bluette aiguë. Parce que si les quatrièmes de couverture iraient très bien sur un Juliette Benzoni ou équivalent, ces deux romans sont écrits par Frédéric Fajardie. Et Frédéric Fajardie, je l'aime d'un amour qui ne date pas d'hier. Je l'ai découvert par ses merveilleux polars: Sous le regard des élégantes, Après la pluie, La nuit des chats bottés, Querelleur, Clause de style, avant que de mettre la main, presque par hasard sur Les foulards rouges, son premier roman historique. Après avoir été dévorée, mon édition poche d'occasion a gardé une place de choix sur mes étagères et dans ma petite tête de linotte. Mais c'est finalement Caro[line] qui m'a donné l'envie de retourner vers l'auteur. C'est donc chose faite, et avec bonheur.
Allons-y pour un résumé de l'intrigue digne de ce nom: Joachim Valencey d'Adana est l'héritier d'une des plus vieilles familles nobles de France, mais aussi un érudit acquis aux idées républicaines et un capitaine audacieux et talentueux. Un homme dont les succès lui valent la jalousie des puissants, et les idéaux la haine. Rares sont ceux qui connaissent l'homme qui se cache sous l'apparence du noble marin. Et parmi ceux qui le connaissent, un a juré sa mort et cherche à l'atteindre par tous les moyens.
En deux tomes, Frédéric Fajardie retrace l'histoire de la Révolution française à travers les aventures d'un personnage qui n'est certes pas atypique dans son oeuvre, mais dont le point de vue a le mérite d'être plutôt original (me semble-t-il en tout cas, si j'ai tort, n'hésitez pas à me le dire avec références à l'appui, ça me fera d'autres romans à lire!) quand on parle de cette période. Un noble, militaire de surcroît, mais honnête homme et acquis aux idées des philosophes, puis à la Révolution et à la République. Un ci-devant qui met sa vie en jeu pour voir la fin d'un régime qu'il honnit et venger la mort de ses proches. Des aventures il va en vivre. Combats navals, duels, emprisonnements arbitraires, chevauchées endiablées, il n'y a pas, ou peu de temps morts. C'est peu de dire que j'ai suivi toutes ces péripéties avec une attention soutenue quand bien même je savais pertinemment où tout cela nous menait. Car, autant être honnête, il y a de grosses ficelles. Le méchant est très méchant et se dévoile finalement assez vite, les gentils sont gentils sans être monolithiquement gentils, on sait que les choses vont relativement bien se terminer. Ce qui n'enlève rien au fait que c'est passionnant! Fajardie a l'art d'emmener son lecteur dans un voyage où il va frémir, sursauter. J'ai avalé le tout presque sans respirer! Frédéric Fajardie dit lui-même ce qu'il a cherché à faire avec La tour des demoiselles et La lanterne des morts dans un entretien (vous en retrouverez l'intégralité sur le site Fajardie.net): "Je voulais de l'évasion pure avec toujours des petits plus : arrière-plans historique et politique, thriller, histoire d'amour contrariée, duels, trahisons...[...] Pour moi, c'est important, ces livres, je sais que là aussi j'apporte du bonheur aux lecteurs. C'est même la raison pour laquelle ce qui devait être une simple incursion, une reconnaissance, se transforme en occupation du terrain. Je soigne l'écriture, je donne au style quelques tournures d'époque, différentes pour chaque période : je veux que le plaisir ne soit pas altéré par ce sentiment de littérature vite écrite qui est souvent la faiblesse du genre, je veux que les lecteurs profitent pleinement de l'évasion que je leur propose." C'est réussi!
J'ai bovarysé à fond les manettes tout au long de ma lecture: il faut dire que pour un héros, c'est un héros! Beau, charismatique, loyal, courageux, sensible, romantique, intelligent, des yeux gris-vert...hum... pardon, je m'égare. Un homme en apparence parfait qui cache ses failles et qui n'en est que plus attachant. Comme ses compagnons: Mahé, Victoire, Greville et les autres. A travers eux, Fajardie trace en filigrane le portrait de la France de la fin du 18e siècle, déchirée entre les idées des Lumières, la République et une monarchie et une religion qui ont si longtemps empreint la société qu'elles ne meurent pas sans dégâts. Même superficiel, ce tableau montre que l'auteur s'est documenté sur cette période et utilise le fruit de ses recherches pour donner de la vie et de la profondeur à ses décors. Le plus notable dans tout cela reste son approche plutôt intéressante de la Révolution. Valencey d'Adana est un pur, un Montagnard, ami de Robespierre et de Greville, chef de la police secrète. Ce n'est pas pour autant qu'il soutient la Terreur, mais le regard qui est porté sur Robespierre par exemple lui donne une autre dimension que celle des livres d'histoire. C'est un pur, brûlé par ses idéaux, et prêt à tout, même au pire pour que cette république qu'il a appelé de ses voeux soit pérenne. Que l'on adhère ou pas à cette vision, le personnage qu'il fait vivre dans ses pages éveille l'intérêt. C'est peu de dire, je pense, que Frédéric Fajardie laisse transparaître dans ces pages ses propres convictions, celles dont il parle dans les entretiens qu'on peut lire sur le site officiel qui lui est consacré. Et sans oublier l'humour: même au pied des échafeaux, on rit.
Bref, c'est un de ces bonheurs de lecture dont on se souvient longtemps! Fortement conseillé en ces temps de froidure pour réchauffer un brin le quotidien!
L'avis de Lilly.
Frédéric Fajardie, La tour des demoiselles, Jean-Claude Lattès, 2005, 350 p.
La lanterne des morts, Jean-Claude Lattès, 2006, 426 p.