Joyeux Noël à tous!!
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Joyeux Noël à tous!!
L'inspecteur Richard Fell a été transféré de l'autre côté du pont qui sépare la capitale du quartier de Snowtown: une chute dans un enfer où il va tenter de ramener un peu de justice.
Fell est un choc. Un polar de grande tenue mis en image par un magicien dont l'art du trait et des couleurs donne vie à une atmosphère qui prend à la gorge. Le lecteur suit l'inspecteur Fell dans son installation, sa découverte du quartier et de ses habitants: un univers où la loi du plus fort est la seule valable. On entre de plein-pied dans la pauvreté, la violence, le sordide, avec d'autant plus de force que chaque enquête est inspirée d'un fait divers réel et rappelle, si l'on ne s'en souvenait plus, que l'humain peut décidemment atteindre les tréfonts de l'horreur avec un naturel désarmant. Chaque enquête de l'inspecteur fait l'objet d'une histoire courte, qui mise bout à bout avec les autres, brosse peut à peu le décor, donne de l'épaisseur aux personnages.
Pas de lumière, ou peu: les personnages évoluent dans un monde saturé de bleu et de gris, étouffant, qui contraste avec les lumières de la capitale. Un monde dont on ne peut pas sortir et dans lequel Fell est piégé. On ne saura pas dans ce tome ce qui l'a amené là. Mais avec son humour cynique, sa gentillesse soigneusement dissimulée, il est un personnage attachant qu'on a envie de suivre.
Bref, une belle découverte à faire pour les amateurs de polar!
L'avis de Champi, Neault, Yozone, BDGest.
Warren Ellis, Ben Templesmith, Fell, tome 1 Snowtown, Delcourt, 2007, 142 p.
Une auberge étrange dans laquelle des vieillards viennent passer la nuit auprès de jeunes femmes endormies sous l'effet d'un puissant somnifère. Pour l'un de ces vieils hommes, Eguchi, ces nuits sont un moyen de se souvenir et de méditer sur la mort et la vieillesse.
Les belles endomies est considéré comme le chef-d'oeuvre de Yasunari Kawabata, ce que je serais bien en peine de contester, faute d'avoir lu toutes les oeuvres du Nobel de littérature 1968. Reste la fascination qu'exerce ce court roman jusque dans la répétition des événements, des gestes, des mots et des pensées de son personnage principal, Eguchi. Pour ce vieil esthète et amoureux des femmes, les nuits passées auprès de ces étranges prostituées sont l'occasion de méditer sur la vieillesse dans tous ses aspects, sur la déshumanisation qu'elle provoque. Les hommes qui fréquentent l'auberge la voient comme un moyen d'approcher sans honte ni remords ce que la vieillesse leur interdit: la beauté, la vitalité. En quelque sorte, ils se conduisent comme des vampires profitant de la jeunesse, aspirant les forces des jeunes femmes endormies par un puissant somnifère. Eguchi, lui, tout en fréquentant la chambre aux tentures de velours rouge, refuse de céder à cette tentation. Il médite, lutte contre ses désirs et ses pulsions de violence, se remémore les aventures charnelles de sa jeunesse, les événements qui ont marqué sa vie d'époux et de père.
Si lui est encore capable de désir et d'assouvissement de ce désir, les autres vieillards ne le sont plus. Ils sont réduits à faire de leurs proies des objets inanimés sur lesquels projeter un désir sans issue, des mortes. C'est en tout cas, ce que nous dit Eguchi de ces autres vieillards. Ne viennent-ils effectivement que pour assouvir leurs pulsions, ou ressent-ils les mêmes sensations qu'Eguchi, soigneusement dissimulées sous le voile de conversations lubriques? Cela le lecteur ne le saura pas. Peut-être le mépris que ressent Eguchi pour eux n'est-il que celui qu'il ressent pour lui-même et ce qu'il sait qu'il va devenir.
A toutes les pages, c'est un long cri d'admiration pour la beauté des femmes que livre Kawabata, beauté physique de la jeunesse, certes, mais aussi de l'esprit. Et prise de conscience de l'aliénation que les hommes font peser sur elles. Face aux belles endormies, Eguchi se souvient de toutes les femmes qui l'ont forgé: mère, épouse, amantes, filles, encore si vivantes pour lui que la simple texture d'une peau, une simple odeur les refont vivre en lui. En leur faisant face, Eguchi se prépare à faire face à sa mort. Et ressent toute la frustration de l'absence de communication possible, seul moyen d'établir une relation véritable.
C'est un roman étrange, fascinant, sensuel, qui trotte longtemps en tête.
L'avis d'Allie, de Bartelby, de Praline, de Dominique.
Yasuniari Kawabata, Les belles endormies, Le livre de poche, coll. Biblio 4/5
Et voilà! Comme si je n'avais pas déjà assez de vices livresques, j'ai commis l'erreur de me lancer à la découverte d'un genre qui, je le croyais, n'était pas pour moi... Grossière erreur vu l'état des rayonnages de la bibliothèque après mon passage. Ce n'est donc, vous pouvez vous en douter, que le premier d'une série de billet sur les comics qui passent dans mes petites mains fébriles!
Sam Burke et Twitch William, deux flics intègres, partenaires à la vie à la mort pris dans la nasse d'un piège: des crimes terrifiants qui visent la mafia, des tueurs indestructibles et un mot, Udaku, pour seule piste.
Voilà pour l'argument des deux premiers tomes de cette série qui dès l'entame installe le lecteur dans l'ambiance. Un univers urbain poisseux et sombre, des flics corrompus, la violence qui rode, et les luttes de pouvoir qui gangrènent la ville. J'avoue avoir eu du mal à entrer dans cet univers: les personnages sont laids, la ville est laide, les couleurs sombres, les dialogues difficiles à suivre pour quelqu'un qui n'est pas habitué à lire du comics. Et pourtant... Pourtant, je me suis laissée happer petit à petit par ces deux flics attachants, la légiste et ses crises de nerfs. L'intrigue tortueuse à souhait m'a embarquée dans ses méandres qui frôlent le fantastique. J'avoue avoir apprécié certains clins d'oeil au comics de super-héros! A mon sens, ils viennent à point nommé rappeler que nos deux flics sont des hommes un peu fragiles, un peu vantards, un peu courageux qui se débattent dans une situation dont ils ont le plus grand mal à appréhender les tenants et les aboutissants. Il faut attendre avant de comprendre qui est le méchant qui se cache derrière tout ce sang.
On les retrouve dans une nouvelle enquête dans le tome 3. Chose appréciable, on y perçoit les conséquences de leurs aventures précédentes. Ils gagnent ainsi en profondeur, et le fait de croiser de nouveau le chemin de certains personnages secondaires qui prennent plus d'ampleur donne le sentiment de retrouver de vieux copains.
Un petit résumé? Allons-y! On retrouve dans Central Park les corps décapités de cinq membres de la Wicca. Sam and Twitch vont devoir déméler magie et réalité pour retrouver le meurtrier.
De nouveau une intrigue bien menée, sans doute plus facile d'accès: j'étais en tout cas acoutumée au dessin, et le format, sur un tome n'a pas permis au scénariste de me balader autant! J'y ai vu un intérêt supplémentaire dans l'éclairage qu'il apporte sur les sorcières, les membre de la Wicca. De fil en aiguille, on découvre leurs rites, leurs croyances et leurs activités.
Bref, une vraie belle découverte pour moi! Vivement que je puisse me plonger dans les trois tomes suivants!
Brian Michael, Angel, Bendis, Medina, Sam and Twitch, t. 1 à 3, Semic Books
Une boutique de tatouage, une aire d'autoroute qui se transforme en refuge, un restaurant dont la patronne se nomme Circé, une maison dont l'esprit familier pleure... Dix histoires où le quotidien s'ouvre sur des failles, portes ouvertes vers l'étrange.
Réédité dans la collection L'ombre de Bragelonne, ce premier recueil de nouvelles de Mélanie Fazi est un petit bijou. Déjà, le fait que Léa Silhol ait travaillé sur ce recueil dans sa précédente édition m'avait fait hausser un sourcil. Le fait que Michel Pagel ne tarisse pas d'éloge dans la préface, m'avait mis la puce à l'oreille. Et puis, j'ai lu les premières lignes de la première nouvelle, et le charme a opèré. Mélanie Fazi raconte des histoires. Avec une plume toute de douceur, elle introduit dans la vie de ses personnages la petite faille qui va les faire basculer dans un monde plus onirique, plus magique et bien plus sombre que celui qu'ils connaissent.
A chaque fois pourtant, les lieux sont, sinon connus, au moins familiers. Qui ne s'est pas arrêté sur une aire d'autoroute? Qui n'est jamais passé devant la boutique d'un tatoueur? Et que dire de la ligne 5 du métro parisien avec le nom de ses stations égrené au fil des pages? Autant de lieux sur lesquels elle force son lecteur à avoir un regard nouveau. On peut dire que, d'une certaine manière, elle réenchante le monde. Et elle le rend bien plus effrayant.
Mélanie Fazi puise ses histoires à bien des sources: Mémoires des herbes aromatiques, par exemple, est, ni plus ni moins la suite des aventures d'Ulysse et Ciré. On sent venir la chute de la nouvelle, bien sûr, mais il est tellement jubilatoire de voir ces immortels se venger les uns des autres avec une absence de scrupule totale, que ce n'est pas bien grave. Petit théâtre de rame fait penser au conte Le joueur de flûte de Hamelin. Et il y a toutes ces figures contemporaines: la rock star, l'adolescente, le serial killer dont les névroses se dévoilent petit à petit et qui sont si humains dans leurs failles. Mais attention, il n'y a pas que de la noirceur dans ce recueil! Le faiseur de pluie qui voit deux enfants délivrer l'esprit familier de la maison de leur grand-mère décédée est une petite merveille de tendresse et de poésie. Et Elegie un cri d'amour poignant. De toute manière, il est difficile de dire ce qui est le plus noir, de cet univers fantastique dont l'auteur trace les contours, ou de la réalité, souvent bien plus atroce qu'on sait présente, comme dans Petit théâtre de rame.
Finalement, dans chaque nouvelle, c'est une petite part d'humanité qui se dévoile à travers la voix d'un narrateur toujours différent. Mélanie Fazi possède le talent incontestable de faire entendre chacune de ces voix avec une force peu commune, et de créer autour de ces voix, en quelques mots, une atmosphère difficile à oublier.
L'avis de Nebal, Yozone, Fashion, ActuSF,
Une interviewsur Yozone, le blog de l'auteur
L'auteur a obtenu le Grand prix de l'imaginaire 2005 dans la catégorie nouvelles pour ce recueil.
Mélanie Fazi, Serpentine, Bragelonne, 2008, 317 p.