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Chiff' - Page 63

  • A-Apocalypse

    Moz joue de la musique depuis des années avec son meilleur ami, Zahler. Les choses vont brutalement changer le jour où sa route croise celle d'une guitare mythique et de Pearl, surdouée, musicienne et fermement décidée à monter un groupe avec les deux compères. Et son amie Minerva qui se remet d'une étrange maladie. Ensemble, ils parviennent à créer une atmosphère, une musique étrange qui entre en résonnance avec le monde qui tombe en ruine autour d'eux. Rats, vampires, chats et vers, la bataille pour la survie de l'espèce humaine a commencé.

     

    Il y a déjà belle lurette, j'avais lu avec enthousiasme le V-Virus de Scott Westerfeld, une variation intéressante sur le thème du vampire. Or, V-Virus a eu une suite. Et bien évidemment arriva ce qui devait arriver, cette suite croisa ma route. Comme chacun le sait maintenant, je suis faible et ma main s'est donc automatiquement tendue vers ce roman. Qui se lit très vite. Qui n'a pas fait long feu. Et qui m'a beaucoup plu.

    Parce que Scott Westerfeld n'a pas perdu la main. Plutôt que de donner une suite linéaire à son premier tome, il a choisit de changer totalement de point de vue. Plus d'étudiants, plus de biologie, mais de la musique, et la volonté d'un petit groupe d'adolescents fort attachants de monter un groupe et de faire connaître leur musique. Celle qui les habite et les fait avancer. Ce qui commence comme une aventure presque banale prend un tour progressivement plus angoissant jusqu'à l'explosion, la chute du monde tel qu'ils l'ont connu et la découverte de cet univers étrange où les vampires sont les protecteurs de l'humanité. Ce qui est intéressant est la position que l'auteur donne au lecteur. En lisant le premier tome, on découvre les vampires, les vers, et la lutte millénaire qui les oppose. Dans le second, c'est plutôt la manière dont cette lutte émerge au grand jour qui est au centre du récit. On assiste à la prise de conscience, aux angoisses, à la destruction, aux batailles et à la naissance de la volonté de se battre et de gagner. D'une chronique adolescente, on passe à un récit apocalyptique. Autant dire que la montée en tension est comme il faut!

    Intéressante aussi la place centrale accordée à la musique: elle devient une arme, ce qui est une manière de montrer que l'art, la musique comme d'autres discplines est un moyen de lutter et d'affirmer. Et ce qui ne gache rien, Westerfield utilise à merveille son thème, employant des noms de groupesparfaitement adaptés comme tête de chapitre! J'ai passé un certain temps ensuite à les chercher et les écouter, découvrant au passage quelques perles!

    Mon seul regret, la fin est un peu rapide, et sans doute un peu trop happy end au regard de l'univers sombre qui la précède, mais il n'y a pas là de quoi bouder son plaisir!

     Virginie en parle.

    Westerfeld, Scott, A-Apocalypse, Milan, 2008, 3.5/5

     

     

     

  • La peine du menuisier

    J'étais la fille du Menuisier, je le savais. Jeanne, malgré sa folie, était plus normale que moi, côté filiation. Elle le nommait. Pas moi. Nous n'avions pas de mots l'un pour l'autre. Notre lien était un long fil continu que personne ne pouvait voir. Aucun mot ne s'y accrochait comme le font les notes sur une portée. Nous-mêmes en étions ignorants, seulement soupçonneux de sa présence tenace."
     
    Marie-Yvonne est née sur le tard dans une famille bretonne. Elle a été un accident, accident mené à son terme parce que sa mère a refué de prendre le risque d'aller chez la faiseuse d'ange. Elle va grandir, silencieuse, entre Louise, sa mère sourde, Jeanne, sa sœur folle, Mélie sa grand-mère et Le menuisier, son père. Ce père qu’elle ne nommera jamais autrement que Le menuisier.
    La peine du menuisier est le récit de cette enfance peu commune, des déchirements familiaux, et le portrait d’un taiseux. C’est qu’il n’est guère causant le menuisier. En Bretagne, le silence est d’or. Ce n'est pas qu'on ne parle pas, mais il y a des choses que l'on tait où dont on parle à demi-mot, ou en breton. Du coup, la petite Marie-Yvonne grandit dans un silence déchiré par les cris de sa soeur et habité par les morts de la famille auxquels elle redonne vie. Ils sont là, peuplant les murs et les manteaux de cheminés, protégés dans leurs photographies, la fascinant comme la fascine les tombes, l'accompagnant au quotidien, plus vivants presque que sa famille et en tout cas, bien moins effrayants.

    Le silence est au coeur du récit, puisqu'il est la matière première de la relation de l'enfant et de son père. D'abord silence protecteur et rassurant, puis silence menaçant. Il y a la rencontre ratée entre le père et la fille, le silence devenu impossible à briser alors que les mots sont devenus nécessaires. Il y a la fuite, puis les regrets de l'adulte face à une situation que rien n'aurait pu changer, et la quête qui commence. Parce que le silence cachait un secret, et le secret a tué cet amour qui s'exprimait par des petits cadeaux: un tablier en vichy rouge, un secrétaire...

    Le secret, Marie-Yvonne va en deviner l’existence en écoutant des bribes des conversations des adultes, puis partir sur ses traces après la mort du menuisier. Il faut faire vite, les vieux de la famille meurent les uns après les autres, et encore faut-il qu’ils acceptent de parler.
     
      
    Par des phrases sobres, percutantes, l’auteur fait entrer son lecteur dans une atmosphère oppressante, lourde, tragique, qui noue le ventre et fait retenir son souffle. Chaque mot, chaque situation touche. On a mal pour ce père, mais aussi pour cette mère tuée à petit feu par son malheur, pour grand-mère Mélie aussi qui cache bien des blessures sous son châle. Pour Jeanne, folle mais lucide par moment. Pour l’enfant aussi qui pousse comme elle peut.
     

    Le portrait de la campagne des années 50 est littéralement glaçant. Tout comme ce lui d’une Bretagne en train de disparaître : les fermes, les femmes en noir et en coiffe, des lits clos, des églises et des calvaires. La Bretagne des traditions familiales, de la religion.C’est aussi un joli portrait d’une enfant secrète, fantasque, un brin morbide mais attendrissante dans sa fascination pour les cimetière et les morts.
     
    "Nous ne sommes  pas seulement les héritiers d'un patrimoine génétique, mais d'un nombre infini d'émotions transmises à notre insu  dans une absence  de mots, et plus fortes que les mots."
     
    Seul regret, le style, parfois difficile qui m’a par moment perdue. Il y a cependant toujours eu une phrase pour me ramener dans ce récit pudique et douloureux qui atteint à l’universel dans ce qu’il dit des relations familiales.
     

    On en parle chez Cuné, Yvon, Sylire, Aifelle, Lou, Cathulu, ...

    LeGall, Marie, La peine du menuisier, Phébus, 2009, 4/5

     

     

  • And the winner is...

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    Mesdames, messieurs, sous vos yeux ébahis de tant d'audace passionnée, Fashion et moi-même lancions au début de l'été les Harlequinades!

    Objectif: explorer la littérature harlequinesque et affiliée.

    Nombreux vous fûtes à embarquer sur les vagues de la brûlante passion et de l'amûr! Le temps est venu maintenant de la récompenses. Vous avez lu, vous avez voté, vous avez parfois commis une quatrième de couverture!

    Le suspense est insoutenable!

    Dans la première catégorie, celle du meilleur billet toutes catégories confondues, du froid chirurgien au vampire chaud comme la braise, nous déclarons vainqueur Lunem!! Son billet hilarant sur la vampirologie harlequinesque au format I-Phone s'est taillé un succès mérité!

    Sur la deuxième marche du podium, Chimère a emporté la reconnaissance de toutes en révélant la puissance insoupçonnée du jasmin et la présence d'une certaine blue box aux alentours du Moyen-Âge français!

    Sur la troisième marche du podium ex-equo, Theoma et son analyse du désir sous le soleil d'Afrique et Ofelia grâce à qui certains obscurs points géographiques ont été clarifiés!!

    Mesdames, toutes nos félicitations!

     Dans la seconde catégorie, celle de la meilleurs quatrième de couverture, la lutte a été âpre, les délibérations ardues! Mais finalement, finalement, le choix a été fait! C'est Secondflore mesdames et messieurs qui remporte sous vos yeux brillants ce prix si réputé! Parce que tout de même, Alfred et Georges!

    Mention spéciale ceci dit à Leiloonapour sa superbe couverture et le teasing de folie! Pourrons-nous attendre le mois de décembre?

     

    Merci à vous tous pour vos participations nombreuses, assidues et enthousiastes à ce challenge de l'été et cette déferlante d'amour et de passion!! On remet ça l'année prochaine?

  • World War Z - Max Brooks

    Un enfant de douze ans dans un village chinois, une pandémie et sa conséquence, la plus terrible guerre que l’humanité ait connue. L’auteur, en mission pour l’ONU recueille les témoignages de ceux qui ont survécu aux affrontements avec les zombies et à l’horreur que représente un ennemi qui ne pense plus, ne ressent plus.
     
    Qu’allais-je faire dans cette galère, moi qui ai toujours refusé de voir el moindre film d’horreur, à plus forte raison réunissant sur la même bande des zombies et des humains ? Allez donc savoir ! Et le pire, c’est que ça m’a plu ! Je dirais même que ça m’a beaucoup, mais alors beaucoup plu ! Il y a de ces mystères dans l’univers.
    Allons-y donc pour le pourquoi du comment !
    Difficile pour moi de dire pour quelles raisons les morts se relèvent en temps habituel, mais il me semble que la manière dont Max Brooks traite son sujet est assez originale : pas de cimetières en pleine nuit, de villages sous les glaces, et autres cadres adaptés à des zombies, mais le quotidien dans tout ce qu’il a de quotidien. Les zombies apparaissent pour ainsi dire de nulle part : un patient dans un village chinois, un virus, une pandémie, et l’horreur s’abat sur le monde. Toute personne atteinte meurt et toute personne morte de ce virus reprend vie. SI l’on peut appeler vie cet état post-mortem qui voit le mort se relever et chercher à se nourrir de la chair des être vivants qui l’entourent. Plus de conscience, plus de sensation, plus de pensée, juste des influx nerveux et cette faim atroce.
    Max Brooks a fait à mon sens un choix intéressant : il ne raconte pas la pandémie en un récit linéaire, suivant les aventures d’un ou de plusieurs héros pour lesquels le lecteur pourrait frémir. Non, le fond du récit est très différent. C’est une sorte de travail scientifique : l’auteur (pas Max Brooks, mais celui qui est censé être à l’origine de ce texte) a été missionné par l’ONU pour écrire un rapport sur la pandémie. Les témoignages qu’il n’a pas pu inclure dans son rapport, il a choisit d’en faire un livre. En une suite de parties qui suivent les étapes de la guerre, il présente les témoignages de survivants. Certains ont eu un rôle central, d’autres non, tous mettent en mot l’expérience vécue pendant les années de guerre. De cette manière, ce n’est pas simplement les combats, les massacres et autres festins zombiesques qui sont mis en valeur, mais le cheminement qui a mené du déni à la guerre, puis à la victoire. La tension monte au fil des pages : il y a le premier patient, la panique, les mouvements de fuite des populations, les passeurs, les tension diplomatiques et les guerres, les premiers plans de sauvetage de l’espèce humaine. Divers aspects sont évoqués : les armes et les tactiques nouvelles développées face à ces ennemis inédits, les règles de survie, le nettoyage des zones infectées par le virus, l’impact psychologique, écologique de cette guerre, la redéfinition des aires géopolitiques et de l’équilibre des puissances.
    Petit à petit se dessine le tableau d’une guerre, étouffant, mais fascinant. C’est d’autant plus prenant que le choix des témoignages permet de se concentrer sur le facteur humain : les actes de courage, les lâchetés petites et grandes, la peur omniprésente, le retour à une vie «normale»… En filigrane perce la critique sociale : World War Z est aussi un regard sans concession sur la nature humaine, sur l’inadaptation de l’homme moderne à la survie, sur les inhibitions sociales, sur l’incurie politique.
    Le tout donne un univers cohérent, crédible et qui ne prête pas une minute à l’humour ou la parodie. On est dans l’horreur, d’autant plus crue qu’elle est crédible. C’est glacial, violent mais passionnant. Max Brooks donne à réfléchir tout en restant abordable pour qui n’apprécie pas particulièrement les histoires de morts vivants.

    On en parle sur Fractale Framboise, sur le blog de la librairie Critic, chez Efelle, ...  
     

    Brooks, Max, World War Z, Calmann-Levy Interstice, 2009, 5/5
     

  • Expiation

     

    L’été 1935. Alors que la canicule écrase l’Angleterre, Briony Tallis, 13 ans, vit la fin de son enfance et tente de déchiffrer comme l’écrivain qu’elle sait être, le monde qui l’entoure et les relations étranges qui se nouent entre les adultes. Mais son immaturité va provoquer une tragédie.
     
    Expiation est un roman phénoménal, un de ceux dont on sait au bout de quelques pages, voire de quelques lignes qu’il va vous emporter. Superbement écrit, superbement construit, il est tour à tour glaçant, terrifiant, déconcertant, inconfortable. Pourtant tout commence dans une certaine sérénité : un été anglais caniculaire, la campagne anglaise écrasée sous la chaleur, une réunion de famille qui se prépare. Ian McEwan excelle dans la description de cette propriété de famille avec son lac, son petit temple, la maison si laide. Par petites touches, il dresse le décor, le donne même à sentir. Puis, au fur  et à mesure que l’on découvre la famille Tallis et ceux qui les entourent, la tension croît. McEwan est un naturaliste, en tout cas un peintre habile des caractères humains. Emily, Cécilia et Leon Tallis, Briony Tallis les cousins Quincey, Paul Marshall, Robbie Turner et sa mère Grace, tous sont décrits de manière magistrale et surtout, neutre. Quelques touches, quelques traits et c’est un être humain dans toute la complexité de ses réactions qui se dresse devant le lecteur. Aucun jugement chez McEwan, juste les ressorts des caractères et des comportements humains. De là sans doute ce sentiment de malaise qui croît au fil des pages. Le récit est à la fois intense et étrangement détaché, sensuel et glacé.
    C’est Briony Tallis qui est au centre des quatre parties du roman. Dans la première, c’est une enfant encore, détestable dans son arrogance et ses certitudes. Si certaine de comprendre les adultes qui l’entourent, si certaine de son talent d’écrivain et de sa découverte d’une maturité nouvelle. Briony a le sentiment d’être devenue adulte en ce jour. Et pourtant… Mc Ewan décortique les mécanismes qui vont la mener au mensonge et au crime qui va la poursuivre sa vie durant : avoir détruit la vie de sa sœur et de Robbie Tyler. Mais peut-on expier un tel crime?

    L'art de McEwan se révèle avec brio dans la suite de son récit. Partagé entre le point de vue de Robbie, et celui de Briony devenue élève infirmière, c'est une réflexion sur la culpabilité et le remord, et une description percutante de la guerre. Nous sommes en 1940, l'armée britannique fait retraite vers Dunkerke. Robbie entame une longue marche dans la campagne française, allant d'horreur en horreur, de bombardement en mitraillage. A Londres, Briony entame un apprentissage sévère et presque violent dans l'atmosphère d'attente et d'angoisse engendrée par cette guerre qui s'annonce et qui va faire irruption avec brutalité dans le quotidien hospitalier. Le lecteur se retrouve immergé dans l'apocalypse de la guerre au point de ne presque pas noter les petits détails discordants, les décalages presque imperceptibles qui seront soudainement mis en lumière dans un dénouement estomaquant qui interroge l'art de la fiction.

    Expiation est certes l'histoire d'un drame familial, l'histoire d'une passion amoureuse, l'histoire d'une quête de pardon, l'histoire d'une guerre, mais c'est aussi, et surtout, à travers le personnage de Briony, une réflexion magistrale sur la fiction, le pouvoir de l'écrivain et ses limites. C'est vertigineux aussi de suivre Briony dans l'éveil de son talent et de sa vocation d'écrivain. Quand encore enfant elle provoque l'emprisonnement de Robbie, c'est aussi pour avoir voulu écrire le monde qui l'entoure et le plier aux règles romanesques qu'elle ressent comme réelles. Quand elle écrit son journal à Londres, elle fait de son quotidien une matière romanesque. Quand âgée elle vient de terminer son dernier roman, elle révèle comment l'écrivain peut réécrire le monde et des destins, les rendre autres et cela pour aussi longtemps que son récit ne tombera pas dans l'oubli. Sans jamais pouvoir, pourtant, changer ce qui est advenu et qui a été provoqué autant par le caractère fantasque d'une enfant que par une société prompte à condamner et à garder sous une chape de silence ses aspects les moins reluisants. Sous-jaçante au récit, la critique sociale est bel et bien présente: vie familiale, prégnance des hiérarchies sociales, bonnes manières et conventions cachant mal les pulsions et les crimes, ...

    C'est donc, vous l'aurez compris, un coup de coeur et la découverte d'une plume absolument magnifique qui excelle dans la description psychologique, dans la manipulation du lecteur.


    L'avis de Lilly, de Fashion, EmjyRestling, ...

    Ps: ne surtout pas visionner le film avant de lire le roman!! Encore que ce soit le film qui m'ait poussée à acheter le roman!

     

    McEwan, Ian, Expiation, Gallimard, Folio, 2005, 5/5