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SFFF - Page 14

  • Les monades urbaines

    J'ai tout entendu sur Les monades urbaines: fabuleux, percutant, emmerdifiant, essentiel, inintéressant... Tout entendu au point de l'acheter et de le laisser traîner approximativement six années sur une PAL qui n'en demandait pas tant (et encore, ce n'est pas le locataire le plus ancien). Je le regardais du coin de l'oeil, il me regardait du coin de l'oeil, cela aurait pu durer encore longtemps. C'est la résolution de faire baisser ma PAL (oui, elle est remontée aussi sec, c'est même pire, c'est comme les régimes ce truc là, perdez en trois, vous en reprendrez quatre) conjuguée à une grosse semaine de vacances qui a signé son salut.

    Bref, revenons à nos moutons. Dans une avenir lointain mais pas si lointain que ça, l'humanité s'est multipliée: 70 milliards d'être humains vivent dans des monades dont ils ne sortent jamais, de gigantesques tours au fonctionnement quasi autarcique, et au sein d'une société équilibrée et juste où toute notion de propriété a disparu et où chacun est à chacun. Plus de jalousie, plus de guerres et de conflits: la vie est sacrée et le bonheur est pour tous... Du moins en apparence.

     On se croirait dans une utopie, on est dans une dystopie.  Qu'est-ce qu'une monade: une gigantesque ruche au fonctionnement parfaitement rodé, une organisation sociale et politique que l'on va découvrir petit à petit à travers le destin de quelques habitants de la monade 116, citoyens parfaits ou déviants: celui qui veut sortir et voir la mer, celui qui ressent la jalousie, le jeune prodige ambitieux qui brûle ses ailes à son rêve, la femme stérile, la jeune femme contrainte à l'exil. Autant de personnalité, de réactions qu'il faut cacher soigneusement pour survivre, ou qui mènent à la folie.

    Au commencement est l'idée d'une société idéale fondée sur la croissance démographique et une liberté sexuelle perçue comme entière, une société où chacun trouve sa place. A la fin est une société totalitaire dont les contraintes sont totalement intégrées par ceux qui la constituent: un système qui régit tous les aspects de la vie et de la pensée, où l'individu s'efface au profit de la communauté, où tout ce qui est différent est éliminé ou rééduqué. Tout l'art de Robert Silverberg est d'introduire par petites touches le malaise dans sa description de la société monadiale.  Il démonte petit à petit les rouages sociaux de la monade: la hiérarchie sociale voilée, la ségrégation comme règle non écrite (on ne fraye pas avec les étages inférieurs, et on ne se risque guère dans les étages supérieurs), la quasi impossibilité de refuser une relation sexuelle, le rejet des sentiments et émotions, la distribution de drogues et de psychotropes "étatisée"... Une monade est un monde clos sur lui-même: impossible d'en sortir, impossible d'y revenir: une expérience de laboratoire dont Silveberg pousse la logique à l'extrême. C'est de la SF, mais c'est aussi de la sociologie, de la science politique, une réflexion sur la liberté, la vie en société, et une intrigue passionnante. Certes, le roman est clairement daté des années 70, mais bien des choses restent valables et essentielles. Un indispensable.

    Choupynette a aimé. L'avis de Brize.

     

    Robert Silverberg, Les monades urbaines, Livre de Poche, 2000, 4/5

  • Fovéa

    Je ne vais pas revenir sur le fait que j'aime Léa Silhol, je le crie à tous vents blogosphériques depuis l'ouverture de ce blog voilà 2 ans. J'aime ses romans, j'aime ses nouvleles, j'aime sa plume et son univers finement ciselé et voilà que je recommence...

    Je n'étonnerai donc personne en révélant que j'ai aimé Fovéa. J'ai aimé Fovéa mais j'ai aimé Fovéa malgré. C'est en effet un étrange objet que ce recueil mêlant photographies, illustrations, nouvelles et poèmes dont certains sont fantastiques, d'autres ancrés dans le réel.

    Si l'organisation du recueil semble anarchique de prime abord, sa structure se dégage assez vite. Après plusieurs textes introductifs, les textes s'organisent en tryptiques avec comme fil conducteur, en tout cas pour moi, le sentiment amoureux et ses déclinaisons: amitié, amour naissant, amour mourant, admiration, foi. Le tout au prisme de la perception. Le regard est important dans Fovéa: ce que l'on perçoit, les déformations visuelles, les miroirs, les reflets, les vitres. C'est sombre, parfois glauque, souvent déstabilisant. Et donc assez passionnant si on accepte de se laisser aller.

    Les textes longs, inédits ou remaniés sont superbes. On y retrouve Lucifer opiomane et les suites de sa rencontre avec le poète, et surtout, surtout, Jebraël et ses compères que j'avais tant aimé. Ces nouvelles publiées initialement dans la première version de La Tisseuse (chez Nestiveqnen) étaient devenues introuvables. C'est un bonheur de les retrouver. Et puis les énigmes, les textes à lire dans un miroir, les photographies, les illustrations font de ce recueil une expérience de lecture différente de ce à quoi on peut ête habitué et oblige à sortir des réflexes et habitudes de lecture. Peu à peu leur sens se dessine, se complète, change.

     J'avoue avoir été parfois un brin crispée, mais rien qui ait gâché mon plaisir bien au contraire! C'est un recueil sur lequel je reviendrai, certaine d'y appréhender de nouvelles dimensions, d'y comprendre d'autres éléments de l'univers de Léa Silhol.

     Le labo Error Type. L'avis de Lucie Chenu.

  • L'heure du loup

     

    Il est beau, il est grand, il est fort, il est sexy, il est loup-garou et espion. Et, ce qui ne gate rien, il a les yeux verts.

    Avouez, vous êtes intrigués. Mais si, je vous ai vus!

    Michael Gallatin est espion pour le compte de l'Angleterre. Son atout majeur est classé secret défense. Car c'est le loup garou en lui qui lui permet de réussir les missions les plus périlleuses. Comme démêler les fils de cette mystérieuse opération nazie qui menace le débarquement allié.

    C'est du niveau des meilleurs romans d'espionnage de Jack Higgins, maître du genre auquel je vouais un culte du temps de mon inavouable adolescence. Cousu de fils blancs, certes, mais plutôt bien ficelé, haletant, mettant en scène un héros attachant et diablement sexy pris dans des aventures rocambolesques. Grande innovation par contre, le héros est un loup-garou et l'auteur entrecoupe le récit de sa mission par l'histoire de son enfance, de sa transformation et de sa vie dans une meute. C'est l'occasion d'un brin de réflexion sur l'humain, la violence, l'animalité. Rien de très original, mais ça donne une certaine profondeur au roman. J'ai bien aimé ces chapitres où l'on voit Michael s'adapter à la vie dans le meute, apprivoiser le loup en lui, ce qui donne lieu à quelques scènes assez cocasses et des drames suffisant pour tirer son mouchoir. Sans casser le rythme de l'histoire en elle-même, McCammon donne une dimension supplémentaire à son roman avec les interrogations existentielles de son héros: qu'est-ce qu'un homme loup aux yeux de Dieu, plus qu'un animal, moins qu'un homme, mieux que les deux? Michael Gallatin cherche désespérement une réponse à cette question.

    J'avoue, j'ai eu du mal à quitter le beau Michael quand il fallait aller travailler! C'est un excellent divertissement, plein de combats sanglants dans des trains (ça vous rappelle quelque chose?), de méchants atrocement méchants, de courageux résistants, de belles espionnes, de galipettes torrides, de tunnels humides et de ciels brumeux. On voyage d'un bout à l'autre de l'Europe sans coup férir!

     Le tout fait un sacré feuilleton difficile à lach, er. Je n'y ai pas vu beaucoup d'horreur, mais de l'action, de l'amour, de la sexytude, bref, tous les meilleurs ingrédients pour passer un bon moment!

    Stegg n'est pas convaincu, Fildefer a aimé, tout comme Dehlya, tout comme Impromptu.

     

    Robert McCammon, L'heure du loup, Milady, 3.5/5

  • Le nom du vent

    Chronique du tueur de roi - Chronique du tueur de roi, Première journée T1

    "J'ai libéré des princesses. J'ai incendié la ville de Trebon. J'ai été exclu de l'Université à un âge où l'on est enore trop jeune pour y entrer. J'ai suivi des pistes qu clair de lune que personne n'a osé évoquer. J'ai conversé avec des dieux, aimé des femmes et écrit des chansons qui tirent les larmes aux ménestrels.

    Mon nom est Kvothe. Vous avez du entendre parler de moi."

    J'avais pris un air sceptique à la lecture de la prose de Stéphane Marsan. J'avais lorgné d'un oeil dubitatif sur la quatrième de couverture. Mais puisqu'il le fallait, j'avais tourné avec le courage de l'abnégation la première page. Au bout de deux lignes, je savais que j'étais fichue. A la moitié j'ai fini par comprendre que ce n'était que le tome 1 et j'ai hurlé. A l'avant-dernière page, j'ai tenté de freiner des deux pieds et de toutes mes mains disponibles, mais c'était trop tard. C'est un coup de coeur et un gros. 726 pages. Rien que ça et achevé en deux jours. J'ai lu en marchant, en mangeant, au petit-déjeuner, au dîner, dans un parc sous quelques gouttes de pluie, j'ai baladé le pavé dans mon sac et j'ai dormi la tête dessus, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer, les aliens auraient pu décider d'aggraver ma semaine de merde.

     Mais passons donc au contenu: Kvothe est un Edema Ruh, enfant d'une troupe de comédiens ambulants protégée par les puissants. Avide de connaissances, acteur et musicien talentueux, il semble promis à une vie aventureuse et bien remplie au sein de sa famille. Jusqu'au massacre qui le laisse orphelin et seul avec son rêve d'intégrer un jour l'Université et de devenir un arcaniste, un de ceux qui maîtrisent la magie.

    Patrick Rothfuss mène la barque de son histoire de main de maître. Après un prologue percutant, il commence en douceur, plantant le décor du quotidien d'une auberge de village et d'un tenancier qui petit à petit révèle ses secrets. Jusqu'à ce que l'arrivée du Chroniqueur bouleverse tout et le mène à raconter l'histoire d'une vie qui est devenue une légende. Entrecoupé par des scènes du présent qui ouvrent des questionnements, annoncent des rebondissements, le récit de Kvothe se révèle passionnant et haletant. Tout y est: les batailles, l'aventure, la survie envers et contre tout, l'apprentissage de la magie, les obstacles divers et variés. Un roman d'apprentissage en bonne et due forme avec un personnage principal à la fois crispant et attachant, et des personnages secondaires qui pour n'être pas toujours très approfondis peuplent avec bonheur et vraisemblance les villes et les campagnes. Kvothe va quitter l'enfance, apprendre à faire face au mépris, à la rancoeur, à l'impatience qui peut le mener à sa perte, à l'amour qui se révèle être une discipline fort complexe.

    La magie est présente de manière fine. Pas vraiment de tours spectaculaires, mais des disciplines presque scientifiques qui sont la trame d'une réflexion sur la manière dont la magie peut être appréhendée. Science mystérieuse et dangereuse, manifestation du démon, tout y est. J'ai particulierement apprécié la manière dont l'évolution de la magie est rapprochée de celle de la science: conservatisme, découvertes, etc. Par exemple, après les chasses aux arcanistes (ça devrait rappeler quelques petits épisodes historiques), la magie finit par être plus ou moins acceptée selon les régions et les pays. Les maîtres de l'Université luttent contre toute manifestation de magie qui pourrait ramener au temps de l'intolérance, faisant ainsi preuve d'un conservatisme qui, s'il protège, porte aussi des ferments de mort. Superstition, rejet, intolérance religieuse sont ainsi mis en lumière par petites touches, en filigrane de l'histoire de Kvothe.

    A travers cette histoire, il est aussi question de la manière dont des vies et des faits deviennent des mythes et des légendes, et dont les mythes et les légendes recouvrent la vérité. La légende après laquelle court Kvothe, intimement persuadé de sa vérité, celle des Chandrians. Le mythe que lui-même devient au cours de sa quête. En regard du récit de Kvothe, des bribes des histoires qui courent sur son compte sont données, illustrant les ressorts du chemin qui mène de la réalité à l'imaginaire.

    Je ne vais pas en jeter plus, ce roman est une merveille et finalement, le dire se suffit presque!

     

    Patrick Rothfuss, Le nom du vent, Bragelonne, 2009, 5/5

  • Les fantômes d'Ombria

    Le prince d'Ombria se meurt, son fils Kyel n'est qu'un enfant et son cousin, Duncan Greve un bâtard qui préfère courir les rues de la cité et peindre que de subir le mépris de la cour. La voie est libre pour la Perle Noire, étrage vieille femme déssechée présente à la cour de mémoire de courtisan. Elle s'empare de la régence et laisse libre court à sa cruauté et à sa soif de pouvoir. Mais au-dessous des rues d'Ombria s'étend la cité enfouie, l'Ombria des temps anciens, peuplée de spectres et de la sorcière Faey et de sa poupée de cire, Mag.

     

    Une bonne surprise que ce court roman de fantasy: bien loin de la saga fleuve à laquelle les amateurs du genre sont habitués, Patricia McKillip offre un univers fouillé mais centré autour de quelques personnages seulement et d'une cité brossée dans tous ses mystères. L'ambiance qu'elle installe en quelques pages, faite d'ombres, de secrets, de passages et de pièces oubliées instille tout doucement son charme. Un peu brin vénéneux le charme, à l'image de la cité d'Ombria d'ailleurs, personnage à part entière du récit avec ses bâtiments qui s'enfoncent dans le sol, la cité fantôme sous la cité de lumière, les portes vers d'autres mondes. Jouant sur le présent et le passé qui se mêlent de manière parfois inextricable, l'auteur maintient un sentiment d'attente et de secret qui contribue grandement à la bonne tenue du roman. Sans faire preuve d'une originalité débordante, Patricia McKillip utilise à bon escient et avec talent les thèmes du renouvellement, de la mémoire, de l'importance et de la signification des contes. J'ai aimé cette idée que les hommes transforment en contes et en comptines leur histoire, et que le souvenir de ce qui a été se transmet ainsi de génération en génération. Rien de neuf, bien évidemment, mais la manière de le dire dans Les fantômes d'Ombria est poétique et intelligente.

    On en ressort avec l'impression d'avoir passé un moment entre rêve et réalité, de s'être perdu un temps dans les ombres. Heureux de retrouver la lumière, mais enchanté du voyage!

    Cuné n'a pas été séduite, Fashion a aimé.

     

    Patricia McKillip, Les fantômes d'Ombria, Mnémos, 2005, 4/5