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Les monades urbaines

J'ai tout entendu sur Les monades urbaines: fabuleux, percutant, emmerdifiant, essentiel, inintéressant... Tout entendu au point de l'acheter et de le laisser traîner approximativement six années sur une PAL qui n'en demandait pas tant (et encore, ce n'est pas le locataire le plus ancien). Je le regardais du coin de l'oeil, il me regardait du coin de l'oeil, cela aurait pu durer encore longtemps. C'est la résolution de faire baisser ma PAL (oui, elle est remontée aussi sec, c'est même pire, c'est comme les régimes ce truc là, perdez en trois, vous en reprendrez quatre) conjuguée à une grosse semaine de vacances qui a signé son salut.

Bref, revenons à nos moutons. Dans une avenir lointain mais pas si lointain que ça, l'humanité s'est multipliée: 70 milliards d'être humains vivent dans des monades dont ils ne sortent jamais, de gigantesques tours au fonctionnement quasi autarcique, et au sein d'une société équilibrée et juste où toute notion de propriété a disparu et où chacun est à chacun. Plus de jalousie, plus de guerres et de conflits: la vie est sacrée et le bonheur est pour tous... Du moins en apparence.

 On se croirait dans une utopie, on est dans une dystopie.  Qu'est-ce qu'une monade: une gigantesque ruche au fonctionnement parfaitement rodé, une organisation sociale et politique que l'on va découvrir petit à petit à travers le destin de quelques habitants de la monade 116, citoyens parfaits ou déviants: celui qui veut sortir et voir la mer, celui qui ressent la jalousie, le jeune prodige ambitieux qui brûle ses ailes à son rêve, la femme stérile, la jeune femme contrainte à l'exil. Autant de personnalité, de réactions qu'il faut cacher soigneusement pour survivre, ou qui mènent à la folie.

Au commencement est l'idée d'une société idéale fondée sur la croissance démographique et une liberté sexuelle perçue comme entière, une société où chacun trouve sa place. A la fin est une société totalitaire dont les contraintes sont totalement intégrées par ceux qui la constituent: un système qui régit tous les aspects de la vie et de la pensée, où l'individu s'efface au profit de la communauté, où tout ce qui est différent est éliminé ou rééduqué. Tout l'art de Robert Silverberg est d'introduire par petites touches le malaise dans sa description de la société monadiale.  Il démonte petit à petit les rouages sociaux de la monade: la hiérarchie sociale voilée, la ségrégation comme règle non écrite (on ne fraye pas avec les étages inférieurs, et on ne se risque guère dans les étages supérieurs), la quasi impossibilité de refuser une relation sexuelle, le rejet des sentiments et émotions, la distribution de drogues et de psychotropes "étatisée"... Une monade est un monde clos sur lui-même: impossible d'en sortir, impossible d'y revenir: une expérience de laboratoire dont Silveberg pousse la logique à l'extrême. C'est de la SF, mais c'est aussi de la sociologie, de la science politique, une réflexion sur la liberté, la vie en société, et une intrigue passionnante. Certes, le roman est clairement daté des années 70, mais bien des choses restent valables et essentielles. Un indispensable.

Choupynette a aimé. L'avis de Brize.

 

Robert Silverberg, Les monades urbaines, Livre de Poche, 2000, 4/5

Commentaires

  • Ce livre me tente vraiment. L'approche sociologique et politique à l'air très intéressante et ce sont des sujets qui me passionnent. Merci pour l'info.

  • Bizarre, j'ai eu l'impression que tu parlais du Meilleur des mondes de Huxley au vu de certains thèmes très semblables, notamment l'usage des drogues pour "endormir" les populations et la perte de l'individualité.

  • Déjà entendu parlé mais jamais tentée... jusqu'ici... Je note dans un coin de ma tête.

  • Je suis intriguée. Je note dans un coin de ma LAL.

  • Je me suis ennuyée, moi en lisant ce bouquin...

  • Comme toi, j'entends tout et son contraire à propos de ce roman et comme Chimère, ton billet me fait penser au Meilleur des mondes. Il est dans ma Pal depuis moins de 6 ans, je ne sais pas s'il va y rester longtemps ou pas :-)

  • J'adore ton billet : d'abord, évidemment, parce que tu sais être tentatrice avec ce livre, mais aussi parce que j'ai appris qu'il était tout à fait possible de laisser 6 ans, voir plus si affinités, un livre dans sa PAL...et parce que j'ai découvert un nouveau mot particulièrement utile et efficace ( surtout en ce moment pour moi ) emmerdifiant. Avec celui-là, je pense bien faire comprendre le fond de ma pensée et ne plus être emmerdifiée :)

  • Je l'ai lu l'année dernière et il m'avait plu, pour les questions qu'il soulève et parce qu'il est servi par un style faussement simple, à l'image de la vie dans les monades...

  • Fanyoun: c'est un aspect de la SF que j'aime beaucoup, cette capacité et cette possibilité d'extrapoler et d'analyser le possible en racontant un futur possible! Dans ce cas c'est un réelle réussite!
    @ Chimère: je n'ai pas lu Huxley, c'est un classique qui manque à mon actif! Mais si les thèmes sont semblables, il devrait me plaire!
    @ Theoma: on ne sait jamais!
    @ Edelwe: c'est un roman intéressant qui mérite d'être découvert!
    @ Fashion: comme quoi nous ne sommes pas toujours d'accord! Imagine, ça aurait pu être pire! J'aurais pu m'ennuyer en lisant La foire aux vanités! :-)
    @ Isil: remarquable concordance des destinées de ce roman dans nos PAL respectives! :-) Je ne suis pas mécontente de l'en avoir tiré et de m'être fait une idée!
    @ Emmyne: et encore, six ans, ce n'est pas tant que ça! Quand j'y pense j'ai presque honte! :-) Je ne sais plus où j'ai pêché ce mot, mais je suis ravie qu'il te soit utile! :-))
    @ Brize: exactement ça, un style faussement simple!

  • de la SF intelligente, je note.

  • Je n'accroche pas du tout aux ouvrages de RObert Silveberg mais ta chronique est intéressante. Je ferais un lien de mon site vers ton blog.

  • J'aime ton billet et il m'a donné envie de le lire, je vais le rajouter à ma LAL!! ça c'est du billet qui tente bien!!!!

  • Un indispensable en effet!! J'ai adoré. Comme tu le dis, c'est marqué années 70...mais la réflexion globale reste très actuelle et passionnante.

  • J'avais trouvé Le meilleur des mondes extrêmement dérangeant, beaucoup plus que 1984 par exemple, en tout cas, c'est un livre qui ne laisse pas indifférent et qui amène à se poser beaucoup de questions.

  • @ Pom': c'est la SF politique et sociale quoi, celle qui anticipe sur les grandes évolutions à venir. Je trouve ça toujours fascinant!
    @ Kepherton: je n'ai rien lu d'autre de Silverberg, et même si ce roman m'a plu, je ne sais pas si j'accrocherai au reste! Merci en tout cas!
    @ Lael: pauvre LAL!! :-)
    @ Choupynette: c'est le plus intéressant dans ce genre de littérature à mon avis, le fait que les réflexions menées restent actuelles malgré des points de départ marqués par leur époque. Les questions posées sont vraiment fondamentales et passionnantes.
    @ Chimère: un classique déinitivement ajouté à ma liste à lire! Je rattrape tout doucement mon retard! :-)

  • INDISPENSABLE... bon j'adore Silverberg remarque mais les monades urbaines, je le lis et le relis depuis des années (j'ai effacé le nombre que j'avais mis, ça me colle un coup de vieux !!!) :-)

  • @ Yueyin: comment ça un coup de vieux! Tu fais partie des gens qui ne peuvent pas prendre un coup de vieux! Tu regardes le Doctor enfin!!
    Enfin, moi aussi j'aime Silverberg même si je ne connais pas encore bien son oeuvre!

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