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mythes et légendes

  • Le nom du vent

    Chronique du tueur de roi - Chronique du tueur de roi, Première journée T1

    "J'ai libéré des princesses. J'ai incendié la ville de Trebon. J'ai été exclu de l'Université à un âge où l'on est enore trop jeune pour y entrer. J'ai suivi des pistes qu clair de lune que personne n'a osé évoquer. J'ai conversé avec des dieux, aimé des femmes et écrit des chansons qui tirent les larmes aux ménestrels.

    Mon nom est Kvothe. Vous avez du entendre parler de moi."

    J'avais pris un air sceptique à la lecture de la prose de Stéphane Marsan. J'avais lorgné d'un oeil dubitatif sur la quatrième de couverture. Mais puisqu'il le fallait, j'avais tourné avec le courage de l'abnégation la première page. Au bout de deux lignes, je savais que j'étais fichue. A la moitié j'ai fini par comprendre que ce n'était que le tome 1 et j'ai hurlé. A l'avant-dernière page, j'ai tenté de freiner des deux pieds et de toutes mes mains disponibles, mais c'était trop tard. C'est un coup de coeur et un gros. 726 pages. Rien que ça et achevé en deux jours. J'ai lu en marchant, en mangeant, au petit-déjeuner, au dîner, dans un parc sous quelques gouttes de pluie, j'ai baladé le pavé dans mon sac et j'ai dormi la tête dessus, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer, les aliens auraient pu décider d'aggraver ma semaine de merde.

     Mais passons donc au contenu: Kvothe est un Edema Ruh, enfant d'une troupe de comédiens ambulants protégée par les puissants. Avide de connaissances, acteur et musicien talentueux, il semble promis à une vie aventureuse et bien remplie au sein de sa famille. Jusqu'au massacre qui le laisse orphelin et seul avec son rêve d'intégrer un jour l'Université et de devenir un arcaniste, un de ceux qui maîtrisent la magie.

    Patrick Rothfuss mène la barque de son histoire de main de maître. Après un prologue percutant, il commence en douceur, plantant le décor du quotidien d'une auberge de village et d'un tenancier qui petit à petit révèle ses secrets. Jusqu'à ce que l'arrivée du Chroniqueur bouleverse tout et le mène à raconter l'histoire d'une vie qui est devenue une légende. Entrecoupé par des scènes du présent qui ouvrent des questionnements, annoncent des rebondissements, le récit de Kvothe se révèle passionnant et haletant. Tout y est: les batailles, l'aventure, la survie envers et contre tout, l'apprentissage de la magie, les obstacles divers et variés. Un roman d'apprentissage en bonne et due forme avec un personnage principal à la fois crispant et attachant, et des personnages secondaires qui pour n'être pas toujours très approfondis peuplent avec bonheur et vraisemblance les villes et les campagnes. Kvothe va quitter l'enfance, apprendre à faire face au mépris, à la rancoeur, à l'impatience qui peut le mener à sa perte, à l'amour qui se révèle être une discipline fort complexe.

    La magie est présente de manière fine. Pas vraiment de tours spectaculaires, mais des disciplines presque scientifiques qui sont la trame d'une réflexion sur la manière dont la magie peut être appréhendée. Science mystérieuse et dangereuse, manifestation du démon, tout y est. J'ai particulierement apprécié la manière dont l'évolution de la magie est rapprochée de celle de la science: conservatisme, découvertes, etc. Par exemple, après les chasses aux arcanistes (ça devrait rappeler quelques petits épisodes historiques), la magie finit par être plus ou moins acceptée selon les régions et les pays. Les maîtres de l'Université luttent contre toute manifestation de magie qui pourrait ramener au temps de l'intolérance, faisant ainsi preuve d'un conservatisme qui, s'il protège, porte aussi des ferments de mort. Superstition, rejet, intolérance religieuse sont ainsi mis en lumière par petites touches, en filigrane de l'histoire de Kvothe.

    A travers cette histoire, il est aussi question de la manière dont des vies et des faits deviennent des mythes et des légendes, et dont les mythes et les légendes recouvrent la vérité. La légende après laquelle court Kvothe, intimement persuadé de sa vérité, celle des Chandrians. Le mythe que lui-même devient au cours de sa quête. En regard du récit de Kvothe, des bribes des histoires qui courent sur son compte sont données, illustrant les ressorts du chemin qui mène de la réalité à l'imaginaire.

    Je ne vais pas en jeter plus, ce roman est une merveille et finalement, le dire se suffit presque!

     

    Patrick Rothfuss, Le nom du vent, Bragelonne, 2009, 5/5