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Chiff' - Page 96

  • Zoo

     

     

     

    Une jeune femme dont le nez a été arraché échoue un jour dans un endroit en dehors du temps, et presque en dehors du réel. Un zoo merveilleux dont les habitants vont l’accepter et lui donner, enfin, un peu de paix et de bonheur. Mais tout est si fugace en ce monde qu’un moment suffit pour que tout s’envole…

     

    Une merveille. Rien de plus, rien de moins. En deux tomes, scénariste et dessinateur offrent une histoire d’amour, de souffrance, d’espoir et de tolérance empreinte de magie et de légèreté. Anna vivait heureuse dans un village de Russie avec son époux le chasseur jsuqu’au jour funeste où celui-ci est tué et Anna défigurée. Or, le nez est le siège de l’âme, et ceux qui le perdent sont maudits et chassés sans répit ni pitié. Commence alors pour elle une errance qui trouvera sa fin au zoo. Tenu par un vieux médecin, sa fille adoptive et un sculpteur, c’est un endroit presque féerique où les animaux sont apprivoisés, où les naissances apportent la joie, où l’amour se vit librement. Un endroit en dehors d’un monde dans lequel la guerre menace. Les dessins de Frank rendent cet aspect du zoo, personnage à part entière des albums : un endroit lumineux, luxuriant, une bulle qui protège ses occupants. Chaque case est un bonheur des yeux offrant un luxe de détails et une débauche d’ombres et de lumières.

    C’est une belle histoire d’amitié, de tolérance qui tient en haleine et dont les personnages gravent une empreinte peu banale dans la mémoire. Attachants avec leurs faiblesses, leurs excentricités, leurs forces, ils forment un groupe étrange et soudé. Le personnage de Manon notamment est marquant : toute en instinct, en animalité presque, elle a une empathie profonde avec les êtres, une joie de vivre qui irradie et qui anime ceux qui l’entoure. Anna aussi, blessée profondément par la superstition et la bêtise humaine est de celles qu’on n’oublie pas. Il y a bien des choses dans cette bande dessinée : une réflexion sur la liberté, sur la place de l’instinct face à la raison, sur l’ignorance et les croyances. De quoi nourrir la réflexion pendant un long moment tout en gardant le souvenir de la magie des dessins.

     

    Un très beau site consacré à la série.

     

    Un grand merci à Delphine pour cette découverte.

    Frank Pé et Philippe Bonifay, Zoo, t. 1 et 2, Dupuis, coll. Aires Libres

  • Du vagin et autres histoires

    Il y a déjà un certain temps de ça, j’ai pu accompagner Caro[line] et d’autres blogeuses à la représentation de la pièce d’Eve Ensler, Les monologues du vagin. Sur scène, Micheline Dax, Maïmouna Gueye et Gabou allaient nous parler pendant plus d’une heure de ce mystérieux vagin, l’invisible, le caché.

    Je ne savais guère à quoi m’attendre et je ne m’attendais surtout pas à ce choc qui m’a pris aux tripes, qui m’a fait rire, sourire, frémir, pleurer presque. Le lendemain, j’ai filé acheter le texte de la pièce pour garder auprès de moi ces mots qui avaient su me bouleverser.

     

    Eve Ensler a parcouru le monde, interrogé des femmes, les a suffisamment mises en confiance pour qu’elles acceptent de raconter leur rapport avec elles-mêmes et réuni dans le texte de sa pièce quelques un de ces témoignages. C’est sa force ce témoignages. Parce que ce que racontent les femmes qui parlent à travers les actrices, est universel. Elles parlent de la peur, de la douleur, de la joie et du plaisir aussi. Il y est question d’amour, d’orgasme, de naissance. Et aussi de viol, de déchirure, de mutilation, de frigidité.

    C’est tout simplement beau et salutaire. Parce que c’est immensément pudique malgré la crudité des mots et vibrant de passion. 

     

    Une vidéo pour vous donner une petite idée…

     

     

  • Plaisirs coupables

     

    La vie d’Anita Blake n’est pas de tout repos. Non contente de ranimer les morts, elle passe une partie de son temps libre à chasser les vampires qui passent les limites de la légalité. C’est là qu’elle a gagné son surnom : l’Exécutrice. Mais quand le monde de la nuit est agité par des luttes de pouvoir, elle ne peut qu’y laisser quelques plumes.

     

    Que voilà une bonne surprise ! J’ai attaqué le premier tome de la saga d’Anita Blake chasseuse de vampire en me disant que je ne risquais pas grand-chose ! Et je me suis retrouvée littéralement embarquée dans les aventures d’une héroïne qui ressemble par quelques aspects à Stéphanie Plum ! Je vois d’ici les oreilles de quelques membres éminents de la blogoboule se dresser. Celle par qui tout est arrivé par exemple, celle qui défend Ranger en toute circonstance aussi… Et d’autres ! Attention toutefois (je tiens à mon intégrité physique et une adepte de Miss Plum peut devenir dangereuse), je parle de quelques aspects seulement !!

    Bien, entrons dans le vif du sujet ! Laurell Hamilton embarque son lecteur dans les pérégrinations d’une héroïne haute en couleur en en faisant la narratrice de l’histoire. Ce qui lui permet d’user d’un phrasé-parlé haut en couleur et en verve ! Et de coller au plus près aux frousses et grosses fatigues d’Anita. Il faut dire qu’elle n’est guère épargnée par le sort : la voilà embarquée dans une sombre histoire de meurtre bien qu’elle ait freiné des quatre fers et de tout ce qu’elle avait de disponible pour freiner, menacée par une reine des vampires complètement frappée, attirée par un junkie aux morsures de vampires et par un maître vampire plus que séduisant encore qu’un brin agaçant. Bref, un joyeux foutoir qui prend place dans un univers plutôt bien pensé : les vampires sont reconnus et vivent, façon de parler, au grand jour. Ils vivent donc parmi les humains, plus ou moins bien acceptés, certain les rejetant et les traquant purement et simplement, d’autres militant pour leurs droits. Sachant qu’eux même ne sont pas des enfants de cœur et qu’une partie d’entre eux persiste à faire des humains leur repas.

    Heureusement qu’il lui reste assez d’énergie pour tenir debout, et assez d’humour noir pour faire face à quelques rats garous et vampires psychopathes. Une grande force dans le roman d’ailleurs cet humour ! Ca aide à faire passer quelques invraisemblances.

    Alors bien sûr ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais entre l’intrigue et les personnages, voilà une série attachante et une lecture sympathique pour les jours de fatigue et de moral à zéro ! Sans compter que les relations de ces messieurs pas franchement humains et de notre demoiselle pas blanc bleu devraient évoluer vers des sommets garantis chauds dans les tomes suivants !

     

    Laurell Hamilton va être rééditée en France par Bragelonne, ce qui est plutôt une bonne nouvelle vu l’état des éditions poches en bibliothèque, et il semblerait qu’une adaptation en film ou série soit prévue.

     

    Affaire à suivre donc !

    L'auteur a un blog. Pour aller y jeter un oeil ou deux, c'est par !

    Laurell Hamilton, Plaisirs coupables, Pocket, coll. Terreur, 2004, 378 p.

  • Mamma miiiiaaaaaaaaaaaaa!




    Chuis à la bourre, très très à la bourre à en croire mes comparses!! C'est la faute au travail! Et à mes activités extra-travail!! Si, si!! Vous pensez bien que je n'allais pas passer à côté de l'occasion de vous faire le compte-rendu de cette séance haute en couleur!!
    Il faut savoir qu'a précédé un casse chez Starbuck: lattés en tout genre, sympathiques petites choses à grignoter, c'est repue que la bande complétement hystérique des parisiennes s'est dirigée vers la salle. Stéphanie dans les starting-blocs au sommet de la troupe, chargée d'ouvrir le chemin vers les meilleures places de la salle. Il faut dire que la foule s'était amassée derrière nous!
    Ensuite... Ensuite... Et bien il y en avait qui se trémoussaient sur leur siège, d'autres qui écrasaient leur petite larme, d'autres qui chantaient et tapaient des mains en coeur avec la salle, d'autres qui hoquetaient de rire, et d'autres qui hurlaient en voyant le torse nu de quelques spécimens masculins ma foi fort consommables sympathiques!! Croyez-moi, ces messieurs cachent des choses des plus intéressantes sous leurs chemises!

  • Sarn

     

     



    Prue vit avec ses parents et son frère au cœur de la campagne anglaise, tout près de l’étang de Sarn, cet étang où résonnent le soir, les cloches d’un village englouti. Défigurée par un bec-de-lièvre, elle va affronter le deuil, le travail acharné à la ferme, l’amour sans espoir, les superstitions et la méchanceté dans un tourbillon d’événements dramatiques.

     

    Fashion m’en avait parlé et au cours d’une virée dangereuse chez ce vieux Gibert Joseph, La Chef l’a brandi avec passion. Que voulez-vous, la LCA est faible, et bien qu’étant entrée dans ce lieu de perdition fermement décidée à ne ressortir qu’avec ce que j’étais venue chercher, je suis repartie avec (et quelques autres petites choses dont il sera un jour ou l’autre question ici). Là où je pousse le vice, c’est que non contente d’avoir laissé libre court à mes plus bas instincts, je n’ai absolument aucun regret. Ce roman est une petite et pure merveille. Le prologue, déjà, le prédit. Mary Webb, fille de la campagne, elle-même défigurée sait de quoi elle parle. Et elle aime profondément cette campagne qui est le décor de son roman et qu’elle a du quitter en trouvant, enfin, l’amour et le mariage : tout dans sa manière de décrire les paysages de Sarn le montre.

    Sarn n’est pas un simple roman pastoral. On y trouve, certes veaux, vaches, moutons, blé et volaille, mais le plus important est ce qui réside dans le cœur des hommes. Superstition, envie, jalousie, rancune, cupidité, autant d’éléments de la nature humaine qui portent le malheur là où il suffisait de se contenter de ce que donnait la nature pour y trouver quelque chose approchant du bonheur.

    La cupidité, c’est ce qui va perdre Gédéon Sarn et sa famille. Responsable de la mort de son père, il va travailler comme un diable pour réaliser un seul et unique rêve : acheter une maison au bourg voisin et y devenir un homme important. Peu lui chaud le prix à payer pour accomplir son dessein. Esclavagiser sa sœur, maltraiter sa mère, mener sa fiancée au désespoir, rien ni personne ne l’arrête. Ni Dieu, ni Diable d’ailleurs dont il a la beauté.

    Tout à l’inverse, Prue la douce est défigurée mais profondément bonne et aimante. Sa souffrance, elle la cache pour ne pas peiner son entourage. Bien plus instruite que ne le sont d’ordinaire les femmes et les paysannes, elle rédige l’histoire des temps de sa jeunesse.

    Mary Webb oppose tout au long de son roman ces deux natures : le mal et le bien en quelque sorte. Mais cela ne l’empêche pas de donner profondeur et complexité à ses personnages. Les fragilités que Gédéon cache se révèlent petit à petit. La volonté farouche de Prue la pousse à chercher en elle-même les ressources qui lui permettront de surmonter un pire tel que sa seule foi en Dieu ne peut l’aider. Cette volonté dont elle fait preuve la démarque de toutes les autres femmes de son entourage, et fait d’elle une sorcière, c’est-à-dire cette femme que l’on ne peut contrôler, que l’on peut d’autant moins contrôler que son savoir la met un peu plus à distance de ses semblables, frustres et crédules. C’est aussi de cela dont il est question : les superstitions et le mal qu’elles peuvent faire quand le monde qui les entoure, tout en brumes et mystères les confortent.

    La morale sera sauva à la toute fin, mais malgré ce happy end, bien des choses auront été dites sur l’humanité dans ces pages irriguées par la ferveur de l’auteur. Voilà un roman difficile à oublier et que je rouvrirai pour retrouver l’enchantement des paysages de la campagne anglaise, la beauté éblouissante de la naissance d’une libellule et du frémissement des champs dans la lumière de l’été.

     

    Mary Webb, Sarn, Les cahiers rouges, Grasset, 2008, 375 p.