Une vallée isolée, quelques fermes, un secret soigneusement préservé par les familles depuis des années : des enfants monstrueux sont nés, soigneusement cachés et tenus à l’écart. Jusqu’à ce que la peur et l’incompréhension deviennent trop fortes et que la violence se déchaîne. Trévor, dont le frère Will est un de ces enfants décide de le sauver quand son père prend la décision de l’abattre.
Habituellement, j’ai un peu de mal avec les dessins de comic books : même avec des scénarios qui m’enthousiasment, il me faut faire un petit effort. Et puis il y a les exceptions, où dessin et scénario s’allient pour satisfaire mes exigences de lectrice de comics du dimanche. Freaks of heartland est de ces exceptions. Le dessin est purement et simplement somptueux : dans des teintes ocres et sépia, les détails se dessinent en douceur jusqu’aux explosions de violence qui brouillent tout repère et traduisent à merveille la souffrance de Will, de Trévor et des autres. Par moment, ce sont des toiles et non pas des cases qu’on a sous les yeux. En guise de décors, le lecteur découvre l’Amérique profonde, ses villages perdus et faussement tranquilles, le monde rural dans la splendeur de ses champs et l’horreur de ses secrets. La grande force du dessinateur est d’instiller par petites touches le fantastique. En fait, alors qu’on sait, qu’on sent qu’il y a quelque chose d’anormal, seuls des détails et des sous-entendus permettent de se faire une idée de ce qui a pu se passer : mutations due à un nuage étrange, grossesses simultanées, on pense bien sûr à toute la littérature fantastique et aux comics dans ce genre, ou encore aux histoires de complots, d’extraterrestres, d’expériences scientifiques qui ont mal tourné. Sans ces allusions, on pourrait presque penser à un drame de la consanguinité, le genre de chose qui a pu arriver dans des villages isolés et fermés au monde comme celui où vit Trevor.
Steve Niles, le scénariste met en scène la relation, touchante, de deux frères, et la capacité, aussi, des enfants à accepter l’autre dans ses différences sans peur. Bien sûr le choix a été fait de montrer deux enfants normaux accepter ceux qui ne le sont pas, en opposition aux parents qui rejettent une différence qui les terrifie. Les enfants peuvent être aussi cruels que les adultes, et surtout, aussi cruels que leurs parents. Mais dans le cas de Trevor et de Will, et de Maggie qui va les accompagner et les aider, c’est la confiance, l’acceptation, l’ouverture d’esprit qui est mise en valeur et la richesse qu’elle apporte. Rien d’original en fait puisque la plupart des histoires de freaks touchent à ces thématiques (Cristal qui songe, Elephant Man, Lilliputia…) , mais une manière de raconter, de dessiner, qui font de Freaks of heartland une très belle œuvre.
C’est une belle histoire, qui se clôt malheureusement de manière un peu abrupte : j’aurais bien continué l’aventure avec Trevor, Will, Maggie et les autres….
Greg Ruth, Steve Niles, Freaks of hearland, Semic, 2007, 170p., 4/5