Marco a quitté la ville pour la campagne, il a arrêté le psy parce qu’il a l’impression que ça va vraiment mieux, il a arrêté de partir photographier les guerres et les catastrophes et il s’occupe à croiser de temps à autre son frère rigolard, ses parents qui vivent au bord de la mer. Marco est monsieur tout-le-monde, mais il est tellement, tellement plus…
Il y a des œuvres comme ça qui croisent votre route l’air de rien et qui vous bouleversent au-delà de toute mesure. Ce n’est pas qu’elles soient particulièrement drôles, non, ni particulièrement tristes d’ailleurs, c’est juste qu’elles touchent quelque chose d’intime, et en même temps d’universel. Dans Le combat ordinaire, il y a une histoire particulière, celle de Marco, et il y a tout ce qu’elle dit sur la vie, l’amour, l’amitié, la famille. Manu Larcenet réussit le tour de force de raconter une histoire banale en lui donnant une force peu commune et en dressant une galerie de personnages terriblement humains et qui en disent long sur sa capacité à observer les gens et à en faire des personnages plus vrai que natures. Du coup on s’attache à eux, malgré l’agacement qu’ils provoquent parfois, voire la colère.
Marco et sa trouille de l’engagement, son incapacité totale à passer à l’âge adulte, Emilie et sa patience, la maman qui se révèle un jour, les secrets du père, les ouvriers de l’arsenal, les journalistes et les artistes, on retrouve les petits travers, les grandes qualités, les petites histoires de la vie quotidienne.
C’est tout simple et débordant d’émotion et de réflexions sur l’angoisse, sur les liens familiaux et les secrets de famille, sur l’amour et le changement radical qu’implique accepter un autre dans sa vie. De petits événements en grands changements, Manu Larcenet s’emploie à montrer de quelle manière on change et on grandit, qu’on le veuille ou non, et quels conflits et bonheurs cela provoque. Le combat ordinaire est celui que tout un chacun connaît à un moment ou à un autre de sa vie, ou toute sa vie et c’est la force immense de cet album qui met le lecteur face à ses propres questionnements, face à sa propre tendance à fuir les problèmes et les choix, face aux réactions que l’on peut avoir quand la maladie, la mort, le racisme, le chômage font soudain leur apparition. Avoir la chance de lire les quatre tomes d’affilé, c’est pouvoir percevoir mieux l’évolution de Marco, de son entourage, de la société aussi. J’ai apprécié ce moment passé avec les personnages.
Les aventures de Marco sont servies à merveille par le dessin, tout en détails, en finesse, qui transcrit à la perfection les émotions et les ambiances. C’est un beau tableau, humain, sensible, touchant de la vie aujourd’hui, un petit chef d’œuvre qui démontre la force que peut avoir la bande-dessinée.
Larcenet, Manu, Le combat ordinaire, Dargaud, t.1 à 4, 5/5