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Chiff' - Page 154

  • Fin des temps

    Le fruit des mes lectures praguoises!

     

    Haruki Murakami est un vrai magicien. J'avais aimé Kafka sur le rivage, j'ai plus qu'aimé La fin des temps. Il y a comme ça des textes qui vous touchent étrangement et vous laissent pantois une fois la dernière page tournée. Il m'a fallu un après-midi pour me réveiller après ça.

    Dans ce roman à la double structure, le lecteur suit les aventures d'un programmeur au prise avec une étrange cabale informatique, et celles d'un mystérieux personnage qui s'installe dans une ville étrange, totalement fermée. Si à première vue les deux histoires n'ont rien à voir, elles se rejoignent progressivement pour devenir un tout.

    Il est très difficile de savoir ce que Haruki Murakami veut nous dire avec ce roman. Je crois que chacun peut y trouver ce qu'il veut y trouver: une belle réflexion sur la manipulation de l'humain par la science, la liberté de l'esprit et de la pensée, une histoire d'amour, etc. Ce que j'ai particulièrement apprécié, est le fait de ne pas savoir à quoi m'attendre. Et puis j'adore l'humour dont fait preuve Murakami. Le programmeur est un personnage savoureux. Le ciel lui tombe sur la tête, mais il ne peut pas s'empêcher de commenter les événements avec un sens de la dérision et un humour noir à la limite du tordant. A l'inverse les chapitres du "mystérieux personnage"  recèlent une poésie sensible, mélancolique et à la fois pleine d'espoir.

    "J'étais le Prince du Désespoir, enveloppé du manteau des ennuis. Et je resterais plongé dans un profond sommeil tant qu'un crapaud de la taille d'une Volkswagen Golf ne serait pas venu me donner un baiser."

    "Il est une tristesse si profonde qu'elle ne peut pas même prendre la forme des larmes."

    Etrange, déroutant, poétique et drôle, un roman à ne pas laisser passer.

    Haruki Murakami, La fin des temps, Points Seuil, 2001.

    La souveraine par contre m'a laissée souverainement indifférente, n'en déplaise à M. Hubert Nyssen. L'écriture est belle, c'est certain, mais je n'ai pas réussi à m'intéresser réellement aux attermoiements sentimentaux de ce jeune immigré russe qui découvre l'amour dans les bras d'une jeune femme d'une classe sociale plus élevée que la sienne et qui du coup ne voit plus le monde comme avant. Je vais quand même relire L'accompagnatrice qui m'avait laissé un bon souvenir avant de condamner en bloc une Nina Berberova qui ne m'a rien fait!

    Ps: la couverture ne correspond pas à l'édition dans laquelle j'ai lu ce roman, ne m'en veuillez pas.

    Nina Berberova, La souveraine,  Actes sud Babel (2e éd.), 2004, 130 p.

  • La parole du désert

    Ce qui m'a le plus frappé dans ce roman, c'est la beauté des phrases. On a la tentation d'en lire certaines à haute voix pour mieux les goûter si vous voyez ce que je veux dire. Et comble de bonheur, ce n'est pas seulement bien écrit, c'est aussi beau dans le fond! Goran Tunström parvient en 200 pages à rendre les figures du Christ et de Jean le Baptiste profondément humaines. L'un est un écorché vif en perpétuelle rebellion, l'autre un doux qui apprend petit à petit à faire face à ce qu'il est et à l'accepter. Leurs chemins se croisent jusqu'à ce que l'on rejoigne Jésus au coeur de sa retraite de 40 jours dans le désert.

    J'ai particulièrement aimé le fait que le Christ doute au départ de ce qu'il est et qu'il lutte de toute ses forces contre l'idée qu'il puisse être le Messie tout en étant quelque part flatté. Et les figures de Marie et de Joseph qui souffrent de l'enfant qu'ils ont mis au monde même s'ils l'aiment.

    On y trouve de surcroît des reflexions qui laissent songeur: "Au coeur du silence, toutes les entraves disparaissent: ce n'est que là qu'il est possible de jalonner le chemin qui va tout droit. Il mène tout droit à la mort. Trop de gens vivent continuellement à côté de la voie qui y mène. Ils peuvent se cacher dans leurs souvenirs, dans le temps anéantis. Ils se croient immortels. Ils sont des enfants."

    Bref, c'est beau, c'est bon, c'est chaudement recommandé.

    Göran Tunström, La parole du désert, Actes Sud Lettres scandinaves,1993, 201 p.

  • Gourmands de tous les pays

    " Cette bibliothèque gourmande contemporaine invite des écrivains à dévoiler, autour d’un jeu de mots-clés, les secrets de leurs plaisirs gourmands "
    e sujet semblait pourtant prometteur... Faire mettre en mot par des écrivains leur amour pour la nourriture et la cuisine. Plutôt attirant pour la gourmande que je suis. Mais je n'ai pas été convaincue par l'opus que j'ai lu pendant mes vacances. Chantal Pelletier donne à lire une série de petits textes autobiographiques ou non qui disent son amour de la bonne cuisine de son enfance et la bonne cuisine d'ailleurs. Parce qu'elle aime l'aiileurs: "Mon goût pour les bonnes choses est comme moi. Il aime voyager. "
    Mais les chapitres (ou micro nouvelles) sont très inégaux. Certains comme la description d'un repas dans le désert sont un vrai bonheur. Ou encore ce petit bout: "... mon plus grand plaisir est de manger dans les échoppes, sur les marchés. Découvrir sous mes doigts la texture voluptueuse des viandes, les pâtes grenues des galettes, les masses tendres des légumes, leurs peaux soyeuses. Je rechigne rarement à ce jeu: modeler dans un grand plat odorant des boulettes fragiles en pressant riz ou semoule, sauces de légumes, hachis de viande, porter cette improbable sculpture à la bouche, lèvres tétant les restes, langue léchant les doigts dégoulinant de sucs épicés, façon de ne rien perdre des jus et des parfums, de baigner au mieux dans les arômes, dont même la peau s'abreuve..." ou je me retrouve.
    Mais d'autres m'ont littéralement fait bayer. Je ne sais trop quoi en penser. En lire d'autres?

    Voyages en gourmandise, Chantal Pelletier, Nil, Exquis d'écrivains, 113 p.

  • Désobliger sa famille

    "Voici une trentaine d'années, mademoiselle Maria Ward de Huntington fut assez heureuse pour captiver avec sept mille livres de rente comme seule fortune, le coeur de Sir Thomas Bertram de Mansfield Park, dans le comté de Northampton, et se hausser ainsi jusqu'au rang de femme de baronnet, acquérant de surcroît tout le bien-être et les avantages matériels qu'offrent une belle maison et un revenu considérable." Mais ses soeurs ne purent faire d'aussi beaux mariages. Mademoiselle Ward épousa le pasteur Norris, et la plus jeune, Frances épousa pour désobliger sa famille un officier de marine, rompant tout lien avec ses soeurs et sombrant dans la misère avec ses nombreux enfants dont elle était bien incapable de s'occuper. Une bonne dizaine d'années plus tard, la famille Bertram et la tante Norris décident dans leur infinie bonté d'accueillir la fille ainée de Frances, Fanny, à Mansfield Park pour l'éduquer et l'entretenir. C'est le début de la fin de la traquillité et le vrai début de folles aventures.

    Du Jane et du bon! Je ne suis certe pas très objective tant j'aime cette grande dame et ses oeuvres, mais c'est quand même du grand art! On retrouve dans ce gros roman les répliques assassines, les portraits au vitriol, la méchanceté soigneusement dissimulée des uns envers les autres, les multiples rebondissements, les thés et les bals. Il faut "voir" la Norris, confite de bêtise et d'orgueil, lady Bertram et son indolence, les Crawford et leur ambition! Et la pauvre et douce Fanny au milieu de tout cela, avec son sens moral sans faille et sa profonde gentillesse, coincée par les attentions importunes de son soupirant au point de se mettre en colère. J'ai beaucoup fait rire ma colocataire avec mes exclamations ("l'enfoirée de tante Norris", "mais crétin, elle est amoureuse de toi, ouvre les yeux"), puis je me suis tue. Ca faisait mauvais genre dans l'avion!

    Reste l'infini talent de cette plume et le bonheur de s'enfoncer dan cet univers comme dans un bon oreiller de plume, le tout avec une bonne tasse de thé.

    Jane Austen, Mansfield Park, 10/18, Domaine étranger, 1996, 510 p.