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Melting-Pot

  • Ronde de BD

    A l'époque des Sengokujidai, ère Muromachi, le Japon est marqué par des conflits dans fin qui requièrent la formation de guerriers toujours plus nombreux. Kyoteru est un enfant de ninja, dont l'absence de talent le contraint à faire face aux moqueries et à la honte de son père. Pour prouver sa valeur, il va se lancer seul dans une mission difficile. Mais c'est sans compter avec le soutien de sa petite soeur Kageko, avec laquelle il partage un lien aussi fort qu'étrange.

    Le contexte historique riche et dense qui sert d'arrière-plan à l'histoire de Kyoteru et de sa famille est le prétexte à développer une histoire universelle sur l'enfance et ses cruautés. Kyoteru doit faire face aux brimades, aux moqueries, à la honte et à la pression que fait peser sur lui la nécessité de se montrer à la hauteur de la réputation de sa famille. Une situation qui le pousse à partir à l'aventure. Le lien entre le frère et la soeur est au centre de ce premier tome et ouvre de belles perspectives pour la suite du scénario: il est le fruit d'un amour sans faille et d'un refus de la cruauté du monde des adultes si difficile à éciter. L'histoire de Kyoteru et Kageko n'est pas exempte de violence, mais l'humour, toujours présent, allège la lecture.  Ajoutez-y un graphisme des plus agréable, un mélange de fantastique et d'histoire à hauteur d'enfant qui donne un résultat attachant et prenant et vous obtenez une bande dessinée sympathique à découvrir!

    Jee-Yun - Jung, Kyoteru, t. 1 Enfant de l'ombre, Delcourt, 2008

     Je ne sais pas vous, mais j'aime Sfar. Aussi, quand le hasard me met entre les mains une de ses oeuvres que je n'ai pas encore ue l'occasion de lire, je le remercie et me plonge sans plus attendre dans l'oeuvre en question!

    J'ai pour le coup été embarquée dans les aventures de Liliane Bowell, fille d'archéologue et d'Imhotep IV, momie et pharaon de sa personne. Nos deux héros sont amoureux. Seul petit problème, Imhotep est propriété de la Couronne, et, accessoirement, mort. Ce qui ne va pas l'empêcher de tout tenter pour épouser sa dulcinée.

    Un vaudeville à la sauce fantastique, ni plus ni moins! Un petit bonheur de lecture déjantée, servi par un graphisme qui flirte avec l'aquarelle. On suit notre momie partant à la découverte de Londres, buvant sa première tasse de thé, se disputant avec son père, Imhotep III, en très grande forme pour une momie de cet âge, s'évadant, avec un plaisir sans faille. Quand à l'humour qui piment les situations rocambolesques que subissent nos tourteraux, il est délicieux. La poésie de l'ensemble, le charme qui s'en dégage fait le reste. Un coup de coeur!

     Avec une spéciale dédicace à nos victoriennes pour l'apparition de la reine Victoria dont les mésaventures sont des plus savoureuses!

     Sfar, Guibert, La fille du professeur, Humour libre, 1997

     

  • Brooklyn/Tokyo même combat

    C'est de sa faute si je suis restée silencieuse ces derniers jours! Oui, à lui là, l'affreux! Résumons un brin. Les parents de Dylan, respectivement hippie et artiste, plus blancs que blancs choissisent de s'installer dans les années 70 en plein coeur des quartiers noirs de Brooklyn. Bien évidemment, leur fiston va voir son enfance et son âge adulte fortement influencés par cette décision pas forcément heureuse pour lui. Il va pourtant pousser, vaille que vaille, accompagé de son ami métis Mingus, fils d'une star sur le retour et de paumés divers, blancs ou noirs. J'avais été fortement attirée par les critiques qui avaient été faites de ce roman à sa sortie. Je me suis donc jetée dessus quand, ô bonheur, j'ai enfin mis la main dessus à la bibliothèque.

    Je ne peux pas dire que je sois totalement déçue. Je l'ai fini après tout... Mais péniblement, en alternant ennui profond et regain d'intérêt. Les thèmes abordés sont pourtant intéressants: fossé social et culturel, racisme ordinaire des blancs envers les noirs et des noirs envers les blancs, création, drogue. La solitude et le désespoir des personnages au demeurant souvent très beaux marquent tout le roman. Tous se retrouvent sur une voie sans retour, sans espoir. L'étude sociale est plutôt fine. J'ai beaucoup aimé les passages parlant de la culture du graph. Les références musicales sont bluffantes. C'est une histoire très violente, très crue, traversée par de véritables moments de grâce. Mais pas suffisant pour que je sois vraiment accrochée...

    Jonathan Lethem, Forteresse de solitude, Ed. de l'Oliver, 2006, 677 p.

    Autre lecture, dépaysement complet, violence aussi.  Mais plus larvée. Takashi Aoki et Yuko Tanabe s'aiment. Ils veulent se marier. Mais voilà, dans le Japon de la fin du XXe siècle, l'argent et le pouvoir peuvent tout, et surtout briser les individus. Malgré le trèfle sous le signe duquel se place leur rencontre, ce signe de chance, ils vont avoir à faire face au pire. Sous la douceur et le détachement de l'écriture, c'est l'aliénation de l'individu, la quasi féodalité du monde du travail japonais qui sont décrits. Le piège se referme petit à petit sur les deux personnages principaux qui croient à un libre arbitre qui, de fait, leur échappe. Cela semble énorme au lecteur occidental mais recouvre sans aucun doute une réalité. Moins violent à première vue qu'un Ryu Murakami, mais je n'en suis pas sortie indemne. Et je vais poursuivre ma découverte de cet auteur.

    Aki Shimazaki, Mitsuba, Lémac/Actes Sud, 2006, 156 p.

  • Fin des temps

    Le fruit des mes lectures praguoises!

     

    Haruki Murakami est un vrai magicien. J'avais aimé Kafka sur le rivage, j'ai plus qu'aimé La fin des temps. Il y a comme ça des textes qui vous touchent étrangement et vous laissent pantois une fois la dernière page tournée. Il m'a fallu un après-midi pour me réveiller après ça.

    Dans ce roman à la double structure, le lecteur suit les aventures d'un programmeur au prise avec une étrange cabale informatique, et celles d'un mystérieux personnage qui s'installe dans une ville étrange, totalement fermée. Si à première vue les deux histoires n'ont rien à voir, elles se rejoignent progressivement pour devenir un tout.

    Il est très difficile de savoir ce que Haruki Murakami veut nous dire avec ce roman. Je crois que chacun peut y trouver ce qu'il veut y trouver: une belle réflexion sur la manipulation de l'humain par la science, la liberté de l'esprit et de la pensée, une histoire d'amour, etc. Ce que j'ai particulièrement apprécié, est le fait de ne pas savoir à quoi m'attendre. Et puis j'adore l'humour dont fait preuve Murakami. Le programmeur est un personnage savoureux. Le ciel lui tombe sur la tête, mais il ne peut pas s'empêcher de commenter les événements avec un sens de la dérision et un humour noir à la limite du tordant. A l'inverse les chapitres du "mystérieux personnage"  recèlent une poésie sensible, mélancolique et à la fois pleine d'espoir.

    "J'étais le Prince du Désespoir, enveloppé du manteau des ennuis. Et je resterais plongé dans un profond sommeil tant qu'un crapaud de la taille d'une Volkswagen Golf ne serait pas venu me donner un baiser."

    "Il est une tristesse si profonde qu'elle ne peut pas même prendre la forme des larmes."

    Etrange, déroutant, poétique et drôle, un roman à ne pas laisser passer.

    Haruki Murakami, La fin des temps, Points Seuil, 2001.

    La souveraine par contre m'a laissée souverainement indifférente, n'en déplaise à M. Hubert Nyssen. L'écriture est belle, c'est certain, mais je n'ai pas réussi à m'intéresser réellement aux attermoiements sentimentaux de ce jeune immigré russe qui découvre l'amour dans les bras d'une jeune femme d'une classe sociale plus élevée que la sienne et qui du coup ne voit plus le monde comme avant. Je vais quand même relire L'accompagnatrice qui m'avait laissé un bon souvenir avant de condamner en bloc une Nina Berberova qui ne m'a rien fait!

    Ps: la couverture ne correspond pas à l'édition dans laquelle j'ai lu ce roman, ne m'en veuillez pas.

    Nina Berberova, La souveraine,  Actes sud Babel (2e éd.), 2004, 130 p.

  • Moeurs quand tu nous tiens

    Deux jeunes filles bien nées devraient suivre une voie toute tracée, entre œuvres de charité, broderie au point et messe. Pour l’honneur de leur famille et la France. Sauf que les deux jeunes filles en question vivent dans une France qui, entre 1964 et 1989, change radicalement de visage. Laurence Deflassieux dévoile ces transformations par le mauvais côté de la paire de jumelles, si vous voyer ce que je veux dire.
    Humour, situations improbables et hilarante, personnages savoureux, font de ce bouquin un très bon moment de détente, d’autant que s’y ajoutent méchancetés en tout genre, cynisme par endroit et une certaine tendresse pour un monde qui est aussi celui de l’auteur.
     
    « Non seulement Jésus était le Fils de Dieu, mais il était d’excellente famille du côté de sa mère. » Mgr Hyacinthe Louis de Quelen, archevêque de Paris (1821-1839)
     
     Laurence Deflassieux, D'excellente famille, Paris: Seuil, 2004. 272p.
     
    Un texte magnifique sur la famille, l’absence, l’amour et la tolérance. Jonas est né un an après le décès de son frère Paul. A l’adolescence, il va partir à la découverte de ce fantôme dont l’ombre a pesé sur toute sa vie. D’indices en indices, de révélations en révélations, il va découvrir un Paul que ses parents ne connaissent pas.
    Le texte mêle le récit à la première personne que Jonas fait de l’enquête qu’il mène sur son frère et extraits du journal intime de Paul. A travers le cheminement de Jonas, c’est une réflexion sur l’homosexualité d’une grande intelligence et d’une grande pudeur qui est menée, servie par une écriture concise et limpide. Un vrai plaisir
     
    Hakan Lindquist, Mon frère et son frère, Paris: Gaïa, 2002. 221 p. Trad. Anne Ruchaud