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Jouer à mort
Ce court roman du prix Nobel de littérature japonais dont j’abordais pour la première fois l’œuvre, m’a transporté dans un monde que je ne connaissais guère que par le manga Hikaru no Go. Il n’y règne bien évidemment pas la même atmosphère. Rien de léger, ou de drôle n’entache la tension qui parcourt ces 158 pages.L’histoire est très simple : un vieux maître de Go, Maître Shusai met une dernière fois son titre en jeu et affronte au cours d’un tournoi de trois mois un autre joueur de haut niveau, bien plus jeune, Otaké. Il décède peu de temps après ce tournoi qui voit sa défaite.Je ne révèle rien de bien important, puisque cette défaite est connue dès le début du roman. Ce n’est pas cette défaite qui est importante, mais le déroulement de la partie de Go, l’attitude des deux joueurs, à défaut de leurs sentiments.C’est un roman qui me laisse un sentiment étrange. A mon sens, c’est le combat entre tradition et modernité qui en est le thème principal. La défaite du vieux contre le jeune, du nouveau Go contre l’ancien reflète les évolutions d’un Japon qui va entrer dans la Seconde guerre mondiale et changer radicalement. Deux esprits, deux manières de vivre s’affrontent sur un damier.J’avoue avoir rapidement perdu pied dans les explications techniques et la succession des coups. Mais cela n’enlève rien au fait que la description de ce jeu et de la manière de le vivre est assez fascinante. Car il ne s’agit pas de simplement jouer. Les professionnels du Go sont habités par leur discipline, au point de se laisser dévorer par elle et de finalement en mourir. Par ce côté, Kawabata met aussi face à face Orient et Occident quand le narrateur joue une partie contre un Américain : « Toute question de science mise à part, je ne sentais pas de réaction, pas de tonus, pas d’esprit de résistance. […] L’esprit du Go faisait défaut. […] Chez les Orientaux, le jeu dépasse le jeu, le conflit de forces, pour devenir un art et une discipline empreints d’un certain mystère, d’une sorte de noblesse. » Chez les Occidentaux, il reste un simple jeu.J’ai aimé, mais sans passion. Il ne s’agit sans doute pas du meilleur roman pour aborder l’œuvre de ce romancier. Sentiments à confirmer par une autre lecture donc. Comme on dit, la suite au prochain épisode !Yasunari Kawabata, Le maître ou le tournoi de Go, Le Livre de Poche, coll. Biblio, 1e éd. Française Albin Michel 1975, 158 p. -
Sensualité
Non, non, pas celle de la chanson de la rouquine dont j'ai oublié le nom. Celle qui irrigue le magnifique film que je viens de voir. 2h48 qui laissent dans un état proche de la béatitude. La jeune lady Chatterley se trouve pourvue après la Première Guerre Mondiale d'un mari noble, riche, infirme et impuissant. Transgressant toutes les règles de sa classe, elle va s'éprendre du garde-chasse de la propriété et vivre avec lui une histoire passionnelle, pure et folle.
Les acteurs sont tout simplement époustouflants. Marina Hands qui incarne lady Chatterley est lumineuse,toute en innocence et en naïveté, follement vivante. Jean-Louis Coulloc'h cache sous la carapace de l'homme des bois un coeur amoureux, tendre et entier, et sous sa chemise un grain de peau qui accroche la lumière de manière époustouflante. Après le long hiver des sens, la jeune femme s'éveille à la vie, à une sexualité épanouie en même temps que la nature s'éveille au printemps. C'est cru et c'est incroyablement beau tant la caméra se fait oublier et magnifie leur histoire et la nature qui les entoure. La caméra s'attarde longuement sur les fleurs, les arbres, l'herbe folle, et il vient au spectateur l'envie folle de parcourir lui aussi ces sentiers. C'est un hymne sublime à l'amour libre et indomptable dont une scène me restera à l'esprit: deux amants fous courant nus sous la pluie, le rire aux lèvres et l'amour au coeur et au corps.
Pour l'anecdote, il pleuvait à verse quand je suis sortie de la salle. J'ai regretté de ne pas pouvoir faire la même chose (bon, il m'aurait fallu un amoureux aussi, mais on ne va pas chipoter).
Lady Chatterley, réalisé par Pascale Ferran, 2006. Adapté du roman de DH Lawrence (deuxième version).
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Et là, c'est le drame...
Aujourd'hui, j'ai trouvé une excellente raison de faire un tour en librairie. Ben oui, c'est la Fête du livre! Me voilà donc partie en direction d'une librarie indépendante, motivée à bloc par Flo. Et évidemment je n'en suis pas ressortie les mains vides (meuhhh non, ah ben si, j'ai ma carte bleue, tant pis pour elle)! Mais le pire, ce n'était pas la librairie! Il y avait à 250 m de chez moi la Fête du livre jeunesse, avec tout plein d'auteurs! Et dans mon panier, j'ai ramené des exemplaires dédicacés de Fabrice Colin (Le réveil des Dieux), Lionel Le Neouanic (Graine de sorcière, j'adore), Katy Couprie et Antonin Louchard (Tout un Louvre), Dominique Kopp et Pierre Mornet (Le kimono blanc). J'ai du me faire violence pour ne pas dégainer ma malheureuse CB tous les 2 m.! Ce soir, mon portefeuille a mal... Mais mon coeur est content!
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Melting-pot cinématographique
Quelques nouvelles du front cinématographique! C'est que je n'ai pas chômé non plus, même si je ne vais certainement pas chroniquer l'intégralité de mon activité de ce domaine (c'est que je tiens à ma relation intense et passionnée avec mon oreiller)!
En fait, j'ai surtout continué ma découverte des grands classiques du cinéma américain de l'après-guerre. Et quel bonheur!
Sabrina (Billy Wilder, 1955), avec l'inestimable Audrey Hepburn est un pur moment de bonheur. La fille du chauffeur fait tourner la tête des deux fils de la famille. En plus, il y a à l'écran la magnifique gueule de Humphrey Bogart. L'histoire est cousue de fil blanc, romantique à souhait, mais cela ne m'a pas empêché de sourire béatement tout le long du film et d'y prendre un vif plaisir.
Même verdict pour Vacances romaines (William Wyler, 1953). Là, il y a toujours Audrey Hepburn à qui je voue une admiration sans faille, et pour l'apéritif, Gregory Peck et son sourire craquant. Le postulat de départ est totalement improbable: une princesse fugue pour découvrir la vraie vie le temps d'une journée et se retrouve guidée par un journaliste sans scrupules qui finalement, a des scrupules (ahhh, Cupidon). Les gags pleuvent en finesse et sans finesse avec constance. On se demande si la comédie contemporaine a réussi à faire mieux. Sans doute, mais je suis encore sous le charme et peu encline à la bonne foi!
Par contre, véritable déception avec Les contes de Terremer de Miyasaki fils (2007). Grande admiratrice du père devant l'Eternel et toujours méfiante devant les critiques, j'ai fini par décider à me faire mon idée... Le graphisme rappelle fortement Princesse Mononoké et Nausicaa. Il y a certes la "patte" Ghibli, mais même son père est parvenu à s'en détacher un peu, alors pourquoi pas lui alors qu'il était attendu au tournant et le savait! On peut y ajouter des ellipses dans l'adaptation du roman d'Ursula LeGuin qui rendent le scénario bancal et finalement peu compréhensible. L'amateur de fantasy, même s'il n'a pas lu le roman éponyme peut s'y retrouver, mais c'est tout de même dommage. Bref, un fiasco qui me laisse un goût amer.
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Loup y es-tu?
Au hasard de mes balades en librairie, j'ai mis la main sur un de ces pratiques petits Folio à deux euros. Le bonheur à trimballer dans un sac. Non pas que j'ai quoi que ce soit contre les pavés, mais mon épaule gauche a menacé de faire grève. Dont acte! Et puis cela m'a permis de découvrir ce recueil de courtes nouvelles d'un auteur aujourd'hui quasi oublié, s'il faut en croire la préface.
Le moins qu'on puisse dire c'est que Renée Vivien est un personnage intéressant: cette anglaise installée à Paris appartient au Paris cosmopolite de la Belle Epoque. Son surnom de Sapho 1900 est suffisament explicite sur son choix de vie. Anorexie, alcool et drogue, homosexualité affirmée, font de sa vie un scandale permanent pour son époque. Un site lui est consacré dont je donne le lien pour ceux qui voudraient en savoir plus: http://www.reneevivien.com/vie.html. On y trouve en plus son oeuvre poétique complète (là, je trépigne).
La dame à la louve, recueil dantant de 1904 semble être caractéristique du regard qu'elle porte sur les relations amoureuses, le relations homme/femme, et surtout la gent masculine. Son regard est extrément acide. Au point que j'en suis restée les yeux ronds! Un exemple? J'ai l'amour de la netteté et de la fraîcheur, continua-t-elle en un rire léger. Or, la vulgarité de l'homme m'éloigne ainsi qu'un relent d'ail, et leur malpropreté me rebute à l'égal des bouffées d'égoûts. L'homme, insista-t-elle, n'est véritablement chez lui que dans une maison de tolérance. Car il retrouve en elle sa rapacité, son inintelligence sentimentale, sa cruauté stupide." Le tout dans les premières pages de la première nouvelle. Toutes mettent d'ailleurs en scène des femmes fortes, pures, délicates et loyales face à des hommes dont les principales caractéristiques sont la stupidité, la faiblesse et un désir de possession qui cause le malheur. Pour autant, son regard sur le sexe féminin est loin d'être naïf. Aucune de ses héroïnes n'est innocente. Chacune des nouvelles est cruelle, fantstique, fourmille de références religieuses, littéraires, historiques. Martine Reid qui a établit cette édition les qualifie de "fin de siècle". On peut difficilement dire mieux!
En tout cas si toutes ne m'ont pas plu à égalité, ce fut une découverte agréable et parfois enthousiasmante. Pour la modique somme de deux euro, il serait idiot de bouder son plaisir!
Renée Vivien, La Dame à la louve, Folio, coll. Femmes de lettres, 2007, 141 p.