Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

SFFF - Page 19

  • Sans parler du chien... Et du chat... Et de la potiche...

    a9a651fa81cd4cbef173f80c07ecadc5.jpg

     

    Un chat victorien, des essuie-plumes, une potiche, un canot, un professeur amphibie, quelques poissons de collections, des esprits, des bombes incendiaires, tels sont les moyens qu’emploie le continuum pour tenter de redresser la mystérieuse anomalie qui pourrait bien provoquer la fin de l’humanité. Mais est-ce bien la faute de miss Kindle qui a ramené au 21e siècle un chat victorien ? L’intervention de Ned Henry, passablement déphasé par ses sauts en série dans le passé va-t-elle réellement permettre de trouver une solution au problème ? Sans parler du chien… Et de l’obsession de lady Schrapnell pour la cathédrale de Coventry et l’introuvable potiche de l’évêque !

     

    Et bien, voilà un roman qui vaut son pesant de cacahuètes et qui a bien mérité les nombreux prix qui l’ont récompensé ! Connie Willis utilise avec brio le voyage dans le temps pour construire une intrigue foisonnante et drolatique. Rendant un hommage avoué à la littérature anglaise, elle s’amuse à utiliser tous les clichés littéraires et historiques possibles et imaginables pour perdre aussi bien ses personnages que ses lecteurs ! Imaginez donc un instant un voyageur dans le temps complètement épuisé, rendu lyrique par le déphasage induit par les sauts, et perdu dans une Angleterre victorienne dont il ne connaît pas le début des conventions. Continuez avec une historienne trempée et fermement décidée à protéger un chat mangeur de poissons de collection ! L’un adore Trois hommes dans un bateau, l’autre se passionne pour les romans policiers des années 30. Ajoutez encore un professeur d’Oxford excentrique noyé par un collègue suite à une dispute sur les forces qui dirigent l’histoire. Un chien qui grimpe aux arbres. Un majordome lecteur. Une jeune fille totalement écervelée. Une matrone fascinée par le spiritisme. Un chien prénommé Cyril. Secouez bien le tout, soupoudrez de quelques personnages secondaires tout aussi farfelus et vous obtiendrez Sans parler du chien ! Ou comment un minuscule détail peut définitivement faire basculer l’histoire de l’humanité. Vous vous demandiez pourquoi Waterloo ? Et bien vous obtiendrez moult réponses ! Pourquoi la cathédrale de Coventry dû brûler ? Là encore, vous aurez la solution !

    Maîtrisé de bout en bout, ce roman est un petit bijou d’humour anglais jouant sur le décalage entre des voyageurs dans le temps complètement dépassés par les événements et une bonne société victorienne embourbée dans les kermesses, les sels et les séances de spiritisme !.

     

    L'avis de Fashion que je remercie pour le prêt!  

    Connie Willis, Sans parler du chien, J’ai Lu, 2003, 573 p.

  • Clapotis? Roulis? Tringlis? Groulis?

     

    Après les catastrophes et les morts qui ont marqué la fin de l’Age sombre, le monde s’est relevé de ses cendres. La forêt d’Iscambe, immense, luxuriante, mystérieuse, terrifiante couvre la plus grande partie de la France. C’est en son sein que se trouvent les mystères de l’ancienne civilisation, les secrets de la mort de masse comme ceux de la pensée. Pourtant, en parcourant ses routes et ses sentiers, c’est en eux-mêmes que ceux qui auront osé y entrer trouveront la vérité.

     

    Un roman ? Non, un chef-d’œuvre, mon coup de cœur de l’année, un livre que j’ai acheté après l’avoir emprunté en bibliothèque, refusant de laisser partir au loin ce miracle. Et je n’exagère pas. La forêt d’Iscambe fait partie de ces livres rares qui vous hantent une fois la dernière page tournée. Christian Charrière a crée en 400 pages un univers complet, chatoyant, passionnant : des humains aux insectes géants qui peuplent son récit, des ogres aux elfes, des arbres vivants aux poussiéreux bureaucrates et aux déités nouvelles, le lecteur va de surprises en surprises. On déteste certains personnages, on sourit devant les ridicules d’autres, on retient son souffle quand ceux auxquels on s’est attaché sont en danger. On reste fasciné aussi par cette langue d’une incroyable richesse. Dense, inventive, luxuriante autant que la forêt qu’elle décrit, la plume de l’écrivain est un enchantement renouvelé à chaque ligne. Elle fait littéralement vivre la jungle et ses habitants : couleurs, odeurs, mouvements, lumière sont autour du lecteur. La nature, la forêt est le personnage principal de cette histoire, et aucun mot ne permet de l’oublier. D’ailleurs, si les animaux pensant et parlant sont légion dans la littérature enfantine comme adulte, Charrière utilise à bon escient et avec une certaine originalité des insectes qui ne sont pas parmi les plus appréciés ! Pensez donc ! Des termites ! D’horribles et abominables, d’intelligentes et attachantes termites ! Des fourmis aussi ! Belliqueuses comme l’humain, en proie aux doutes, au conformisme, à l’amour…

     

    Et ce n’est pas tout. Partout sous l’aventure, le danger, la guerre pointe la philosophie. La forêt d’Iscambe est une quête. Celle des laineux fuyant la dictature bureaucratique pour réunir enfin l’homme avec lui-même. Celle d’It’van pour comprendre ce qui le pousse à aller vers la forêt et ses dangers. Finalement, Iscambe est une métaphore de la nature humaine : ce lieu où se côtoient les instincts les plus nobles avec les pensées les plus viles, les pulsions animales ave ce que la réflexion peut apporter de plus beau. Ce lieu qu’il ne fait pas abattre, détruire, refuser, mais accepter pour enfin vivre en harmonie avec soi-même et avec le monde. J’ai sans doute l’air un brin exaltée, mais l’humanisme de Christian Charrière m’a littéralement transportée. S’il n’évite pas quelques poncifs, quelques longueurs, l’intelligence de son propos, l’acuité de sa vision de l’humain, son humour aussi et sa profonde tendresse pour le monde font de lui un écrivain majeur, un de ceux qui embellissent le monde. D’ailleurs, je ne voudrais pas oublier ce qui fait de cette lecture un réel plaisir ! Le propos est grave sans doute, mais l’humour omniprésent le compense amplement : on va d’un roi termite atrocement complexé par un Œdipe non résolu à une reine des fourmis qui faute de trouver l’amour fait la guerre en passant par quelques guerriers hauts en couleur, un marmouset qui ferraille ferme de la lime à ongle, un maître fâché avec le savon, le culte du super, de l’essence et de la déesse Shell, et des répliques à l’acidité réjouissante !

     

    Le Cafard Cosmique donne son avis.  

     

     

    La forêt d’Iscambe a été réédité chez Point fantasy.



    Christian Charrière, La forêt d’Iscambe, Phébus Libretto, 1999, 403 p.

  • Avant l'hiver, Architectonique des clartés

    Vous l’aurez peut-être remarqué si vous fréquentez ce terrier depuis un certain temps, ou si vous avez croisé ma route : j’ai une marotte. On pourrait presque dire un auteur chouchou si la créatrice de ce label veut bien me passer cet emprunt expliquant en partie mon attitude proprement hystérique dès que j’entends parler de la sortie d’un nouvel opus. Le nom de la marotte ? J’y viens !

     

    Il est des livres, des plumes dans lesquelles le lecteur se noie, d’immerge, se perd à en oublier le monde autour de lui. C’est l’effet que me font les œuvres de la Tisseuse : chaque mot, chaque ligne m’enferme un peu plus dans la trame. Je ralentis, je biaise, espérant faire durer un peu plus le plaisir, je cède à l’envie de lire encore et encore, je tourne et retourne le livre, le caressant, le feuilletant… Et je le referme avec une grimace en pensant au temps qu’il faudra avant de découvrir d’autres aspects du monde de Vertigen. Pour moi Léa Silhol, puisque c’est d’elle qu’il s’agit est une magicienne. Par elle me viennent le souffle de Féerie, la froideur des flocons d’un hiver non naturel d’être tellement vrai, la passion de la nuit la plus profonde.

     





    Avec Avant l’hiver, elle offre un recueil de nouvelles à la construction éblouissante. Quatre actes pour de multiples aspects du monde des fays et de son histoire. Au fil des pages, la voix de Kelis, le barde chargé par les siens de raconter les temps anciens, donne à entendre la vie des Cours et des monarques de Féerie : les amours interdites, les trahisons, les guerres, mais aussi les comptines, les pactes avec les mortels et les dieux. Des réponses sont données, de nouvelles questions posées. On voit en tout cas se dessiner de plus en plus l’architecture de Vertigen.

    Toutes les nouvelles du recueil ne sont  pas inconnues du lecteur assidu : certaines appartenaient à d’autres recueils, d’autres avaient été publiées dans des revues diverses. En tout cas, elles sont réunies avec un talent, une tension qui laissent pantois.

    On retrouve au fil des pages les personnages qui nous étaient devenus chers dans La Sève et le Givre et La Glace et la Nuit : Angharad et Finstern, Kelis lui-même, et des personnages que l’on pouvait juger secondaires et qui acquièrent épaisseur et vie avec les nouvelles qui leurs sont consacrées. On retrouve des événements évoqués, des objets, des lieux. Mais surtout, on rencontre Dana, Anaa, et on assiste à la création de Féerie, ou plutôt à la transformation de Féerie. Et c’est passionnant.

    De plus, les textes sont accompagnés de magnifiques photographies, la maquette élaborée, bref, tout concourt au plaisir de lecture.

     

    Une fois de plus Léa Silhol joue de sa plume et de son talent pour enchanter ses lecteurs. Ceux qui sont d’ors et déjà tombés sans ses filets retrouveront avec un bonheur sans faille son univers, ceux qui voudront l’approcher en picorant le pourront aussi.

     

    L'article magnifique de Psycheinhell.  Une interview de l'auteur sur le site des Moutons électriques.

    Léa Silhol, Avant l'hiver, Les moutons électriques, 2008, 349 p. 

     

     

  • Ouvre-toi!!!!


    Ouvre-toi !


    Je vais commencer par un mea-culpa : j’ai tardé dans ma lecture, avancé à petits pas, ce qui est bien mal remercier Magali Duez qui dans son infinie bonté m’a envoyé l’anthologie Ouvre-toi ! Le pire dans tout cela, ce n’est pas que mon allure d’escargot est due au fait que je n’aurais pas aimé !! Non, loin de là et bien au contraire ! Démonstration !

     

    A ma droite, seize nouvelles qui parlent de portes ! Portes en pierre, portes en bois, portes de l’esprit, portes de la perception, portes de l’hallucination, portes du monde des dieux, portes… Bref, de portes ! A ma gauche seize auteurs talentueux ! Résultat du combat, une anthologie de très bonne tenue !

    Je trouve déjà le thème de départ intéressant : j’ai lu et vu des anthologies sur les fées, sur la nature, sur des créatures diverses et variées, de fantasy urbaine, de fantastique entre autre. Mais partir de ce « Ouvre-toi » qui renvoie aux Mille et une Nuit, à des crises de nerf devant des portes ou des objets réfractaires m’a surprise et enchantée ! Je partais donc avec un a priori positif !


    D’ailleurs, la première nouvelle, Réhabilitation de Nathalie Salvi m’a confortée : une belle histoire qui m’a rappelé dans le fond le propos de Pennac. Ce n’est pas les enfants qui n’aiment pas lire, mais leur entourage qui, en voulant bien faire ou en ne faisant pas, les coupe de l’objet qui devient ennemi, et d’un contenu qui n’est plus accessible. Seulement, là où Pennac utilise les armes de l’humour, Nathalie Salvi offre un récit tout en douceur qui ressemble à un conte. Un livre qui s’ouvre et c’est le monde qui s’illumine.

     

    « L’enfant avait été frappé par une évidence ; la lecture n’est pas un totem, mais une paire d’ailes, une soucoupe volante, une machine à explorer le temps… »

     

    Deuxième nouvelle, deuxième bonheur : Nathalie Dau et Le goût du miel. D’accord j’aime particulièrement le miel et les usages que l’on peut en faire en cuisine ou sur une tartine ! Mais ce n’est pas seulement pour cela que j’ai été séduite par ce personnage d’apiculteur bougon et malheureux qui va être contraint de s’ouvrir au monde et à l’amour par la grâce d’une petite fée mutine à la robe verte ! Une histoire originale, des personnages peu ordinaires, et la preuve qu’il faut parfois un sacré choc pour accepter d’être touché par les personnes qui nous entourent.

     

    Voyons voir… Partie comme je le suis, je ne vais pas pouvoir m’empêcher de papoter sur chacune des nouvelles ! Tant pis pour vous ! Les plus impatients n’auront qu’à aller directement à la conclusion !

     
    Troisième nouvelle, Antoine Lencou et Ah, la porte, ou un monde où les humains sont servis par des objets parlants et pensants. Enfin, servis… Surveillés plutôt ! Rien de très original dans le principe, mais un récit percutant qui fait froid dans le dos ! Finalement, trop de confort tue le confort !

    Loïc Henry, Les graines perdues : un très beau texte sur l’importance de la diversité des langues, ces petites graines qui nous rendent différents les uns des autres et qui font la diversité de l’humanité plus que la couleur de la peau. Et sur la bêtise humaine qui en cherchant l’efficacité détruit la beauté.

     Li-Cam, La petite fille au cœur de marbre : un texte sur l’autisme vécu de l’intérieur et de l’extérieur. Je n’ai malheureusement pas réussi à entrer complètement dans cette nouvelle que j’ai trouvée simplement intéressante. D’autres l’ont trouvée bouleversante, et elle a de plus le mérite de parler de manière différente de cette maladie.

     Saholy Gonga, Les larmes rouges : une des nouvelles que je n’ai pas apprécié, mêlant esclavage moderne et fantastique d’une manière brouillonne. Pour moi, un texte incompréhensible à l’ambiance malsaine. Dommage parce que le sujet de l’esclavage moderne et de l’hypocrisie de nos démocraties et de nos sociétés méritait qu’on s’y arrête !

     Heureusement, après le malaise, l’humour. Noir, certes, mais l’humour ! Don Lorenjy m’a littéralement fait mourir de rire avec son Suzanne on line ! Où ce qu’il arrive quand une croyante pure et dure se trouve connectée directement avec Dieu ! Grinçant, drolatique avec une chute pour le moins surprenante, cette nouvelle est un petit bijou !

     Après le déjanté, le classique ! Nicolas Cluzeau offre avec Tsuyan une histoire de facture familière à qui connaît un peu la fantasy : une quête, des dieux, etc. Mais avec un très beau personnage, des paysages à couper le souffle et le cadre d’une société que l’on connaît finalement assez peu.

     Avec L’apocalypse selon Huxley du à la plume de Jérôme Noirez, le contraste est fort ! C’est une autre des nouvelles que je n’ai pas appréciée ! J’aime bien cet auteur, mais son histoire de junkis perdus sur les routes de l’Amérique m’a laissée complètement froide. Il faut dire que le même sujet traité par Kerouac ou Harrisson n’était déjà pas parvenu à m’arracher plus que la volonté de venir à bout de classiques !

    Miroitements de Michaël Fontayne m’a moins ennuyée, mais ne m’a pas plus accrochée !

    A l’inverse de Jassîm Ibn Menollah victime des statistiques de Timothée Rey qui m’a arraché des hurlements de rire ! Cette variation sur Ali Baba et les quarante voleurs est une petite merveille de dérision et d’humour ! Une de mes préférées.

     La nouvelle qui suit, Cinq fois de Fred Le Berre est totalement différente, mais restera également dans mes annales de lectrice ! Une magnifique histoire d’amour servie par une plume fine et sensible ! J’ai adoré !

    L’autre de Livia Galeazzi m’a également beaucoup touchée. Parce que la tension s’instille progressivement, que l’ambiguïté est forte entre le bien et le mal et que la vision de ce qui pourrait advenir avec les manipulations du vivant est malheureusement réaliste.

    Heureusement, Logique d’ensemble d’Anthelme Hauchecorne vient à point nommé pour alléger l’ambiance ! Cette histoire de gremlin et de pilote de l’armée de l’air américain est savoureuse et vraiment très drôle ! En tout cas, c’est le genre d’humour que je goûte fort !

    Le temps de l’exil de Marie-Lé Camille est de facture plus classique mais le thème écologique et la manière dont il est traité est porteur et touchant.

    Le recueil se clôt sur Dans le noir de Chloé George, élève de terminale S qui fait preuve d’un talent prometteur ! Son texte est tout simplement magnifique !

     

    Magali Duez a donc réuni des textes très divers, certains ancrés dans le réel, d’autres relevant de la fantasy dans son acceptation large (heroic-fantasy, fantasy urbaine,…), d’autres de la science-fiction, d’autres du fantastique. L’avantage est sans nul doute que chacun y trouve son compte et que des lecteurs ne connaissant pas ces genres puisse y trouver une manière d’y entrer en douceur. Après, il est évident que selon les goûts, certaines nouvelles plaisent plus ou moins !

    A noter aussi que l’anthologie en elle-même est un bel objet : la couverture de Maeva Pierre est superbe, la typographie et la présentation des textes agréable, les notes et notices biographiques des auteurs pleines d’humour !

    Une chose est certaine, cette anthologie est une belle réussite ! Et je vais aller voir d’un peu plus près le catalogue de cette jeune et prometteuse maison d’édition !

     

    A noter que Nathalie Dau a reçu le prix Imaginales 2008 pour son recueil Contes myalgiques publié par Griffe d’encre !

     

    Pour prolonger le plaisir, les avis de Flo, de Chimère entre autre!

    Le site des éditions!  

     
    Ouvre-toi, anthologie dirigée par Magali Duez, Griffe d'encre, 2007, 265 p.

  • Baisers de sang




    Le vampire… Grand, maigre, pâle, ténébreux,  beau et vénéneux qu’il soit homme ou femme. Le monde de la nuit et toutes ses transgressions est incarné dans ces créatures sulfureuses, dangereuses que sont les vampires.

    Pourquoi ? Comment ? Alain Pozzuoli commence par l’expliquer dans la passionnante introduction de son anthologie avant de faire entrer le lecteur dans le vif du sujet à travers des textes classiques comme contemporains. Rien de moins que Joseph Sheridan Le Fanu, Eric Von Stenbock, Boris Vian, Francis Lalanne, Jean-Paul Bourre, Gudule, Jeanne Faivre d’Arcier, Robert de Laroche, Serena Gentilhomme, Lawrence Schimel, Tony Mark, Amelia G., Raven Kaldera, Jean-François Patricola, Didier Rouge-Héron, Gautier Map, Sire Cedric, Bernard Jurth, Roland Fuentes et Daniel Walther.

     

    Reprenons. Parler de vampirisme serait donc parler d’érotisme, de sexualité, ne serait-ce que parce que le vampire séduit avant de tuer, ou de transformer et exerce une fascination étrange sur ses proies, entre attirance et répulsion.

     

    Selon Alain Pozzuoli, le premier texte de vampire à connotation érotique et sexuelle est La morte amoureuse de Théophile Gautier où une belle vampire tente de séduire un jeune novice à la veille de prononcer ses vœux. Suit le Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu (1871) où les plaisirs inspirés à l’héroïne Laura par Carmilla sont évoqués ainsi que L’histoire vraie d’un vampire d’Eric von Stenbock, variation masculine de Carmilla. Vient enfin le Dracula de Bram Stoker.

    Mais le passage à un érotisme ouvert et assumé devra attendre les années 1950 et la libération sexuelle. A ce titre, Drencula, extraits du journal de David Benson offert aux foules par Boris Vian est significatif : un avoué en visite dans le château de son client se fait vampiriser par une étrange créature hermaphrodite qui l’envoie au septième ciel (ou huitième cercle de l’enfer si l’on préfère) avant de le dévorer.

    Depuis lors, littérature et cinéma se sont emparés du thème du vampire, donnant le pire, comme le meilleur. 

    Que l’on adhère ou pas, c’est ce qu’il estime être le meilleur qu’offre Alain Pozzuoli à ses lecteurs. Je n’ai pas été déçue du voyage. Découvrir des extraits des textes classiques m’a donné envie de lire les versions intégrales. Quand aux nouvelles ultérieures, elles mettent en scène les situations les plus diverses. Comment devient-t-on vampire ? Comment survit un vampire ? 20 auteurs, 20 réponses.

    On croise aux détours des pages des hermaphrodites, des vampires vengeurs, des écrivains vampirisés par leur inspiration, des prostitués, des vieilles femmes malveillantes, d’anciens espions soviétiques, Théophile Gautier et bien d’autres. On frémit, on sourit, on grimace, mais il est difficile de rester indifférent devant la force souvent sulfureuse et la violence de certains textes, le plus souvent prétexte à dénoncer un monde dans lequel la violence, la transgression individuelle sont les seules réponses possibles à la médiocrité et à la violence des sociétés.

     

    Parmi mes textes préférés dans cette anthologie

    -Drencula par Boris Vian : ou comment un avoué découvre les plaisirs des sens avec une drôle de créature. La naïveté du héros et la plume explicite de Boris Vian en font un monument !

    - Parlez-moi d’amour par Gudule : à vampire, vampire et demi. C’est ce que découvre une jeune femme en pleine dépression amoureuse quand elle se réfugie dans la maison d’hôtes d’une adorable et étrange vieille dame. Pas de sang mais un vampirisme intellectuel et mental dont le résultat surprenant donne un texte tout en nuances et en douceur.

    - Champagne, brute ! par Robert de Laroche : car les vampires ont autant besoin d’amitié que de sang.

    - Dans le tombeau de la comtesse Dolingen de Gratz par Tony Mark : pour la variation sur l’histoire de Jonathan et Mina, les personnages de Bram Stoker.

    - Le beau Gregorio par Didier Rouge-Héron : parce que les vampires sévissent aussi dans de petits villages reculés et ne comptent pas leurs victimes. Un texte où la tension s’insinue progressivement et où le vampire ne fait finalement qu’utiliser une propension humaine à la bassesse et à la violence amplifiée par la petite taille du microcosme humain qu’est un village isolé.

    - Désir par Amélia G. : juste parce que c’est beau les ailes.

    - Muse par Sire Cédric : pour son questionnement sur l’inspiration, la passion amoureuse et sexuelle et la transgression.

     

    Bien sûr, les vampires ne sont pas qu’érotisme. L’article de Jacques Finné dans Fantastique, fantasy, science-fiction, Mondes imaginaires, étranges réalités est à cet égard extrêmement instructif. Il présente le vampire comme la poursuite de deux modes littéraires (le vilain gothique et le ténébreux romantique) et la fusion des trois thèmes les plus riches de la littérature mondiale : le Hollandais volant ou une vie éternelle qui apporte lassitude et détresse, le Don Juan dont l’anthologie qui est le thème principal de cet article donne quelques exemples, et Faust ou la soif de connaissances et le désir de prolonger la jeunesse.  

    En tout cas, me voilà avec l'envie de plonger plus avant dans l'univers vampirique!