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SFFF - Page 22

  • Tenir le déséquilibre

    Au rang de mes lectures de cette semaine de vacances ma foi fort productive, L'équilibre des paradoxes de Michel Pagel. Une lecture très agréable. Et je ne suis pas de parti pris du tout, même si j'aime M. Pagel ne serait-ce que parce qu'il traduit Neil Gaiman.

    Une bande d'aventuriers de tous poils et de voyageurs du temps non volontaires se trouvent aux prises avec un paquet d'emmerdements et de paradoxes temporels. Parviendront-ils à sauver le monde?

    En tout cas, il essaient très fort tout au long des 434 p. Michel Pagel ne s'encombre certe pas de vraisemblance (de toute manière, ce genre d'accessoire ne sert à rien) et fait intervenir des bourgeois, un Hun et quelques sarrasins, des vendeurs d'esclaves, des humains génétiquement modifiés, des pirates, des mères maquerelles et quelques voitures et autres moyens de locomotion, une hippie très enfumée et une cyborgue. Avec tout ça, pas le temps de s'ennuyer. D'autant que le tout ne manque pas d'humour. J'ai aimé le fait que Pagel utilise une page d'histoire assez peu connue et la succession de journaux intimes, mémoires et autres de quatre des personnages principaux qui donne un récit vivant et enlevé. Le choc des époques ne manque pas de saveur. Ce n'est pas du K. Dick, mais on tremble, on rit, on larmoie un peu. On sent que Pagel s'est amusé à l'écrire et à changer de manière d'écrire à tous les chapitres. C'est un peu de la SF, un peu steampunk, un peu du Dumas matiné de Féval. Sympatique. Et en plus il y a une nouvelle gratuite!

    Mention spéciale à Romaric et à son vocabulaire, à Adriana et son instinct meurtrier, et surtout,  surtout, à Sophie et ses petites pilules.

    Cuné a aimé, Chimère aussi

    Michel Pagtel, L'équilibre des paradoxes, Denoël, coll. Lunes d'encre, 2004, 434 p.

  • Aquaforte, d'art et de mystère

    Alors ça, pour un roman bizarre, c'est un roman bizarre. La quatrième de couverture averti le malheureux lecteur, mais quand on se trouve pris dans les rets de ces pages, ce n'est pas une consolation! Un peu comme si Dante disait "Je vous l'avais bien dit" à celui qui aurait passé les portes (je ne me trompe pas d'auteur au moins!?)!

     Gwynn le mercenaire et Raule le médecin sont les soldats damnés d'une révolution perdue. En fuite, pourchassés, ils vont aller trouver refuge à Escorionte, cité sombre et décadente.

     

     

     

    Aucun des deux personnages principaux n'est sympathique. Gwynn a l'attraction du tueur dandy, du mauvais garçon. Cynisme, absence totale de morale autre que celle de sa propre survie. Il travaille d'ailleurs comme homme de main d'un vendeur de chair humaine sans aucun scrupule. "Le colonel et lui ne partageaient ni lien de sang ni camaraderie de combat. ils n'avaient rien en commun sinon une sauvagerie aussi prononcée que celle d'un cannibale". Raule, elle, n'est en rien plus agréable. Le médecin qui soigne les pauvres ne le fait guère par amour de son prochain. "Après tout un comportement civilisé ne requiert pas de compassion en soi, mais seulement l'aptitude à observer des règles compatissantes." Elle n'hésite guère d'ailleurs à utiliser son bistouri pour faire autre chose que soigner.

    Et pourtant, on s'attache à eux. Plus qu'à d'autres héros de fantasy, car moins lisses, plus humains avec leurs failles, leurs compromis, leurs vilénies.

    L'atmosphère que dégage le roman est étrange. Gwynn et Raule évoluent dans une cité étrange, violente, âpre, totalement décadente et brisée. Un peu à l'image de leurs âmes d'ailleurs. Aquaforte est l'histoire de "méchants", mais c'est aussi celle des idéaux brisés et de ce qu'il se passe lorsqu'on survit au pire. La désillusion est totale et la rédemption une idée dépassée, inaccessible, presque une mauvaise blague. Les personnages oscillent entre délire mystique, folie, désespoir, espoir. C'est poisseux, glauque, dérangeant, curieusement attirant et fascinant

    Chacun travaille à se reconstruire lorsque soudain, par l'intermédiaire de l'art, le fantastique, le merveilleux font irruption. Deux univers se mélangent, chacun avec leurs règles. C'est assez philosophique en fait! A la réflexion, une fois la perplexité dépassée, j'ai pensé aux monades de Leibnitz (oui, ce genre de chose m'arrive. En général je vais manger du chocolat et ça passe tout seul): chaque individu a sa sphère de perception et ce sont les interactions entre ces perceptions qui font le réel. Mais que se passe-t-il quand ces univers, ces perceptions sont totalement différentes? "Si cette théorie des mondes multiples que défendait Beth s'avérait exacte [...] et si son univers se mêlait à un autre, les règles de se dernier dépassaient son entendement. Un tel monde pouvait se comparer à une plante qui, repiquée en terre étrangère, s'y répandrait de manière incontrôlable comme une maladie infectieuse". Et que l'un est en passe de modifier radicalement l'autre?

    J'ai lu quelque part, qu'il s'agit d'un monde post catastrophe nucléaire. C'est possible avec les mutations constatées sur les enfants, le désert qui gagne, le feu qui frappe du ciel décrit dasn certaines pages. Je ne l'affirmerais pas. En tout cas, la réflexion sur le rôle et le pouvoir de l'art est bien présente! Et sur la possibilité de la rédemption et du changement aussi.

    Je reste un brin mal à l'aise, et sans savoir dire si j'ai vraiment aimé. En tout cas, l'expérience était intéressante!

     

     

     

     "Il faut être étrange pour avancer, car nos actes étranges poussent la norme outragée à nous rejeter, à nous propulser vers une normalité qui nous convient davantage."

    Une belle critique sur Phénix-Web.

    K.J. Bishop, Aquaforte, L'Atalante, 2006, 376 p.

     

     

     

     

     

  • Une araignée qui se balançait, lalalala...

    J'ai laissé des traces de ma folle passion pour Neil Gaiman un peu partout, donc nulle surprise si je dis que son dernier roman m'a fait tout aussi follement plaisir. On y retrouve les mêmes thèmes qua dans American Gods, le même type d'histoire. Big Charlie est comme tout le monde. Il travaille, il mange, il dort, il est fiancé. Sauf que, petit détail, son vieux papa est un dieu. Oui, Anansi, le dieu araigné qui raconte des histoires et qui fait des blagues à tout le monde, le dieu qui lui a fait honte toute son enfance et son adolescence avec son sens de l'humour pour le moins particulier. Et voilà t'y pas que le paternel décède! Et que Big Charlie se découvre un frère, Mygal, qui à priori a hérité de tout le bazar magique de la famille. C'est le début de la fin qui commence pour notre malheureux héros. Fantômes, dieux et demi-dieux, oiseaux et araignées, psychopathes et policiers vont d'entremêler dans un joyeux foutoir.

    On suit Charlie à travers une succession de situations et d'évènements tragico-comiques en oscillant entre fou rire, compassion et jubilation. Ce que j'aime particulièrement est la capacité de Neil Gaiman à faire passer des aphorismes, des idées à travers des phrases qui à première vue n'ont rien d'inoubliable. Sous l'aspect désopilant du texte et de l'histoire se cache aussi une réflexion assez intéressante sur la violence, la place de l'imaginaire dans la nature humaine, les relations familiales et l'hérédité. Attention, le tout reste léger. Ne pas chercher trop de philosophie dans l'ensemble, on ne l'y trouverait pas! On y découvre cependant certains aspects de la culture du sud des Etats-Unis et les personnages savoureux font le reste. Dédicace spéciale à Maeve qui balade son aura de fantôme et sa vengeance à travers le monde entier, et au voisinage pour le moins agité des locataires du cimetière qui m'a fait penser à Tim Burton. Neil Gaiman s'est amusé en l'écrivant, et ça se sent!

    "Bon, songea-t-elle, la mort c'est sans doute comme tout le reste dans la vie: on en comprend une partie au fur et à mesure, et on invente le reste."

    Neil Gaiman, Anansi Boys, Le diable Vauvert, 2006, 490 p.

  • De nuit et de feu

    Au commencement était La Sève et le Givre, au commencement de ma découverte de l’œuvre de Léa Silhol en tout cas. J’en garde un souvenir fort, celui d’avoir été happée, gardée et changée par cette écriture, par cette histoire si vieille, déjà si racontée et pourtant nouvelle.
     
    « Trois fois les Parques ont parlé, et en accord avec leurs prophéties de ruine, Finstern, Roi de la Cour unseelie de Dorcha, doit mourir. Sauf si... Comme une dernière chance, ou un danger supplémentaire, des puissances contraires mettent au monde Angharad, née du printemps et de l'hiver, de l'élan et de la mort. Elle peut contrecarrer le destin de Finstern, ou le précipiter, et s'avance sur l'échiquier en Reine Blanche, porteuse du pouvoir de trancher entre des myriades d'intérêts divergents. Mais sans savoir quel est son destin, ni le prix qu'elle devrait payer pour écarter Finstern du sien. Au cœur des affrontements entre les fées d'Ombre et de Lumière, les Fatalités et les anciens dieux, Angharad cherche une voie qui lui soit propre, chacune de ses décisions engageant à la fois l'équilibre de la Féerie, et des Terres de Mortalité... » (présentation de l’éditeur)
     
    Ce n’est pas à une simple romance qu’invite Léa Silhol, mais à une chanson de geste traversée par un souffle qui n’est qu’à elle. Dans son roman, l’amour rime avec souffrance, fuite, affrontement, guerre. Rien de tranquille ou de doux. Un romantisme à l’état pur, une poésie brute, loin de l’eau de rose que j’exècre. J’ai aimé ces personnages rigides, entiers, et pourtant non exempts de failles. J’ai aimé ces cours d’Ombre et de Lumière, ces rites et ces peurs ancestrales. J’ai aimé cette dialectique du choix et du renoncement, de la liberté et de la soumission. Et j’ai aimé, par-dessus tout cet art de faire revivre des légendes, des mythes, des contes, et toute une tradition.
    La plume de cet auteur est tout bonnement fabuleuse, et je pèse mes mots. Ciselée comme au couteau, brillante, précise. Je ne m’en lasse pas et ce n’est pas faute de lire et relire ses phrases !
    Ce n’est pas pour rien qu’elle est nommée la Tisseuse. Car c’est bien une toile qu’elle tisse par petits bouts, qu’elle créée à partir de matériaux existants, les transformant à sa guise au gré de son talent. C’est ce que me souffle la suite de La Sève et le Givre.
    La Glace et la Nuit, opus 1 – Nigredo confirme tout le bien que je pense et dit de cet auteur.
     
    « Le vent a soufflé sur le Royaume... En Hiver, la Reine des Neiges déchiffre la Trame du Temps et voit venir les jours derniers, la fin de tous les Chants. Elle confie à l'un des membres les plus inattendus de la Cour Froide une mission capitale, porteuse de tous ses espoirs : retrouver Angharad, Dame de la Sève et du Givre, qui a quitté les Dix-Neuf Royaumes depuis deux cents années mortelles. La retrouver, la ramener, telle est la mission de Kelis, le barde incertain qui connaît si peu le monde. Un acte désespéré, dont tout dépend. Et Kelis, fou blanc, s'avance sur l'échiquier de sa souveraine, sans se douter qu'il va entraîner, à chacun de ses pas, le plus grand changement qu'ait connu la Féerie. S'avance, tandis que le temps coule comme de l'eau... À travers les pièges des fiefs d'Ombre. Les envoûtements de Nicnevin. Les chasses unseelie et les jeux de Lumière. Les plans des Monarques des Trois Clartés. Les alliances avec les dieux étrangers. Les épées élevées des Nishven et l'art antique des filidh. Les routes à créer et les héritages à accepter. Sur les pas d'Angharad et Finstern, jusque dans leur volontaire exil. Vers la fracture des Cours, la guerre contre la Mortalité, et vers la promesse de la plus périlleuse des Cours. Vers l'espoir de Seuil. C'est dans la conquête des passages et des clefs, et sous l'égide des anciens Trésors des Tuatha de Danann, que commence à se tisser le deuxième chant majeur du monde de Vertigen. » (présentation de l’éditeur)
     
    On passe d’un roman à un autre par une transition tout bonnement époustouflante. Dès les premières page, je me suis sentie tomber, passer la frontière entre le monde réel et celui des faes. Le talent est toujours là. De nouveaux personnages sont introduits, les caractères de ceux que nous connaissions déjà sont approfondis. Des liens se tissent avec Musiques de la Frontières, et d’autres nouvelles encore. Très franchement, j’ai le cerveau en ébullition. C’est fascinant de voir ce monde, cet univers en train de se construire. Et de constater que la construction de ce monde offre, outre la magie, des réflexions, des échos avec le monde "réel".
    La Glace et la Nuit est sans doute plus abordable que La Sève et le Givre. Par son écriture. Plus d’action, des personnages plus abordables aussi. Même Angahrad et Finstern, par leur amour vécu dans le quotidien comme le combat nous deviennent plus proches. Pas plus humains, car cela n’est guère possible de ce côté du miroir, mais plus proches. J’ai eu du mal à les quitter, eux, et aussi Kelis le Fili et Elzeriad, et Echaion, et les autres.Quand aux rebondissements de l’histoire, j’en ai eu le souffle coupé !
    Je ne repartirai pas dans une antienne consistant à comparer la dame à Tolkien. Mieux, moins bien, meilleur, etc. Ce serait lui faire injure, et faire injure à deux œuvres très différentes. Mais dans mon cœur, elles sont très, très, très proches, par le bonheur et le plaisir qu’elles m’ont apporté, par la magie qu’elles ont infusé dans mon quotidien. C'est tout dire.
    Certains disent que ces deux œuvres peuvent se lire indépendamment. Sans doute. Mais pour apprécier réellement La Glace et la Nuit, il faut avoir savouré La Sève et le Givre.
     
    Pour terminer avec ces mots qui ne peuvent que médiocrement traduire mon enchantement, ces quelques lignes à savourer :
    « Entre les Cours, entre les certitudes, de ce que le Peuple nomme Le Royaume, il y a des zones franches, des zones mortes, tissées de promesses, d’annonciations, et d’hypothèses. Des Interstices. Se tenir là, c’est être suspendu éternellement dans l’espace bref du passage. C’est contempler à l’infini ses propres choix. Se tenir là, comme à présent je m’y tiens. Le conte de la Dame de la Sève et du Givre et du Seigneur de la Haute Nuit est aussi long que le monde. Avec le monde il naquit, et si la création devait s’engloutir, je le crois, même, capable d’y survivre. De perpétuer le Chant après que toutes les voix se soient éteintes. Au-delà de la chair périssable, les piliers de notre univers demeurent : la main des Saisons est lourde sur l’écorce des sphères ; la Nuit a été, avant même l’avènement de la lumière. Pour ce chant, il y a eu avant moi des bardes. Il y aura après moi des bardes. Il y a eu, il y a, il y aura toujours, un Fili pour le poursuivre. »
     
    Miss Meor parle aussi et Sneed également . Pour la Sève et le Givre en des terres qui me sont plus familières, chez Lhisbei et Chimère.
    Pour le site officiel de la Tisseuse, le chemin est le suivant: http://www.unseelie.net/
     
    La Sève et le Givre, Léa Silhol, l'Oxymore, coll. Moirages, 2002, 281 p.
    La Glace et la Nuit, t. 1 Nigredo, Léa Silhol, Les moutons électriques, 2007, 372 p.

  • Honneur au merveilleux

    Etant donné que me voilà lancée dans la nouvelle oeuvre de Léa Silhol, et que je vais incessement sous peu chroniquer tout cela, un petit renvoi vers ma première critique d'un de ses livres me semble adéquate. Dont acte! Pour les Musiques de la Frontière, c'est par ! Pour la Sève et le Givre et La Glace et la Nuit, c'est par ici!