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vampires et autres histoires

  • Lemashtu

    Les vampires ne sont pas un mythe. Nommés stryges, ils vivent dans un ghetto en Europe de l'est. Après des siècles d'extermination, c'est une race en voie de disparition. Lemashtu est le dernier des voïvodes de son peuple, en quelque sorte le dernier roi des vampires. Infiniment précieux pour ceux de sa race, il est aussi celui qu'il faut abattre. Maintenu sous haute surveillance par Féhik Alamédu et Aratar Déochétor et soigneusement maintenu à l'écart des autres élèves, il poursuit ses études dans une high school anglaise huppée.

    Jusqu'au jour où le Bras de la miséricorde et de l'expiation,branche extrêmiste de l 'Eglise qui a juré l'extermination des stryges refait parler d'elle. Et où le seul moyen de maintenir Lem en vie est de le mêler aux adolescents humains de son âge avec Liéga, un jeune strigoï venu le rejoindre. Arthur, Pauline, Lem, Liéga et les autres vont beaucoup appendre les uns des autres...

     

    Griffe d'encre nous a habitué à ses excellentes anthologies, ses non moins bonnes novellas, ses fabuleux recueils de nouvelles. Je ne m'étais pas penchée avant Lemashtu sur ses romans, mais celui-ci relève de la bonne littérature vampirique, c'est le moins que je puisse dire en guise de prémisses après ce résumé qui ne lui rend pas justice.

    Qu'y a-t-il donc dedans: de l'histoire et de la sociologie, de la passion, des aventures, des complots, de l'amitié et de la haine, des combats sanglants, du suspense, de l'humour, bref, de quoi prendre le lecteur dans ses filets! Li-Cam insère l'histoire des stryges dans le canevas bien connu de l'histoire européenne, la donne géopolitique n'étant guère bouleversée par leur existence, pas plus que les luttes de pouvoir au sein du Vatican. De même, le fonctionnement des sociétés roumaines, hongroises et britanniques (principalement) et plus largement européenne ne diffère guère de ce que l'on connaît. A certains égards, la manière dont le stryges sont considérés et traités dans la zone de confinement rappelle à la fois les ghettos, et plus récemment le sort des roms. Cet arrière-plan est déjà passionnant, mais il faut y rajouter le rôle central de l'Eglise catholique dans l'histoire et l'avenir du peuple des stryges. Une faction veut leur extermination pure et simple, une autre lutte pour leur reconnaissance et leur survie. On voudrait parler de l'éternel balancement entre ouverture et fermeture du Vatican (et d'autres que le Vatican) qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Avec intelligence en plus: les méchants sont certes très méchants, mais les gentils ne sont pas tous blancs et il y a un joli lot d'indécis. Les stryges ne sont pas seulement de pauvres créatures persecutées puisque leur position de prédateur naturel de l'humain et la folie qui parfois les guette a provoqué son lot de bains de sang, de peur et de haine.

    Chose que j'ai trouvé appréciable, Li-Cam a pris le temps de créer une espèce et une société stryge, avec ses caractéristiques biologiques, sa hiérarchie, ses coutumes, son histoire. Les informations les concernant sont distillées au fur et à mesure du récit à travers des fiches signalétiques, des extraits d'archives, des histoires racontées par les tuteurs de Lem. L'univers dans lequel se place l'intrigue de Lemasthu se met ainsi en place petit à petit sans nuire au rythme soutenu du récit qui n'est pas seulement une succession de rebondissements et de batailles, mais aussi l'histoire de la confrontation d'un adolescent (stryge certes et prince, mais adolescent quand même avec des hormones en pagaille et un charme fou) de quinze ans à sa nature et au monde qui l'entoure dont il a été relativement protégé. Les personnages ayant tous un sacré caractère et un drôle de sens de l'humour, tout cela ne va pas sans sourires, voire éclats de rire. J'admettrais avoir un léger penchant pour Aratar et ses performances acrobatiques et pour Merlin (mais ça je ne vous dis pas pourquoi, vous n'avez qu'à le lire!).

    J'ai donc passé un très très bon moment plein de suspense, d'hémoglobine et d'amour en compagnie de Féhik, Aratar, Lem et les autres. Je ne peux que vous conseiller de faire à votre tour leur connaissance!

     Pour lire le premier chapitre, c'est par là! Le site de l'auteur est ici!

    L'avis de Lucile.

     

    Li-Cam, Lemashtu, Griffe d'encre, 2009, 410 p. 4/5

  • Baisers de sang




    Le vampire… Grand, maigre, pâle, ténébreux,  beau et vénéneux qu’il soit homme ou femme. Le monde de la nuit et toutes ses transgressions est incarné dans ces créatures sulfureuses, dangereuses que sont les vampires.

    Pourquoi ? Comment ? Alain Pozzuoli commence par l’expliquer dans la passionnante introduction de son anthologie avant de faire entrer le lecteur dans le vif du sujet à travers des textes classiques comme contemporains. Rien de moins que Joseph Sheridan Le Fanu, Eric Von Stenbock, Boris Vian, Francis Lalanne, Jean-Paul Bourre, Gudule, Jeanne Faivre d’Arcier, Robert de Laroche, Serena Gentilhomme, Lawrence Schimel, Tony Mark, Amelia G., Raven Kaldera, Jean-François Patricola, Didier Rouge-Héron, Gautier Map, Sire Cedric, Bernard Jurth, Roland Fuentes et Daniel Walther.

     

    Reprenons. Parler de vampirisme serait donc parler d’érotisme, de sexualité, ne serait-ce que parce que le vampire séduit avant de tuer, ou de transformer et exerce une fascination étrange sur ses proies, entre attirance et répulsion.

     

    Selon Alain Pozzuoli, le premier texte de vampire à connotation érotique et sexuelle est La morte amoureuse de Théophile Gautier où une belle vampire tente de séduire un jeune novice à la veille de prononcer ses vœux. Suit le Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu (1871) où les plaisirs inspirés à l’héroïne Laura par Carmilla sont évoqués ainsi que L’histoire vraie d’un vampire d’Eric von Stenbock, variation masculine de Carmilla. Vient enfin le Dracula de Bram Stoker.

    Mais le passage à un érotisme ouvert et assumé devra attendre les années 1950 et la libération sexuelle. A ce titre, Drencula, extraits du journal de David Benson offert aux foules par Boris Vian est significatif : un avoué en visite dans le château de son client se fait vampiriser par une étrange créature hermaphrodite qui l’envoie au septième ciel (ou huitième cercle de l’enfer si l’on préfère) avant de le dévorer.

    Depuis lors, littérature et cinéma se sont emparés du thème du vampire, donnant le pire, comme le meilleur. 

    Que l’on adhère ou pas, c’est ce qu’il estime être le meilleur qu’offre Alain Pozzuoli à ses lecteurs. Je n’ai pas été déçue du voyage. Découvrir des extraits des textes classiques m’a donné envie de lire les versions intégrales. Quand aux nouvelles ultérieures, elles mettent en scène les situations les plus diverses. Comment devient-t-on vampire ? Comment survit un vampire ? 20 auteurs, 20 réponses.

    On croise aux détours des pages des hermaphrodites, des vampires vengeurs, des écrivains vampirisés par leur inspiration, des prostitués, des vieilles femmes malveillantes, d’anciens espions soviétiques, Théophile Gautier et bien d’autres. On frémit, on sourit, on grimace, mais il est difficile de rester indifférent devant la force souvent sulfureuse et la violence de certains textes, le plus souvent prétexte à dénoncer un monde dans lequel la violence, la transgression individuelle sont les seules réponses possibles à la médiocrité et à la violence des sociétés.

     

    Parmi mes textes préférés dans cette anthologie

    -Drencula par Boris Vian : ou comment un avoué découvre les plaisirs des sens avec une drôle de créature. La naïveté du héros et la plume explicite de Boris Vian en font un monument !

    - Parlez-moi d’amour par Gudule : à vampire, vampire et demi. C’est ce que découvre une jeune femme en pleine dépression amoureuse quand elle se réfugie dans la maison d’hôtes d’une adorable et étrange vieille dame. Pas de sang mais un vampirisme intellectuel et mental dont le résultat surprenant donne un texte tout en nuances et en douceur.

    - Champagne, brute ! par Robert de Laroche : car les vampires ont autant besoin d’amitié que de sang.

    - Dans le tombeau de la comtesse Dolingen de Gratz par Tony Mark : pour la variation sur l’histoire de Jonathan et Mina, les personnages de Bram Stoker.

    - Le beau Gregorio par Didier Rouge-Héron : parce que les vampires sévissent aussi dans de petits villages reculés et ne comptent pas leurs victimes. Un texte où la tension s’insinue progressivement et où le vampire ne fait finalement qu’utiliser une propension humaine à la bassesse et à la violence amplifiée par la petite taille du microcosme humain qu’est un village isolé.

    - Désir par Amélia G. : juste parce que c’est beau les ailes.

    - Muse par Sire Cédric : pour son questionnement sur l’inspiration, la passion amoureuse et sexuelle et la transgression.

     

    Bien sûr, les vampires ne sont pas qu’érotisme. L’article de Jacques Finné dans Fantastique, fantasy, science-fiction, Mondes imaginaires, étranges réalités est à cet égard extrêmement instructif. Il présente le vampire comme la poursuite de deux modes littéraires (le vilain gothique et le ténébreux romantique) et la fusion des trois thèmes les plus riches de la littérature mondiale : le Hollandais volant ou une vie éternelle qui apporte lassitude et détresse, le Don Juan dont l’anthologie qui est le thème principal de cet article donne quelques exemples, et Faust ou la soif de connaissances et le désir de prolonger la jeunesse.  

    En tout cas, me voilà avec l'envie de plonger plus avant dans l'univers vampirique!