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Littératures françaises - Page 23

  • Le corps de Liane

     

     




    Liane est une enfant sans père, une enfant qui vit dans un univers tellement féminin, qu'elle est bien en peine de dire ce qu'être fille puis femme peut bien dire. Entre Christine sa mère, Huguette sa grand-mère bretonne, Eva la femme de ménage et sa fille Armelle, Roselyne sa meilleure amie et d'autres, elle va grandir vaille que vaille

     
    Je ne connaissais Cypora Petitjean-Cerf avant d'ouvrir ce roman que par les critiques que j'avais pu lire au gré de mes promenades de blogs en blogs sur son premier roman, Le musée de la sirène! Le hasard a voulu que ce soit sur celui-ci que je mette la main en premier! 
    Je dois dire que je n'ai pas été déçue! Cypora Petitjean-Cerf construit une galerie de personnages féminin attachants, que l'on prend plaisir à voir évoluer de pages en pages. En racontant leur histoire par petites tranches de vie, sans hésiter à franchir d'un bond de longues années, elle donne à voir leur vie et leur survie. Car dans l'univers de Liane, rares sont les hommes qui ne sont pas en fuite. J'ai aîmé la manière dont l'auteur interroge la féminité et surtout la maternité à travers ces scènes. Ce sont les questions centrales qui se posent à travers ces pages. Qu'est ce qu'être une femme? Maquillage? Parfum? Qu'est-ce que devenir femme? Est-ce simplement la puberté? Est-ce prendre exemple sur les femmes qui nous entourent? Et par dessus tout, qu'est ce qu'être mère? Suffit-il de porter un enfant pour le devenir ou est-ce bien autre chose? Je ne dévoilerai certainement pas les réponses (quand il y en a) qui sont données, mais on les trouve dans une lecture agréable, parfois tendre, parfois douce, parfois drôle et parfois dure. Car ce sont aussi des femmes blessées. Maris morts ou en fuite, enfants morts-nés, mères indignes, depressions, haines... Mais sans oublier amitié, shopping, repas partagés, vacances et découvertes. Un petit moment de plaisir qu'il serait dommage de se refuser! De lessives en cuisines, de Noëls en vacances de Pâques, ces femmes tressent un petit groupe dont on aimerait presque faire partie!

    L'avis de Clarabel, celui de Laure, et celui de Cathulu!



    Cypora Petitjean-Cerf, Le coprs de Liane, Stock, 2007, 397 p.

  • Thornytorinx (et non ornythorinx)

     

     

     

    Camille est une bonne élève, Camille est une petite puis une grande fille modèle. Camille est boulimique-anorexique. Et sa colère, son mal-être, son dégoût, elle les vomit chaque jour, détruisant petit à petit son corps et son esprit.

     

    Thorytorinx est un roman court mais fort. Non exempt à mon avis de défaut, mais intéressant. On y suit le parcours de cette enfant, puis jeune femme prise comme une mouche dans une toile d'araignée dans les attentes de son entourage. Voilà comment on se retrouve en classe préparatoire, puis dans une grande école de commerce, alors que ses rêves sont ceux du théâtre, du cinéma. Camille se rêve princesse. On la voit comme une princesse, elle se voit comme une princesse et le fossé avec le réel, la vie, ses relations difficiles avec les autres vont progressivement l'amener à basculer du côté de cette anormalité qui ne l'est pas tant (l'auteur rappelle à plusieurs reprises que la boulimie-anorexie touche une femme sur cinq en France).

     

    Le regard cynique, cru et violent de la narratrice est parfois difficile, mais on ne peut nier que Camille de Peretti sait de quoi elle parle. En matière de boulimie et d'anorexie, je ne sais pas, mais pour les relations mère-filles névrosées, le syndrome de la bonne élève et l'ambiance particulière des "grandes" écoles, les concours et les stages, oui. J'ai revu certaines scènes de mes études.

    Je n'ai pas trop aimé la fin. Je l'ai trouvée un peu rapide, un peu facile dans la psychologie de bazar. Mais pour le reste, je m'avoue assez impressionnée. D'autant qu'écrire dans une veine autobiographique sans tomber dans le nombrilisme et l'apitoiement n'est pas un exercice facile. Or là, aucune concession. Ni par rapport à elle-même, ni par rapport à son entourage. Elle regarde en face les scéances de vomissements, ses amours, ses relations familiales. Si son deuxième roman tient ce que promet ce premier (Nous sommes cruels), alors, je vais le lire. Malgré la crudité et la violence de ce premier roman.

     

     

     

    Camille de Peretti, Thornytorinx, Pocket, 2006, 151 p.

  • Eldorado

    Le deuxième échec répertorié depuis que je tiens ce blog! J'espère que je ne vais pas être touchée par le syndrome de la multiplication des pains!

     

     

     Gardien de la citadelle Europe, le commandant Piracci navigue depuis vingt ans au large des côtes italiennes pour intercepter les clandestins. Jusqu'au jour où une série d'événements vient ébranler ses certitudes et lui faire tout quitter pour connaître à son tour, le lot de ceux qui quittent tout pour essayer de trouver une vie meilleure.

     

    La quatrième de couverture était alléchante, j'avais aimé La mort du roi Tsongor, et on m'en avait dit du bien. C'est donc en tout confiance que j'ai ouvert Eldorado de Laurent Gaudé. Mais là, le mur. Je n'ai même pas réussi à le terminer.

     

     

    A aucun moment je ne suis parvenue à m'attacher à des personnages que j'ai trouvé à la fois convenus et improbables. Je sais bien que l'humain est imprévisible et qu'il cache des ressources insoupçonnées, mais le commandant qui quitte tout pour faire à l'envers le chemin des clandestins, la jeune mère vengeresse, et les autres m'ont fait l'effet de marionnettes. Même les deux frères d'apprêtant à tout quitter m'ont à peine touchée. J'ai été saisie par un profond sentiment d'ennui. Cette fois-ci, les talents de conteurs de Laurent Gaudé n'ont pas suffit. Sur une réalité dramatique, des situations inhumaines, l'expression de la saleté et de la mauvaiseté humaine, il écrit un roman que j'ai trouvé plein de bons sentiments et de lieux communs, sans nuances.

     Le livrophile, Insatiable lectrice ont aimé, Essel et Laurent sont plus nuancés. Je n'ai lu leurs critiques qu'après avoir rédigé cet avis. Je retenterai la lecture d'Eldorado à leur lumière.

     

    Laurent Gaudé, Eldorado, Actes Sud, 2006, 237 p.

  • La répudiée

     
    Rachel aime Nathan, Nathan aime Rachel. Pourtant, après dix ans de mariage, aucun enfant n’a couronné leur union. Et au bout de dix ans, selon les règles de la communauté hassidim, la femme stérile peut être répudiée.
    Je me souvenais fort bien du film d’Amos Gitaï, Kaddosh, qui m’avait laissée littéralement sur les rotules par la violence de ce qu’il dévoilait. Et c’est pourquoi j’ai longtemps hésité à me lancer dans la lecture de La répudiée. J’y ai pourtant retrouvé un univers à la fois très proche de celui du film et infiniment lointain. Kaddosh m’a laissé un souvenir de violence, physique et morale. La répudiée me laisse le goût d’une histoire d’amour dramatique. Ce n’est pas vraiment la communauté qui est mise en cause ici, bien qu’à travers l’histoire de Rachel, on puisse lire une dénonciation d’une pratique de la religion qui étouffe et brise. Rachel accepte cette religion et ses lois, elle la vit avec bonheur. Elle a été élevée avec. Elle accepte, du moins tant que cette loi n’interfère pas avec son bonheur conjugal. C’est là que commence le conflit entre cet amour si fort et la règle, entre la foi profonde et le désir. Eliette Abécassis narre ce conflit dans une langue lyrique, parfois un peu lourde mais qui a des résonances de Cantique des Cantiques par moment. C’est beau. Les mots de cette femme amoureuse, aimante, pour l’homme qu’on lui a donné et que par miracle, elle a aimé au premier jour sont débordants de sensualité. Comme ceux qu’elle prononce dans le doute et la douleur de la séparation exsudent une souffrance trop forte. Et c’est triste cette acceptation, ce renoncement alors même que Rachel sait que ce n’est pas elle qui est stérile. C’est terrible cette intériorisation des règles, cet engagement qui mène à la perte.
    Un très beau roman sur les pages duquel se glissait les images d’un film qui est lui, à voir.
     
    L’avis de Majanissa, de Patch, d'Anne.
     
    Eliette Abécassis, La répudiée, Le livre de poche, 2000, 124 p.

  • Numéro six et Neuf Télécoms

    Toujours pas de connexion Internet (la Neuf Box est là mais la ligne n'est pas activée) mais je poste un petit article quand même!

    « Maintenant je sais aussi que l’on peut détester chaque être aimé. Par instant. Par douleur. »

     

     

     

     

    Numéro Six est un court roman très touchant. La narratrice, Fanny, raconte son enfance, celle de la petite dernière d’une famille nombreuse catholique, celle d’une enfant qui grandit dans la douleur d’être ignorée, laissée de côté, surtout par ce père qu’elle vénère et qui ne la voit pas. Pourtant elle est aimée, cela ne fait aucun doute. Mais pas comme elle le voudrait, pas comme elle a besoin de l’être.

    Par des phrases et des chapitres courts, Véronique Olmi mène son lecteur à l’essentiel, lui laissant deviner, analyser, parfois inventer. Par là, elle crée une petite musique douce et mélancolique qui reste longtemps en tête.

    Le retour sur elle-même et sur son enfance que fait Fanny adulte raconte en fait l’histoire d’une rupture, puis de retrouvailles avec un père, un milieu familial. Il raconte la nécessité de se libérer, de se construire, au risque de briser ses rêves. Fanny voulait être avocate. Elle est devenue secrétaire pour avoir joué au cancre afin d’être, enfin, vue par ses parents. Il raconte surtout que rien n’est jamais simple, et que si le retour est possible, ce qui lie une famille n’est parfois rien de plus que le sang partagé. Cela est particulièrement sensible lorsqu’elle revient sur les repas de famille, les disputes d’héritage, le carcan des bonnes manières bourgeoises et des faux semblants.

    Le liens de filiation restent pourtant fort, puisque c’est elle qui, toujours par cet amour fou pour son père, va accepter de le voir vieillir, de le découvrir faible et dépendant. C’est elle aussi qui va partir à la découverte de ce que fut ce père, à travers les lettres que celui-ci écrivait du front entre 1914 et 1918, avec en aboutissement, cette jolie réflexion : « On ne fait que croiser ses parents. On partage un temps de vie avec eux, on s’en va, puis on se souvient. Et on les rappelle. C’est un privilège de te voir vieillir. Un privilège et une souffrance. ». Et on ne connaît jamais vraiment ceux qui nous entourent, et surtout pas ceux qui nous sont les plus proches. Malgré l’amour, à cause du temps qui sépare et du temps qui passe.

     

     

     

     

    Véronique Olmi, Numéro Six, Actes Sud, 2002, 102 p.