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Littératures françaises - Page 25

  • Chou chou choux

    Avec tout le bien que j'avais entendu dire ou lu de ce roman, je me suis dit que ce serait dommage de passer à côté! Et bien m'a pris de l'ouvrir!

    L'histoire est toute simple: Bérangère et Vincent se marient. Toute la famille et les amis sont présents. Chaque chapitre présente le point de vue d'une personne différente: petite fille d'honneur, prêtre, parents proches ou éloignés, amis.

    Tous les chapitres ne se valent pas. Par exemple, celui qui est consacré à Damien, l'ami célibataire avec qui on espère caser les soeurs non encore mariées ne m'a pas fait plus d'effet que ça. Mais les autres sont assez extraordinaires: la petite Pauline qui porte son regard d'enfant sur le couple de ses parents et les petites vilenies des adultes, le marié lui même, ses doutes et des peurs, la mariée et sa grand-mère par exemple. Assez extraordinaires même si la révélation finale et les dernières lignes flirtent avec le sirop, ce qui est dommage.

    Toutes les failles des relations familiales, des relations de couple se révèlent. Le regard de Blandine Le Callet est à la fois aigu, presque acerbe, et incroyablement tendre. Bien sûr on ne se reconnaît pas dans tous les aspects de ce mariage de grands bourgeois, mais nous avons tous je pense assisté à ces cérémonies et fêtes où bien des tensions et des inimitiés remontent à la surface. Rien n'est épargné et c'est à la fois très drôle et émouvant! La célibataire que je suis a fini par se dire que finalement, un simple passage devant monsieur le maire et une bonne bouffe toute simple ne serait pas un mal! Rien de très original, mais une bonne lecture donc, sauf avant le mariage!

    "La pièce montée arrive, sur un plateau immense porté par deux serveurs. Il voit osciller au rythme de leur marche cette tour de Babel en choux à la crème surmontée du traditionnel couple de mariés [...]. Il se demande qui a pu inventer un gâteau aussi ridicule [...]. Il paraît que si le gâteau est monté trop tôt, les choux se détrempent et s'affaissent, le caramel se dissout et tout dégringole. C'est peut-être ça, le mariage, au fond: vous êtes bien mignons aujourd'hui, mes petits mariés, mais attendez encore un peu: votre joli petit couple va en prendre plein la figure, et vous allez vous ramasser en beauté."

    D'autres avis: Laurent , Tamara, LaureClarabel, Gambadou...

    Blandine Le Callet, Une pièce montée, Stock, 2006, ed. LdP, 2007, 252 p.

  • Vous reprendrez bien un petit noeud de chanvre?

    Bon, Papa Chiffon était enthousiaste, Maman Chiffon hilare rien que d'y repenser, et ce n'était pas la première fois que j'entendais parler de M. Jean Teulé. Du coup, j'ai attrapé Le magasin des suicides et l'ai ouvert. Quelques gloussements et éclats de rire plus tard, je peux affirmer que je ne regrette rien.

    Dans un futur post-apocalyptique où l'acide sulfurique pleut et où l'Amérique n'est plus que cendres vitrifiées, M. et Mme Tuvache tiennent un magasin où les déséspérés peuvent trouver tout le nécessaire pour passer de vie à trépas. Leur slogan: Vous avez raté votre vie, avec nous vous ne raterez pas votre mort". Tout va pour le mieux jusqu'au jour où naît Alan, fruit du test d'un préservatif troué (spécial pour mourir d'une MST). Et Alan est bizarre: il sourit. Et il voit la vie en rose. Dès lors, c'est le début de la fin.

    C'est tout simplement hilarant. Complétement absurde du début jusqu'à une fin qui fait se dresser les sourcils sur le front. Les Tuvache vendent du poison comme d'autres des boites de conserves et se veulent de bons commerçants. M. Tuvache en train de faire l'article d'un sabre et d'un kimono pour faire seppuku est un spectacle proprement fabuleux. Quand à son frère et sa soeur, entre l'anorexique psychopathe et la blonde ignorant son devastateur potentiel sexuel... C'est un magnifique remède anti-morosité. Face au monde et face à la joie du petit Alan, nos désespoir d'individus finalement bien lotis par la vie prennent un aspect dérisoire. Et quand ce n'est pas le cas, l'hymne à la beauté de la vie reprend le pas.

    C'est court, c'est bien écrit, c'est facile à lire, c'est drôle, c'est bon pour le moral. Chaudement recommandé.

    "Qu'est-ce que tu lis?

    -Les statistiques de l'an dernier: un suicide toutes les quarante minutes, cent cinquante mille tentatives, douze mille morts. C'est énorme...

    -Oui, c'est énorme le nombre de gens qui se loupent. Heureusement qu'on est là [...]"

    Jean Teulé, Le magasin des suicides, Julliard, 2007, 157 p.

  • Déneiger le ciel

    David, veuf de 60 ans vit seul et isolé dans la vallée de Sisteron. A la veille de Noël, la neige tombe, recouvre tout. Et son ami Antoine marche seul dans la nuit vers sa maison. Effrayé de le retrouver mort, David va partir à sa recherche dans la nuit et le froid. Commence pour lui une longue errance où les uns après les autres, disparus et souvenirs vont se rappeler à lui.

    C'est une déception pour moi. A force de lire des commentaires élogieux, j'en attendais sans doute trop. Je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, et surtout à David, ce qui est dommage puisqu'il s'agit du personnage principal! Son introspection, malgré le cadre fantastique de ce paysage enneigé m'a laissée froide (c'est le cas de le dire). Son combat contre la nature, contre lui-même et sa souffrance ne m'a pas semblé artificiel, mais n'a pas trouvé d'écho pour moi. Quelques belles pages, quelques belles phrases qui me laisseront des traces, mais pas de magie. Même la plume d'André Bucher ne m'a pas fait frissonner. Ce qui a sauvé cette lecture pour moi, c'est le cadre magnifique, où j'ai déjà eu la joie de trainer mes guêtres. Il décrit à merveille l'endroit où il vit, et on sent tout l'amour qu'il a pour ce pays. J'ai eu envie de montagne. Ce qui me laisse à penser que je n'ai tout simplement pas lu le bon roman d'André Bucher.

    Je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai soupiré d'ennui, mais ce n'était pas loin.

    Laurent, lui, a aimé, tout comme Cuné et Cathulu.

    André Bucher, Déneiger le ciel, Sabine Weispierser, 2006, 146 p.

  • De petits livres en petits livres

    Mme Campan fut lectrice à la cour puis femme de chambre de la reine Marie-Antoinette, de l'arrivée de celle-ci à la cour à la révolution française. Instruite, lettrée, fine, elle mit ses souvenirs par écrit bien des années plus tard, alors qu'elle était devenue une éducatrice respectée. Les extraits de ses mémoires, présentés par Martine Reid dans la petite collection des Folios à deux euro est un vrai bonheur. On voit revivre la cour dans ses petits détails, dans le quotidien au lieu de ne voir qu'une galerie des glaces et un Trianon, on voit la politique du royaume en train de se faire. Le regard acéré de la dame ne fait que peu de cadeaux. Fidèle et loyale à sa reine, elle la défend, sans pour autant passer sur ses petits défauts et ses ridicules et sans oublier une rigueur historique qui liui fait honneur. On voit revivre la femme cachée sous la couronne et les fastes. Cest passionnant et agréable à lire. Ceux qui ont aimé le Marie-Antoinette de Sophia Coppola y trouveront largement leur compte.

    Mme Campan, Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette (extraits), ed. établie par Martine Reid, Gallimard, Folio Femmes de Lettres, 2007, 132 p.

    Par contre, Nathalie Rheims retrouvée par hasard au fond de ma bibliothèque ne m'a pas fait plus forte impression qu'à ma première lecture qui date d'il y a quelques années. Ses Lettres d'une amoureuse morte sont un oeuvre hybride, à cheval sur le poème et le récit. Une amante éconduite pleure sur l'amour mort et sombre dans une dépression noire au point de se laisser mourir. Mon manque de sensibilité s'explique sans doute par mon absence d'expérience de ce genre de passion, mais j'avoue m'être un brin ennuyée. Ou alors c'est mon coeur de pierre? Après tout on me reproche toujours de m'être écroulée de rire à la fin de la Cité des Anges (suis-je donc la seule personne en ce bas monde à trouver ce film totalement ridicule? Bien sûr que quand on fait du vélo les yeux fermés on se plante!)! Quelques très belles pages toutefois.

    Nathalie Rheims, Lettre d'une amoureuse morte, Gallimard, Folio, 2000, 89 p.

  • Le plus violent désir

    Non, il ne s'agit plus du drame du LCA. En fait, j'ai fait une tentative de désherbage de ma bibliothèque personnelle. Bien sûr, ça n'a pas marché, mais j'ai retrouvé au hasard des étagères La Princesse de Clève. Et à force de le feuilleter, j'ai fini par le relire. Bon, il faut dire que les souvenirs que j'en gardais, dix années s'étant passées étaient flous, et que finalement, c'est comme si je l'avais lu pour la première fois.

    Résumons: Mlle de Chartres épouse sans plus l'aimer que cela M. de Clèves. Elle, vertueuse, intelligente, sensible, qui se croyait à l'abri des passions va pourtant connaître un amour dévorant pour un autre, M. de Nemours. Et va précipiter le drame par cet amour et l'aveu de cet amour à son époux.

    C'est tellement mignon... Cette langue précieuse, élaborée. Cette absence totale d'histoire... En fait, ça me fait un peu penser à Jane Austen pour ce côté. Il ne se passe absolument rien (elle l'aime, il l'aime, elle est mariée, lui non, il lui fait la cour,elle se refuse, etc., etc.) mais on ne décroche pas une minute. Et puis c'est tellement caractéristique de l'époque: vertu austère (je pense au jansénisme, mais je me plante peut-être un tantinet de période là non?) contre moeurs d'une grande liberté, passions dévorantes et maîtrise de soi. Mme de Clèves est un personnage étonnant avec sa logique de confiance, de respect des engagements et de soi-même poussée à de telles extrêmités. Elle en devient effrayante, inhumaine (un peu comme l'Electre d'Anouilh). Comme l'exprime bien son malheureux époux: "Vous avez attendu de moi des choses aussi impossibles que celles que j'attendais de vous. Comment pouviez-vous espérer que je conservasse la raison? Vous avez oublié que je vous aimais éperdument et que j'étais votre mari?"

    Tiens, au passage, je trouve savoureuse la conception du mariage décrite dans ce roman: l'amour n'y a que peu de place (sauf exception), voire aucune. Alliance, jeu de pouvoir oui, mais amour... Ce qui est parfaitement résumé par cette phrase: "On fait des reproches à un amant; mais en fait-on à un mari, quand on n'a qu'à lui reprocher de n'avoir plus d'amour?" D'où sans doute les méli-mélos amoureux sans fins décris par Mme de La Fayette.

    La Princesse de Clèves, Marie-Madeleine Pioche de la Vergne La Fayette (j'adore son nom), J'ai lu Librio, édition antédiluvienne, 159 p.