Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Chiff' - Page 78

  • La petite cloche au son grêle

    Un jour Marcel Proust entre dans la vie d'un adolescent de 13 ans et de ses parents, bouleversant la vie du café de la famille et de tout un village du Nord de la France.

    Une bulle de savon. C'est ce qui me vient à l'esprit quand je repense à cette lecture. Légère, trop légère au départ, et puis si jolie qu'on la regarde s'envoler toute irisée avant de la voir éclater avec tristesse. Voilà. Bon, je ne suis guère douée pour la métaphore et vais donc revenir à un langage plus terre à terre. Je l'admet, le début de ce roman ne me convainquait pas. Un je ne sais quoi dans les dialogues, dans les personnages, dans le décor qui ne parvenait pas tout à fait à éveiller mon attention. Et puis, insidieusement, le charme a fait son effet, jusqu'à me donner envie, à moi, grande réfractaire à Proust devant l'Eternel, d'aller faire un tour du côté de chez Swann et d'aller admirer Cabourg un jour d'été. Bravo monsieur Vacca, c'est un tour de force! La petite cloche au son grêle raconte comment la littérature peut s'introduire dans une vie comme une voleuse. Il suffit d'un rien, d'un béguin d'adolescent, d'un livre oublié dans l'herbe dont les pages retiennent un parfum, de l'amour d'une mère pour que soudain, Proust devienne le compagnon de route de tout un village et ensoleille le malheur qui vient toujours briser la vie des gens heureux. Sans doute pour qu'ils aient une histoire.

    C'est une belle histoire débordante d'amour et de vie, de nostalgie aussi. J'ai aimé faire un bout de chemin avec cet enfant qui devient adulte, avec ce couple à l'amour débordant, avec cette famille et je les ai quitté le coeur serré par l'émotion au son de la petite cloche.

    « Un soir, tu entres dans ma chambre alors que je me suis endormi. Le livre m'a échappé des mains et gît sur ma descente de lit. Tu t'en saisis, comme s’il s’agissait d’un miracle.

    - Mais tu lis, mon chéri ! souffles-tu en remerciement au ciel.

    Incrédule face à ce prodige, craignant quelque mirage, tu palpes l’objet. Non, tu ne rêves pas : ton fils lit.

    Intimidée, tu ouvres le livre, fascinée à ton tour… »

     

    Les avis de Cuné, de Cathulu, de Bellesahi, de Florinette, Amanda, Lily, Caro|line], Sybilline...

     

    Paul Vacca, La petite cloche au son grêle, Philippe Rey, 181 p., 2008 3.5/5  

  • Les années douces

     

    Dans un bar qu'elle fréquente de temps en temps, Tsukiko retrouve par hasard son professeur de japonais du lycée. La célibataire endurcie et le veuf solitaire vont se croiser, se rencontrer, et de fil en aiguille, une relation étrange et douce va se nouer entre eux.

    Les années douces n'est pas à proprement parler un roman. C'est par petites touches, en 22 tranches de vie qu'Hiromi Kawakami raconte les retrouvailles, les discussions, les disputes, les bouderies et la vie si banale et pourtant unique de ses deux personnages. De fait, il ne se passe pas grand chose: une balade en montagne à la recherche de champignons, un saké siroté à deux en picorant les mêmes petits plats, des réflexions sur la meilleure manière de verser la bière, une exposition de théières de voyage, un pique-nique sous les cerisiers en fleur, un amour qui naît... Juste les petites choses de la vie quotidienne et une jolie réflexion sur la solitude et l'amour. Tsukiko est célibataire, solitaire et s'en trouve bien. Le Maître ne semble pas souffrir de sa vie isolée. Mais petit à petit, ils vont permettre à l'autre d'entrer dans leur petit monde, au risque de souffrir, au risque de la perte. Parce que la vie est plus belle quand on partage, malgré l'agaçement et les chamailleries. L'air de rien, avec son écriture fine, poétique et pudique, Hiromi Kawakami instille la douceur, la mélancolie, le bonheur, et on prend plaisir à suivre le chemin de Tsukiko et de son amour.

    On aperçoit au détour d'une phrase, d'une situation le Japon contemporain, toile de fond toujours dépaysante et fascinante. Et comme pour ajouter au charme de l'ensemble, nos deux héros passent un temps certain à boire et manger des choses qui ont l'air absolument délicieuses: tofu chaud et froid, soupes miso et autres gourmandises émaillent les pages et donnent une furieuse envie de s'en aller faire un tour du côté de la cuisine japonaise.

     

    Un des romans préférés de Yueyin, l'avis de Katell, de Papillon, ...

     

    Hiromi Kawakami, Les années douces, Picquier, 2005, 283 p., 4/5

  • Lorna Doone

     

    Angleterre, deuxième moitié du 17e siècle, Somerset. John Ridd a 14 ans quand les Doone, famille d'aristocrates proscrits qui fait régner la terreur sur la région d'Exmore, tuent son père. Abandonnant ses études, il s'en revient à la ferme familiale auprès de sa mère et de ses deux soeurs. Lent, placide mais intelligent et passionné aussi, il rencontre au coeur de la vallée interdite des Doone la jeune Lorna, princesse des voleurs. C'est un coup de foudre dont les années n'amoindriront par la force. Pour sa belle, John vivra moult aventures passionnantes de la lande à Londres.

    R.D Blackmore a attendu de longues années avant de connaître le succès, et à en croire la préface de Michel Le Bris, c'est presque par hasard, à l'occasion d'un mariage princier, que son roman a été découvert par le grand public. Autant dire que nous avons bien failli passer à côté d'un chef-d'oeuvre du roman d'aventure! Car ne vous y trompez pas, c'est absolument délicieux. John Ridd nous fait l'honneur de bien vouloir nous raconter son histoire, ce qu'il fait de bon gré avec un brin d'ironie, de l'humour aussi et un souffle épique qui ne se dément pas. On galope au coeur des landes, on se perd dans les marais embrumés, on descend dans des mines clandestines, on erre dans les Inn's of Court, on trouve les entrées cachées des vallées interdites, on vit une passion interdite et impossible, le tout sans presque reprendre souffle. Un fameux conteur ce John, et un paysan roué qui parvient toujours à se tirer des pires situations à son avantage! Même du récit de ses aventures et c'est dire! Ce qui rend le roman attachant, c'est la galerie de personnages hauts en couleurs: une mère possessive et soupe au lait, une seour douce comme le bon pain mais pas très maligne et une autre qui se pique d'intellectualisme, un cousin bandit de grand chemin plus ou moins rangé, un oncle avare et avide, une cousine si petite qu'on la croirait naine, un valet de ferme paresseux et malin... Tout ce petit monde tourne autour de ce brave John, lettré certes, mais un peu lent, se proclamant lui-même sot histoire de mieux tromper son monde, courageux mais pas téméraire sauf quand l'amour lui fait tourner la tête,  et d'une Lorna dont les qualités sont telles qu'on se demande si elle est bien réelle jusqu'à ce qu'elle fasse preuve d'une naiserie que seul l'amour peut provoquer! Et comme on croise aussi bien des aristocrates que des bandits, des bourgeois, des paysans et des soldats, on obtient un portrait, certes un peu romanesque mais je pense assez fidèle de la société anglaise, le tout accompagné d'une leçon d'histoire comme on aimerait en recevoir plus souvent! Il ne faut certes pas y rechercher une finesse psychologique poussée ou une trop grande véracité historique, mais le style de l'auteur, agréable, vivant, très imagé rend sa prose difficile à lâcher. Seul bémol, il est parfois difficile de comprendre les réactions de certains personnages: fossé culturel, problème de traduction ou grosse fatigue du moment, je n'ai pas la réponse, mais ça ne m'a pas empêchée d'avaler en deux temps trois mouvements ce pavé merveilleux et de passer un fort bon moment en compagnie de John et Lorna!

    L'avis de Fashion, Emjy,...

    C'est un 5/5, mais je ne retrouve pas les références de l'édition dans laquelle j'ai lu le roman. A défaut, voir les références en Libretto!

  • Beignets de tomates vertes

    Ninny Threadgoode, 86 ans, bon pied bon oeil entreprend par un triste dimanche à la maison de retraite Rose Terrace, de raconter à Evelyn aux 48 ans cafardeux l'histoire de Whistle Stop, petite ville d'Alabama. C'est la découverte d'un autre monde, d'une autre manière de vivre, et d'un chemin vers une vie meilleure.

    Un roman doudou, un de ceux qui fait du bien quand rien ne va plus et que même le ciel se met à l'unisson du spleen, c'est ce qu'est Beignets de tomates vertes. Un roman non exempt de défauts, certes, mais un rayon de soleil difficile à lâcher. On termine avec le sentiment d'avoir rencontré de nouveaux amis qu'on pourra retrouver en tournant de nouveau les pages: Idgie, Ruth, Dott, Opal, Sipsey, Grady, Big George, toute la petite communauté de Whistle Stop avec ses histoires, ses disputes, ses réconciliations orageuses, ses parties de fous rires, et le bonheur malgré les deuils, la crise de 1929, la pauvreté et la menace que le Klan fait peser sur les noirs et les blancs qui les aiment trop. A travers les souvenirs de Ninny, ce n'est pas une époque bénie qui se dessine, mais un mode de vie où famille et communauté sont au centre et où la chaleur humaine ne manque pas. C'est la famille Threadgoode qui est au centre, et plus particulièrement Idgie la rebelle et Ruth son amie et leur café, véritable âme de Wistle Stop. En filigrane, on découvre l'histoire d'une petite communauté qui vit au soleil d'Alabama.

     La narration qui alterne extraits de journaux, récits de la vieille dame et tranches de vie de sa nouvelle amie Evelyn est fort agréable. Elle n'oublie pas les réalités plus sordides: ségrégation et violences raciales, violences conjugales, pauvreté, etc. même si ce n'est pas tant l'histoire du Sud qui importe que celle des personnages. Et pour le coup, le lecteur est servi: on rit, on a le coeur serré, on frémit, on s'angoisse, on trépigne d'impatience et de joie. C'est un concentré de vie et de bonne humeur qui requinque. Tout ce petit monde est d'autant plus attachant qu'il n'y a a pas de vrais gentils ni de vrais méchants, pas plus que de faux gentils et de faux méchants (ou presque, car que serait un roman sans au moins un méchant, on se le demande) et que la solidarité et l'amour qui l'unit sonne "juste". D'ailleurs, Ninny fait un effet boeuf à Evelyn qui sombrait dans la dépression en regardant une vie qui lui semblait terne et dénuée de sens. Petit à petit, au contact de la naïveté, de la joie de vivre et du bon sens de Ninny, elle retrouve goût à ce qui l'entoure et à elle même. L'amitié qui naît entre ces deux femmes si différentes par l'âge, le milieu, le mode de vie est très belle.

    Et puis il y a cet amour des bonnes choses qui parcourt les pages: le barbecue de Big George, les biscuits au babeurre de Sipsey, le maïs à la crème, les poissons-chats, la tarte à la noix de coco, et les fameux beignets à la tomate verte. Tout un carnet de recette gourmand et tendre qui se déroule sous les yeux du lecteur et qui donne incroyablement faim. Je vais garder précieusement les recettes de Sipsey.

    Le seul point sur lequel je me montrerai d'humeur chagrine est l'aspect "réussite américaine" qui alourdit un brin la fin du roman autrement fort touchante.

     

    J'ai hâte maintenant de visionner le film et de retrouver Ninny Threadgood!

     L'avis de Karine:), de Stéphanie sur La page littérature, de Fashion, d'Anjelica, d'Amanda, de Yueyin, de Chaplum, ...

     

    Et bien, alors que je m'en allais d'un pas alourdi par la sinistrose vers mes pénates, fermement décidée à m'enterrer sous ma couette, mon oeil a été attiré par ces fameuses tomates vertes que je désespérai de trouver! J'ai donc, dans la foulée, fabriqué à partir de la recette de Sipsey, quelques beignets de tomates vertes!

       

    DSCN2850.JPG
    Edit: pour un compte-rendu de l'expérience culinaire, c'est par-là!!