Fais un pas d'ombre
transparente
Fais un pas sans images
Descends les marches
et ne fais plus de pas dans le discours de la
lumière.
Henri Bauchau, La pierre sans chagrin, Poèmes du Thoronet
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Fais un pas d'ombre
transparente
Fais un pas sans images
Descends les marches
et ne fais plus de pas dans le discours de la
lumière.
Henri Bauchau, La pierre sans chagrin, Poèmes du Thoronet
"J'aime la cuisine, j'aime la mer, j'aime écrire des lettres et en reçevoir. Et bien que je sois beaucoup plus nostalgique ou affectueuse que d'autres, je vis seule à Tôkyô. Je suis étourdie, pleurnicheuse, et je m'étonne de tout et de n'importe quoi. Rien à dire de ces vingt-quatre ans. Rien à dire de Tawara Machi. Mais de ce rien à dire du quotidien, je voudrais continuer à créer de la vraie poésie, ne serait-ce même qu'un seul tanka. C'est qu'en d'autres termes, je voudrais continuer à vivre passionnément. Car vivre, c'est chanter la vie. Et chanter la vie, c'est vivre."
C'est ce qu'écrit Machi Tawara en postface de son recueil en 1987, alors qu'il vient d'être publié et rencontre un succès immense. Cette jeune femme s'est lancée dans l'écriture de tanka pendant ses études, après avoir rencontré un professeur, Sasaki Yukitsuna, qui lui a fait découvrir cette forme poétique, la plus ancienne du Japon. Et comme il l'écrit en postface de ce même recueil: " Sans doute cette musique qui lui était propre et qui dormait au fond d'elle-même, grâce à sa rencontre avec le tanka, s'était-elle éveillée, ébranlée, avait-elle commencé à retentir. Elle avait découvert, autrement dit, sa musique intérieure. Et le tankas, chez elle, jaillissaient avec la même violence en somme que celle qu'on peut imaginer durant les premières heures du réveil d'un volcan éteint."
Pour chanter, Machi Tawara chante. Sous une forme poétique extrêmement codifiée, elle parvient à saisir la quintessence du quotidien d'une jeune femme célibataire vivant dans une grande ville. 3à syllabes dans lesquelles son talent enferme des moments de vie dans toute leur force. Les atermoiements amoureux, les courses, les matchs de base-ball, les balades sur les plages. C'est sans doute la nouveauté de son style, soulignée par son professeur comme par les critiques qui a suscité l'admiration. Elle n'hésite en effet pas à mêler langue moderne, anglicisme et forme fixe du poème. Mais son succès populaire s'explique sans aucun doute par le fait qu'elle parvient à toucher au coeur ses lecteurs en quelques mots. Au centre de ses oeuvres, l'amour: les rencontres, le coeur qui bat, l'attente, la sensation intense de vivre que ressent celui qui aime, le sentiment qui prend au ventre lorsqu'on se rend compte que cette rencontre n'aura pas de lendemain, la tristesse de la rupture... Mais aussi le monde autour, les petits bonheurs quotidiens.
Le plus étonnant est que ces tankas en série forment dans leur ensemble des chapitres de sa vie, une histoire que l'on suit page après page avant de revenir encore et encore picorer les tankas que l'on a préféré.
La postface du traducteur, passionnante, apporte un éclairage bienvenue sur la traduction de poèmes et sur l'oeuvre de Machi Tawara.
Vous l'aurez compris, c'est une jolie découverte que je conseille à ceux qui aiment la poésie, comme à ceux qui pensent ne pas l'aimer. Une manière de découvrir aussi le Japon contemporain et sa littérature.
En guise de mise en bouche, trois tankas qui se suivent, au tout début du recueil:
Quatre heures de m'après-midi
Devant le marchand de légume, réflechir
au menu du dîner devient un bonheur
Ce crépuscule après notre rencontre
Dans mon coeur toi seul
en es le paysage
Samedis où je t'attendais!
Attendre, c'est en dévoratn de tels instants
qu'une femme vit
Tawara Machi, L'anniversaire de la salade, Picquier, 2008, 111 p.
Je te retrouve sur mes sentiers comme au premier jour, tache
rouge d'un manteau sous les frondaisons d'un parc.
Le temps a coulé sous les arbres. J'ai aimé le pays de tes yeux.
Ta main dans la mienne nous avons libéré la peur.
Entre tes seins je regarde le soleil se briser sur un mur blanc au
lit duquel bat une source secrète.
Eblouissante douceur du silence.
Joseph Paul Schneider, Histoire d'amour, Masques du temps, in L'amour et l'amitié en poésie, Folio junior poésie, 2001, 177 p.
Moi, je n'aime pas la fête de la musique... Ca ne veut pas dire que je n'aime pas la musique bien au contraire, mais quand un boulet braille du Gilbert Montagné avec des fausses notes, j'ai du mal... Oui, je suis une martyre. Heureusement, René Char était là pour adoucir le drame ! Car oui, je persiste! Mes bonnes dispositions ne faiblissent pas! Je continue mon exploration du continent poésie!
Attirée par la magnifique édition Gallimard de Lettera Amorosa avec les illustrations de Georges Braque et Jean Arp, je suis partie à la découverte de René Char. C'est un beau cadeau que fait Gallimard à ses lecteurs en offrant deux versions de ce poème dont une sous la forme du manuscrit conservé à la BnF.
C'est beaucoup d'émotion de découvrir ce texte, la première version en fait, de la main même de l'auteur, avec les ratures et les corrections. Et c'est beau, c'est vraiment beau cette poésie qui ressemble à de la prose accompagnée d'oeuvres graphique qui sont de véritables petites merveilles. C'est suffisamment clair pour que la compréhension en soit aisée, tout en maintenant le mystère et en donnant l'envie d'analyser de plus près ces vers et leur signification.
René Char raconte dans cette oeuvre un amour fou, son début, la souffrance qui en naît et le drame de la séparation. Il parle de l'amour, de sa nature, de la femme et de la féminité, de la nature. Il montre comment lié par cet amour, il reste malgré tout libre, plus libre que lorsqu'il ou que s'il n'aimait pas.
Je suis encore toute ébouristiflée par ce gentleman rugbyman poète!
"Ce fut, monde béni, tel mois d'Eros altéré, qu'elle illumina le bâti de mon être, la conque de son ventre, je les mêlai à jamais. Et ce fut à telle seconde de mon appréhension qu'elle changea le sentier flou et aberrant de mon destin en un chemin de parélie pour la félicité furtive de la terre des amants."
René Char, Lettera Amorosa: suivi de Guirlande terrestre, Poésie/Gallimard, 2007, 70 p.
Et bien il semblerait que je sois en passe de guérir d'une de mes maladies: l'incapacité chronique de lire de la poésie. Comment définir cela... Une résistance à toute épreuve aux vers... Des crises de fou rire à la lecture de Lamartine... Des éruptions de boutons avec Hugo... C'était sans aucun doute que je n'étais pas encore tombée sur un poète capable de me toucher. Ceci dit, la guérison se faisait sentir. Mon cas n'était pas désespéré!
C'est pour cela que j'ai été touchée et fascinée par Philippe Jaccottet. Cahiers de verdure, suivi de Après beaucoup d'années est un recueil de poèmes et de courts textes qui parlent de la nature, de la montagne, et de l'amour de Jaccottet pour ces lieux. Il dit, avec des mots très simples et très beaux le soleil qui se couche, les arbres et les fruits, les combes et les torrents. Et c'est fou, on sent, on entend, et on revit des soirs d'été que l'on a vécu.
Une magnifique découverte.
"Comme quand traine un peu de brume sur une source qui a pris la couleur des plantes qui l'abritent, un trouble embué. Le voile qui amortit et qui aiguise la violence montée des profondeurs.
Des êtres jamais vus, comme assis sous des nuages dont le bord serait argenté par la lune.
Avant que tu ne passes une bonne fois au nombre des fantômes, écris qu'il n'y a pas de plus haut ciel que cette source couleur d'herbe."
Philippe Jaccottet, Cahiers de verdure, suivi de Après beaucoup d'années, Poésie/Gallimard, 2003, 197 p.