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Chiff' - Page 5

  • Les lectures des otages - Yoko Ogawa

    Les-lectures-de-otages.jpgHuit touristes japonais sont pris en otage. Une situation qui s'enlise jusqu'à être oubliée et ne ressurgir aux yeux du monde qu'au moment de l'assaut au cours duquel tous décèdent. Pendant cent jours pourtant, la vie a continué, une vie qui a laissé sa trace dans les enregistrements permis par un minuscule appareil introduit dans leur prison. Tous les soirs à la même heure, l'un d'eux va prendre la parole.

    Tout l'art de Yoko Ogawa consiste à ne jamais être là où on l'attendrait. Tout promettait un de ces récits angoissants et glauques dont elle a le secret? C'est la joie de vivre et la tendresse qui sont au rendez-vous. On pensait la veine fantastique tarie? Ce n'est que pour mieux ressurgir. Quant à Les lectures des otages... C'est un bien étrange recueil de récit qui, par la magie du talent d'Ogawa, tient ses promesses. Pourtant rien que de très banal: des rencontres, des petites manies, des hasards... ce sont des hommes et des femmes ordinaires qui prennent la parole. Mais chaque histoire plonge le lecteur dans un univers à la fois familier et étrange, qui, s'il rappelle le tragique de la vie, en montre aussi les merveilles et rappelle l'importance de la mémoire... et des autres.

     

    Là où les livres sont chez eux, Nebal qui n'a pas aimé,...

     

    Ogawa, Yoko, Les lectures des otages, Actes Sud, 2012, 189p.

  • De vieux os - Louise Welsh

    true.gifDocteur en littérature, Murray Watson est fasciné depuis des années par un poète mort jeune et tombé dans l'oubli. Un poète auquel il s'est promis de consacrer une étude. Mais tous les protagonistes de l'histoire ne sont pas morts...

    Amis des bisounours et autres petits lapins roses sautillant dans l'univers merveilleux de l'université, passez votre chemin: chez Louise Welsh, point de paillettes. Le sordide dame le pion au glauque, l'humidité est reine et si on en ressort avec une envie irrépressible d'aller prendre une bonne douche pour faire passer tout ça, c'est entièrement voulu. De vieux os est un drôle de bouquin, entre polar et chronique de trentenaire en mal de sens, ode à la littérature et portrait sans concession de la nature humaine. Le tout pourrait être indigeste, mais le mélange prend: aussi agaçant que soit Murray, on s'attache à ses pas et à cette recherche bien moins anodine qu'il n'y paraît. Sur le thème des apparences et des masques, Louise Welsh tisse pour son héros une enquête en forme de parcours initiatique qui le confrontera à la vanité de ses propres vices et finira par le faire grandir au moins un peu. Il ne faut pourtant pas s'attendre à des rebondissements incessants. La tension monte petit à petit et explose au moment où on se sent étouffer dans la lenteur de l'histoire et le classicisme de l'écriture, comme Murray se sent étouffer dans son existence étriquée.

    Un ovni donc, et un bel exemple de maîtrise de l'art de la littérature.

     

    Lu dans le cadre du prix Kiltissime de Cryssilda.

    Welsh, Louise, De vieux os, Métailié, 2011, 384p.

     

     

  • Nuage de cendre - Dominic Cooper

    nuage.jpgIslande, fin 18e siècle. Alors que les irruptions volcaniques s'enchaînent, que la famine et les épidémies déciment la population, deux shérifs s'affrontent autour de Sunnefa, une jeune femme coupable d'avoir conçu un enfant avec son frère.

    Autant le dire tout de suite, j'ai du m'accrocher à ce roman, un brin perdue dans un récit qui sans être confus est pour le moins touffu. Non pas que le fol exotisme des noms et des moeurs islandais m'ait déstabilisé, mais la succession des narrateurs, les fils entrecroisés de cette histoire de haine et de rancune ont de quoi laisser par moment perplexe, surtout par temps de grosse fatigue. C'est à la fois beaucoup, voire un peu trop, et très simple: causes et conséquences d'une rivalité entre deux hommes... qui fait un peu oublier le prétexte du roman, Sunnefa.

    C'est ceci dit, intéressant: Dominic Cooper fait plonger son lecteur dans une histoire islandaise assez peu connue dans nos contrées. A travers le fait divers que représente l'affaire Sunnefa, il fait découvrir une histoire coloniale, un affrontement entre deux peuples qui a des accents universels et qui irrigue une rivalité qui prendra vite des allures de vendetta. On ne peut à aucun moment taxer Dominic Copper de simplisme: ses personnages sont à l'image de l'Islande, rudes et complexes et si sa description de la nature humaine ne cède rien à l'optimisme, elle donne au texte des accents de tragédies plus que réalistes auxquels les paysages et l'atmosphère de cette île glacée et inhospitalière font un décor adéquat. 

     

    Lu dans le cadre du Prix Kiltissime, orchestré de main de maître par Cryssilda (que je ne remercie pas d'avoir fait entrer John Rebus dans ma vie, mais ceci est une autre histoire).

     

    Cooper, Dominic, Nuage de cendre, Métailié, 2012, 236p.

  • Les heures silencieuses - Gaëlle Josse

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    Fin 1667, Magdalena van Beyeren confie au papier ce qu'elle ne peut dire: le secret qui l'étouffe, ses frustrations de femme et d'épouse, ses peurs de mère.

    Merveilleux tableau que cette scène d'intérieur toute en détails, en nuance et en mystère. Ces mystères, Gaëlle Josse s'en empare pour donner une voix à cette femme dont on ne connaîtra jamais le visage: Magdalena van Beyeren, épouse de l'administrateur de la Compagnie des Indes orientale dont elle n'a pu prendre la direction, mère et soeur.

    Exutoire de ses peines et de ses regrets, les pages de son journal dévoilent la vie foisonnante d'un port des Pays-Bas et le monde des armateurs. Mais si le tableau de cet univers est vivant, ce n'est rien à côté de celui que Magdalena peint d'elle-même, elle qui se sent tout doucement basculer du côté de la vieillesse et qui regarde sa vie présente au miroir des peurs et des espoirs de sa jeunesse. Il y a de la mélancolie, de la solitude, des frustrations, de la joie et de l'amour.

    C'est un texte tout en finesse, qui offre de beaux moments de poésie et dont la construction à partir de ce tableau est, à mon sens particulièrement intéressante. On est loin de l'histoire de l'art et des interprétations qui ont pu être données de cette oeuvre de de Witte, mais par le jeu du journal, Gaëlle Josse rappelle ce miroir, le mystère présent sous l'apparente tranquillité domestique tout en s'appuyant sur chaque détail pour donner corps à son récit. L'exercice est merveilleusement réussi.

    "Mais la vie est ainsi, elle recèle quantité de portes secrètes dont on ne soupçonne point l'existence, tant que nul événement ne vient y frapper. On se découvre alors un visage bien surprenant que l'on peine à accepter comme sien, tant il diffère de celui que l'on montre d'ordinaire, auquel chacun est accoutumé."

    Josse, Gaëlle, Les heures silencieuses, Le livre de Poche, 2012, 88p.