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Chiff' - Page 131

  • Rosier et romarin

     

     

    Pour la première réunion du Club des théières, le thème choisi était la nuit. J’ai donc, après moult recherches porté mon choix sur La nuit sous le pont de pierre de Léo Perutz. C’est un auteur que j’avais lu il y a fort longtemps et que j’avais envie de retrouver.

     

    La belle Esther, épouse de Mordechai Meisel le marchand rêve, nuit après nuit, d’un amour fou et profond. Elle rêve, mais dans le ghetto de Prague, qui peut dire ce qui est rêve et ce qui est réalité ?

     

    En 14 chapitre, 14 tableaux, Léo Perutz peint la Prague du 17e siècle. Les récits s’entrecroisent, les personnages se rencontrent, s’aiment, se déchirent, se trompent. Et progressivement, d’ellipses en détails l’histoire se dessine. Elle est celle d’un homme qui réussit, un homme a qui la richesse vient sans qu’il la recherche, un homme béni ou maudit, on ne sait guère, un juif sans qui l’empereur Rodolphe ne serait rien. Un homme dont l’unique amour le trompe sans le savoir.

     

    C’est un roman difficile à raconter comme il l’a été à suivre. Léo Perutz décrit un monde en se reposant sur le socle solide de l’histoire, mais y instille de la truculence, du fantastique, de l’humour, de la poésie et du drame. Plus qu’un roman, on a l’impression de se retrouver devant une série de contes.

    On y découvre Prague dans ses différents quartiers, son organisation sociale, ses traditions, on y découvre l’histoire d’un empire et de sa chute, on y découvre ce que pouvait être la vie de la communauté juive au 17e siècle en Europe de l’Est.

    Il est beaucoup question de la vie, de la mort et du rêve dans ce récit. L’histoire d’Esther notamment montre à quel point la différence peut parfois être difficile à faire entre la vie et le rêve. Cet amour avec Rodolphe, l’empereur, qu’elle croit rêver nuit après nuit est puni comme s’il était réel, comme si elle trompait sciemment son époux. Il est puni même si elle n’en est pas responsable, jouet qu’elle est devenue d’intrigues politiques. Car c’est le rabbin qui a fait en sorte que les deux amoureux se rencontrent ainsi nuit après nuit, en enchantant un rosier et un romarin. Et qui l’a fait pour protéger sa communauté d’un empereur tombé fou amoureux de la belle Esther entraperçue une fois au détour d’une rue.

    Rien n’est plus réel sous sa plume que les fantômes qui hantent le cimetière juif, rien n’est plus réel que la magie de rabbins versés dans la Kabbale.

    Quand à la mort, elle est une vieille compagne qu’on retrouve de chapitres en chapitres. Qu’on l’appelle, qu’on cherche à la fuir, qu’on la provoque ou qu’on la donne, elle est présente. Elle frappe certains, en épargne d’autres, et elle frappe aussi un monde qui vit ses dernières heures et dont la destruction finale est portée à la connaissance du lecteur.

    En même temps, rien de plus foisonnant que ces ruelles, ces rues, même promises à la mort, rien de plus vivant que ces palais, ces maisons, ces hommes, ces anges qui pleurent et ces fantômes qui dansent.

    Ce qui sous-tend cette œuvre, c’est aussi l’union impossible de deux mondes, union symbolisée par l’amour fou et tragique de Rodolphe et Esther.

     

    Tous les chapitres, toutes les histoires que conte Léo Perutz ne m’ont pas touchées ou plues. J’ai parfois trouvé les récits un peu longuets ou moins intéressants. Mais j’ai rêvé, j’ai ri, j’ai été émue aux larmes en le lisant. C’est un hommage superbe rendu par cet auteur à sa ville natale.

    J’ai eu envie de repartir à Prague, j’ai eu envie d’en savoir plus sur l’histoire de cette ville. C’est un magnifique classique, et un bon moyen de découvrir cet auteur.

     

    « Quand le vent du soir soufflait sous les ondes du fleuve, la fleur du romarin se blottissant un peu plus contre la rose rouge, et l’empereur qui rêvait sentait sur ses lèvres le baiser de l’amante de ses songes.

    -         Tu es venu fort tard, murmura-t-elle. J’étais couchée et je t’attendais. Tu m’as fait attendre bien longtemps.

    -         Je ne t’ai jamais quittée, répondit-il. J’étais couché et je plongeais mon regard par la fenêtre, dans la nuit, je voyais les nuages passer et j’entendais le murmure de la fontaine, j’étais si fatigué qu’il me semblait que mes yeux allaient se fermer d’eux-mêmes. Et tu es enfin venue me retrouver. »


    Léo Perutz, La nuit sous le pont de pierre, Le livre de poche, 1990

  • Carton rouge

     





    Jean-Victor a connu une ascension professionnelle fulgurante jusqu’au jour où il a raté une marche. Mais un Dominant ne peut que rebondir. Question d’honneur, mais aussi de survie. Parce que dans le monde impitoyable où vit Jean-Victor, rester à la traîne de ses petits camarades équivaut à une sentence de mort.
     
    Pour un premier roman, c’est une réussite. Bertrand Guillot fait preuve d’une plume acide, drôle et d’un sens de la formule qui fait mouche. Son récit est souvent drôle, parfois hilarant, et il est rare que l’on passe une page sans au moins sourire. Il fait d’ailleurs participer son lecteur par le biais de notes de bas de page, renvoi aux annexes, défis, etc. Cela donne une impression de complicité plutôt agréable.
    Le milieu de la communication, de la publicité et de la télévision est passé au crible. Superficialité, cruauté, compétitivité, mépris, rien n’est oublié. Les dessous des paillettes sont décrits sans concession mais toujours avec humour. Quand aux grandes écoles et aux jeunes loups qui en sortent, le portrait est plutôt juste pour ce que j’en sais, et j’en ai vu suffisamment pour le dire ! Le tout pourrait se contenter d’être un portrait à charge d’un certain monde professionnel, mais si l’ambition débordante de ces jeunes gens, leur absence totale de compassion, d’empathie pour le reste du monde, leur mépris pour les plus petits, leur arrogance est détestable, ils se révèlent plus attachants que ce à quoi on pourrait s’attendre. Et plus effrayant aussi.  Parce qu’on n’arrive pas vraiment à les détester. Après tout, ils jouent à la console comme tout lemonde, ils aiment le foot, les bonnes bouffes. Ils ont aussi du mal à se lever le matin et leurs histoires d'amours et de fesses sont souvent calamiteuses. Parfois ils s'aiment et se marient, d'autres fois ils se déchirent. Mais avec peut-être un peu plus de cynisme que la moyenne.
    Il faut que Jean-Victor passe de l’autre coté du miroir de la réussite pour regarder son petit monde avec des yeux plus critiques. Sa participation au jeu télévisé La Cible marque son passage aux Enfers, sa volonté de remonter la pente, et ses errements. Entre histoire d’amour, recherche d’emploi, soirées VIP, il porte un regard effrayant et pourtant très drôle sur le monde qui l’entoure. Il est pathétique, attendrissant, détestable, effrayant. Humain quoi !
    Sous un vernis d’humour, des thèmes plus profonds sont abordés. Je pourrais les énumérer en utilisant des poncifs comme fracture sociale, fonctionnement de l’entreprise, reproduction sociale, fonctionnement aberrant d’un monde du travail qui lamine les individus. Ils sont bien là et on les perçoit petit à petit sous le vernis de l’humour et le vitriol.
     
    Attention toutefois. Les qualités de ce roman sont aussi ses défauts. Paillettes, branchouille, accent sur la férocité du monde moderne, Bernard Guillot en rajoute parfois un peu trop. Mais ce n’est pas très grave. Le plaisir reste de le lire reste intact.

    Bertrand Guillot, Hors-jeu, Le Dilettante, 2007, 281 p.

     

  • Le club des théières, première!

    Aujourd'hui était le grand jour! Celui de la première réunion du Club des théières parisiennes! L'histoire est longue, si, si je vous jure trrrèèès longue! Donc, plutôt que de la résumer, je vous renvoie à l'article fondateur, ici et me contente de rajouter que la préparation de cette réunion a fourni l'occasion d'envoyer une petite centaine de mails, de lancer un défi M&M's, de cuisiner et d'essater désespérement de trouver le livre allant avec le thème choisi pour cette rencontre, soit "La nuit"! Le noir, les étoiles, tout ça et tout ça! Après nous être mises d'accord sur le fait que ce pouvait aussi bien être un livre sur le thème de la nuit qu'un livre dont le titre contient le mot "nuit", nous avons toutes fait (ou presque) nos devoirs!!
    Les livres choisis et présentés étaient aussi divers que les participantes. La table bien fournie en gâteaux et autres. Entre deux tasses de thé et deux parts de gâteau, il a été question d'Autant en emporte le vent, de Rhett, Viggo, Johnny et Colin. Le partage s'est fait entre les afficionados des bruns ténébreux, des blonds, des barbus et des moustachus! Il a évidemment été question  d'Angélique, défendue avec passion par Fashion Victim, de Janet (Evanovitch), Morelli et Ranger. Les débats ont été profonds sur les adaptations cinéma et télé édulcorées, le vieillissement des oeuvres de science-fiction, Roméo et Juliette en version sarcophage, la difficulté d'entrer dans le monde de certains auteurs. 
    Il y avait là Fashion Victim, Papillon, Caroline, Delphine, Emeraude, La Nymphette, Douja, Amy, Tamara. Autant vous dire que l'ambiance était au rendez-vous!
    Je ne donnerais pas plus de détails maintenant. Un blog est en préparation pour réunir nos contributions et plein d'autres choses!! Cétait en tout cas une superbe après-midi. J'espère qu'elle sera suivie de beaucoup d'autres!

  • Dans la peau d'un jeune homo

     
     



    Hugo a 14 ans et commence à comprendre qu’il n’est pas comme les autres garçons. Peut-être parce qu’il ne comprend guère leurs rites. Ou parce qu’il préfère lire. Ou parce qu’il aime des choses étranges pour un adolescent. Mais de là à accepter et à affirmer qu’il est homosexuel… Le voilà parti sur un long chemin. Est-il vraiment gay ? Mais d’abord, qu’est ce que c’est un gay ? Et comment sait-on qu’on en est un ? Est-ce que ça va lui passer ? Et à qui peut-il bien en parler ?
     
    Une bande dessinée drôle et assez fine sur la découverte de son homosexualité par un adolescent. On suit Hugo dans sa vie quotidienne : collège puis lycée, famille, ami(e)s, etc., et surtout dans ses questionnements intérieurs. Et comme Hugo ne manque pas d’humour sur tout ce qui l’entoure et sur lui-même, le récit ne manque pas de saveur. On le voit partir à la découverte de ses fantasmes, sortir avec une fille très garçonne qui le fait penser à un garçon quand elle est de dos, lire tous les dossiers traitant d’homosexualité, essayer de faire passer le message à une mère fermement décidée à ne rien voir et rien entendre.
    C’est souvent assez bien vu dans les comportements adolescents, dans une partie des réactions de son entourage. J’ai apprécié le fait que l’attitude des milieux religieux soit abordée avec un personnage de prêtre certain de pouvoir guérir ce penchant. Qu’il y ait un brin d’« histoire » sociale de l’homosexualité. Et aussi que l’hypocrisie douce de ceux qui acceptent l’homosexualité sans l’accepter ne soit pas passée sous silence.
    Malheureusement, on tombe parfois un peu dans le convenu : le happy end avec une famille relativement tolérante et le premier grand amour, le personnage du père ayant eu des relations homosexuelles dans sa jeunesse (hérédité ? Voilà qui renvoie quelque peu à certains débats) par exemple. Et la question de l’homophobie est un peu trop survolée.
    Le tout reste néanmoins agréable à lire. Le grand atout de cette bande dessinée est sans aucun doute de s’adresser à de jeunes adolescents homosexuels ou s’interrogeant sur leur sexualité, sans provocation et avec humour. Le récit est d’ailleurs servi par un dessin sobre en noir et blanc et un style qui ajoute au charme de personnages beaux et moches comme dans la vraie vie et à la drôlerie des situations.
    Une belle découverte.
     
    Hugues Barthes, Dans la peau d’un jeune homo, Hachettes littératures, 2007, 94 p.

     

  • Défi saga, le début de la fin de l'étape n°1!

     

    A ma grande honte, je n’ai que partiellement répondu au défi saga lancé par Fashion Victim, et je suis parmi les dernières dans le compte rendu de cette lecture ! Après moults réflexion au début de l'été, je me suis dit que j'allais me lancer dans ce Trône de fer dont on ("on" se reconnaîtra aisément s'il passe par ici) me vantait les mérites depuis un certian temps déjà! Et comme en plus le premier tome trainait sur une étagère... Bref! Je me suis lancée donc, et Ô honte, rage et tout ça, je n’ai lu que deux tomes sur 12 ! Mais je vais persister, c’est promis et je vous livre déjà mes commentaires sur lesdits deux premiers tomes !
     
    Petit résumé général tiré de la quatrième de couverture du premier tome :
    Il était une fois, perdu dans un lointain passé, le royaume des Sept Couronnes... En ces temps nimbés de brume, où la belle saison pouvait durer des années, la mauvaise toute une vie d'homme, se multiplièrent un jour des présages alarmants. Au nord du Mur colossal qui protégeait le royaume, se massèrent soudain des forces obscures ; au sud, l'ordre établi chancela, la luxure et l'inceste, le meurtre et la corruption, la lâcheté et le mensonge enserrèrent inexorablement le trône convoité. Pour préserver de l'ignominie les siens et la dynastie menacés se dresse alors, armé de sa seule droiture, le duc Stark de Winterfell, aussi rude que son septentrion natal. Mais, en dépit du pouvoir immense que vient de lui conférer le roi, son ancien ami Robert Barathéon, a-t-il quelque chance d'endiguer la tourmente qui se lève ?
     
    La question se pose en effet !
     




    Tome 1 : difficile à résumer. G.R.R. Martin pose le décor et présente les personnages. On découvre la structure un peu particulière de cette série. Chaque chapitre présente les événements du point de vue d’un personnage. Parmi les plus fréquemment rencontrés, Ned, le duc de Winterfell, Catelyn sa femme, Sansa et Arya leurs filles, Bran un de leurs fils, Jon le bâtard, Daenerys, fille déchue de la précédente dynastie au pouvoir, Tyrion le nain, fils du puissant seigneur Lannister apparenté à la famille royale, etc.
    Ce choix un peu déstabilisant au départ n’est pas si gênant au final puisque les personnages clés ne sont pas si nombreux et que l’on se retrouve assez rapidement parmi eux. Il est plus difficile de se repérer dans les méandres de l’histoire d’un monde que l’on ne décode que par petites touches. Mais Martin assume ce choix et le maîtrise complètement.
     
    Tome 2 : tout aussi difficile à résumer. Le royaume des Sept couronnes est déstabilisé par les luttes de pouvoir, les intrigues et les trahisons. Si les liens du sang sont encore garantie de loyauté, les choses se compliquent rapidement. D’autant que Daenerys découvre son héritage… Et que du nord, viennent d’étranges et dangereuses créatures.
    Ce deuxième tome tient les promesses du premier. Les événements se précipitent et s’entrecroisent, les personnages gagnent en complexité. N’est pas gentil qui l’on croyait l’être, et pas si méchant qui semblait l’être. La trahison et les compromissions trouvent des explications, sinon des excuses et l’ambition est révélée. Le merveilleux s’instille doucement dans ce qui n’était guère jusqu’alors qu’un monde médiéval type. Batailles et intrigues d’enchaînent sans réels temps morts et la politique est aussi intéressante que les combats.
    J’apprécie particulièrement la place importante tenue par des personnages féminins moins caricaturaux qu’il n’y paraît, et divers dans leurs caractères et leurs choix.
     
    A chaque fin de tome, Martin laisse un ou plusieurs personnages en fâcheuse posture et engendre un phénomène d’accoutumance que seule la hauteur de ma PAL me permet de juguler un peu ! J’ai hâte de découvrir la suite !