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bertrand guillot

  • Carton rouge

     





    Jean-Victor a connu une ascension professionnelle fulgurante jusqu’au jour où il a raté une marche. Mais un Dominant ne peut que rebondir. Question d’honneur, mais aussi de survie. Parce que dans le monde impitoyable où vit Jean-Victor, rester à la traîne de ses petits camarades équivaut à une sentence de mort.
     
    Pour un premier roman, c’est une réussite. Bertrand Guillot fait preuve d’une plume acide, drôle et d’un sens de la formule qui fait mouche. Son récit est souvent drôle, parfois hilarant, et il est rare que l’on passe une page sans au moins sourire. Il fait d’ailleurs participer son lecteur par le biais de notes de bas de page, renvoi aux annexes, défis, etc. Cela donne une impression de complicité plutôt agréable.
    Le milieu de la communication, de la publicité et de la télévision est passé au crible. Superficialité, cruauté, compétitivité, mépris, rien n’est oublié. Les dessous des paillettes sont décrits sans concession mais toujours avec humour. Quand aux grandes écoles et aux jeunes loups qui en sortent, le portrait est plutôt juste pour ce que j’en sais, et j’en ai vu suffisamment pour le dire ! Le tout pourrait se contenter d’être un portrait à charge d’un certain monde professionnel, mais si l’ambition débordante de ces jeunes gens, leur absence totale de compassion, d’empathie pour le reste du monde, leur mépris pour les plus petits, leur arrogance est détestable, ils se révèlent plus attachants que ce à quoi on pourrait s’attendre. Et plus effrayant aussi.  Parce qu’on n’arrive pas vraiment à les détester. Après tout, ils jouent à la console comme tout lemonde, ils aiment le foot, les bonnes bouffes. Ils ont aussi du mal à se lever le matin et leurs histoires d'amours et de fesses sont souvent calamiteuses. Parfois ils s'aiment et se marient, d'autres fois ils se déchirent. Mais avec peut-être un peu plus de cynisme que la moyenne.
    Il faut que Jean-Victor passe de l’autre coté du miroir de la réussite pour regarder son petit monde avec des yeux plus critiques. Sa participation au jeu télévisé La Cible marque son passage aux Enfers, sa volonté de remonter la pente, et ses errements. Entre histoire d’amour, recherche d’emploi, soirées VIP, il porte un regard effrayant et pourtant très drôle sur le monde qui l’entoure. Il est pathétique, attendrissant, détestable, effrayant. Humain quoi !
    Sous un vernis d’humour, des thèmes plus profonds sont abordés. Je pourrais les énumérer en utilisant des poncifs comme fracture sociale, fonctionnement de l’entreprise, reproduction sociale, fonctionnement aberrant d’un monde du travail qui lamine les individus. Ils sont bien là et on les perçoit petit à petit sous le vernis de l’humour et le vitriol.
     
    Attention toutefois. Les qualités de ce roman sont aussi ses défauts. Paillettes, branchouille, accent sur la férocité du monde moderne, Bernard Guillot en rajoute parfois un peu trop. Mais ce n’est pas très grave. Le plaisir reste de le lire reste intact.

    Bertrand Guillot, Hors-jeu, Le Dilettante, 2007, 281 p.