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homosexualité

  • Caresser le velours

     

    Nancy est promise au destin sans heurts d’une petite écaillère de Whitstable jusqu’au jour où, au music-hall, elle croise la route d’une chanteuse travestie en homme. Pour elle, c’est le début d’une vie  hors du commun.

     

    Voilà un court résumé qui ne rend pas justice au deuxième roman de mes vacances ! J’étais pourtant un peu craintive en l’ouvrant : j’avais beaucoup aimé Affinités et j’attendais beaucoup de son premier roman. Je n’ai pas été déçue : happée dès les premières lignes, je n’ai pas vu passer le voyage de retour !

     

    Petite biographie de l’auteur : Sarah Waters est britannique et titulaire d’une thèse en littérature anglaise. Après avoir été libraire puis enseignante, elle a publié en 1998 Caresser le velours, suivi en 1999 d’Affinité, puis de Du bout des doigts, et Ronde de nuit. Chacun est à sa manière un roman historique, un roman érotique, et une belle manière de découvrir l’univers du lesbianisme.

    Sarah Waters campe à merveille les atmosphères, les personnages, les décors. On se retrouve sous les feux de la rampe, on frémit dans les rues de Londres, on sent l’iode au bord de la mer. Et surtout, on suit passionnément les récits des amours de Nancy. C’est romantique, c’est quelque fois beau, c’est parfois extrêmement cru : de la découverte du premier amour à celle de la sensualité la plus débridée, Nancy va connaître une vie amoureuse chaotique avant de trouver l’apaisement, et enfin, des pareilles qu’elle. Rien de plus facile et difficile à la fois que d’être différent dans cette Angleterre victorienne si prude. La rigidité des carcans sociaux est compensée derrière les apparences par les débordements insoupçonnés que permet la richesse, et un militantisme qui va de pair avec les luttes ouvrières, syndicales et politiques. En tout cas, on a le sentiment à cette lecture que l’auteur est documentée et ne tente pas de faire à son lecteur un tableau de l’homosexualité par trop anachronique. Et surtout, Sarah Waters ne sombre pas dans le voyeurisme sans pour autant éviter de décrire en détail ce qui pour beaucoup reste du domaine de l’interrogation et parfois du dégoût : l’acte sexuel lesbien.

    Je regrette simplement qu’elle sombre par moment dans un romantisme fleur bleu qui alourdit la narration et rend finalement ses héroïnes moins attachantes et fascinantes qu’elles pourraient l’être. Ceci étant, elle ne cherche en rien à rendre ses héroïnes attachantes : Nancy est un parangon d’égocentrisme, Florence n’a pas le caractère facile, et Kitty avec ses atermoiements perpétuels et ses geignements agace !


    Un beau roman malgré tout, fortement conseillé!

    Des avis éclairés: 

     

     

     Sarah Waters, Caresser le velours, 10/18, 2003, 590 p.

     

     

    La bibliothèque du Dolmen, Eclats de dire!

  • La fille des Louganis

    9782742769018.jpg« C’est une histoire lourde, Pavlina. Douloureuse. C’est aussi une histoire très belle. Faite d’amours fortes, de mort et de vie. »
    Pavlina aime son cousin Aris sans savoir que leur père est le même, ce père mort en mer avec son frère. La fille qu’elle aura d’Aris sera confiée à l’adoption. Arrachée à son île, immigrée en Suisse, elle n’aura de cesse de chercher cette enfant de l’amour fou.
     
    Dans les paysages brûlés de soleil des îles grecques, Metin Arditi offre à ses lecteurs une tragédie familiale où l’on trouve les échos de la mythologie et des pièces de théâtre antiques. Deux couples, deux enfants du même père, le meurtre, l’inceste et l’abandon, le pardon et la rédemption. C’est l’histoire d’un amour, d’une haine, et de la faiblesse humaine.
    La fille des Louganis est un roman profond, poignant. On y trouve quelques longueurs, quelques facilités et situations tirées par les cheveux, des stéréotypes, mais les paysages et les personnages compensent aisément cela.
    Dans la première partie du roman, on voit la mer brillant sous le soleil de plomb, les maisons, les barques de pêche puis la ville. On sent les odeurs d’iode, d’herbe brûlée par la chaleur. On perçoit les regards lourds de sens qui s’échangent entre Aris et ses amants, entre Pavlina et Aris, entre Pavlina et sa mère Magda.
    Tous se débattent : Aris dans ses amours interdits, Pavlina dans cet amour sans issue qu’elle ressent pour son cousin, Magda dans la culpabilité de s’être donnée à son beau-frère pour avoir un enfant, le prêtre dans les confessions de ses fidèles. Même la famille de substitution que trouve Pavlina sur le continent après l’abandon de sa fille est déchirée par les tensions, les souffrances et la culpabilité.
    Tous se débattent et cherchent un moyen de vivre malgré le poids de la culpabilité : l’issue, ils la trouvent dans l’amour, le fatalisme, la foi… Dans les familles qu’ils se créent pour retrouver un peu de chaleur dans l’exil.
    Pavlina est un personnage complexe : l’adolescente sensuelle, entière a choisi la voie la plus difficile, celle qui lui donne l’espoir d’assouvir son amour pour Aris. Ce choix, la femme le paie par une souffrance tellement intense qu’elle la mène au bord de la folie. Pendant 15 longues années, elle va vivre au bord de sa vie, jusqu’à la rupture qui va l’amener, enfin, à se demander si les liens d’amour ne sont pas plus importants que les liens du sang, si le besoin réciproque que deux personnes peuvent avoir l’une de l’autre n’est pas plus fort que le sang partagé. Le style d’Arditi traduit à merveille les pensées de Pavlina et sa douleur. Pas de sentimentalisme, juste les hésitations et les choix d’une poignée de personnages attachants et l’intensité d’une histoire d’amour et de filiation.
     
    « Ce qui fait la dignité d’un homme, dit le père dans son homélie, c’est sa capacité à vivre avec ses péchés. A les affronter debout. Ses péchés […] et ceux des autres ! Ce ne sont pas nos fautes que le seigneur condamne, ajouta Kosmas. C’est notre manque de charité. Il y a des péchés d’où s’échappent de merveilleux reflets d’amour. »
     

    MetinArditi, La fille des Louganis, Actes Sud, 2007, 237 p.

  • Dans la peau d'un jeune homo

     
     



    Hugo a 14 ans et commence à comprendre qu’il n’est pas comme les autres garçons. Peut-être parce qu’il ne comprend guère leurs rites. Ou parce qu’il préfère lire. Ou parce qu’il aime des choses étranges pour un adolescent. Mais de là à accepter et à affirmer qu’il est homosexuel… Le voilà parti sur un long chemin. Est-il vraiment gay ? Mais d’abord, qu’est ce que c’est un gay ? Et comment sait-on qu’on en est un ? Est-ce que ça va lui passer ? Et à qui peut-il bien en parler ?
     
    Une bande dessinée drôle et assez fine sur la découverte de son homosexualité par un adolescent. On suit Hugo dans sa vie quotidienne : collège puis lycée, famille, ami(e)s, etc., et surtout dans ses questionnements intérieurs. Et comme Hugo ne manque pas d’humour sur tout ce qui l’entoure et sur lui-même, le récit ne manque pas de saveur. On le voit partir à la découverte de ses fantasmes, sortir avec une fille très garçonne qui le fait penser à un garçon quand elle est de dos, lire tous les dossiers traitant d’homosexualité, essayer de faire passer le message à une mère fermement décidée à ne rien voir et rien entendre.
    C’est souvent assez bien vu dans les comportements adolescents, dans une partie des réactions de son entourage. J’ai apprécié le fait que l’attitude des milieux religieux soit abordée avec un personnage de prêtre certain de pouvoir guérir ce penchant. Qu’il y ait un brin d’« histoire » sociale de l’homosexualité. Et aussi que l’hypocrisie douce de ceux qui acceptent l’homosexualité sans l’accepter ne soit pas passée sous silence.
    Malheureusement, on tombe parfois un peu dans le convenu : le happy end avec une famille relativement tolérante et le premier grand amour, le personnage du père ayant eu des relations homosexuelles dans sa jeunesse (hérédité ? Voilà qui renvoie quelque peu à certains débats) par exemple. Et la question de l’homophobie est un peu trop survolée.
    Le tout reste néanmoins agréable à lire. Le grand atout de cette bande dessinée est sans aucun doute de s’adresser à de jeunes adolescents homosexuels ou s’interrogeant sur leur sexualité, sans provocation et avec humour. Le récit est d’ailleurs servi par un dessin sobre en noir et blanc et un style qui ajoute au charme de personnages beaux et moches comme dans la vraie vie et à la drôlerie des situations.
    Une belle découverte.
     
    Hugues Barthes, Dans la peau d’un jeune homo, Hachettes littératures, 2007, 94 p.