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Littératures anglo-saxonnes - Page 18

  • Mais que lisait donc Saint-Patrick?

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    La campagne irlandaise. Une carte postale dans laquelle Mary est régulièrement violée par son père. A 14 ans elle est enceinte. Et bascule dans un autre cauchemar quand son village puis l’Irlande apprennent sa tentative d’aller avorter en Angleterre.
     
    Ce roman est inspiré d’un fait divers qui a agité l’Irlande dans les années 1980. Ceci dit, l’avortement est un sujet encore et toujours d’actualité en Irlande comme ailleurs.
    Tout comme l’est l’hypocrisie de sociétés qui refusent de regarder en face la violence faite aux femmes.
    Ce que raconte Edna O’Brien, c’est l’horreur qui peut survenir dans une vie, soudainement, c’est le poids d’un secret vécu comme honteux pour une adolescente dont l’avenir a été brisé par un père violent. C’est la difficulté de faire face quand on sait que le monde auquel on appartient n’aura aucune pitié. Et en effet, il n’en a aucune de pitié : la réaction des femmes du village quand elles apprennent la grossesse et la tentative d’avortement de Mary est de ces réactions qui tordent l’estomac et qui rappellent qu’en chacun de nous dort un être mesquin et mauvais. Condamnations, rumeurs, médisances, rien n’est épargné à la jeune fille.
    Mais le pire n’est sans doute pas cela. On voit se dessiner à travers cette histoire le portrait de femme profondément convaincues que l’avortement est un pêché mortel et dont la foi, pour être profonde sur ce point précis, ne les empêche pas d’avoir des comportements fort peu chrétiens. Et de faire subir à la jeune fille des violences physiques et psychologiques atroces.
    Plus que l’inceste, c’est cela qui brise Mary : « Les gens étaient affreux, les gens étaient dangereux, les gens étaient prêts à vous crucifier, les gens qu’on connaissait et qu’on ne connaissait pas. Ce dernier constat était peut-être le plus terrible de tous et le plus effroyable. Peut-être que c’était ça qu’on entendait par vieillir, ce n’était pas les années mais le savoir. Elle l’avait maintenant. »
    Bien que sachant que les femmes sont parfois les plus durs des bourreaux envers elles-mêmes et leurs semblables, j’ai reçu ces personnages comme autant de coups de poings.
    En tout cas, on découvre à quel point l’avortement est une question qui déchaîne les passions en Irlande. Mary devient un enjeu national. Son cas étant porté devant les tribunaux, des juges doivent décider, mais surtout, les idéaux, les croyances, les manières de vivre s’opposent et se confrontent, tous essayant d’utiliser cette histoire pour parvenir à leurs fins, sans jamais prendre en compte la souffrance de l’individu.
    Heureusement que l’espoir reste, à travers la rencontre de personnes, hommes et femmes, qui ne cherchent pas à faire le bien de Mary. Qui se contentent de l’aider et de la soutenir quelques soient ses choix.
    C’est donc un roman, dur, fort. Il pâtit néanmoins à mon sens d’un style difficile, et surtout d’une narration éclatée. Les points de vue d’un grand nombre de protagonistes sont utilisés, sans que des indications de temps et de lieux permettent de se retrouver. J’ai donc eu l’impression de sauter du coq à l’âne à plusieurs reprises et de me perdre dans les méandres des courts chapitres. Ce qui ne m’a pas aidé à le terminer !
     

    Edna O’Brien, Tu ne tueras point, Le livre de poche, 1998, 276 p.
  • Sous le soleil de Toscane

     
    undefinedFrances Mayes est un jour tombée en amour avec la Toscane et a pris la décision, avec son compagnon, d’y acheter une vieille maison. De travaux de restauration en découverte de la cuisine locale, de visites de musées étrusques en balades dans les vieilles rues sinueuses, elle raconte cette histoire.
     
    Sous le soleil de Toscane est un roman léger et agréable à lire. Les récits de Frances Mayes m’ont sans doute d’autant plus touchée que je connais un peu la région pour y avoir passé à plusieurs reprise des vacances. En tout cas, par petites touches, elle parvient à faire partager au lecteur ses surprises, ses coups de sang, ses bonheurs petits comme profonds. Car si elle doit faire face à une multitude d’aléas, elle ressent aussi une joie qui coule dans ses mots. Et un épicurisme qui a pour résultat une description de la cuisine et de l’art de manger qui ne peuvent que parler à la gourmande que je suis ! D’autant que c’est finalement une cuisine assez proche de celle de ma région à quelques exceptions près ! Des idées de plats et desserts naissent à chaque description de repas et elle a en plus la gentillesse de donner quelques unes de ses recettes préférées ! J’ai d’ailleurs constellé l’exemplaire de maman Chiffon avec du vinaigre balsamique en tentant les poivrons au vinaigre (pas mauvais du tout) !
    Le tout donne un paysage italien en teintes pastels, traversé par moment de la lumière forte et violente des étés de là-bas. Et provoque un sentiment de douce nostalgie bien étrange puisque je ne suis pas plus toscane qu’italienne ! L’envie sans doute de pouvoir aussi un jour prendre le risque d’une vie différente dans un pays étranger.
    Ceci dit, on peut reprocher au récit des longueurs. L’essoufflement gagne dans le dernier tiers. A trop en raconter, Frances Mayes se répète et c’est dommage. Du coup, le ressenti est inégal.
     
    La Nymphette, Allie donnent leur avis! 
     
     

    Sous le soleil de Toscane, Frances Mayes, Folio, 1999, 459 p.

     
  • Une demoiselle comme il faut

     

     
     
    9782267019292-f.jpg  Ianthe Broome est bibliothécaire, célibataire et a trente ans passé. Son avenir de vieille fille soutien de la paroisse semble tout tracer. Personne ne la voir autrement, surtout pas dans le quartier de Londres où elle vient d’acheter une petite maison… Personne ? Pas si sur ! Car soudainement les demandes en mariage se succèdent et la concurrence se fait rude avec la sœur de la femme du pasteur !
     
    J’ai entendu qualifier Barbara Pym de Jane Austen du 20e siècle. Si l’austenephile que je suis ne peux totalement signifier son accord, il faut dire que l’on retrouve dans l’œuvre de cet auteur britannique l’ambiance des romans de Jane Austen. Tasses de thé, pasteurs, réunions de paroisse, course au mariage. Mais les pasteurs sont de doux rêveurs, leurs femmes de douces dingues, les vieilles filles filent vers des cieux meilleurs avec d’affreux étrangers, les fonctionnaires cachent des mœurs étranges. J’en passe et des meilleurs. Un petit brin de folie en plu donc ! On retrouve aussi ces dilemmes entre amour et raison, cette critique voilée des conventions sociales, ce regard moqueur mais tendre sur un petit monde persuadé de son importance.
    S’il ne se passe pas grand-chose dans ce roman (le summum de l’aventure est un voyage paroissial à Rome, c’est dire), on est cependant happé par des personnages attachants, vivants dans leurs petites contradictions. Des personnages humains, des gens « bien », charitables, respectant les convenances mais qui cachent leurs bizarreries, leurs petites mesquineries et des opinions sur les choses et les gens qui sont bien loin des recommandations bibliques. Des gens qui vivent dans une Angleterre des années 60 agitée par des changements qu’ils ont du mal à comprendre. C’est peut-être ce que j’ai préféré dans ce roman : ces gens qui vivent encore comme au début du siècle, à côté de la modernisation. Cet entre-deux où cœxistaient encore la vieille Angleterre et la nouvelle.
    Et puis Ianthe comme sa rivale Pénélope sont attendrissantes dans leurs atermoiements sentimentaux. Par certains aspects, on dirait des adolescentes d’aujourd’hui, plus prude sans aucun doute, mais traversées par les même élans. Par d’autres, elles sont bien plus proches des femmes du 21e siècle que ce que l’on pourrait penser… Même dilemmes, mêmes souffrances, mêmes peurs. Les choses n’ont pas tant changé…
     
    Et puis, la bibliothécaire en moi, s’est réjouie du portrait sans concession de la profession ! Des bibliothécaires raidis de poussières et de fiches, féroces aboyeurs ! Quand au regard du monde sur la pauvre bibliothécaire… Quel plaisir !
     
    Jugez plutôt : « Cette bibliothèque est à l’usage des lecteurs dignes de confiance. Le bibliothécaire se réserve le droit d’en interdire l’accès. » Autres temps, autres mœurs !
     
    Ps : la description des relations entre anglicans et catholiques est d’actualité ! Comment comprendre sinon le battage autour de la conversion au catholicisme de ce vieux Tony !

    Barbara Pym, Une demoiselle comme il faut, Christian Bourgois éditeur, 2007, 318 p.
  • Arsenic et robes empire

    2264025247.jpgLady Susan est veuve, coquette, intriguante et rusée. Encore belle pour ses trente-cinq ans, elle sème le trouble partout où elle passe. Contrainte d’aller se faire oublier quelques temps chez le frère de feu son époux, elle y capture le cœur du frère de sa belle-sœur, tente de marier sa fille contre son gré, et de refaire sa propre fortune bien mise à mal…
     
    Lady Susan est un court roman épistolaire que je trouve assez original dans l’œuvre de Jane Austen. On est loin des personnages de jeunes filles à marier, intelligentes et rusées, certes, mais encore innocentes et surtout, à la moralité sans faille. A peine si on en retrouve un écho dans le personnage de Frédérica, la fille de lady Susan. Celle-ci est une femme sans scrupule. Cynique, brillante, égoïste, mauvaise mère et sans aucune pitié, elle est rien moins qu’antipathique. Je l’ai bien aimé, à rebours de l’effet escompté. Jane Austen fait un portrait étonnant d’un type de femme qu’elle a du observer dans la société qu’elle fréquentait, un type de femme qu’elle ne peut que condamner pour des raisons de bienséance et de morale. Mais si l’on y regarde de plus près, Lady Susan est surtout une femme qui utilise les moyens qu’elle a à sa disposition pour survivre, et continuer son chemin dans une bonne société qui pardonne difficilement aux femmes la beauté, l’intelligence et, surtout, l’indépendance. 
    Son aplomb, son éloquence sont mis à mal par la situation dans laquelle elle se retrouve par sa propre faute. Mais imaginez le scandale si cette femme immorale (je dirais amorale pour ma part) était parvenue à ses fins sous la plume de cette jeune femme fille de pasteur!
    Lady Susan est une œuvre de jeunesse qui n’est pas exempte de défaut : très courte, avec des personnages secondaires palots, une conclusion pour le moins abrupte. Mais on y retrouve déjà l’humour et l’ironie de Jane Austen (l’ouverture est un modèle du genre), l’acuité extraordinaire de son regard, la finesse de sa perception de la nature humaine, des relations humaines et amoureuses.
    L’utilisation de la forme épistolaire, unique dans son œuvre donne aussi à Lady Susan un aspect agréable, un rythme soutenu et permet un entrecroisement riche des points de vue des différents personnages. On en vient à regretter que ce n’ait pas été un brin plus long, histoire de savourer cette délicieuse histoire plus longtemps, au coin du feu avec une tasse de thé et quelques scones…
     
     

     

  • Précarité quand tu nous tiens!

    arton5895-9a3e4.jpgA la fin de son parcours universitaire, Iain Levison exerce une somme incroyable de petits boulots dans plusieurs Etats. Ce sont ces expériences qu’il relate dans ce récit : 42 emplois en dix ans. Des expériences qui, les unes après les autres, vont l’éloigner de son rêve ordinaire de maison et de famille.
    Pas de plainte, pas vraiment d’amertume dans ce récit. Juste un constat, celui d’un combat permanent pour la survie, pour ne pas se retrouver parmi les plus pauvres des plus pauvres, sans domicile fixe.
    Bien sûr c’est un constat fait avec une certaine drôlerie. Iain Levison ne manque pas d’humour. Ses mésaventures de serveur soûlant un mineur dans un patio sous la neige, de pêcheur en Alaska ou de livreur de fuel ne manquent pas de sel. Mais il y a dessous un constat noir de la situation sociale aux Etats-Unis. Le monde dans lequel vit Iain Levison est un monde où les hommes sont interchangeables et où il n’y a aucune compassion ni compréhension. Du coup si parfois on rit, c’est jaune. D’autant que lui manie aussi plus souvent le cynisme que l’humour.
    Pour ma part, je dois admettre que je n’ai pas franchement apprécié cette œuvre. J’avais entendu parlé des autres œuvres de cet auteur et je m’attendais à autre chose. J’ai trouvé cette accumulation d’expériences un peu fastidieuse, parfois un peu ennuyeuse. Manquant de rythme tout simplement. Je suis allée au bout pour la simple raison qu’il le fallait, par respect pour celui qui tenait la plume et pour les travailleurs dans la même situation que lui. Et aussi parce que c’est un tableau qui fait froid dans le dos d’un système qui risque d’arriver un jour où l’autre chez nous. Ceci dit, si le style adopté par l’auteur voulait faire ressentir au lecteur l’ennui, l’apathie, son acceptation de sa situation par le narrateur, c’est réussi !
    Je ne m’avoue donc pas vaincue par ce semi échec ! Je lirai les romans de monsieur Levison.
     Les avis plus ou moins enthousiastes de Laurent, Cunéipage, Michel.
    Une interview intéressante de l'auteur ici!

    Iain Levison, Tribulations d’un précaire, Liana Levi, 2007, 186 p.