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tourte aux épluchures

  • Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

    Que dire, que dire qui n'ai pas déjà été dit par une partie de la blogosphère...

    Reprenons donc du début. 1946, Londres, Juliet, la petite trentaine, célibataire s'interroge sur ce que va bien pouvoir raconter son prochain roman, court le pays pour la promotion de celui qui est déjà en librairie, se dispute avec son éditeur et cherche à découvrir qui peut bien être le mystérieux admirateur qui l'inonde de bouquets. Une petite vie somme toute tranquille qui va changer radicalement lorsqu'elle va recevoir une lettre d'un habitant de Guernesey, membre du mystérieux cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patate. Commence alors une correspondance assidue avec les membres du cercle qui va la mener sur des chemins dont elle ne soupçonnait pas l'existence.

    Mary Ann Shaffer est une sorcière. En quelques lettres, elle attrape le lecteur et l'attache sans porte de sortie aucune à l'histoire dont elle tisse la trame avec humour et tendresse. On rit, on verse quelques larmes, on s'enthousiasme, bref, on vit au rythme des lettres échangées. On y entend parler de la guerre et de ses horreurs, des difficultés de l'après entre ravitaillement et deuil, du bonheur de vivre encore et de profiter des petites choses de la vie, de l'amitié qui peut lier des êtres qui n'ont rien en commun, et de la force de la littérature face au pire.

    "J'aurais aimé connaître ces mots le jour où j'ai regardé les avions allemands atterrir les uns après les autres, et leurs navires déverser des soldats jusque dans notre port! Je n'arrêtais pas de me répéter: "Maudits soit-ils, maudits soit-ils." Je crois que penser au "jour radieux décline et nous entrons dans les ténèbres " m'aurait un peu consolé. Je me serais senti mieux préparé pour affronter la situation; au lieu de quoi mon coeur s'est liquéfié."

     Le ton est juste, enlevé, prenant, les personnages attachants. Isola, ses potions, sa perruche et son amour pour les soeurs Brontë, John Booker et sa passion pour le théâtre et Sénèque, Dawsey qui lit Charles Lamb dans sa grange, Amélia, Eben et son petit-fils, Sidney l'éditeur,.. Elizabeth, la grande absente, si présente encore dans les coeurs et la vie de tous. A tous, la littérature a amené ce qui manquait. Le courage de faire face, le plaisir de partager, un soutien face à la peine. Mary Ann Shaffer et Annie Barrows montrent tout leur amour des lettres et des écrivains (comment ne pas aimer un Oscar Wilde qui invente une vie de chat pour consoler une petite fille) dans leur roman. C'est un bel hommage aux livres et aux pouvoirs de la lecture. Saviez-vos d'ailleurs que les livres ont une vie propre?

    "Peut-être les livres possèdent-ils un instinct de préservation secret qui les guide jusqu'à leur lecteur idéal. Comme il serait délicieux que ce soit le cas."

    On peut en tout cas le supposer quand on voit les fabuleuses rencontres qu'ils permettent.

    Les auteurs n'en oublient pas pour autant de brosser un tableau juste des années de guerre. Années noires, mais surtout grises où le pire et le meilleur des hommes se révèle sans que le fait qu'ils soient dans le camp des gentils ou des méchants ne signifie quoi que ce soit. En filigrane, c'est de l'occupation, de la collaboration, de la résistance, des camps de concentration dont il est question. Et c'est un très beau portrait de femme et d'amour qui se dessine lettres après lettres. Parce que c'est aussi l'histoire d'Elizabeth qui est racontée par petites touches, femme de conviction, de courage et femme amoureuse de l'ennemi.

    J'ai gardé de cette lecture sa chaleur, son humour, son authenticité. C'est un roman doudou à conserver précieusement pour les jours de pluie.

     "Qu'est-ce que tu as bien pu raconter à Isola? Elle s'est arrêtée ici sur le chemin du manoir, où elle allait chercher Orgueil et Préjugés et m'a grondée de ne lui avoir pas parlé d'Elizabeth Bennet et de Mr Darcy. Pourquoi ne pas lui avoir dit qu'il existait des histoires d'amour sans hommes déséquilibrés et sans cimetières? Que lui avions-nous caché d'autre? Je me suis excusée pour cet oubli et je lui ai confirmé qu'Orgueil et Préjugés était l'une des plus belles histoires d'amour jamais écrites - et que le suspense la tiendrait en haleine jusqu'à la fin."

    Retrouvez les avis de Tamara, Fashion, Emjy, Delphine, Karine:), Brize, Caro[line], Stéphanie...